"Oui, c'est vrai. Un lutin m'a soufflé l'idée. Il savait visiblement s'y prendre pour séduire les autres. La légende raconte que tout se passe dans l'estomac."

Le fils de Poseidon afficha une moue dubitative mais lumineuse en entendant se faire comparer à un lutin. Elle n'avait pas tort, il avait misé sur l'estomac d'Alexis. Et qu'elle fasse de même était une bonne stratégie, il fallait l'avouer. Bien vite, les deux demi-dieux se turent et entreprirent de faire griller leurs marshmallows. Il n'y avait que la douceur du moment. Erwin profitait d'Alexis contre lui. Tout aurait pu disparaître autour d'eux, tant qu'elle restait là. C'était la première fois qu'ils passaient un tel moment ensemble et le demi-dieu espérait réellement que ce n'était que le premier d'une longue série. Il avait l'impression que tout avait toujours été comme ça avec Alexis, comme si leur vie avait toujours été aussi douce.

Le ciel était dégagé, les quelques rares nuages qui s'étiraient sur la toile noire de la nuit ne suffisaient pas à cacher les étoiles ni la lune. Erwin levait de temps à autres les yeux au-dessus de lui pour observer des constellations qu'il ne connaissait pas mais qu'il trouvait particulièrement jolies. Le ciel d'hiver n'était pas le plus étoilé, mais il était le plus net. Chaque petite étoile avait sa place et scintillait sans aucune timidité. Le fils de Poseidon reportait son attention vers le feu régulièrement, afin que ses marshmallows ne se retrouvent pas complètement carbonisés. Contrairement à celui d'Alexis qui menaçait fortement de devenir tout noir et immangeable.

"Tu aimes le cramé ?"

La fille d'Arès sembla sortir de ses pensées subitement. A voir sa tête, elle découvrait l'état de son marshmallow et n'était pas tentée à l'idée de le manger. Elle le jeta dans le feu sans un mot. Elle avait toujours l'air absent. Erwin la fixait, se posant mille questions. Il ne comprenait pas ce qui pouvait tant occuper les pensées de la demi-déesse.

"Je réfléchissais à ce que tu m'as dit tout à l'heure."

Erwin ne détacha pas son attention d'Alexis. De quoi est-ce qu'elle voulait parler ? Il avait dit beaucoup de choses, elle pouvait réfléchir sur beaucoup de mots. Est-ce qu'elle réfléchissais à ses "je t'aime" ? Est-ce qu'elle réfléchissait à ses excuses concernant son plongeon dans l'eau ? Est-ce qu'elle réfléchissait à ce qu'il avait dit en suédois ? Ou bien alors, c'était à propos de...

"Est-ce que si je te fais une liste de toutes les personnes que je côtoie, tu arriverais mieux à gérer tes crises de jalousie ? Si t'es prévenu à l'avance… Évidemment, je te ferai une description physique, j'peux même te dire si je les trouve beau et puissant si ça peut t'aider."

Erwin se tendit instantanément. Alexis le regardait, les yeux dans les yeux. Lorsqu'elle se mit finalement à rire, le fils de Poseidon fit de même. Un rire bref, sans joie. Est-ce qu'il y avait un fond de vrai dans ce que venait de dire Alexis ? Est-ce qu'elle pouvait réellement dresser une liste des personnes qu'elle trouvait belles ? Et ce facteur puissance qui faisait son apparition... Vu sa capacité au combat et celle de la plupart des Romains, Erwin ne faisait clairement pas le poids. Il avait beau avoir passé l'un des plus beaux moments de sa vie en compagnie d'Alexis, l'idée envahissante de se faire remplacer reprenait sa place dans son esprit.

"Je. Non, ça va. Pas besoin de... liste. Ça ira. Tu fais ce que tu veux, avec qui tu veux. Je prendrai sur moi."

Encore un peu crispé, fuyant le regard d'Alexis, Erwin tourna pensivement le bâton qu'il avait entre les doigts. Il faudrait bientôt enlever son dernier marshmallow du feu. Et pourtant il ne bougea pas.

"J'essaierai."

Il se tourna vers Alexis. Elle ne dit rien, il ne voulait pas qu'elle dise quoi que ce soit. Il avait cette impression d’être un poids qui pèserait à chaque fois qu'elle se retrouverait en compagnie de quelqu'un. Il ne voulait pas l’être, mais il ne saurait pas faire autrement. Alors il essaya d'enfouir cette idée en-dessous des autres. Il se cala de nouveau contre la fille d'Arès et espéra en silence qu'elle ne lui en voudrait jamais de tenir un peu trop à elle.

Tout dans la position d’Erwin, dans sa façon de rire et de se tenir, indiquait qu’Alexis était bien la seule à s’amuser de cette situation. Elle ne le remarqua, malheureusement, que quelques secondes trop tard. La fille d’Arès cessa alors de rire et laissa retomber une jambe par terre pendant que l’autre restait toujours croisée. Pourquoi avait-elle fallu qu’elle lance ce sujet ? Erwin fuyait son regard comme la peste et, maintenant, Alexis s’en voulait.

« Je. Non, ça va. Pas besoin de... liste. Ça ira. Tu fais ce que tu veux, avec qui tu veux. Je prendrai sur moi. »

Erwin continuait de faire tourner son marshmallow, ignorant complètement qu’il était temps de le retirer du feu. Son regard était perdu dans le vague et Alexis se mordit la lèvre. Elle qui voulait juste détendre l’atmosphère, elle avait complètement ruiné la bonne humeur d’Erwin. Quelle idiote, mais quelle idiote !

« J’essaierai. »

Erwin regarda enfin dans la direction d’Alexis qui ne savait pas quoi dire. Il y avait dans son regard tellement de choses qu’il ne disait pas, tellement de souffrances causées par lui-même… Alexis aurait-elle un jour les mots qu’il fallait pour lui faire comprendre qu’il n’était en compétition avec personne ? Qu’il avait déjà complètement gagné son cœur et qu’il n’y avait pas l’ombre d’un concurrent ? Est-ce qu’un jour Erwin serait capable de se voir de la même façon qu’Alexis le voyait ?

Erwin se cala de nouveau contre Alexis, comme s’il ne s’était rien passé. Pourtant, son regard continuait de fixer le vague, ses yeux continuaient de briller d’une tristesse étouffante. Doucement, délicatement, Alexis prit la main d’Erwin dans la sienne pour enlever le bâton du feu. Erwin releva vaguement la tête vers elle. Un peu mal à l’aise, Alexis replaça une mèche de derrière ses oreilles avant de dire, presque dans un souffle :

« Tu vas le cramer. »

Erwin reporta son attention sur son marshmallow dont la teinte dorée virait presque au noir. Il eut de nouveau un silence. Machinalement, le fils de Poséidon tendit la main vers la sucrerie et la mangea, sans appétit visible. Alexis se racla alors la gorge et l’attention d’Erwin fut reportée sur elle.

