Ahmed Badran était un soigneur discret du camp Jupiter, demi-dieu de première génération originaire d'une simple famille ayant quitté leur chère Egypte pour le grand froid Canadien à la recherche d'une nouvelle vie. Un fils d'Esculape timide et profondément gentil qui aimait se sentir utile auprès de ses pairs. Un visage que l'on voyait souvent sourire mais que l'on ne retenait pas après avoir quitté le confort de l'infirmerie. Un nobody. Ancien légionnaire de la cinquième cohorte, il avait passé ses dix années de service dans l'ombre des demi-dieux et déesses taillés pour le côté militaire du camp romain, les combattants aguerris et autres héros revenus victorieux de quête tandis qu'il ne restait qu'une présence parmi tant d'autres. Pourtant, Ahmed avait été celui qui avait pansé leurs plaies d'une main experte pour que ces derniers puissent paradés dans le camp prenant soin de leur santé pour qu'ils continuent d'épater tout le monde avec leurs ô grands exploits. Son altruisme le rendit fier de son implication dans la vie de ces héros et, loin de quelconque recherche de gloire, il passa dix années à se tuer à la tâche pour les autres en mettant son énergie à la disposition du plus grand nombre sans ne jamais rien demander en retour.

Il intégra ensuite la Nouvelle Rome ou il travailla en tant que médecin, s'assurant du bien-être des habitants. De nombreux visages défilèrent dans son cabinet certains oubliables, comme lui, d'autres familiers avec des noms de famille lourds de titres et de prestige. Et Ahmed l'éternel positif continua de travailler comme un forcené se rendant disponible à tout moment du jour et de la nuit pour ses chers pairs qu'il considérait tous comme des âmes charitables méritant d'être sauvées. Pourtant, le fils d'Esculape possédait une petite santé qui lui en faisait baver à chaque fois qu'il utilisait ses pouvoirs, le drainant à petit feu de son énergie vitale jusqu'à ce qu'il tombe de fatigue. Nombreuses furent les fois ou ses concitoyens durent le relever au beau milieu de la rue après une longue journée de travail.

Le demi-dieu calma son frénétique rythme de travail après son mariage avec son amour de jeunesse, une fille de Somnus et la naissance de son fils, Darius. Le fils parfait, studieux et obéissant que les parents rêvent d'avoir. Un être qui perdit de sa lumière quand les disputes entre les deux adultes commencèrent à apparaître, empoisonnant l'air autrefois si chaleureux de la maison avec une ambiance pesante jusqu'à ce que leur mariage implose à ses six ans. Il se retrouva balloter entre leur deux maisons sans ne jamais réellement se trouver à sa place.

Puis quelques mois après leur séparation, Ahmed partit quelques semaines auprès de sa famille mortelle au Canada afin de se changer les idées. Il retourna à la Nouvelle Rome avec un bébé dans les bras. Un nourrisson au corps surnaturellement froid qui était apparu dans un landau de glace après son aventure avec une mystérieuse canadienne. Le fils d'Esculape vit, en grand croyant, cette petite comme un cadeau, un signe prouvant que le sacrifice de sa santé pour le bien d'autrui était une bonne chose. Ahmed retourna ainsi à son quotidien, retournant à ses longues heures de travail avec quelques jours de libre consacrés à l'éducation de ses enfants. Il acheta à ces derniers de nombreux livres sur la médecine, un intérêt qu'ils semblaient partagés, les recouvra d'amour et leur caressa les oreilles de louanges sur le camp Jupiter. Pendant des années il partagea ses connaissances avec ses enfants, les préparant avec douceur au monde qu'ils s'apprêtaient à affronter sans ne jamais leur mettre de pression.

Les deux enfants savaient que leur père était un homme bien, respectable et l'incarnation même du bon samaritain. Pourtant quand il fût emporté par la maladie ils furent les seuls à son chevet, pleurant en silence celui qu'ils avaient idolâtrer toute leur vie. Ce fût le jour où Amunet comprit, du haut de ses sept ans, que les habitants de la Nouvelle Rome et leurs descendants pour qui son père s'était tué pendant toutes ces années n'étaient rien de plus qu'une bande de parasites. Une révélation qui fit mourir le peu de sympathie qu'elle avait pour ses voisins et anciens patients de son père en lui laissant un goût amer dans la bouche.

Orpheline, la fille de Chioné se vit forcé de vivre avec Darius et sa mère tentant tant bien que mal de s'adapter à sa nouvelle vie. Malgré toute sa bonne volonté Layla, génitrice de Darius, eut du mal à ne pas se sentir inconfortable autour d'Amunet. La demi-déesse était trop... calme, lisant avec attention les livres de médecine de son père avant de regarder les enfants jouant dans les rues de la Nouvelle Rome avec des yeux profondément apathiques. Une figure froide qui parlait d'un ton neutre laissant parfois échapper des paroles misanthropes de ses petites lèvres d'enfants, le tout devant les yeux effrayés de la fille de Somnus qui avait l'impression de voir l'antithèse parfaite de son ancien mari dans sa rejetonne.

