"En général ou à cet instant précis ? Parce qu'en général ça va. Je veux dire, pourquoi ça irait pas ? J'ai des entraînements souvent et c'est génial. Mes partenaires de combat sont fabuleux. Et j'apprends à gérer mes pouvoirs. Qui sont fabuleux aussi ! Après tout, rien ne me définit mieux que la destruction alors bon. Arès a su me donner les clés en main pour réussir dans la vie, ça c'est sûr. Mais bon, c'est pas grave, c'est pas comme si je savais pas détruire les choses par moi-même, ahaha. Comme ta cabane, si y avait eu des bougies ! Ou notre relation parce que je serai jamais à ton niveau et que je suis complètement nulle pour ça et que je serai jamais tenir le rythme et que je vais tout ruiner, mais j'peux pas accuser Arès à chaque fois donc je suppose que mes pouvoirs sont juste le reflet de ma propre personne alors bon."

Erwin aurait pu se réjouir qu'Alexis parle autant. Mais personne n'aurait pu se réjouir de ce qu'elle disait. Durant quelques secondes, le fils de Poseidon y avait pourtant cru, il s'était rassuré, il avait dû se faire des idées, voilà tout. Les mots suivants l'avaient détrompé aussi vite. Plus Alexis parlait, plus Erwin sentait une boule se former dans sa gorge. Surtout lorsqu'elle aborda leur relation. Pourquoi la fille d'Arès craignait-elle de tout briser alors que c'était lui qui avait commis les plus grands ratés entre eux ? Tous les jours où elle était venue le voir dans la Grande Maison sans qu'il ouvre la bouche. L'entrainement où il s'était emporté contre elle, à côté d'Andrew. Le cauchemar à l'infirmerie. Leur silence. La Saint-Valentin ratée.

Et pourquoi parler de niveau ? Erwin n'était pas au niveau d'Alexis. En combat. C'était indéniable. En dessin, la fille d'Arès avait certes encore des progrès à faire, mais le demi-dieu doutait fort qu'elle se mette dans un état pareil pour quelques cours à rattraper. Est-ce qu'elle ne se sentait pas suffisamment bien pour lui ? Elle était pourtant débrouillarde, elle ne cessait jamais de s'améliorer, elle pensait aux autres avant elle. Elle était aussi forte, déterminée, et néanmoins douce. Le fils de Poseidon vivait chacun de leurs baisers, chacune de leurs étreintes comme des privilèges. Il se sentait à sa place auprès d'Alexis, il ne pouvait s’empêcher de sourire dès qu'elle était là. Il trouvait tout simplement qu'elle était la personne parfaite pour lui. Comment pouvait-elle se sous-estimer à ce point ?

"Pardon. Oui ça va, merci et toi ?"

Erwin sortit de sa torpeur. Il était figé sur sa chaise. Plus aucun sourire n'éclairait son visage. Il avait détesté entendre Alexis se dégrader de la sorte, mais il détestait encore plus qu'elle tente d'effacer tout ça en changeant simplement de sujet. C'était comme si elle était persuadée qu'il n'en avait rien à faire. Et ça lui faisait mal qu'elle pense une chose pareille. Erwin se leva d'un coup de sa chaise. Il contourna la table comme un ouragan pour foncer sur Alexis et l'emprisonner dans ses bras. Le visage à moitié caché dans le t-shirt du demi-dieu, la fille d'Arès tenta d'articuler.

"Erwin ?"

Le fils de Poseidon la serra un peu plus fort - tout en s'efforçant de ne pas l'étouffer. Il ne répondit pas tout de suite. Puis il s'écarta légèrement et releva le visage d'Alexis vers lui. Il la regarda, les sourcils froncés.

"Tu racontes n'importe quoi. Tu ne détruis pas tout, même si tes pouvoirs ont cette capacité. D'ailleurs, tu fais des efforts énormes pour ne pas déraper et ça marche ! Et nous deux... C'est pas un concours, je comprends pas de quoi tu parles. On a des niveaux différents dans plein de domaines, tu as des qualités que j'ai pas alors ne dis pas que tu es nulle."

Le regard d'Alexis brillait d'un éclat qu'Erwin n'arrivait pas à identifier. Son visage se détendit. Il n'avait qu'une seule envie : envelopper la fille d'Arès à tout jamais de ses bras et ne plus la lâcher. Il posa ses deux mains sur ses joues et l'embrassa une nouvelle fois, plus fort. Au fond, pour Erwin, c'était un besoin intense de lui faire un électrochoc, de lui faire comprendre à quel point il tenait à elle. Elle avait tant de qualités qu'elle ne voyait pas. Courageuse. Erwin pressa un peu plus ses mains sur les joues d'Alexis. Attentive. Ses mains glissèrent derrière sa nuque. Protectrice. Ses lèvres s'appuyèrent un peu plus sur les siennes. Amusante. Il s'écarta doucement d'elle. Il la regarda. Belle.

"Je crois que je te le répéterai jamais assez mais je t'aime. Alors arrête de dire des bêtises."

Il y eut un moment de flottement, puis Erwin s'éloigna d'Alexis. Les assiettes étaient vides - et le saladier pas loin de l’être. Le demi-dieu débarrassa la table. Heureusement qu'ils n'étaient que deux parce que l'évier était décidément beaucoup trop petit pour accueillir plus de vaisselle. Sa bonne humeur retrouvée, le fils de Poseidon se tourna vers Alexis.

"On peut sortir, si tu veux. C'est plutôt tranquille dans le coin et ça fera peut-être du bien de prendre l'air."

La chaise grinça douloureusement par terre, comme un écho au cœur d’Alexis. Elle ne voulait même pas lever la tête, elle ne voulait pas croiser le regard d’Erwin, elle ne voulait pas le voir partir… Pourtant, alors qu’elle se faisait presque à cette idée, son corps se redressa lorsqu’Erwin la saisit par les épaules pour après l’envelopper dans ses bras. Pendant un instant, Alexis cessa de fonctionner. Elle ne respirait plus. Son cerveau était silencieux. Elle n’eut qu’à peine le réflexe de prononcer le nom d’Erwin, prenant ainsi conscience qu’elle ne respirait plus parce qu’il l’étouffait dans son étreinte. Est-ce qu’il essayait de la tuer ? Au moins, ce serait une mort agréable.