« Tu sais, je… Je rigolais. Je compte pas faire de liste – enfin sauf si tu l’avais vraiment voulu, j’aurai pu – et encore moins y mettre des critères. Déjà, la beauté… c’est… euh… c’est abstrait. Et la puissance… bah, aussi. Alexis se mordit la joue. Elle n’était définitivement pas faite pour s’exprimer sur ce genre de sujet. Si je devais apprécier les gens seulement à cause de leur puissance et de leur beauté, Alekseï serait mon meilleur ami. Il eut comme un blanc avant qu’Alexis se mette à rougir déraisonnablement. Enfin, je dis pas qu’il est beau. Je dis que socialement parlant, j’ai souvent entendu des gens dire… des choses sur… son aspect physique. Il m’indiffère assez. Je veux dire. Il est assez bête. En-dehors du combat. Et puis, certes, il est puissant, mais ça fait pas… ça fait pas tout. Enfin bref. »

Qu’Erwin la regarde toujours ou pas, Alexis n’en savait rien puisqu’elle fixait inlassablement le feu qui dansait faiblement sous ses yeux. Elle tapota distraitement sur sa cuisse tout en fronçant les sourcils. Elle avait envie de rajouter autre chose, quelque chose de très précis, mais elle n’arrivait pas à trouver les mots juste. Enfin, elle murmura :

« J’aime les gens pour ce qu’ils sont. La beauté, la puissance, ça sert à rien, c’est trop abstrait. Les gens peuvent être beaux et puissants à leur façon. J’aime les gens quand ils… ont des choses à dire, à raconter. Quand ils sont passionnés. Quand ils… sont là. Qu’ils ont une présence. Quand ils parlent de choses qu’ils aiment et qu’on ne les arrête plus. Quand ils sont ouverts aux autres. J’aime ceux qui remarquent les détails. Qui me font rire. Alexis s’arrêta de nouveau avant de reprendre un peu plus fort : Et quand je dis ils ou eux, en fait je pense uniquement à toi, parce qu’en amitié j’peux apprécier vraiment n’importe qui, j’suis pas compliquée. Mais pour… autre chose… il faut… plus. Ton seul rival se trouve en face de toi quand tu te regardes dans un miroir, Erwin. »

"Tu vas le cramer."

Il fallut qu'Alexis se charge elle-même de retirer le marshmallow du feu pour qu'Erwin reprenne réellement contact avec la réalité. Il avait du mal à se décrocher de ses pensées maintenant que la demi-déesse revenait sur le sujet. Il s'était expliqué, il n'avait plus envie d'en parler à présent. Il voulait oublier la Saint-Valentin, oublier que beaucoup trop de gens pouvaient tourner autour d'Alexis, oublier qu'il pouvait faire foirer une soirée en un rien de temps. Et c'était une tâche compliquée dans la discussion actuelle.

"Tu sais, je… Je rigolais. Je compte pas faire de liste – enfin sauf si tu l'avais vraiment voulu, j'aurais pu – et encore moins y mettre des critères. Déjà, la beauté… c'est… euh… c'est abstrait. Et la puissance… bah, aussi.  Si je devais apprécier les gens seulement à cause de leur puissance et de leur beauté, Alekseï serait mon meilleur ami."

Est-ce qu'Erwin était rassuré que le nom d'Alekseï sorte de la bouche d'Alexis ? Pas vraiment. Même si elle le prenait comme contre exemple. Il n'avait pas envie de savoir ce qu'elle pensait des gens. Il ne pourrait pas s’empêcher de l'imaginer, mais avoir la confirmation d'Alexis, c'était retourner le couteau dans la plaie qu'il se faisait tout seul. Le fils de Poseidon ne savit pas trop s'il voulait regarder Alexis droit dans les yeux ou l'éviter à tout prix. Par défaut, il tourna légèrement son regard vers son visage. Et bien qu'il fasse nuit, il remarquait parfaitement les joues rouges de la fille d'Arès.

"Enfin, je dis pas qu'il est beau. Je dis que socialement parlant, j'ai souvent entendu des gens dire… des choses sur… son aspect physique. Il m'indiffère assez. Je veux dire. Il est assez bête. En-dehors du combat. Et puis, certes, il est puissant, mais ça fait pas… ça fait pas tout. Enfin bref."

La sang-mêlé fixait le feu. Erwin se sentit encore plus idiot qu'avant. Bravo. La mettre mal à l'aise : check. Pourquoi ne pouvait-il pas simplement passer au-dessus de ce genre d'histoire ? C'était trop difficile pour lui de faire abstraction des types de la catégorie de Solan, quelle plaie ! S'il avait pu, il aurait déjà oublié le Romain, ils auraient passé une bonne journée de Saint-Valentin avec cet nouvel ami improvisé... Mais non, il fallait qu'il sente son sang battre plus fort quand il voyait quelqu'un agir comme Solan.

Erwin avait envie de trouver de nouvelles explications, de rassurer Alexis : c'était lui, le problème, pas elle. Mais elle avait l'air tellement absorbée dans sa réflexion qu'il ne trouva pas le courage de dire un seul mot. Et si elle l'écoutait à moitié et lui demandait de répéter ? Sa gorge restait bloquée à cette idée. Finalement, la fille d'Arès se remit à parler sans qu'Erwin s'y attende.

"J'aime les gens pour ce qu'ils sont. La beauté, la puissance, ça sert à rien, c'est trop abstrait. Les gens peuvent être beaux et puissants à leur façon. J'aime les gens quand ils… ont des choses à dire, à raconter. Quand ils sont passionnés. Quand ils… sont là. Qu'ils ont une présence. Quand ils parlent de choses qu'ils aiment et qu'on ne les arrête plus. Quand ils sont ouverts aux autres. J'aime ceux qui remarquent les détails. Qui me font rire."

Erwin sentait son coeur qui se mettait à battre de plus en plus vite en écoutant Alexis. Il trouvait dans ses paroles à la fois des certitudes et des questions. Il reconnaissait certaines qualités qu'il avait sans doute aux yeux de la sang-mêlé. Mais qui d'autre pouvait-elle cibler ? Est-ce qu'elle avait seulement des personnes précises en tête ?

"Et quand je dis ils ou eux, en fait je pense uniquement à toi, parce qu'en amitié j'peux apprécier vraiment n'importe qui, j'suis pas compliquée. Mais pour… autre chose… il faut… plus. Ton seul rival se trouve en face de toi quand tu te regardes dans un miroir, Erwin."

Le coeur d'Erwin rata un battement avant de produire l'effet d'une explosion. Il regarda Alexis en silence durant plusieurs secondes, tentant de calmer le rythme effréné qui martelait dans sa poitrine. Le demi-dieu n'était pas assez naïf pour croire que les choses ne pourraient jamais changer, mais il profita de cette certitude que lui offrait Alexis pour le moment. Il avait tellement envie de l'embrasser ! Parce qu'elle apprenait à lui parler, à lui dire ce genre de choses. Parce qu'elle essayait de le rassurer et de trouver des solutions à son problème. Parce qu'elle était magnifique à ses côtés, rien qu'avec lui.

Elle lui disait qu'elle l'aimait. Il la croyait, évidemment, il lui faisait confiance plus qu'à n'importe qui. Mais il y avait autre chose, quelque chose de plus difficile à lui décrire. Il n'avait pas seulement peur qu'elle s'en aille. Il ne supportait pas que d'autres cherchent à prendre sa place, même si Alexis lui affirmait que ces tentatives étaient vouées à l'échec. Il ne savait pas pourquoi il ne parvenait pas à effacer cette crainte. Elle n'était pas forcément fondée, il en était conscient. Mais ça faisait tout simplement partie de lui. Il ne savait pas si Alexis était capable de comprendre. Et il n'avait pas envie d'essayer de lui expliquer. Il n'avait plus envie de parler de tout ça, il voulait profiter de l'instant et savourer les paroles de la sang-mêlé.

