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Ils déambulaient tous les deux dans les rues. La main dans celle d'Alexis, Erwin sentait la tension et la culpabilité le quitter peu à peu. Il se demandait si ce contact ne commençait pas à la déranger. Il savait qu'elle n'était pas très démonstrative en public. Etre en couple n'était pas quelque chose que la fille d'Arès souhaitait afficher aux yeux de tous, ce n'était pas un secret pour lui. Pourtant, c'était elle qui avait mêlé ses doigts aux siens pour le tirer jusqu'à la ville. Quand ils étaient encore près du terrain d'entraînement ou à proximité des baraquements, d'accord, il n'y avait pas grand monde. A présent, qu'en pensait-elle ?

En tout cas, Erwin ne tenait pas à rendre sa journée encore plus pourrie qu'elle ne l'était déjà. Il essayait de faire abstraction de tout ce qui pouvait le perturber tandis que les pavés défilaient sous ses pieds.

Alexis s’impatientait malgré elle. À droite, à gauche, non… toujours pas là. Alexis fronça les sourcils très légèrement. Le soleil avait bien grimpé dans le ciel et offrait une chaleur agréable malgré les températures basses. Les habitants de la Nouvelle-Rome commençaient à déambuler dans les rues et ça n’arrangeait rien au cas d’Alexis.

À droite… À gauche… Non, toujours pas. Alexis feinta de savoir parfaitement le chemin qu’elle prenait pour ne pas inquiéter Erwin. Elle passa à côté d’un salon de thé, s’y arrêta avec une lueur d’espoir… puis secoua la tête. Nope, toujours pas.

Un sourire amusé s’était dessiné sur les lèvres d’Erwin qui restait pourtant silencieux. Alexis fronça les sourcils.

« Je suis pas perdue. Une moue boudeuse se dessina sur les lèvres d’Alexis qui désigna un bâtiment au hasard : Je voulais passer devant ce bâtiment, je me suis dit que ça te plairait. »

La main d'Alexis se resserrait de temps à autres, un peu nerveusement sans doute. Erwin finit par ne plus ressentir la pression de l'entraînement et découvrit une fille d'Arès aux sourcils froncés, regardant chaque vitrine furtivement. Et, à bien y réfléchir, ça faisait un moment qu'ils marchaient. Les lèvres d'Erwin s'étirèrent en un sourire discret tandis qu'il lançait un regard amusé vers Alexis.

"Je suis pas perdue."

C'est ça. Erwin se retint de rire tant cette affirmation était ridicule. Il n'avait même pas eu besoin de dire un mot pour qu'Alexis comprenne ce qu'il pensait.

"Je voulais passer devant ce bâtiment, je me suis dit que ça te plairait."

Erwin tourna un regard intrigué vers le bâtiment en question. Une grande vitrine, un étal de glaçons gardant des poissons au froid, une enseigne représentant un attroupement de merlans... Mouais. Le fils de Poseidon ne put s'empêcher de rire, cette fois.

"C'est les harengs ou les rollmops préparés qui sont censés me faire de l'oeil ?"

Erwin rigola. Alexis fronça les sourcils. Lentement, Alexis tourna les yeux en direction du bâtiment. Une poissonnerie. Alexis venait de pointer du doigt une poissonnerie. De tous les bâtiments de cette foutue Nouvelle-Rome, il fallait qu’elle pointe le lieu le moins intéressant.

« C'est les harengs ou les rollmops préparés qui sont censés me faire de l'œil ? »

Le corps d’Alexis était en pleine hésitation quant à la stratégie à adopter. D’un côté, elle pouffa de rire. De l’autre, elle vira à l’écarlate. Puis elle tira Erwin dans la rue, loin de la poissonnerie de l’enfer.

« La dernière fois que j’ai croisé Nova, elle t’a comparé à un saumon, donc franchement, j’me suis dit que peut-être tu aimerais bien. C’est tout. »

Alexis remarqua qu’une rue sur la gauche lui rappelait quelque chose. Elle était même sûre qu’Atem s’était endormi sur ce banc ! Un grand sourire barra le visage d’Alexis alors qu’elle traînait Erwin dans la direction qu’elle jugeait être vaguement la bonne.