Au bout d’une éternité, Erwin recula légèrement et Alexis retrouva ses sens. Elle pouvait sentir son odeur lorsqu’elle reprit sa respiration. Son cœur entama un rythme endiablé alors qu’elle se délectait de sa chaleur qui continuer de l’envelopper. Même son souffle sur sa peau était agréable – tant bien même le repas d’avant ne jouait pas en sa faveur. Alexis aurait pu se satisfaire de tout ça, mais les sourcils froncés d’Erwin l’empêchaient de savourer sa présence. Était-il énervé parce qu’Alexis avait trop parlé ? Parce qu’elle n’aurait pas dû changer de sujet ?

« Tu racontes n'importe quoi. Tu ne détruis pas tout, même si tes pouvoirs ont cette capacité. D'ailleurs, tu fais des efforts énormes pour ne pas déraper et ça marche ! Et nous deux... C'est pas un concours, je comprends pas de quoi tu parles. On a des niveaux différents dans plein de domaines, tu as des qualités que j'ai pas alors ne dis pas que tu es nulle. »

Les joues d’Alexis étaient gonflées d’air tant elle devait se faire violence pour ne pas interrompre Erwin. Elle avait envie de lui dire que c’était lui qui racontait n’importe quoi mais son air sévère, plus qu’une dissuasion efficace, trahissait qu’Alexis lui avait mal d’une certaine façon. Parce qu’elle avait douté d’elle-même ? Parce qu’elle les faisait entrer en compétition sans qu’il ne soit au courant ? Puis finalement, peu importait, car il y avait une chose qu’Alexis saisit : Erwin ne voulait pas partir. Pas maintenant, en tout cas. Le soulagement que ressenti la fille d’Arès aurait presque pu la faire pleurer.

Ce qu’Erwin tira comme conclusion du relâchement dans les épaules d’Alexis fut un mystère pour la fille d’Arès. Bientôt, les lèvres d’Erwin était de nouveau pressé contre les siennes. Il y avait presque une urgence dans ce baiser, comme si Erwin essayait de dire un million de choses avec ce simple geste. Je pars pas si tu pars pas. Je t’accepte comme tu es. Essaye de te voir à travers mon regard. Les mains d’Erwin glissèrent de ses joues à sa nuque alors qu’Alexis s’abandonnait complètement à ses lèvres. Elle entoura la taille d’Erwin de ses bras et pressa son corps un peu plus contre le sien. Il n’y avait rien d’autre qui comptait. Le monde aurait pu exploser que la fille d’Arès ne l’aurait même pas remarqué. Il n’y avait qu’Erwin.

Le baiser se stoppa et Alexis laissa retomber ses bras à contre-cœur. Elle plongea son regard dans celui d’Erwin. Est-ce qu’il pouvait comprendre à quel point elle l’aimait ? À quel point elle désirait son contact plus que tout au monde ? Est-ce qu’elle pouvait, d’un simple regard, lui faire comprendre l’étendu de ses émotions et son besoin insatiable de l’embrasser sans fin ?

« Je crois que je te le répéterai jamais assez mais je t'aime. Alors arrête de dire des bêtises. »

Erwin lui tourna alors le dos et commença à ranger la table pendant qu’Alexis le fixait avec un sourire béat sur le visage. Il n’avait peut-être pas compris tout ce qu’Alexis voulait lui transmettre, mais son simple « je t’aime » suffisait à emballer son cœur bien plus que raison.

Quelques instants plus tard, Erwin se tourna en direction d’Alexis qui avait toujours le même sourire niais sur les lèvres. Elle tenta vainement de simuler une quinte de toux pour le faire partir alors qu’Erwin enchaînait :

« On peut sortir, si tu veux. C'est plutôt tranquille dans le coin et ça fera peut-être du bien de prendre l'air. »

Le sourire d’Alexis n’eut aucun mal à revenir se glisser sur ses lèvres. Il n’y avait rien de plus vivifiant pour la jeune fille de sortir prendre l’air ! Elle accepta avec une joie non-dissimulée et ils furent bientôt tous les deux dehors. Le soleil de midi brillait tellement qu’Alexis en oublia la saison. Un vent frais vint lui rappeler qu’ils étaient toujours en hiver et Alexis retourna à l’intérieur de la cabane pour attraper sa veste avant de ressortir.

« Tu sais déjà où tu veux aller ou tu veux risquer que je nous perde en prenant les devants ? »

Alexis fixait Erwin avec une étincelle de malice dans le regard. Elle n’avait qu’à peine retenu le chemin pour venir jusqu’ici, elle n’avait aucune idée d’où elle se trouvait géographiquement mais n’était pas du genre à reculer devant si peu. S’ils se perdaient quelques heures, au pire, ce n’était pas la mort… Erwin coupa court à ses pensées en lui indiquant qu’il prenait les devants, sans préciser si oui ou non il avait une idée d’où il comptait se rendre. Alexis feignit d’être déçue puis glissa sa main dans la sienne avec un sourire amusé :

« Alors c’est parti, capitaine. »

La proposition semblait ravir Alexis. Elle se leva, sa mine complètement renouvelée. Le sourire qu'elle affichait était un pur bonheur pour Erwin. Tandis qu'il enfilait le gros pull qu'il avait pris pour venir, la sang-mêlé se dirigeait vers la porte. Une fois dehors, il ne fallut pas longtemps au fils de Poseidon pour remarquer qu'Alexis allait bien vite attraper froid. Il se retint de rire lorsqu'elle rentra à nouveau dans l'abri de randonneur pour en ressortir un peu plus chaudement vêtue.

"Tu sais déjà où tu veux aller ou tu veux risquer que je nous perde en prenant les devants ?"

Ses yeux pétillaient et Erwin s'imprégnait de ce regard avec un plaisir plein de douceur. D'un clin d'oeil, il fit comprendre à Alexis qu'il jouerait le rôle de guide pour la balade. La fille d'Arès sembla presque déçue de ne pas partir à l'aveuglette. Ses doigts se glissèrent entre ceux du demi-dieu et il se délecta de ce contact chaud au creux de sa main tandis que l'air était si froid.

"Alors c'est parti, capitaine."

Ils rirent tous les deux et Erwin emmena Alexis sur un petit chemin à l'arrière du cabanon. Il n'avait pas d'idée particulière en tête, mais il connaissait quelques endroits qui pourraient plaire à Alexis. Il verrait bien vers le quel ses pas le mèneraient. De toute façon, pour lui, c'était égal. Il était avec la fille d'Arès, c'était tout ce qui comptait à ses yeux. Et elle avait déjà l'air de se sentir mieux.