Elle regardait toujours le feu, plus ou moins, ses yeux passant d'un point à un autre sans but. Erwin l'entoura de ses bras, elle se tourna vers lui. Il l'enveloppa du vieux plaid en riant de ses protestations. Ils se regardèrent un bref instant. Puis le fils de Poseidon embrassa doucement le front d'Alexis en la serrant contre lui.

"Merci."

Il n'avait su dire qu'un mot, mais il en pensait tellement plus. Il lui était reconnaissant de vouloir l'aider. Reconnaissant qu'elle l'accepte et le choisisse parmi tant d'autres malgré ses défauts. Reconnaissant qu'elle ait bien voulu le suivre sur des chemins totalement inconnus pour passer une journée avec lui, loin de tout. Reconnaissant envers tous les dieux d'avoir mis sur sa route une fille aussi extraordinaire qu'Alexis. Erwin resta immobile un long moment, ne cherchant qu'à se perdre dans le parfum de la fille d'Arès, à se fondre dans la douceur de ses bras. Puis il releva la tête et croisa son regard brillant.

"Il doit être tard. Est-ce que tu préfères qu'on reste ici jusqu'à demain ou qu'on retourne au baraquement ? Sachant que je suis capable de me repérer en plein jour mais que je n'ai jamais fait le trajet de nuit..."

Il eut une seconde de flottement et Alexis se demanda si elle avait réellement réussi à communiquer comme il fallait avec Erwin. Elle retournait sa propre tirade dans tous les sens, y cherchant tous les défauts du monde. Finalement, Erwin coupa court à toutes les interrogations de la fille d’Arès en l’entourant de ses bras. Enfin de compte, même si les mots d’Alexis n’étaient pas parfaits, ils avaient visiblement eu l’effet escompté. Elle ne pourrait jamais calmer la jalousie d’Erwin mais si elle pouvait l’apaiser de temps en temps, c’était déjà une belle victoire. Une victoire en demi-teinte vu qu’elle se retrouvait coincée dans l’immonde plaid, mais une victoire quand même.

« Merci. »

Le murmure d’Erwin lui faisait autant d’effet que le baiser qu’il venait de déposer sur son front. C’était comme une caresse sur sa peau, un petit geste qui l’enveloppait dans une douce chaleur. Un sourire tendre s’étira sur les lèvres de la sang-mêlé et elle pressa très légèrement la main d’Erwin pour lui répondre. Il y avait tant de mots et tant d’émotions qui bataillaient actuellement dans l’esprit d’Alexis mais pour la première fois, elle jugea que le silence était la meilleure option.

Lorsqu’Erwin releva la tête dans sa direction, elle sut qu’elle avait pris la bonne décision. Erwin la fixait avec une assurance nouvelle et une douceur qui accéléra les battements de son cœur. Puis, juste comme ça, le sujet de la jalousie s’était envolé. Le problème ne disparaîtrait jamais complètement mais comme pour les angoisses d’Alexis, il pouvait être apaisé le temps d’un soupir. Peut-être qu’à la longue, dans le futur, Erwin et Alexis arriveraient à passer plus de temps à s’aimer et moins à se questionner. Pour le moment, cet instant de répit était suffisant aux deux sang-mêlé.

« Il doit être tard. Est-ce que tu préfères qu'on reste ici jusqu'à demain ou qu'on retourne au baraquement ? Sachant que je suis capable de me repérer en plein jour mais que je n'ai jamais fait le trajet de nuit... »

Le regard d’Alexis passa du feu, dont il ne restait plus que des braises, à la maison dont la fraîcheur lui piquait le bout du nez. Enfin, son regard s’arrêta sur Erwin. Sur ses joues, ses lèvres, son cou, son pull… et ses jambes nues. Un demi-sourire, Alexis planta ses yeux dans ceux d’Erwin :

« Peu importe pour moi. Tu es celui qui n’a qu’à un pantalon trempé pour te protéger les jambes du froid. »

Alexis hocha les épaules comme si elle était réellement indifférente au sujet. Pourtant, alors qu’Erwin et elle décidaient de rester ici pour la nuit, une petite voix dans sa tête entamait une rengaine plutôt désagréable. Et si Erwin voulait qu’il se passe plus qu’une simple nuit ? Depuis qu’ils étaient officiellement ensemble, ils n’avaient jamais été seuls aussi longtemps, dans un environnement où personne ne pouvait les surprendre, en plein milieu de la nature.

Alors qu’Alexis éteignait le feu et qu’Erwin ramenait ses vêtements à l’intérieur, des images du début de la journée lui revinrent à l’esprit. Alexis était majeure, en couple avec un garçon adorable, ils étaient seuls dans une cabane, la logique voulait que ça aille forcément plus loin mais l’idée était loin d’être agréable. Elle ne l’avait jamais été. Un frisson remonta le long de l’échine d’Alexis. Erwin alluma une sorte de lampe à huile et Alexis décida d’effacer le plus gros de ses pensées. Elle se tourna dans la direction du fils de Poséidon, un sourire aux lèvres.

« On dort par terre sur un lit d’oreiller ou dans les lits là-bas ? S’ils sont dans le même état que le canapé… »

Le regard d’Alexis se glissa vers le meuble en question, une moue peu convaincue sur le visage. Jamais son baraquement ne lui avait autant manqué que maintenant. Pourquoi n’étaient-ils pas rentrés avant la nuit déjà ?

"Peu importe pour moi. Tu es celui qui n'a qu'un pantalon trempé pour te protéger les jambes du froid."

Erwin émit un petit rire. Elle n'avait pas tort. Ses vêtements devaient être secs, maintenant, mais en attendant, il était toujours aussi peu couvert. C'est sans surprise qu'ils décidèrent de rester, Alexis et lui. Le fils de Poseidon ne tarda pas à se lever pour récupérer ses affaires sur le banc et les rentrer dans la cabane. Tandis que la fille d'Arès se chargeait d'éteindre le feu, il chercha dans l'abri de quoi éclairer un peu l'intérieur. Il n'y avait pas de lampes au plafond ni aux murs, et il n'y en avait vraisemblablement jamais eu. Il y avait bien deux lampes de chevet dans la chambre et une dans la partie salon, mais les ampoules avaient rendu l’âme depuis un moment.

Lorsqu'Alexis rentra à son tour dans la cabane, Erwin avait réussi à dégoter une vieille lampe avec, heureusement, un fond d'huile dans une armoire. Elle ne tiendrait clairement pas toute la nuit, mais ce serait suffisant jusqu'à ce qu'ils aillent se coucher, en gardant néanmoins une flamme peu puissante. Dans cette faible lumière, le cabanon se teintait de nouvelles couleurs, se drapait d'une nouvelle ambiance. Tout avait l'air encore plus petit, un peu plus froid, et pourtant plus intime.

"On dort par terre sur un lit d'oreillers ou dans les lits là-bas ? S'ils sont dans le même état que le canapé…"

Ça aussi, c'était un autre problème. Heureusement, les lits n'étaient pas aussi endommagés que le fauteuil, qui semblait se relâcher encore davantage en entendant parler de lui. Erwin déposa la lampe à huile sur la table, s'approcha d'Alexis et l'enlaça tendrement. Sa main glissa de son dos à sa nuque et de sa nuque à ses cheveux pour finir par se perdre dans l’entrelacs de mèches brunes et douces. Jouant du bout des doigts avec une des mèches, il fixa Alexis en souriant.