" La dernière fois que j'ai croisé Nova, elle t'a comparé à un saumon, donc franchement, j'me suis dit que peut-être tu aimerais bien. C'est tout. "

Erwin faillit s'étouffer. Quoi ? D'un côté, ce n'était pas étonnant de Nova - y avait-il encore quoi que ce soit qui serait étonnant venant d'elle ? Mais enfin, un saumon ? Sérieusement ? Les yeux d'Alexis se tournèrent vers un coin de rue avec un peu plus d'intérêt. Le fils de Poseidon se fit tracter dans cette rue sans comprendre ce qu'elle avait de plus que les autres. Il aurait même pu penser être déjà passé par là quelques minutes plus tôt. L'impression se confirma lorsqu'il tourna la tête vers une petite échoppe à demi-cachée entre deux terrasses. l'enseigne était clairement reconnaissable. Erwin tapota sur l'épaule d'Alexis.

"C'est pas le magasin de verrerie qu'on a vu tantôt ?"

Des magasins de verrerie, il ne devait quand même pas y en avoir des dizaines dans cette ville, si ? Alexis ouvrit des yeux perplexes. Erwin passa son bras autour de ses épaules et tapota du bout du doigt la joue de la sang-mêlé.

"Toujours pas perdue, madame la boussole ?"

« C'est pas le magasin de verrerie qu'on a vu tantôt ? »

Alexis fronça les sourcils. Tous les magasins se ressemblaient, qu’ils vendent des verres, des assiettes ou des croissants. Pour peu, Alexis aurait pu rentrer dans n’importe quel salon de thé qu’Erwin n’en aurait jamais rien su. « Oui oui, c’est celui là où on est allé avec Atem, parfaitement. »

Erwin passa son bras autour d’Alexis, dont le visage continuait d’afficher une moue dubitative, et décida de lui enfoncer son doigt dans la joue. Alexis détourna son attention de la vitrine quelconque du magasin en face et regarda Erwin.

« Toujours pas perdue, madame la boussole ? »

Alexis plissa le nez et secoua la tête.

« Bien sûr que non. Je sens qu’on s’approche. Je le sens dans mon ventre, ok. »

Alexis repoussa gentiment Erwin avant de l’entraîner de nouveau sur un chemin aléatoire. Elle était sûre, mais alors sûuuuuuuure, de se rapprocher du but. Elle prit à gauche, puis à droite… Et enfin, au loin, elle reconnut l’enseigne. Elle pointa du doigt fièrement le bout de la rue, à trois cents mètres devant :

« Exactement comme prévu, c’est là-bas. »

Alexis sautilla presque sur place en traînant toujours Erwin avec elle… puis découvrit la pancarte qui indiquait que la boutique était exceptionnellement fermée aujourd’hui. Alexis plissa des yeux.

« Ah. Puis elle fit un grand sourire en regardant Erwin : Meh, on peut toujours rentrer par derrière. »

Alexis avait beau être sûre d'elle, Erwin n'était pas convaincu. Et même si son estomac devait effectivement être un radar efficace lorsqu'il s'agissait de nourriture, l'argument que la demi-déesse avait utilisé n'était pas le plus sérieux qui soit. Alexis se dégagea et laissa ses doigts glisser de nouveau entre ceux d'Erwin pour continuer sa vadrouille dans les rues. Le fils de Poseidon cessa de détailler tous les bâtiments qui l'entouraient. Tant qu'à se perdre avec Alexis, autant ne pas remarquer qu'ils tournaient en rond. Ou pas, finalement. Alexis désigna un établissement un peu plus loin en assurant qu'ils étaient arrivés.

Fermé. Bon, parfait. Erwin ne se formalisa pas de cette nouvelle. Il devait bien y avoir d'autres cafés tout aussi agréables dans la Nouvelle-Rome. Il était déjà prêt à faire demi-tour avec Alexis lorsqu'elle fit part de son idée un poil différente.

"Meh, on peut toujours rentrer par derrière."

Le fils de Poseidon ouvrit la bouche, la referma sans savoir ce qu'il devait penser de cette mauvaise idée. Alexis était-elle sérieuse ? Il se décida finalement à lui répondre.

"Tu sais, je crois que le principe d'une fermeture, c'est pas de rentrer par effraction."

Alexis le fixait toujours. Il ne savait pas si elle l'avait seulement écouté. Est-ce que son estomac était plus fort que son raisonnement ? Erwin soupira et haussa les épaules.