Ils suivirent d'abord un chemin abandonné mais toutefois moins envahi par les plantes que celui qui menait à la cabane. Les perce-neige et déjà quelques crocus offraient timidement leurs pétales à la vue de qui passerait par là. Des arbres un peu partout commençaient doucement à se confectionner un nouveau feuillage. Des buissons sauvages formaient tantôt de gros massifs dans le décor, tantôt de petits points feuillus isolés. Dans un tel cadre, difficile d'imaginer qu'un camp militaire se dressait à quelques kilomètres. Erwin avait beau avoir pris goût à la vie romaine, il se sentait bien ici, à l'écart de toutes ses occupations programmées avec précision.

Après avoir marché un petit moment, emprunté plusieurs sentiers plus ou moins accessibles et avoir fait quelques arrêts, les deux demi-dieux arrivèrent finalement à l'un des endroits qu'Erwin avait en tête. Ils étaient à flan de colline, d'énormes rochers plats formaient comme un escalier géant sur l'herbe. Un arbre pour le moment dénudé se dressait entre deux de ces rochers. En été, il devait faire un parasol parfait. En contrebas, le petit Tibre ruisselait tranquillement, calme et limpide. Erwin avait hésité à venir ici pour sa surprise de réconciliation avec Alexis, mais il ne savait ni l'heure à laquelle elle devait rentrer ni le temps qu'il ferait. Autant dire que cela faisait trop d'inconnues pour se permettre de prévoir un pique-nique en plein air. Il était content de pouvoir lui faire découvrir ce lieu malgré tout.

"On peut s’arrêter ici si tu veux."
Inutile de parler. Alexis s'était déjà arrêtée. Ses yeux brillaient. Erwin aurait aimé que son visage soit toujours aussi lumineux. Elle souriait en regardant partout autour d'elle. Elle n'avait pas besoin de dire quoi que ce soit. De toute façon, le fils de Poseidon était bien trop absorbé dans sa contemplation de la sang-mêlé pour faire réellement attention à ce qu'elle aurait pu dire.

***

"Tu sais ce que j'adore ici ?"

Alexis tourna les yeux vers Erwin, allongé sur la pierre tout comme elle. Ce n'était pas le plus confortable ni le plus chaud des matelas, mais ils étaient là, à scruter le ciel et à écouter les bruits qui les entouraient sans broncher. Erwin se redressa sur ses coudes.

"Le Tibre, juste en bas."

Alexis se redressa à son tour. Quelques mètres plus bas, au pied des rochers, le petit Tibre était effectivement visible. Erwin se leva. Alexis ouvrit la bouche mais le fils de Poseidon avait déjà enlevé son pull et ses chaussures pour se laisser tomber en arrière dans l'eau.

***

"Brrr."
"Tu t'es pas dit qu'elle serait froide, sérieusement ?"
"Tais-toi."

Alexis continua à frictionner le dos d'Erwin en levant les yeux au ciel. Evidemment que le demi-dieu s'était dit que l'eau serait froide. Mais il n'avait pas peur de l'eau froide. En Grèce, l'eau froide est un trésor ! Bon, c'est vrai que, maintenant qu'il y repensait, à New York... Et puis ce n'était pas de sa faute, il avait ressenti le besoin de nager ! L'eau qui chantait dans son lit, le cadre parfait pour se laisser flotter en regardant le paysage...

Une fois sorti de l'eau, il avait déchanté. L'air était froid, son pantalon était désormais trempé et il fallait rentrer au cabanon. Alexis avait fait le minimum de remarques possibles, mais il avait remarqué ses multiples regards remplaçant tous les soupirs du monde. Heureusement qu'ils n'avaient pas eu tant de chemin à faire pour rentrer... Arrivés à destination, Alexis et Erwin avaient dévalisé la vieille réserve de bois pour faire un feu auprès duquel le sang-mêlé pourrait se réchauffer. Vêtu de son gros pull, de son caleçon, de ses chaussettes et de ses chaussures - le reste de ses habits séchant sur le banc - ainsi que d'un gros plaid râpeux déniché dans une armoire de la chambre, Erwin reniflait.

"Elle m'appelait."
"Oui, Erwin. Oui."

Alexis ne faisait même pas semblant d’être convaincue. D'un mouvement nonchalant, elle rajouta une bûche de bois dans le feu qui crépitait. Les flammes n'étaient pas très grandes, le foyer pas très étendu, mais la chaleur qui en émanait était suffisante et la lumière parvenait à éclairer l'air qui se faisait plus sombre. Enveloppé dans son plaid d'arrière-grand-mère, Erwin se leva, fit signe à Alexis de l'attendre et rentra dans la cabane. Il en ressorti comme il était entré : enroulé dans son plaid. Il se rassit aux côtés de la fille d'Arès et écarta les bords de la couverture, laissant alors voir le sachet en plastique qu'il cachait. Il pointa également deux longs bâtons. Il fallait bien ça pour manger des marshmallows.

"Je te présente le plan B."

Alexis avait l’impression d’être une touriste dans un pays inconnu. Elle s’extasiait devant toutes les plantes, tous les arbres, tous les cailloux qui avaient le malheur de croiser sa route. Pendant quelques heures, Alexis n’était plus une sang-mêlé vivant à San Francisco, elle était une adolescente qui retrouvait les couleurs de chez elle, les odeurs de son pays natal, les souvenirs de son enfance. Alexis n’était jamais restée trop longtemps en Suède, puisque sa mère voyageait beaucoup avec son métier, mais les quelques fois où elle avait visité sa terre natale l’avaient marquée vivement. Elle se rappelait les conifères, la verdure, les lacs, les forêts interminables. Alexis s’était toujours sentie plus à l’aise entourée par la nature, enhardie par la sensation de liberté qui allait avec. Retrouver de telles sensations à seulement deux ou trois kilomètres du Camp Jupiter était complètement grisant.  

La présence d’Erwin rendait tout plus plaisant, plus doux. Alexis était presque incapable de lui lâcher la main tant elle était heureuse d’être avec lui. Elle le suivait avec une joie non-dissimulée, le suivant quand il changeait de sentier, ne se posant même pas de question sur l’endroit où ils allaient. Pour la première fois, Alexis comprit pourquoi certains disaient que le chemin comptait plus que la destination. Alexis aurait pu se diriger en Enfers qu’elle n’en aurait pas été moins heureuse. Passer cet instant hors du temps en compagnie d’Erwin valait bien tout le reste.