"Et pourquoi pas les deux ? Les lits sont un peu poussiéreux, un poil ramollis, mais en bon état. On peut mettre les coussins dessus si tu veux. Ce sera plus moelleux, on sera plus à l'aise."

Alexis frémit, sans doute à cause du froid. Erwin s'écarta doucement d'elle. Il était inutile de la laisser au milieu de la pièce plus longtemps. Il attrapa la lampe ainsi que quelques coussins et se dirigea vers la chambre pour les étaler sur un lit. D'ailleurs, puisqu'il y avait plusieurs lits, il décida d'en coller deux côte à côte. Ils ne se trouvaient peut-être pas dans un palace cinq étoiles, mais Alexis méritait le lit le plus confortable possible. Quand elle avait mal dormi, elle pouvait être exécrable au réveil. Imaginer la demi-déesse ronchonner en se levant tira un sourire de plus à Erwin.

Alexis arriva à son tour dans la chambre avec les coussins qu'Erwin n'avait pas su emmener. Elle les lança sur le matelas et s'y étala sans attendre une seconde de plus. Erwin la regarda mettre de l'ordre à sa guise dans cet amas de coussins. Il alla chercher une couverture un peu plus épaisse que son vieux plaid dans la petite armoire qui comblait le coin de la chambre. Il en trouva une, un peu plus pelée que le plaid, mais aussi plus douce. Elle ne serait peut-être pas au goût d'Alexis. Il la posa sur le bord du lit le temps d'aller vérifier que son pantalon était réellement sec. Il avait l'habitude de dormir en boxer ou avec un simple short, mais il avait surtout l'habitude de dormir dans un endroit chauffé. Ce n'était clairement pas avec sa tenue actuelle qu'il tiendrait la nuit sans grelotter. Par chance, ses vêtements avaient eu le temps de sécher, il enfila donc son pantalon et son t-shirt.

Il retourna vers Alexis, la couverture et son pull dans les mains. Il vint s'asseoir sur le matelas, au milieu du nid d'oreillers. La fille d'Arès tourna un oeil brillant de fatigue vers lui. Il ne la voyait qu'à moitié, elle était noyée sous les coussins mais ne semblait pas s'en plaindre. Il se pencha au-dessus d'elle pour murmurer doucement à son oreille.

"Si la couverture est trop miteuse pour vous, très chère, je puis vous offrir ceci."

Il posa son pull à côté d'elle puis se baissa encore un peu plus pour embrasser sa joue, une des seules surfaces de son visage que les coussins n'engloutissaient pas. Erwin se sentait particulièrement bien avec Alexis. Le silence de la cabane rendait la nuit encore plus calme, plus douce. Pas de froissements de draps dans le lit d'en face, pas de chuchotements entre voisins de dortoir, pas de grincements de porte tardifs... Dans cette tranquillité, Alexis semblait s’être endormie, le nez enfoui dans le pull d'Erwin. Le fils de Poseidon s'allongea près d'elle. D'une main tendre, il caressa délicatement son dos. Lentement, silencieusement.

Comme presque chaque nuit, le demi-dieu redoutait le moment de se laisser emporter par Morphée. Alexis avait le don d'apaiser ses angoisses nocturnes, mais elle ne les effaçait pas totalement. Il garda les yeux ouverts, sa main se promenant toujours distraitement sur le corps de la fille d'Arès. Ses doigts remontèrent peu à peu vers son cou, ses épaules. Erwin se laissait finalement bercer au rythme de ses caresses par la douceur d'Alexis. Alors qu'il se sentait enfin partir vers le monde du sommeil, il sentit Alexis reculer dans une secousse. Il rouvrit les yeux et croisa son regard dans le noir. Il prit une voix douce et basse, comme s'il risquait de réveiller quelqu'un d'autre.

"Ça va, Alexis ?"

Erwin observa un instant le canapé, un sourire amusé aux coins des lèvres, puis s’approcha d’Alexis pour l’enlacer. Ses mains glissèrent sur son dos, sa nuque, ses cheveux. Alexis était partagée entre la douce chaleur dans laquelle Erwin l’enveloppait et cette impression que, peut-être, il y avait plus que ça derrière ces gestes. Délicatement, le fils de Poséidon enroula l’une des mèches d’Alexis autour de ses doigts. La fille d’Arès ne comprenait toujours pas quel plaisir il pouvait y avoir à jouer avec les cheveux de quelqu’un d’autre mais elle avait appris à ne pas s’en formaliser. Erwin avait toujours des petites obsessions bizarres, ce n’était pas nouveau.

« Et pourquoi pas les deux ? Les lits sont un peu poussiéreux, un poil ramollis, mais en bon état. On peut mettre les coussins dessus si tu veux. Ce sera plus moelleux, on sera plus à l'aise. »

Alexis se tendit presque immédiatement. Elle tenta de retrouver rapidement une attitude détachée et Erwin ne sembla pas le remarquer. Il s’écarta d’elle, ramassa quelques coussins et la lampe à huile avant de disparaître dans la pièce à coucher. Alexis, quant à elle, se repassait en boucle ses mots. On sera plus à l’aise. À l’aise pour quoi au juste ? La logique voulait qu’Erwin ne pense qu’à dormir mais Alexis ne pouvait s’empêcher de penser qu’il y avait peut-être plus.

Alexis secoua la tête, pris une profonde inspiration, puis ramassa les coussins qui traînaient encore par terre. Si Erwin voulait plus, Alexis trouverait tout simplement une excuse. Il était compréhensif. Il ne devrait pas y avoir de problème. Alors pourquoi avait-elle cette boule dans la gorge ? Lorsqu’elle arriva dans la chambre, Alexis constata qu’Erwin avait tout aménagé pour que ce soit le plus confortable possible – ce qui était à la fois adorable et suspicieux dans l’esprit d’Alexis. Sans attendre une seconde de plus, la fille d’Arès décida qu’en se vautrant maintenant dans le lit de façon peu gracieuse, au moins elle n’enverrait pas de message ambigu.

Erwin commença à fouiller dans les placards comme s’il était chez lui. Alexis était partagée entre son besoin de ne jamais détacher son regard de lui, de l’observer dans chacun de ses gestes, et son envie de faire semblant de dormir pour que l’épée de Damoclès qu’elle sentait au-dessus de sa tête disparaisse pour cette nuit.

Au bout de quelques secondes, le fils de Poséidon s’immobilisa, comme plongé dans ses pensées. Alexis continuait de triturer les oreillers dans tous les sens, incapable de détacher ses yeux de lui. Soudain, sans un regard pour elle, il attrapa ses vêtements et les enfila. Alexis se sentit alors si soulagée qu’elle aurait presque pu soupirer de bonheur. Elle n’en fit néanmoins rien et se laissa tomber en arrière sur le lit. À moins qu’elle soit beaucoup plus à la ramasse que prévu sur ce sujet, Erwin n’avait décidément pas l’attitude de quelqu’un qui voulait faire autre chose que dormir.

Le poids du soulagement écrasa complètement Alexis que la fatigue assomma dans la foulée. Erwin se glissa à côté d’elle sur le matelas et Alexis tenta de lui faire un sourire chaleureux. Elle était tellement contente qu’il n’y ait aucune pensée ambiguë dans l’esprit d’Erwin qu’elle aurait pu l’embrasser juste pour cette raison. Malheureusement, elle était bien trop fatiguée pour faire autre chose que le regarder silencieusement.