Amunet remarqua la facilité avec laquelle les gens approchaient son frère tandis qu'elle les regarder de loin avec un visage dénué de toute expression. Ces derniers courraient vers lui afin qu'il les apaise avec ses dons d'hypnothérapie comme des insectes attirés par un halo de lumière et la demi-déesse fût fasciné par cette démonstration de pouvoir. Triste de voir un second membre de sa famille se perdre sur le chemin de la bonté, du gâchis si vous voulez son avis, la demi-déesse espéra développer un pouvoir similaire avec lequel elle pourrait assujettir ceux qui avaient fait tant de tort à son paternel. Elle voulait les regarder de haut, les faire se sentir impuissant en son absence. Petit à petit, elle copia la bienveillance de son frère s'inspirant de ses sourires et de son ton posé pour parfaire son masque jusqu'à devenir une parfaite petite menteuse.

C'est après avoir fait tomber une tasse de thé par inadvertance que Layla vit les pouvoirs d'Amunet pour la première fois. La petite s'était levée de table avant de courir vers elle avec l'un de ses faux sourires bienveillants greffés sur le visage. L'enfant avait voulu désinfecté la coupure sur les doigts de sa gardienne comme son père lui avait apprit, avant qu'un froid déconcertant ne s'échappe de ses mains. Layla avait senti la douleur quitter son corps comme profondément endormi par la fraîcheur et les saignements s'étaient arrêtés, surprise elle avait levé les yeux sur le visage de la fille de Chioné afin de la remercier avant que son sang ne se glace face à son expression de profonde euphorie sur le visage d'une enfant qu'elle n'avait connu qu'inexpressive jusque là. Quelques jours plus tard, la canadienne commença à voir la déesse lupine dans ses rêves. Deux ans plus tard, à ses dix ans, elle quitta le foyer pour commencer sa formation auprès de Lupa.

En tant que probatio de la Nouvelle-Rome, Amunet décida de ruser pour marquer la colonie désirant devenir plus qu'une simple soigneuse oubliable d'une cohorte insignifiante. Déterminée, elle s'entraîna aux arts du combat jusqu'à ce que ses mains saignent et étudia l'histoire des cohortes pour être une parfaite petite légionnaire. Proposant ses services aux enfants des divinités guerrières, malgré l'aversion qu'elle ressentait à leurs égards, pour qu'iels finissent par se sentir reconnaissant.es envers elle et qu'elle puisse les manipuler. La canadienne enchaîna les guérisons jusqu'à s'écrouler de fatigue pour être remarquer par ceux ayant le pouvoir de lui apporter quelque chose. Un rythme qui lui fit regarder avec dégouts les enfants de grandes lignés de légionnaires qui entraient dans les cohortes qu'elle visait avec de simples lettres de recommandation de leurs parents. Des pistonnés, des fraudes que la demi-déesse soignait avec un grand sourire quand iels se présentaient à elle pour obtenir des soins, des cloportes sur lesquels elle avait un pouvoir.
Au fil du temps, Amunet devint une figure appréciée et respectée de la seconde cohorte. Une combattante correcte qui était un atout indéniable au sein de sa cohorte grâce à ses dons. La canadienne noua des amitiés ça et là afin de se faire un petit réseau de yeux et d'oreilles, des mouches dont elle écoute les murmures pour se tenir informer des gossips du camp et déceler de potentiels futurs jouets.

La rencontre des demi-dieux grecs pendant la lutte contre le Tortionnaire la fit s'interroger sur sa relation avec eux. Contrairement aux habitants de la Nouvelle-Rome, Amunet n'avait rien contre eux pourtant elle ne put s’empêcher de les voir comme de potentiels nouveaux outils qu'elle pourrait manipuler. Les pensionnaires étaient un nouveau public pour son personnage habilement dressé et la brune avait envie de se rapprocher d'eux pour tester son habituel spectacle. Pendant cette période troublée, la canadienne fit de son mieux pour briller, agissant comme la parfaite petite guérisseuse altruiste, secondant son frère,  pour marquer les esprits des personnes autour. Un manège qui lui fit gagner quelques regards sympathiques et des "amitiés" intéressantes qu'elle pourrait exploiter, le tout en donnant à son nom de famille une certaine gloire dont son père avait été privé.

Mais sous la fatigue de toutes ses tâches certains ont vu la froideur sous ses sourires et le profond dédain dans ses yeux et certaines rumeurs sont apparus parvenant jusqu'aux oreilles des Chimères. Amunet Badran, la si gentille soigneuse serait en fait une profonde misanthrope, un être d'égo et de haine. Une menteuse douée dont les facultés pourraient servir la cause. La fille de Chioné fût invité à les rejoindre au début d'année ce qui l'avait d'abord flattée. Elle qui se sentait insatiable depuis la fin de la guerre se voyait enfin offrir un nouveau moyen d'amasser du pouvoir. D'abord saoulée par les grands discours sur l'inégalité au camp Jupiter, avec lesquels elle était d'accord malgré tout, elle fût charmée par les opportunités de jouer avec les habitants de la Nouvelle Rome. Un cadeau qu'il aurait été dommage de refuser.