Erwin eut une seconde de battement. Diverses émotions se dessinèrent sur son visage, allant de la surprise à la résignation en très peu de temps avant qu’il n’ouvre de nouveau la bouche :

« Tu sais, je crois que le principe d'une fermeture, c'est pas de rentrer par effraction. »

Alexis un instant silencieuse. Est-ce qu’il la pensait réellement capable d’entrer par effraction dans un salon de thé juste pour deux croissants ? Quant à savoir si Alexis était outrée ou flattée par ce raisonnement… elle-même n’en était pas sûre. Elle se contenta de toucher le bout de nez d’Erwin avec les sourcils froncés :

« Je rigolais, Erwin. On peut aller n’importe où d’autre. »

Alexis recula et balaya la rue des yeux avant de reporter son attention sur le fils de Poséidon, un sourire sincère aux lèvres. Elle laissait finalement le choix à Erwin. Elle ne connaissait qu’une seule boutique et celle-ci était fermée. Et vu toutes celles qu’ils avaient croisées, Erwin n’aurait aucune difficulté à choisir.

« Ça m’indiffère assez tant que t’es là, alors choisis. »

Alexis ne semblait plus aussi renfrognée que lorsqu'elle cherchait le chemin du café. Et, à l'entendre proposer d'aller n'importe où ailleurs, il était difficile de comprendre pourquoi cet établissement en particulier lui tenait à coeur. Elle se disait très probablement qu'ils pourraient revenir une prochaine fois si elle voulait vraiment faire découvrir quelque chose à Erwin. Le fils du Poseidon en prit note mentalement. Il ne manquerait pas de lui rappeler, un de ces jours, que "Tiens, Atem t'avais pas fait découvrir un endroit sympa en fait ?"

"Ça m'indiffère assez tant que t'es là"

Erwin sourit et eut envie d'embrasser Alexis.

"alors choisis."

C'ÉTAIT DONC UN PIÈGE ! Erwin n'avait aucune idée d'où aller. Il connaissait tout juste l'adresse du glacier où il avait fait la rencontre de Brooklyn. Il avait bien vu quelques enseignes représentant l'une ou l'autre viennoiserie pendant qu'ils marchaient, mais il ne savait pas du tout ce que valaient les différents établissements. Tant pis, ils repartiraient pour une nouvelle expédition dans l'inconnu.

"Ok. Mais ce sera du hasard total et je décline toute responsabilité si on tombe encore sur une poissonnerie."

Sur ce, il attrapa le poignet d'Alexis et l'emmena dans la rue en prenant l'air de partir pour une épopée fabuleuse.

"En avant ! Que les dieux nous guident vers notre destin !"

Les yeux d’Erwin s’illuminèrent d’une étincelle de malice, ce qui ne fit qu’agrandir le sourire d’Alexis. Pour la première fois de la journée, elle avait l’impression de retrouver le vrai Erwin, celui qui s’amusait d’un rien, celui qui voyait toujours le positif, celui qui était déterminé à être jovial. Évidemment, elle aimait aussi le Erwin plus torturé, celui qui l’autorisait à voir ses faiblesses et ses fêlures, mais après la matinée mouvementée qu’il venait de vivre, Alexis n’avait qu’une seule envie : l’embrasser. Embrasser ses lèvres qui souriaient, embrasser ce visage heureux, l’embrasser tout simplement.

« Ok. Mais ce sera du hasard total et je décline toute responsabilité si on tombe encore sur une poissonnerie. »

Alexis secoua la tête, comme si elle se sentait personnellement attaquée par cette phrase. Son sourire amusé, pourtant, trahissait d’autres émotions sans grande difficulté. Les doigts d’Erwin se refermèrent doucement autour de son poignet lorsqu’il prit les rennes de ce qu’il semblait vivre comme une aventure.

« En avant ! Que les dieux nous guident vers notre destin ! »

Alexis pouffa de rire et se laissa entraîner dans le dédale des rues de la Nouvelle-Rome. Peut-être était-ce parce qu’elle n’avait plus vraiment d’objectif ou peut-être était-ce parce qu’Erwin semblait réellement heureux, mais Alexis appréciait davantage la ville. Elle découvrait des enseignes, elle découvrait des couleurs. Elle avait presque l’impression de voir pour la première fois quelque chose qui avait toujours été sous ses yeux. Après être passé devant un énième salon de thé, Alexis ne put s’empêcher de rire.

« Si tu voulais juste te balader, tu pouvais le dire aussi parce qu’on dirait qu’aucun établissement te plait. »

Erwin s’arrêta alors et prit un air outré. Il ouvrit la bouche pour parler mais Alexis lui coupa l’herbe sous le pied en déposant un furtif baiser sur ses lèvres. Puis, l’air de rien, elle pointa dans la direction d’un établissement plutôt coloré et discret :

« Que dis-tu de celui-là ? »