Enfin, ils s’arrêtèrent devant un paysage sorti d’un rêve. Alexis, qui pensait avoir atteint son quota d’étoiles dans les yeux, fut à deux doigts de sautiller partout tant ce qui se dressait sous ses yeux était magnifique. Elle aurait aimé avoir un appareil photo pour pouvoir figer ce paysage. Avec un peu de recul, peut-être aurait-elle pu trouver l’arbre trop nu ou les cailloux trop lisses, mais Alexis s’était noyée dans son propre enthousiasme et elle était aveugle aux moindres défauts.

***

Alexis regarda avec une expression indéchiffrable Erwin s’élancer vers le Tibre en contre-bas. Elle aurait aimé le prévenir – Erwin, on est en plein mois de février, il fait hyper froid, tu vas choper la mort. – mais le fils de Poséidon était bien trop rapide pour la fille d’Arès qui le regardait, sans bouger, courir vers son propre trépas, un sourire amusé sur les lèvres. Normalement, elle aurait dû le trouver stupide, immature, complètement à la ramasse, mais le voir si heureux, si détaché du reste… Alexis avait l’impression que son amour ne faisait que croître. Une partie d’elle aurait aimé le rejoindre dans son insouciance et se baigner à ses côtés… mais la partie de la raison se contentait de le regarder bondir dans l’eau, une étincelle presque sadique dans le regard.

Finalement, Alexis attrapa les vêtements qu’Erwin avait abandonné et se dirigea vers le bord du Tibre. Déjà, le fils de Poséidon ressortait de là, tremblant de froid, un regard effaré peint sur son visage. Alexis dû se faire violence pour ne pas exploser de rire et lui tendit son pull dans lequel il s’emmitoufla en claquant des dents.

Le trajet du retour fut plus calme, même si Alexis avait toujours bien du mal à effacer le sourire qui continuait de s’étirer sur son visage. La douceur de la journée en compagnie d’Erwin l’avait enveloppée dans une chaleur agréable qui rendait difficile à toute négativité d’arriver. Même lorsqu’Erwin tremblait comme une feuille à côté d’elle. Même avec le bruit disgracieux de ses chaussures trempées sur le sol.

***

« Elle m’appelait.
– Oui, Erwin. Oui. »

Alexis hocha la tête avec un manque flagrant de conviction, tout en rajoutant une bûche dans le feu qui crépitait devant eux. Alexis n’avait même pas eu le temps de se rendre compte du temps qui passait que la nuit commençait déjà à obscurcir le ciel. Le vent, toujours plus frais, rendait difficile de se réchauffer, surtout pour un fils de Poséidon en caleçon et pull, emmitouflé dans un plaid à l’hygiène douteuse. Le seul contact que la fille d’Arès concédait à faire avec cet immonde bout de tissu fut celui de frotter le dos d’Erwin dans une tentative de réconfort.

Erwin se redressa mollement et Alexis le suivit du regard alors qu’il lui faisait signe de rester à sa place. Alexis ne se fit pas prier : même si le feu était ridicule, c’était toujours l’endroit le plus chaud aux alentours. Le cabanon était un frigo à lui tout seul tant les températures avaient chuté en l’espace de quelques heures. Le pauvre pull d’Alexis n’était d’aucun secours face au vent d’hiver qui soufflait entre les arbres.

Quand Erwin revint aux côtés d’Alexis, il souleva son plaid pour exhiber fièrement non pas ses abdos – il avait prit des abdos ou c’était juste l’effet du feu ?! – mais un paquet de marshmallows. L’estomac d’Alexis ronronna avec douceur alors que son regard se décala vers deux bâtons posés non loin d’eux.

« Je te présente le plan B. »

Alexis attrapa les bâtons et en tendit un à Erwin qui se saisit de l’extrémité. Plutôt que de le lâcher, Alexis tira un coup dans sa direction et le fils de Poséidon fut contraint de tomber presque sur Alexis qui en profita pour l’embrasser. Les bâtons n’avaient bientôt d’importance alors qu’Alexis entourait la nuque d’Erwin avec ses bras. Au bout de quelques secondes, Alexis recula légèrement mais laissa son front collé à celui d’Erwin, un sourire presque niais sur le visage :

« Je t’aime. »

Les mots étaient sortis d’eux-mêmes, dans un murmure… et aussi dans un suédois parfait. Le rouge monta rapidement aux joues d’Alexis qui se décala enfin d’Erwin et attrapa de nouveau les bâtons. Elle en tendit un, pour de vrai cette fois, à Erwin et ouvrit le sac de marshmallows pour en planter un sur son bout de bois. Alors que le feu commençait à lécher la friandise, elle tourna le regard vers le fils de Poséidon qui semblait figé.

« Tu veux mon pull pour avoir moins froid ? »

Le baiser et la déclaration précédente avaient considérablement réchauffé Alexis qui essayait néanmoins de garder un air détaché. T’inquiète, j’suis suédoise, j’ai pas froid, prend ma veste, ahaha. Le vent, au préalable une douce agonie, était à présent un cadeau du ciel qui refroidissait les joues bouillantes d’Alexis.

Erwin ne fut pas surpris par le léger son qu'émit l'estomac d'Alexis. En revanche, il ne s'attendait pas à la suite. Lorsque la fille d'Arès lui tendit un des bâtons, il pensait qu'elle allait seulement lui donner. Attiré d'un seul coup vers elle, Erwin se retrouva collé contre Alexis, une main au sol pour ne pas tout bonnement l'écraser au sol. La surprise passée, le fils de Poseidon ferma les yeux et se laissa emporter par la douceur enivrante des lèvres d'Alexis se pressant de plus en plus contre les siennes.

Si le sol n'avait pas été un mélange de terre sablonneuse et de cendres dispersées par le vent, peut-être qu'Erwin n'aurait pas tant cherché à se retenir de tomber. Il avait envie de glisser ses mains dans le dos d'Alexis, la serrer un peu plus contre lui. Mais la fille d'Arès recula. Juste à peine. Leurs fronts toujours l'un contre l'autre, Erwin se plongea dans le regard de la demi-déesse. Il avait beau savoir nager, tout l'amour qu'il trouva dans ces yeux aurait pu le noyer. Le brasier qui s'était allumé dans le creux de son ventre ne faiblissait pas. Son souffle - plus très régulier, d'ailleurs - se mélangeait à celui d'Alexis. Et dans cette respiration saccadée, des mots se firent une place.