« Si la couverture est trop miteuse pour vous, très chère, je puis vous offrir ceci. »

Erwin posa un morceau de tissu près d’elle avant de déposer un baiser sur sa joue. Alexis comprit alors qu’il s’agissait de son pull et le serra dans ses bras comme s’il s’agissait d’un doudou. Elle se sentait enfin bien à l’idée d’être seule avec Erwin dans une cabane au milieu des bois. Tout était calme, tranquille, rien qu’à eux.

Erwin s’allongea aux côtés d’Alexis qui se blottit un peu plus contre lui. Il n’y avait que le pull d’Erwin entre eux et Alexis s’y raccrochait presque comme une bouée, immobile. Sa respiration était régulière, mais Alexis ne dormait pas tout à fait. Elle se laissait complètement bercer par les gestes d’Erwin, par ses caresses lentes dans son dos. Alexis se délectait de ce contact qui lui insufflait une chaleur réconfortante. Doucement, la fille d’Arès glissa dans les bras de Morphée.

Les mains d’Erwin couraient distraitement sur le corps d’Alexis. Son dos, ses épaules, sa joue. La respiration du fils de Poséidon se faisait de plus en plus régulière, douce. Puis, sûrement par accident, sa main glissa sur les hanches d’Alexis qui se tendit presque immédiatement. Par surprise, Alexis eut un léger sursaut, ce qui eut pour effet de les arracher tous les deux à leur somnolence.

« Ça va, Alexis ? »

Alexis hocha la tête dans le noir avant de réaliser qu’il ne pouvait pas forcément la voir. Alexis se replaça plus ou moins dans la même position qu’avant tout en murmurant à son tour :

« Oui, oui, juste un réflexe chelou. Désolée. »

Alexis balaya le regard inquiet d’Erwin en lui caressant les cheveux. Puis, décidant qu’elle ne voulait définitivement pas revivre cette situation, elle tourna le dos à Erwin et cala sa main dans la sienne. De cette façon, il ne bougerait plus et Alexis ne risquerait plus un arrêt cardiaque inopiné. Délicatement, la fille d’Arès caressa la main d’Erwin avec son pouce. Quelques minutes plus tard, la fille d’Arès avait définitivement sombré dans le sommeil.

***

Erwin s’agita sur le matelas. Alexis ne le sentit pas de tout de suite. Elle n’entendit pas non plus quand il se mit à marmonner des choses insensées. Son sommeil était, pour une fois, trop profond pour que les mauvais rêves d’Erwin ne la réveillent. Pourtant, lorsque le fils de Poséidon hurla, Alexis n’eut d’autre choix que de s’arracher à ses songes. Elle sursauta vivement, recula et, par réflexe, activa ses épées jumelles. Là, à la faible lueur de l’or impérial, elle croisa le regard affolé d’Erwin. Les yeux d’Alexis passèrent de ses armes au fils de Poséidon avant qu’elle ne réalise avec effroi qu’il pouvait penser qu’elle était l’autre. Sans réfléchir, Alexis balança ses armes au loin et leva les mains en signe de paix alors que l’or impérial se fracassait contre le sol de la cabane.

« C’est moi. Ce n’est que moi. Promis. »

Alexis ne voyait pas le regard d’Erwin. Elle ne distinguait qu’à peine son visage. Elle décida néanmoins de bouger dans sa direction. Lentement. Elle se mit d’abord en tailleur. Puis, avec délicatesse, elle rapprocha ses mains de son visage afin de l’attirer contre elle.

« Désolée pour les armes, j’ai eu peur mais je voulais pas te faire peur. »

Erwin enfoui son visage dans son cou et Alexis passa ses doigts dans ses cheveux. Elle pouvait sentir le cœur d’Erwin battre avec fureur. Elle avait presque l’impression qu’ils étaient retournés aux premiers jours post-Labyrinthe, ceux où les cauchemars d’Erwin étaient si vifs qu’il ne parvenait jamais à se rendormir. Que s’était-il passé pour que le fils de Poséidon fasse un tel retour en arrière ? Alexis descendit l’une de ses mains dans le dos d’Erwin pour faire des mouvements circulaires dans l’espoir de l’apaiser.

« Tu… veux en parler ou oublier ? »

" Oui, oui, juste un réflexe chelou. Désolée. "

Erwin fixait la silhouette d'Alexis dans le noir. Elle avait tout de même l'air étrangement distante. Il se demandait ce qui avait pu lui provoquer un tel "réflexe" alors qu'elle devait être en train de dormir. Finalement, la demi-déesse se rapprocha un peu, balada sa main dans les cheveux du fils de Poseidon et parut plus calme. Elle prit une autre position pour se rendormir. Erwin se perdit dans la sensation légère mais agréable du pouce d'Alexis qui caressait discrètement sa peau. Et il finit par s'endormir.

La pesanteur du silence était oppressante. Il faisait noir, l'air était froid mais immobile. Erwin connaissait cette sensation. Il la connaissait mais il était toujours aussi tétanisé lorsqu'elle l'engloutissait. Il était sur la défensive, sachant pourtant très bien qu'il serait incapable de faire quoi que ce soit. Il n'avait pas de liens aux poignets, il savait ce que ça voulait dire. Il l'attendait. Il tendait l'oreille pour trouver d'où elle viendrait. Il n'entendit qu'un son ténu et liquide, un son lointain. Y avait-il de l'eau ? Il n'y en avait jamais.

Rien ne sa passait et Erwin sentait son corps tout entier se tendre un peu plus à chaque seconde. Il repéra finalement des pas, il les sentait ! Il les sentait ? Il pouvait sentir ces vibrations ? Dans sa cellule, pourtant... Il les entendit ensuite. Un pas précipité, un pas résonnant, qui claquait sur le sol. Ce n'était pas de la terre, Erwin était entouré de roche. Percuté de plein fouet par cette information, il eut un mouvement de recul, rencontra une paroi froide et rêche. Il se retourna, en panique. Où l'avait-on enfermé ? Les pas se rapprochaient, quelqu'un courait.

Lorsqu'un visage, tache pâle sur l'obscurité, apparut dans son champ de vision, Erwin ressentit une angoisse intérieure douloureuse, celle qu'il ressentait en se retrouvant face à elle. Mais il se retrouva également étourdi par une vague de douleur physique, bien réelle, sans qu'il puisse pourtant la localiser. Ses yeux retenaient des larmes, il eut envie de crier sous la brûlure qui l'envahissait mais aucun son ne vint. Le visage qui se rapprochait était flou. Erwin se sentit tomber, heurter le sol dur et froid qu'il ne reconnaissait toujours pas.

"Erwin !"

La voix était lointaine. Et soudain, le visage apparut au-dessus de lui. Il la reconnut.

"Arte ?"
"Erwin, on doit y aller. "

Erwin n'eut pas le temps de poser de questions, Artemisia le tirait dans le noir. Il entendait ses pas claquer sur le sol sans savoir où il se trouvait. Puis il y eut une explosion. Sans comprendre d'où elle venait, Erwin vit Alexis près de lui. Elle ne le regardait pas, c'était vraiment elle. Où était l'autre ? Est-ce qu'elles allaient se changer l'une en l'autre ? Artemisia poussa un cri. Un tintement d'arme sur un sol de pierre résonna. Tout devint silencieux. Tout disparut. Erwin sentit une boule d'angoisse grandir peu à peu au creux de son ventre. Il se passait quelque chose, mais où ?

