Coiffé du magnifique bonnet qu'Alexis venait de lui poser sur la tête en toute délicatesse, Erwin se retourna, un sablé entre les dents. Il vit alors que Léo avait reculé, l'air peu rassuré.

"Désolée, j'en ai qu'un seul. Tu veux que j'aille en chercher un deuxième ou... ?"


Erwin ponctua les mots de la demi-déesse d'un haussement de sourcil vantard avant d'avaler son biscuit. Le fils d'Hadès disparut sans demander son reste avant même de répondre.

"Ca lui irait quand même pas mal, un bonnet. Il aurait un peu l'air du Grinch comme ça."

Alexis fouillait la pièce du regard. Erwin déposa son verre sur la table du buffet et glissa ses mains contre les siennes, dans les poches bien trop larges de son pull, et il sentit les contours du petit paquet qu'elle triturait. Son visage s'illumina. Il n'était pas sûr, en poussant Alexis à s'inscrire au Secret Santa, que la fille d'Arès jouerait le jeu. Même si elle faisait souvent les choses avec sérieux, rien ne l'obligeait à offrir quelque chose à qui que ce soit, et elle aurait aussi bien pu "oublier" son cadeau.

"Ohoh, est-ce que j'ai le droit de savoir qui Mère Noël a-t-elle pioché ? Sauf si c'est moi, alors tu me le dis pas, ce serait pas marrant."

Devant le haussement de sourcil de la sang-mêlé, Erwin comprit que son idée n'était pas la plus brillante. Elle ne dirait rien, qu'elle l'ait pioché lui ou quelqu'un d'autre. Le fils de Poseidon passa doucement son bras autour de la taille d'Alexis.

"On peut aller déposer nos cadeaux sous le sapin, si tu veux. Ca nous évitera de chercher un visage qu'on connaît pas."

Clayton grimpa les quelques marches de la Grande Maison avec enthousiasme. Les restes d’un rire peinait à partir de son visage. La vue de sa centurion se vautrant au loin sur une plaque de gel avait été un délicieux spectacle. Son ventre lui faisait encore mal. Quoiqu’il se gardera de lui en faire la remarque pour l’instant - le brun ayant potentiellement voyagé sans l’avertir au préalable. Oops.

Calypso. Ce nom, inscrit sur le bout de papier, ne lui avait rien dit lors du tirage au sort. Le romain s’en était contenté d’un haussement d’épaule. De toute façon, il n’avait pas son matériel sous la main, alors l’inconnue allait devoir se contenter de ce qu’il avait pu… Emprunter. Ses doigts viennent effleurer le petit paquet cadeau dans la poche ventrale de son sweat vert lutin.

Le salon de la Grande Maison était rempli, les festivités déjà bien entamées. Clayton se glissa dans la foule de visages inconnus sans objectif précis en tête. Cela dit, est-ce qu’il était possible de manger avant que son estomac ne s'auto-digère ?

Ses pieds trouvèrent rapidement le chemin du buffet parsemé de petits apéritifs divers et variés. Parfait. Une tête familière attira son attention ; Clayton reconnut le grand dadais du bar de l’autre jour, Erwin. Il le salua d’un coucou enjoué de la main. Léchant un reste de sauce sur son pouce, son regard se perdit paresseusement dans la mare de visage. Ça ressemble à quoi une Calypso ?