"Je t'aime."

Ce n'était pas de l'anglais. C'était du suédois. L'une des premières phrases qu'Elliot avait enseignées à Erwin. Il avait innocemment prétexté que ça lui serait bien utile un jour ou l'autre... Ce n'était pas ce à quoi le fils de Poseidon s'attendait en lui demandant de lui apprendre le suédois, mais il s'avérait que l'étudiant avait eu raison. Erwin sentit une vague de chaleur envahir tout son corps. Son coeur battait plus fort, comme un tambour dans sa poitrine. Alexis ne lui disait pas souvent tout haut qu'elle l'aimait. Elle le montrait, elle répondait lorsqu'il lui disait, mais ces mots entre ses lèvres étaient rares. Ça ne faisait que leur ajouter de la valeur. Le demi-dieu fut tiré de ses pensées par le bâton qu'Alexis lui tendait. Cette fois, il était prêt en cas de piège, mais il n'y en eut pas. Occupée à griller un marshmallow, la fille d'Arès se tourna vers lui, les joues rouges et les yeux brillants.

"Tu veux mon pull pour avoir moins froid ?"

Erwin considéra Alexis une seconde. Il n'avait peut-être plus de t-shirt mais bien un pull sous son plaid pelé. S'il avait besoin d'un vêtement supplémentaire, c'était plutôt d'un pantalon, mais là, Alexis risquait d'avoir du mal à lui prêter le sien. De toute façon, après ce moment d'emportement, Erwin était loin de ressentir le froid. Pour la deuxième fois de la journée.

"Non, t'en fais pas, garde-le. Je suis pas sûr de trouver une autre couverture aussi magnifique que celle-ci pour te tenir chaud si tu te débarrasses de ton pull. Ah et..."

Il glissa sa main le long du bras d'Alexis et rapprocha ses lèvres des siennes.

"Jag älskar dig med."

Son accent devait être atroce, mais il vit dans les yeux de la fille d'Arès qu'elle avait parfaitement compris. Il effaça les quelques centimètres qui séparaient encore sa bouche de celle d'Alexis. Dans une caresse, sa main rejoignit celle de la demi-déesse. Il ouvrit les yeux et ses lèvres, toujours posées sur celles d'Alexis, s'étirèrent en un sourire malicieux. Sa main atteignit le bâton au bout duquel grillait le marshmallow de la sang-mêlé et, en un éclair, il le lui chaparda et engloutit le bonbon tout juste caramélisé.

"Hmm. On dirait que tu as cuit des marshmallows toute ta vie !"

Il éclata de rire devant le regard outré de la fille d'Arès puis lui offrit un nouveau baiser fugace au goût de sucre et de bonheur.

« Non, t'en fais pas, garde-le. Je suis pas sûr de trouver une autre couverture aussi magnifique que celle-ci pour te tenir chaud si tu te débarrasses de ton pull. Ah et... »

Alexis leva les yeux au ciel, un sourire amusé sur les lèvres. Il était évidemment hors de question qu’Alexis s’enroule dans quoique ce soit qui ressemble de près ou de loin à ce qu’Erwin portait sur ses épaules. Plutôt mourir de froid, à vrai dire. La fin de sa phrase, par contre, fit lever un sourcil interrogatif sur le visage d’Alexis qui n’ajouta rien alors qu’Erwin se rapprochait d’elle pour effleurer ses lèvres avec les siennes.

« Jag älskar dig med. »

Alexis resta immobile un instant, comme pétrifiée sur place. Ce n’était ni la prononciation hasardeuse, ni l’atroce accent et encore moins la faute à la fin… C’était tout simplement Erwin parlant suédois. Avait-elle mal compris ? Il eut une seconde de flottement durant laquelle Alexis plongea ses yeux dans ceux d’Erwin. Le fils de Poséidon savait pertinemment ce qu’il venait de faire.

Alexis se laissa complètement enivrer par le moment alors qu’Erwin effaça toute distance entre leurs corps. Un frisson de plaisir parcourait le corps d’Alexis qui peinait à remettre de l’ordre dans ses idées. Elle sentait les mains d’Erwin se glisser sur sa peau, sur ses bras et elle était incapable de savoir si elle voulait plus ou pas du tout. Le dilemme fut vite résolu lorsqu’un sourire amusé s’étira sur les lèvres du fils de Poséidon et qu’Alexis ouvrit les yeux.

La diversion d’Erwin avait parfaitement fonctionné. Le suédois, le baiser. Son plan était d’une perfection inébranlable. Il se saisit du bâton d’Alexis avant même que la fille d’Arès ne comprenne ce qu’il était en train de se passer. Déjà, Erwin avait englouti le marshmallow d’Alexis et tentait de se rattraper avec un baiser aussi fugace que sucré. Alexis le repoussa mollement, cachant difficilement un sourire amusé.

« Oh, Erwin Stamber, tu viens de déclarer une guerre que tu ne pourras jamais gagner. »

Abusant de sa rapidité naturelle, Alexis se saisit de l’entièreté du paquet de marshmallow et se déplaça à l’opposé exact d’Erwin. Debout, dégageant la même aura que lorsqu’elle était sur un champ de bataille, Alexis toisait Erwin avec un air de défi. Tout aurait pu être beaucoup plus effrayant si ce n’était pas pour un paquet de marshmallow.

Erwin se leva à son tour et Alexis ne put que retenir un sourire malicieux, presque provocateur. Erwin fit un pas dans sa direction, Alexis fit un pas pour s’éloigner de lui. S’ils dansaient autour du feu, Alexis était sûre de gagner. Elle était beaucoup plus rapide. Lentement, elle glissa sa main dans le paquet de marshmallow et en enfonça un dans sa bouche, une étincelle de malice dans son regard.

« Je n’ai pas besoin de feu pour tout manger. »

Cela sembla lancer Erwin qui s’avança rapidement dans la direction d’Alexis. Elle l’évita avec agilité avant qu’ils soient de nouveau immobilisés l’un en face de l’autre. La fille d’Arès, toujours un sourire provocateur sur les lèvres, glissa de nouveau sa main dans le paquet et croqua dans un deuxième marshmallow.