Un nouveau visage apparut. Une femme. Erwin ne la connaissait pas, mais il sut dès cet instant que c'était une sorcière. Le mot résonnait partout autour de lui. Une image lui revint. Artemisia, il y avait quatre ans, rentrant seule. L'image s'effaça. Le visage restait. Erwin sentait une sueur glacée le long de son dos. La sorcière le regarda. Un rictus affreux tordit sa bouche et elle disparut. Erwin sentit d'un seul coup une pression sur ses poignets. Il tira, se brûla la peau sous la force de ses liens. La panique l'envahit. Il était de retour dans sa cellule. Il entendit des bruits de monstres, des bruits de pas, des bruits de peur. La silhouette d'Alexis se dessina, courant vers lui. Elle était suivie par une autre qu'Erwin savait être Artemisia. Elles se dirigeaient toutes les deux vers lui, il distinguait l'éclat rouge du sang partout sur elles. Artemisia s'écroula avant de l'atteindre. Alexis continua. Erwin savait ce qui allait arriver, mais il ne pouvait pas l'accepter. Il tirait, tirait encore, mais il ne parvenait pas à se détacher. Alexis s'effondra. A un mètre de lui. Il se mit à hurler.

Il ouvrit les yeux et découvrit Alexis debout, ses épées à la main, prête à se battre. Il y eut une infime seconde durant laquelle seule la panique contrôlait les deux demi-dieux. Puis Alexis lança ses armes dans le coin de la pièce. La pièce, la chambre, la cabane. Erwin tenta de s'imprégner du lieu, un lieu bien réel, un lieu sans danger.

"C'est moi. Ce n'est que moi. Promis."

Erwin essaya de reprendre le contrôle de sa respiration, de calmer son coeur qui tambourinait dans sa poitrine, de reprendre pied dans la réalité. Il passa fébrilement une main sur son front en sueur. Alexis s'approchait lentement. Il la regarda avancer, d'abord rempli d'appréhension, puis plus rassuré de la voir près de lui, en vie. Les mains de la sang-mêlé sur ses joues firent déferler en lui une vague de douceur qui vint effacer la peur.

"Désolée pour les armes, j'ai eu peur mais je voulais pas te faire peur."

Je sais. Le fils de Poseidon se serra contre Alexis et cacha son visage dans son cou. Il laissa ses doigts se perdre dans ses cheveux. Un contact simple mais doux, réconfortant. Réel. Alexis était vraiment là. Il se concentra sur cette réalité.

"Tu… veux en parler ou oublier ?"

Erwin ne bougea pas. Le cauchemar commençait déjà à s'effacer. Il se rappelait de la fin. Mais seule la sensation d'angoisse profonde qui l'avait envahi restait nette. Ce qu'il avait ressenti était toujours présent, mais, sans les images, il ne comprenait pas exactement ce qui les avait provoquées. Il se redressa et fixa intensément Alexis à travers l'obscurité. Au bout de quelques secondes, il se recoucha et entraîna la fille d'Arès avec lui au milieu des coussins. Il glissa ses doigts entre les siens, il avait envie de les serrer suffisamment fort pour ne jamais la laisser partir, mais il se contenta d'une légère pression, assez pour se rassurer.

"C'était pas le même que d'habitude. Normalement, c'était le minotaure, sauf que je l'ai pas vu. J'ai senti sa présence. Je veux dire, je l'ai sentie, avec mes pouvoirs, Alexis. Je me souviens pas de tout, mais c'était plus... oppressant."

Il fit une pause, le temps de remettre ses idées en ordre. Il y avait définitivement des détails qu'il avait oubliés. Il avait retenu ce qui était habituel surtout, même si quelques différences le frappaient encore. Il fronça les sourcil en une mine inquiète. Il ne comprenait pas.

"Je me suis réveillé parce que tu... parce que... c'était fini."

Il déglutit et ignora le frisson qui le secoua légèrement. Il resserra un peu sa main autour de celle d'Alexis. Puis il se rappela ce qui avait changé.

"Mais... y avait aussi Arte."

Dans le noir, il sentit l'interrogation d'Alexis. Il haussa les épaules, signifiant qu'il ne savait pas ce que le fille d'Athena venait faire dans son cauchemar alors qu'elle n'avait jamais été en lien de près ou de loin avec sa mésaventure dans le Labyrinthe. Erwin s'enroula dans la couverture, se serra davantage contre Alexis. Il ne se rendormirait pas tout de suite, il le savait, mais il se blottit contre elle comme si Morphée menaçait de l'emmener avec lui. Il avait besoin de sentir la fille d'Arès près de lui. De sentir sa chaleur, sa respiration, les battements de son coeur.

Erwin resta immobile pendant qu’Alexis continuait ses mouvements réguliers pour l’apaiser. Une seconde. Deux secondes. Trente secondes. Puis le fils de Poséidon se recula légèrement. Les yeux d’Alexis s’étaient maintenant habitués à l’obscurité qui n’était pas si envahissante, finalement. Les rayons de lune perçaient facilement la pénombre à travers les vitres de la cabane. Erwin la fixait, les traits déformés par diverses émotions. Toujours le silence.

Au bout d’une éternité, Erwin se laissa retomber en arrière et emmena Alexis dans sa chute, qui se laissa faire sans broncher. La tête posée contre son torse, Alexis pouvait très bien entendre son cœur qui continuait de tambouriner furieusement. Ses doigts entremêlés aux siens semblaient l’apaiser d’une certaine façon. Erwin enlaça Alexis comme il pouvait avec une tendresse contrôlée.

« C'était pas le même que d'habitude. Normalement, c'était le minotaure, sauf que je l'ai pas vu. J'ai senti sa présence. Je veux dire, je l'ai sentie, avec mes pouvoirs, Alexis. Je me souviens pas de tout, mais c'était plus... oppressant. »

Alexis restait silencieuse en écoutant Erwin pendant qu’il se perdait dans les souvenirs flous de son rêve. Alexis aurait été bien incapable de dire quoique ce soit de rassurant et préféra se taire. Que pouvait-elle dire de toute façon ? Elle se contenta de caresser avec son pouce sur le dos de sa main.

« Je me suis réveillé parce que tu... parce que... c'était fini. »

Le cœur d’Erwin s’était de nouveau accéléré alors que son corps était parcouru d’un frisson qu’il transmit à Alexis. Ses doigts se resserrent autour des siens et Alexis lui rendit la pression, toujours silencieuse. Je suis là, je suis vivante avait-elle envie de lui dire sans y parvenir.

« Mais... y avait aussi Arte. »

Alexis, les sourcils froncés, leva la tête en direction d’Erwin. Elle ne parvenait pas à capter son regard dans la position dans laquelle elle était, mais Erwin n’avait pas besoin de ça pour comprendre son interrogation silencieuse. Il lui répondit par un simple haussement d’épaules pour transmettre son ignorance. Alexis se recala correctement sur le torse d’Erwin, les sourcils toujours froncés. Ce rêve était… vraiment bizarre. Plus que d’habitude en tout cas. Le fils de Poséidon avait raison quand il le décrivait comme pas le même que d’habitude.