Cassandre suivait Jaden comme son ombre. Il adorait l'hiver, l'ambiance de Noël, les lumières, les odeurs, tout une effervescence qui se rapprochait fortement de Yule. C'était une fête chrétienne dont il ne comprenait pas franchement l'idée mais, juste quelques jours après ses propres célébrations, il aimait pouvoir partager librement les bonnes énergies du solstice d'hiver et surtout qu'on lui rende l'appareil. Pendant quelques jours, le temps d'un mois si particulier, la planète semblait s'arrêter et les gens se regardaient véritablement enfin pour la première fois de l'année. Mais aussi chouette que cela puisse être en théorie, aussi cosy que cela rendait dans les films ou en photo, cela s'accompagnait de tout un tas de trucs qui s'étaient chargés de le faire angoisser toute la semaine.
Il avait trouvé un cadeau pour le secret santa, mais il ne connaissait de la jeune femme que ce que l'on racontait dans les couloirs. Son talisman allait-il lui plaire ? Se juger était devenu son pain quotidien et la joyeuse humeur de Jaden n'y pouvait rien.
A peine avait-il fait ses premiers pas dans le cercle invisible de la soirée qui s'annonçait, qu'il regrettait de n'être un fils de Zeus capable de disparaître en fumée. Et sa Brume n'avait rien pour le rendre plus invisible. Elle rayonnait de stress comme un sapin de Noël. Alors, il s'était contenté de suivre les pas de son amie, sans un mot. Il s'était autorisé la liberté de changer d'hôte en avisant June plus loin avec les autres chasseresses et avait filé la parasiter. Il était très heureux de la voir mais ce qui l'intéressait le plus était sa compagnie, la fameuse amazone. Et comme il s'y attendait, il s'était ridiculisé avec un talent tout particulier.
Il avait fixé son menton, incapable de monter plus haut son regard, lui tendant à bout de bras un sachet au papier vert forêt décoré de flocons bleus qui avaient légèrement déteints dans ses mains moites. Sa Brume l'avait engloutis tandis qu'il avait bégayé quelques mots.
《Sa…sa…sa…salut, c'est un cad…cadeau qui te..te…te...te...te protégera au comb…comb… au combat, j'espère qu'il te…te…te…te plair…plair…plair…plaira. Salut Ju…ju…ju…ju…june. 》, avant filer se cacher à l'autre bout puisqu'il ne pouvait aller plus loin de ce moment gênant.

Je n'avais pas décroché un mot. Ni lorsque June m'avait annoncé que mon nom figurait sur cette liste idiote, ni lorsqu'elle m'avait confié celui à qui je m'étais retrouvé obligé de faire un cadeau. Pas non plus lorsqu'il avait fallu se retrouver face à l'entrée de la Colonie des Sang-mêlées. Ni lorsque j'avais reconnu la voix de Paloma parmi le groupe des chasseresses ou lorsque j'avais senti la barrière protectrice du camp. Au début, je n'avais pas envie de parler. Comme d'habitude, la colère avait fait son nid bien douillet au fond de mon ventre puis elle s'était lentement muée en appréhension. Puis ma gorge s'était faite sèche de peur. Retourner là-bas me semblait un chemin de croix pavé de verre.

Et j'aurais presque préféré que cette métaphore se fasse réalité plutôt que l'humiliation de franchir cette barrière. Heureusement, j'avais pour moi la chance de ne pouvoir voir aucun de leurs visages sombres et grimaçants, ni leurs yeux avides et leurs canines brillantes. J'entendais leurs ricanements, leurs chuchotements, leurs souffles et je savais de quoi ils parlaient, je savais ce qu'ils voyaient et ne voyaient pas. Et je pouvais toujours prétendre que rien ne me concernait, cligner des yeux comme si j'en avais besoin et continuer à traîner ma carcasse dans le sillage de June.

Mais à peine dans la grande maison, j'en reconnaissais l'odeur et je sentais la pièce tourner dans mon esprit. Mes souvenirs tentaient d'en faire une image mentale, mais j’avais déjà oublié où se trouvait l'entrée. Je savais juste que l'on était très nombreux et que le sapin ne devait pas être bien loin, car ses grelots sonnaient à chaque mouvement. Prudemment, je m'approchais jusqu'à sentir ses épines, avant de glisser la grosse boîte de carton grossièrement déclrée qui encombrait mon sac à dos. C’était June qui s'était chargée d'y écrire le prénom pour qu'au moins, le pauvre Erwin ne galère pas trop en découvrant le chef-d'œuvre que je lui dédiais.

Repartir dans un coin s'avérait plus ardu et la fâcheuse impression d'être à nouveau coincé sur cette autoroute entre ces demi-dieux n'aidait certainement pas. Mais j'atteignais le buffet et me laissais tomber sur une chaise, épuisé. Béquilles d'un côté, pain d'épice dans le bec, sac de l'autre, j'entreprenais mon activité favorite de ces dernières semaines : masser mes jambes endolories.