« Tu t’avoues vaincu, fils de Poséidon ? »

Lui demanda-t-elle avec une assurance ridicule compte-tenu de la situation, le tout avec la bouche pleine de marshmallows.

"Oh, Erwin Stamber, tu viens de déclarer une guerre que tu ne pourras jamais gagner."

Sans même laisser le temps à Erwin de réagir, Alexis s'empara du paquet de marshmallows pour aller se cacher avec de l'autre côté du feu et protéger son otage. En réalité, il était bien difficile de croire qu'elle s'était déplacée et non téléportée. Le fils de Poseidon mit un temps à comprendre ce qui venait de se passer et ce que la sang-mêlé était en train de faire. Enveloppé dans son plaid, il se releva. S'il fallait argumenter pour qu'Alexis laisse tomber et libère le paquet de bonbons, il le ferait. Il était d'ailleurs en train de préparer ce qu'il allait dire pour la convaincre. Jusqu'à ce que la fille d'Arès pioche un marshmallow dans le sachet et le mit en bouche avec un regard rempli de provocation.

"Je n'ai pas besoin de feu pour tout manger."

D'accord. Pas de discussion. Il était clair qu'il devrait attaquer. Tentant de ne pas mettre le feu à la couverture, Erwin se dirigea vers Alexis, méfiant. Elle avait peut-être déjà un plan en tête, elle était peut-être déjà prête à s'enfuir ou à exploser le sol sous les pieds du demi-dieu. Il adopta une approche lente, tâtant le terrain pour ne pas se faire surprendre, comme durant un entraînement. Et, comme lors de leurs anciens entraînements également, la fille d'Arès ne cessait de reculer à mesure qu'Erwin avançait. Le fils de Poseidon tenta donc une offensive plus directe, mais Alexis était imbattable en vitesse, plus douée que lui dans tous les autres domaines et, par-dessus le marché, il fallait admettre que l'affreux plaid n'aidait pas.

"Tu t'avoues vaincu, fils de Poséidon ?"

Erwin fixa intensément Alexis qui engloutissait un second marshmallow d'un air toujours plus provocateur. Aux yeux du demi-dieu, cette attitude rendait la fille d'Arès aussi irritante qu'irrésistible. Elle venait de lui lancer un défi. Il ne pouvait pas déclarer forfait. Non. Sûrement pas. Jamais.

"Tu rêves !"

Il s'élança vers la demi-déesse qui, évidemment, l'esquiva. Sans plus y faire attention, il laissa tomber son plaid au pied du banc. Sa tenue pull-caleçon-chaussettes n'était pas optimale, le froid vint immédiatement le lui faire remarquer. Mais tant pis ! Il avait un paquet de marshmallows à récupérer ! Et de préférence avant qu'Alexis n'ait tout mangé.

Durant de longues minutes, Erwin tenta différentes attaques, différentes ruses, mais la fille d'Arès restait injustement plus rapide. Elle était décidément programmée pour les affrontements. A plusieurs reprises, le Grec parvint à l'effleurer ou à mettre la main sur le sachet de marshmallows. Mais rien n'y faisait, Alexis trouvait toujours le moyen de s'échapper, accélérant d'un coup, tirant le paquet d'un mouvement vif comme l'éclair... Et, pour ne pas faciliter les choses, il y avait ce feu entre eux deux. Comment Erwin était-il censé réussir à coincer la fille d'Arès si elle continuait de tourner ainsi en rond, à son exact opposé ? Ce n'était pas possible. A moins que...

A l’arrêt en face d'Alexis, Erwin considéra discrètement les flammes qui les séparaient. Elles n'étaient pas très hautes déjà à la base. Etant donné que les deux demi-dieux avaient complètement cessé d'y ajouter du bois depuis le début des hostilités, elles n'étaient désormais plus très impressionnantes du tout. Un éclair passa dans les yeux du fils de Poseidon. Aussi vite, il sauta par-dessus le feu et attrapa Alexis à la taille. Ils tombèrent tous les deux, Erwin éclatant de rire, Alexis serrant le sachet contre elle en hurlant.

La fille d'Arès tentait déjà de se dégager. Erwin se redressa et la bloqua dos au banc, un bras de chaque côté de la demi-déesse. Elle ne pouvait pas s'en aller. Elle était certes très rapide, elle n'avait pas pour autant une souplesse inhumaine. Il aurait fallu qu'elle se contorsionne à l'excès pour se décoller du banc, et Erwin aurait tout le loisir de la rattraper si elle essayait de se relever. Ainsi penché vers elle, il pouvait enfin faire une pause. La respiration haletante après avoir tourné autour du feu pendant tout ce temps, il souriait, triomphant. Il approcha son visage de celui d'Alexis, frissonnant en sentant son souffle contre sa peau. Il approcha ses lèvres de son oreille et, un sourire dans la voix, il murmura :

"Donne-moi ce paquet. Ou je vais être obligé de te le récupérer de force."

« Tu rêves ! »

Alexis pouvait sentir le rush d’adrénaline prendre complètement possession de son corps. Erwin plongeait sur elle comme si sa vie en dépendait et elle l’esquivait sans réfléchir. Ses instincts la dominaient complètement et son air supérieur de la quittait plus. De temps en temps, elle prenait même un plaisir malsain à laisser Erwin l’effleurer elle ou le paquet de marshmallows pour mieux l’esquiver par la suite. Pour peu, elle aurait été tentée de lui tirer la langue à chaque fois mais les réflexes d’Erwin étaient bien meilleurs qu’avant alors elle décida de ne pas baisser sa garde. Pas tant qu’il continuerait de la fixer avec cet air de défi.