Erwin tira davantage la couverture sur eux et se serra un peu plus sur Alexis qui enroula l’une de ses jambes entre celles d’Erwin. Même si elle avait voulu s’endormir, Alexis ne l’aurait pas pu. Elle pouvait sentir le cœur d’Erwin qui peinait à retrouver un rythme régulier, montrant que le fils de Poséidon avait bien dû mal à se détacher des souvenirs de son cauchemar. Alexis se mordit l’intérieur de la joue. Elle aurait aimé faire quelque chose pour l’apaiser mais elle n’avait pas ni les mots, ni les gestes qu’il fallait. Ce lui rappelait douloureusement la période post-Labyrinthe, quand Erwin se noyait dans son propre silence, suffoquant encore à cause des traumatismes qu’il avait vécu.

Repenser à l’été dernier donna une idée à Alexis. À cette époque, elle avait passé beaucoup de temps à parler à Erwin. C’étaient généralement des conversations à sens unique, mais Erwin lui avait déjà dit que ça l’avait aidé. Un peu. Alexis se demanda si cette stratégie pouvait fonctionner dans ce cas-ci ? Elle pouvait toujours essayer. Ce n’était pas comme si Erwin allait se rendormir dans tous les cas. Elle s’humidifia les lèvres et laissa les chuchotements s’échapper de sa bouche :

« Je m’appelle pas vraiment Alexis. Enfin, si. C’est le nom de la sœur de ma mère. Elle l’a choisie en son honneur. Mais mon géniteur m’a appelé Willa. C’est donc officiellement mon prénom. Alexis, c’est le second. »

Alexis pouvait sentir le regard d’Erwin dans sa direction mais elle ne s’arrêta pas pour autant. Elle continua sur sa lancée, sans lui laisser le temps de dire quoique ce soit :

« Je préfère porter le nom choisi parce quelqu’un qui voulait de moi plutôt que celui de quelqu’un qui ne voulait pas de moi. Alors un jour, j’ai décidé que je ne répondrais plus à Willa. Ma mère a accepté sans broncher. »

Alexis remua les épaules, pour comme dire que toute cette histoire n’avait pas vraiment d’importance ni pour elle, ni pour sa mère. Willa était un drôle de nom dans la bouche de la jeune fille maintenant, elle n’avait aucune attache. Alexis décida que cette histoire était terminée et changea de sujet :

« Je déteste les karaokés. C’est pas tellement l’action de chanter… c’est surtout le fait d’être entendue. J’aime pas être entendue. J’y suis allée une seule fois, dans un karaoké, et c’était avec Poppy. J’ai accepté de faire une chanson. J’en ai pas un mauvais souvenir parce que Poppy a utilisé son pouvoir sur moi – elle peut apaiser les gens – et donc j’ai pas passé un mauvais moment. Mais plus jamais quand même. »

Alexis n’avait jamais parlé de cette soirée karaoké à Erwin. La seule fois où il avait entendu cette histoire, c’était de la bouche de Solan. Il était peut-être temps qu’il en entende parler de sa bouche à elle. Ce n’était pas grand-chose du point de vue d’Alexis mais Erwin préférait sûrement savoir certaines choses avant de l’apprendre des autres. En parlant de ça…

« J’ai découvert mon nouveau pouvoir, le cri de l’horreur là, parce que j’étais très énervée. Et très triste. Alors je me suis levée. Et j’ai hurlé. J’ai hurlé pour que toute ma douleur s’en aille. Et elle est partie. Temporairement. Pour tout détruire. »

Alexis préféra taire qu’elle avait été dans cet état d’esprit parce qu’Erwin avait été kidnappé et qu’elle hurlait au monde qu’on la prenne elle plutôt que lui. Cette histoire viendrait peut-être un jour. Peut-être jamais. Alexis pouvait bien garder quelques choses pour elle-même, après tout…

La fille d’Arès continua sur sa lancée. Elle parla, encore et encore. Pendant trente minutes. Pendant une heure ? Elle raconta des anecdotes de son enfance, sa notation d’hôtels quand elle voyageait avec sa mère, sa rencontre avec un majordome qu’elle pensait à moitié agent secret – mais qui était en fait un dealer. Elle raconta ses brèves expériences en école, surtout la dernière, quand elle s’était fait virer. Elle expliqua comment elle avait accepté directement la petite-amie de sa mère et qu’elle était devenue sa meilleure amie.

Alexis raconta plein de choses, mais vers la fin, elle mélangeait les mots. Les yeux fermés, elle se laissait bercer par les battements réguliers du cœur d’Erwin. S’était-il endormi ? En tout cas, elle, elle commençait à vraiment le faire.

« Une fois… avec Elliot… dans les cuisines… puis y’a du chocolat… et après… boum… »

Alexis peinait à réfléchir au sens de sa phrase. Elle prit quelques secondes de répit pour réfléchir et Morphée en profita pour l’enlacer. Et juste comme ça, Alexis s’endormit.

Erwin n'avait pas envie de se demander pourquoi Artemisia avait fait irruption dans son cauchemar. Un peu par principe, parce que rêver d'Arte était vraiment trop bizarre et que c'était comme si elle se mêlait encore de ses affaires. ais surtout parce que c'était loin d’être un détail anodin dans un cauchemar anodin. Le fils de Poseidon ne voulait pas y réfléchir et pourtant ses pensées y revenaient irrémédiablement. Tout le reste s'effaça pour de bon, Erwin se souvenait seulement qu'Artemisia était apparue, qu'il lui était arrivé la même chose qu'Alexis et ça s’arrêtait là. C'était d'autant plus perturbant. Peut-être que, dans la version complète, sa présence avait un sens ?

"Je m'appelle pas vraiment Alexis. Enfin, si. C'est le nom de la sœur de ma mère. Elle l'a choisie en son honneur. Mais mon géniteur m'a appelé Willa. C'est donc officiellement mon prénom. Alexis, c'est le second."

Erwin ne bougea pas. Il écouta Alexis, l'air surpris mais toujours hébété, comme en se réveillant d'un rêve. Il ne comprit pas tout de suite ce que sa voix venait de prononcer, puis, comme une cassette qu'on rembobine, les mots refirent leur chemin dans la tête du demi-dieu. Il en fut encore plus étonné. Etonné par le fait qu'Alexis ne s'appelle pas Alexis et étonné par le fait qu'elle lance ce sujet sans aucune raison au beau milieu de la nuit. Sa langue brûlait de dizaines de questions à lui poser, mais la fille d'Arès continua sur sa lancée.

"Je préfère porter le nom choisi parce quelqu'un qui voulait de moi plutôt que celui de quelqu'un qui ne voulait pas de moi. Alors un jour, j'ai décidé que je ne répondrais plus à Willa. Ma mère a accepté sans broncher."

Erwin ne remarqua pas lui-même qu'il souriait dans l'obscurité. Il ne savait pas pourquoi Alexis lui parlait de tout ça maintenant, mais ça lui faisait plaisir d'entendre ce genre détail insoupçonné à son propos. Il essaya d'imaginer une mini-Alexis répondant au nom de Willa et se braquant d'un seul coup pour faire la sourde oreille à ce nom. Il comprenait le raisonnement qu'il y avait derrière e choix, et il était content pour Alexis que sa mère n'ait pas discuté. De toute façon, il préférait largement Alexis à Willa.