Objectif : déposer le cadeau de l’inconnue au pied du sapin, faute de n’avoir pas pu découvrir son identité. Avait-il pris la peine de chercher plus de deux secondes ? Non. Flemme. L’énorme sapin de Noël bordé de cadeaux lui avait fait prendre conscience qu’il n’avait qu’à abandonner son paquet là-bas. Clayton mit plus d’une quinzaine de minutes pour s'y rendre. Non à cause du monde sur le trajet que par les fascisantes créatures sur lesquelles son regard n’arrêtait pas de s’accrocher, accaparant toute son attention. Est-ce que c’est un nuage de couleur qui poursuit un blond au loin ? Oui, c’est ça… Trop cool.

Tandis qu’il dépose son présent, le regard du brun accroche une petite boite. "Clayton". Curieux, le brun ouvre le couvercle. Un stylo. Noir. Deux petites pièces. Un mot d’excuse. Sa mine surprise se transforme rapidement en perplexité… Avant d’éclater de rire. Un stylo. Pour Noël. Et lui qui penser avoir fait un cadeau pourri, il a vraiment trouvé un champion ! Une perle rare. Ça a le mérite de le rassurer sur les chaussons rouge vif de rennes bien kitch qu’il vient d’offrir. Refermant le couvercle, essuyant d’un revers de main ses yeux, Clayton embarque tout de même la boite dans sa poche. Ses dessins seront faits au style bic noir pendant un moment.

Vautré sur une chaise, un handicapé avec un intérêt maladif pour ses jambes avachit pas loin, Clayton a effectué une retraite stratégique près du buffet. À manger sous la main, un carnet de croquis sur la cuisse pour noter des idées et l'observation des curieux phénomènes que ses yeux pouvaient accrocher. C’était définitivement une bonne soirée.

June observa avec amusement les interactions entre Alicia et Rhylan. Ce petit instant volé lui rappelait leurs années de chasse ensemble et un sentiment de bien-être l’enveloppa. Ce dernier s’intensifia à l’arrivée de Cassandre qui tendit alors un petit paquet à l’Amazone. Décidément, le monde est fait d’une drôle de manière.

June s’excusa auprès de ses comparses et se dirigea auprès de celui dont elle a tiré le nom quelques semaines plutôt. Léo Rider, fils d’Hadès, l’un de ceux qui avaient accompagné Billie lors de la quête finale.

« Rider. »

Le sang-mêlé et la Chasseresse s’étaient déjà adressés la parole à quelques reprises, mais leur caractère à la fois similaire dans leur frigidité et différent dans leur façon d’approcher les autres faisaient qu’ils avaient souvent été en confrontation. Pour autant, June n’avait aucune animosité en particulier envers lui. Enfin, pas plus qu’envers d’autres pensionnaires, évidemment.

June tendit son paquet à Léo dans lequel se trouvait une potion de son cru. Celle-ci, comme c’était indiqué sur le mode d’emploi à l’intérieur, permettait de chasser les cauchemars. Elle n’avait pas besoin de le connaître personnellement pour savoir qu’il devait avoir des nuits agitées depuis Celmis.

« Joyeux noël. »

Puis, sans attendre une réaction de la part du sang-mêlé, elle lui tourna le dos et s’installa près de Kleman. Elle ne lui indiqua sa présence que par un « C’est moi » rapide avant de s’assoir et de ne plus ouvrir la bouche. Elle se contenta d’observer les autres, silencieusement, un très léger sourire aux coins des lèvres.

Ava continua d’observer Priam de loin, beaucoup trop amusée par la situation. Néanmoins, le regard furibond et la grimace de colère sur les lèvres de son maître lui indiqua qu’elle allait sûrement passer de très mauvais entraînements au cours des prochains mois. Cela n’empêcha la jeune Centurion de sourire chaleureusement.

Après quelques minutes à se féliciter elle-même de son propre génie, son regard dévia jusqu’à atterrir sur Clayton. Comme à son habitude, le légionnaire affichait une mine ravie. Quant à savoir si c’était parce qu’il avait reçu un cadeau sympa, parce qu’il avait mis une bombe sous le sapin ou juste parce qu’il était heureux d’être là, Ava n’en savait rien. Elle se rapprocha néanmoins de lui, ravie de voir un visage familier parmi cette foule.

« Si tu essaies de sécher l’entraînement en prétextant une indigestion, sache que ça ne marchera pas. »