Il eut une seconde de flottement après un énième assaut d’Erwin. Le feu avait baissé en intensité et les arbres empêchaient de filtrer la lumière lunaire correctement. De ce fait, Alexis était bien incapable de décrypter l’expression de son adversaire du moment. Est-ce qu’il abandonnait ? Est-ce qu’il réfléchissait à une stratégie ? Est-ce qu’il reprenait son souffle ? Alexis fut tentée de profiter de cet instant de répit pour reprendre un marshmallow. Après tout, pourquoi pas ? Cette courte poursuite avait titillé son estomac plus que raison et puis le paquet était juste dans sa main et Erwin était immo–

Le fils de Poséidon bondit par-dessus les braises du feu de camp et Alexis resta une seconde surprise par cette action. Une seconde de trop qui permit à Erwin de l’attraper et qui l’emmena dans sa chute. Alexis, pourtant plaquée au sol, tenta vainement de sortir de la prise d’Erwin mais elle n’y parvenait pas. Du moins, pas sans lui faire mal et il était hors de question que ce jeu devienne dangereux pour l’un d’entre eux – déjà qu’Erwin avait été assez inconscient pour se jeter par-dessus un feu…

Un sourire victorieux se dessina sur le visage d’Erwin alors qu’il avait bloqué Alexis entre le dos du banc et lui. Il l’encadrait de ses bras, le visage presque collé au sien. Alexis serra la mâchoire, à la fois frustrée de se retrouver dans une situation où elle pourrait gagner mais décidait de ne pas le faire mais également frustrée de s’être laissé avoir par la ruse d’Erwin. Ce dernier approcha sa bouche de l’oreille d’Alexis pour y murmurer avec une fierté non-dissimulée :

« Donne-moi ce paquet. Ou je vais être obligé de le récupérer de force. »

Un frisson remonta le long du corps d’Alexis sans qu’elle ne puisse le contrôler. Il eut une seconde de flottement et Alexis décida de rentrer dans le jeu d’Erwin. De sa main libre, elle laissa courir ses doigts le long du bras d’Erwin, jusqu’à sa nuque. Elle approcha à son tour ses lèvres de son oreille pour chuchoter :

« J’aimerais bien te voir essayer. »

Cette fois, ce fut Alexis qui eut le droit à une seconde d’avance. De son autre bras, elle jeta le paquet de marshmallows à l’aveugle au loin. Puis elle reporta son regard sur Erwin, un sourire beaucoup trop amusé sur le visage :

« On fait la course ? »

Alexis ne laissa pas le temps à Erwin de comprendre ce qui se passait qu’elle se glissait déjà sous ses bras pour partir dans une direction à l’aveugle. Le fils de Poséidon ne tarda pas à retrouver ses esprits. Il tenta dans un premier temps de retenir Alexis, mais il comprit rapidement que cela ne servait à rien : elle n’avait plus le paquet sur elle. Il décida alors de se fier à ses instincts et parti d’un côté pendant qu’Alexis prenait l’autre côté (lancer de dés).

Après quelques instants de recherche à l’aveugle, Alexis eut la joie de retrouver le paquet. En tentant d’être le plus silencieuse possible, elle le récupéra et se glissa derrière Erwin qui commençait à presque trembler de froid – faut dire que sa tenue n’était pas idéale pour être à quatre patte dans la terre. La fille d’Arès se pencha en avant, laissant ses cheveux chatouiller la nuque d’Erwin :

« Je sais que t’es occupé à jardiner et tout… Erwin releva la tête vers Alexis qui tendit fièrement le paquet : Mais j’ai une super idée de repas si tu veux faire une pause. »

La voix d’Alexis se faisait innocente mais l’éclat d’amusement dans ses yeux signifiait qu’une seule chose : Allez j’ai gagné, on peut manger maintenant.

Les doigts d'Alexis sur son bras provoquèrent comme un contact électrique sous la peau d'Erwin. Même avec l'épaisseur de son pull s'interposant entre eux, cette décharge se propagea dans son corps tout entier. Lorsque la main remonta dans son cou, le fils de Poseidon ne ressentit plus du tout le froid autour de lui. Est-ce que le feu s'était ravivé ? Le visage d'Alexis se rapprocha. Le demi-dieu s'efforça de ne pas bouger, de garder tout ses membres immobiles.

"J'aimerais bien te voir essayer."

Essayer ? Quoi ? De quoi parlait Alexis, déjà ? Il n'y avait plus rien d'autre qu'elle, son corps collé à celui d'Erwin, son souffle sur sa joue, sa caresse électrisante. Elle était si proche de que le fils de Poseidon pouvait s'imprégner de ses moindres inspirations, des plus insignifiants de ses gestes. Perdu dans le plaisir de ce contact, il ne sentit pourtant pas le bras d'Alexis envoyant le précieux paquet au loin.

"On fait la course ?"

Le demi-dieu voulut demander ce qu'elle voulait dire. Mais elle n'était déjà plus là. Comment diable avait-elle pu se faufiler aussi facilement entre ses bras ? Il n'avait qu'à les refermer sur elle... Qu'est-ce qu'elle faisait ? Pourquoi est-ce qu'elle courait dans l'obscurité ? Et puis soudain, Erwin sortit de des sensations enivrantes qui l'avaient embrumé. Alexis. Le défi. Le sachet de marshmallows. Ni une ni deux, il se releva et se précipita à son tour vers l'endroit où il espérait trouver le butin.

Si la lumière du feu suffisait encore à éclairer ses alentours proches, l'obscurité reprenait ses droits là où Erwin se retrouvait à chercher. Comment dénicher quelque chose qu'il n'avait pas vu s'envoler dans le noir de la nuit ? Si ça n'avait pas été un combat acharné contre Alexis, il n'aurait certainement pas pris la peine de remuer le petit doigt pour ce paquet de bonbons. Mais c'était bel et bien un défi, et il mettait de l'énergie à chercher, courbé au niveau du sol pour éviter de marcher sur les marshmallows ou de trébucher. Si seulement le sac s'était ouvert. Au moins, il y aurait quelques marshmallows perdus éparpillés à proximité, ç'aurait été bien utile. Erwin ne voyait vraiment pas grand chose. Il ne ressentait presque rien non plus. Les vibrations dans le sol lui indiquaient d'Alexis chercher de son côté. Il continua à fouiller de plus belle, se reconcentrant sur sa tâche. Soudain, il sentit de légères chatouilles dans sa nuque.

"Je sais que t'es occupé à jardiner et tout… Mais j'ai une super idée de repas si tu veux faire une pause."

Erwin redressa la tête vers Alexis, son regard trahissant sa déception de ne pas avoir trouvé lui-même le paquet de marshmallows. Il aurait aimé riposter et le lui voler, ne pas renoncer, mais le froid mordant de l'air hivernal ne se laissa pas ignorer plus longtemps. Aussi râpeuse fut son vieux plaid, Erwin avait hâte de s'y enrouler sans attendre. Il se releva et se dirigea vers ce qui restait de feu, y ajoutant quelques bûches pour le relancer. Alexis vint le rejoindre.