Tandis qu'Alexis continuait à parler, changeant de sujet, Erwin ne pensait plus du tout à Artemisia ni au reste de son cauchemar. Il écoutait, sans bouger, la voix de la fille d'Arès qui remplissait l'air bien qu'elle ne fut qu'un léger murmure. Au son de chaque mot se dessinait devant lui une nouvelle facette d'Alexis. Lorsqu'elle lui parla du karaoké, il ne pensa même pas à Solan. Il était juste heureux de pouvoir se plonger dans la douceur que lui offrait la sang-mêlé. Elle parlait sans montrer la moindre gêne, elle parlait d'elle, de Poppy aussi, un peu, mais surtout d'elle, et ça le berçait, le sourire aux lèvres.

Quand la fille d'Arès mentionna son nouveau pouvoir et expliqua comment elle l'avait découvert, Erwin crut entendre sa voix changer un instant. Puis cette impression disparut, il se laissa à nouveau aller au gré des mots. Alexis n'avait aucun plaisir à utiliser ses pouvoirs, il le savait. Elle les voyait comme destructeurs et ça n'allait pas beaucoup plus loin. Lui était admiratif de l'attention qu'elle mettait à les contrôler et surtout du succès avec lequel elle le faisait. Il avait tellement envie qu'Alexis se voit à travers son regard à lui...

La voix d'Alexis continua à guider les pensées d'Erwin d'un souvenir à un autre, de mot en mot. Le fils de Poseidon ferma les yeux pour mieux savourer ce moment si simple et pourtant particulier. Au bout d'une vingtaine de minutes, il ne distinguait plus ce qu'articulait la demi-déesse. Seul le son de sa voix lui parvenait, toujours porteur de calme et de sérénité et de réconfort. Puis la voix se fit lointaine, peu à peu, et Erwin replongea dans le sommeil.

Lorsqu'il s'éveilla, une pâle lueur éclairait le visage d'Erwin. Il était encore tôt, mais le froid matinal et le chant timide de quelques oiseaux aux alentours de la cabane s'étaient chargés du réveil. Alexis remuait légèrement à côté de lui, toujours plus ou moins endormie. Le fils de Poseidon roula sur le côté pour l'observer. Elle était décoiffée, elle gardait jalousement son pull entre ses bras, elle émettait de temps à autre un grognement somnolant, mais elle était rayonnante aux yeux d'Erwin. Il écarta du bout des doigts une mèche qui lui barrait le visage et caressa sa joue que l'air frais rendait plus rose. Alexis entrouvrit les yeux quelques minutes plus tard. Elle fronça les sourcils comme si la lumière l'aveuglait, bien qu'il fasse encore plutôt sombre dans la chambre. Puis elle regarda Erwin qui se glissa jusqu'à elle pour l'embrasser.

"Les heures matinales te vont toujours aussi bien."

Rares étaient les rayons soleil qui venaient jusqu’à Alexis. Surtout lorsqu’elle avait la tête enfouie dans un pull qui n’était pas le sien, une vieille couette puante recouvrant son visage. Malgré tout, il y en avait un. Un petit con de rayon du soleil qui avait su passer toutes les protections autour d’Alexis et qui venait lui chatouiller la paupière droite. Dans un grognement, Alexis tenta plusieurs positions, mais ce petit con ne daignait pas la lâcher.

La fille d’Arès resta un moment comme ça, flottant entre l’inconscient et le conscient. Elle rêvait à moitié qu’elle était de retour en Suède, emmitouflée dans son lit d’enfance alors que les oiseaux chantaient dehors. Elle avait presque l’impression de sentir l’odeur de la neige qui venait lui chatouiller les narines. Bien sûr, cela contrastait carrément avec les effluves de moisi qui provenaient de la couette ou celles salées qui se trouvaient juste sous son nez… Mais Alexis n’était pas assez réveillée pour voir les contradictions que lui offraient son esprit.

Alexis sentit une caresse sur sa joue et failli bien râler contre sa mère. Pourquoi venir la réveiller alors qu’elle dormait si bien ? Sa mère n’avait-elle donc point de cœur ? L’esprit d’Alexis inventa une odeur de pain grillé pour justifier la présence de sa mère auprès de son lit. La fille d’Arès se délecta quelques instants supplémentaires de tous ses souvenirs qui se mélangeaient à ses rêves avant d’ouvrir les yeux… et de découvrir qu’elle n’était pas du tout en Suède. Les souvenirs flous de la veille l’informaient que l’odeur de moisi n’était, elle, pas un rêve. Les sourcils froncés à cause de l’odeur mais aussi de la lumière, la fille d’Arès aurait pu râler contre l’univers si le visage rayonnant d’Erwin ne se trouvait pas à quelques centimètres du sien.

Erwin se glissa jusqu’à elle et déposa un baiser court mais agréable sur ses lèvres. Alexis aurait pu s’habituer à ce genre de réveil… si seulement la couette ne puait pas autant. Et s’il n’y avait pas autant de lumière ! Au moins, ils étaient seuls et pouvaient se mouvoir comme ils le désiraient. C’était le seul point positif par rapport à d’habitude, il fallait être honnête.

« Les heures matinales te vont toujours aussi bien. »

Alexis grogna, prit un coussin au hasard autour d’elle et l’écrasa contre le visage d’Erwin avant de lui tourner le dos. Plutôt amusé par la situation, le fils de Poséidon ne se laissa pas démonter pour autant et glissa un bras sous Alexis pour se blottir son dos. Il enfouit sa tête dans ses cheveux et chuchota quelque chose qu’Alexis ne comprit pas. En toute réponse, elle grogna de nouveau avant de marmonna :

« aucun intérêt à s’réveiller s’y’a pas de p’tit dej, ‘win. »

Alexis mâchait la moitié de ses mots, incapable d’articuler encore si proche du sommeil. Erwin, en guise de réponse, laissa ses doigts courir dans le dos d’Alexis, ses bras, sur sa nuque. Bien malgré elle, la fille d’Arès se délectait de contact agréable contre elle.

Finalement, après plusieurs minutes, Alexis ne pouvait plus se rendormir. Elle soupira de lassitude et se mis de nouveau sur le dos. Erwin, appuyé sur son coude, la fixait avec un grand sourire. Hé, t’as vu, j’ai gagné que disaient ses yeux. Alexis était à deux doigts de lui écraser un nouvel oreiller contre la tête mais elle n’en eut pas le temps : Erwin était déjà en train de l’embrasser.

« Je rigolais pas Erwin, j’ai faim. »

Alexis venait de repousser gentiment Erwin qui semblait décidé : son petit-déjeuner, ce seraient les lèvres d’Alexis et rien d’autre. La fille d’Arès, quant à elle, avait pris une toute autre décision. Elle se glissa en-dehors du lit, frissonna à cause de la température et ramassa ses épées qui traînaient toujours par terre. Ces dernières reprirent rapidement leurs formes de bague et Alexis se tourna vers Erwin qui continuait de lézarder dans le lit en la fixant.

« Erwiiiiiiiiiiin, sors de làààà. »

Pour quelqu’un qui n’avait aucune difficulté à se réveiller, Erwin était bien difficile à sortir du lit. Alexis fronça les sourcils. Erwin fit une tête de chien battu. Alexis continua de froncer les sourcils. Erwin referma les yeux dans une tentative vaine de faire semblant de dormir. Alexis qui, malgré elle, ne pouvait s’empêcher de trouver ça mignon, avait bien du mal à cacher son sourire amusé.

« Si tu te lèves pas, je t’abandonne ici. »

Alexis ne savait même pas où elle était mais bon, elle finirait bien par retrouver son chemin un jour…