"T'as triché."

La fille d'Arès s'assit en l'invitant à faire de même. Il s'emmitoufla dans la couverture qu'il avait abandonnée plus tôt et l'imita.

"Mais oui... Prends ça."

Alexis n'attendit aucune réaction. Profitant du fait qu'Erwin avait ouvert la bouche pour protester, elle y fourra un marshmallow. Le demi-dieu s'étouffa à moitié, plus à cause du rire qui lui montait dans la gorge qu'à cause de la violence de la sang-mêlé. Ils reprirent chacun les bâtons qu'ils avaient laissés de côté et piquèrent dessus de nouveaux marshmallows à griller. Erwin s'appuya un peu plus contre Alexis. Elle posa la tête sur son épaule et il sourit.

"Très bonne idée de repas, mademoiselle."

Est-ce qu'Erwin s'envoyait des fleurs en disant cela ? Un peu, oui. Mais, après tout, ça semblait plaire à Alexis, alors il avait le droit. Rien ne valait la douceur du sourire satisfait de la fille d'Arès à cet instant.

« T’as triché. »

Erwin, emmitouflé dans son vieux plaid, avec son regard de chiot et son air abattu donnait à Alexis autant l’envie de rire que de l’embrasser. Elle prit néanmoins sur elle pour ne laisser qu’une étincelle malicieuse trahir son regard avant de lui enfoncer un marshmallow dans la bouche. Au moins, avec ça, il arrêterait de se plaindre. Un sourire victorieux s’étira alors sur les lèvres de la fille d’Arès qui ne put s’empêcher de pouffer de rire.

Alexis se saisit de son bâton et planta un marshmallow au bout. Erwin fit de même. Un court silence s’installa entre les deux sang-mêlé mais, cette fois, il était confortable, agréable. Alexis avait beau sentir la chaleur du feu sur sa peau, c’était celle d’Erwin à ses côtés qui la réchauffait le plus. Doucement, elle déposa sa tête contre son épaule, ne lâchant pas des yeux son marshmallow qui dorait – pour peu qu’Erwin veuille une revanche…

« Très bonne idée de repas, mademoiselle. »

Un sourire satisfait se dessina sur les lèvres d’Alexis. Elle leva les yeux pour croiser le regard d’Erwin, à la fois fier et tendre. Il n’existait rien d’autre qu’Erwin à ce moment. Alexis avait l’impression qu’ils étaient seuls au monde, ensemble. Son cœur entamait un rythme rapide mais pas douloureux, ce qui enveloppait Alexis dans un confort émotionnel qu’elle n’atteignait pas souvent.

« Oui, c’est vrai. Un lutin m’a soufflé l’idée. Il savait visiblement s’y prendre pour séduire les autres. La légende raconte que tout se passe dans l’estomac. »

Alexis, de sa main libre, désigna plus ou moins là où l’estomac d’Erwin se trouvait avant de rire. Après quelques secondes supplémentaires, la fille d’Arès remonta son bâton et attrapa le marshmallow brûlant entre ses doigts. Elle le fit sauter d’une main à l’autre puis l’enfourna dans sa bouche sans plus de cérémonie. Le sucre brûlant lui arracha une grimace mais le goût délicieux rattrapa vite le reste. Alexis se hâta de remettre un nouveau bonbon sur son bâton avant de le replacer dans le feu devant le regard amusé d’Erwin.

Les deux sang-mêlé restèrent un moment, blottis l’un contre l’autre, à manger des marshmallows grillés en échangeant quelques bribes de conversation. La nuit leur offrait un silence reposant dans lequel Alexis plongeait sans crainte. Elle ne s’était jamais sentie aussi bien aux côtés d’Erwin qu’à cet instant. D’habitude, malgré les moments d’accalmie, son cerveau ne cessait de la torturer. Et si elle ne parlait pas ? Si elle parlait trop ? De quoi pourrait-elle parler pour intéresser Erwin ? Aujourd’hui, malgré un début chaotique, tout avait fini par rentrer dans l’ordre. Le fait d’être seuls et d’avoir mis tout au clair devait jouer dans l’esprit d’Alexis, du moins pour cette fois.

Alors que son marshmallow, sûrement le dernier, continuait de dorer au feu, Alexis resassa les propos d’Erwin au sujet de sa jalousie. Elle comprenait évidemment le fait de ne pas vouloir partager quelqu’un qu’on aimait avec quelqu’un d’autre. L’idée même qu’Erwin puisse l’embrasser une heure puis se glisser dans le lit de quelqu’un d’autre après la révulsait au plus haut point, mais ça s’arrêtait là. Alexis essaya de se mettre à sa place et constata qu’il pouvait voir le mal absolument partout.

Malgré une légère odeur de cramé, Alexis continua de retourner le problème dans tous les sens. Ce fut finalement la main d’Erwin sur son bâton qui la sortit de ses pensées.

« Tu aimes le cramé ? »

Alexis regarda son marshmallow noirci avec une grimace puis secoua la tête. Elle balança la sucrerie cramée dans le feu et se pencha vers le paquet pour en prendre une nouvelle… mais ce dernier était vide. Une moue boudeuse se dessina sur les lèvres de la jeune femme. Erwin continuait de la sonder avec un air interrogatif dans le regard. Il n’avait pas besoin de parler pour qu’elle sache qu’il se demandait où était partie Alexis au point d’en oublier sa nourriture.

« Je réfléchissais à ce que tu m’as dit tout à l’heure. »

Alexis fit une pause. La curiosité d’Erwin était piquée pendant qu’Alexis cherchait ses mots. Elle se mit alors en tailleur et posa son coude sur son genou afin de soutenir son menton avec sa main. Elle planta son regard dans celui d’Erwin, un air beaucoup trop sérieux sur le visage :

« Est-ce que si je te fais une liste de toutes les personnes que je côtoie, tu arriverais mieux à gérer tes crises de jalousie ? Si t’es prévenu à l’avance… Évidemment, je te ferai une description physique, j’peux même te dire si je les trouve beau et puissant si ça peut t’aider. »

Une longue seconde de silence plus tard, Alexis n’y tint plus et le sérieux quitta définitivement son visage. Un sourire moqueur s’était étiré sur ses lèvres et une étincelle malicieuse s’était glissé dans son regard.