Si Erwin tirait une tête pareille, c'était parce que, encore une fois - oui, encore une - la sonnette de son petit chez-lui refusait de sonner. Ou plutôt quelqu'un refusait de la faire sonner à l'heure qu'il avait pourtant répétée trois fois. Trois fois et demie, si on comptait celle où il avait voulu le faire au téléphone et où Clayton lui avait coupé la parole d'un "Ouai, ouai, t'inquiète. Je sais." Je sais, je sais. Pour quelqu'un qui savait, il avait dû bien vite arrêter de savoir...

"J'arrive bientôt" qu'il avait conclu avant de raccrocher au nez et à la barbe de son interlocuteur, sans lui laisser le temps d'ajouter quoi que ce soit. Bientôt étant un concept flou. Erwin avait-il vraiment précisé un horaire finalement ? Bientôt. Le temps qu'il lève sa carcasse, prépare ses affaires et quitte son appartement. Bientôt-pas-si-tôt une heure plus tard, Clayton se présentait tout sourire devant la porte de chez son ami, lunette de soleil au nez, un sac de voyage sur le dos, martyrisant la sonnette. Plusieurs fois.

Grands dieux, il était enfin là ! Car oui, il n'y avait que Clayton pour harceler la pauvre sonnette comme ça. Erwin se leva en ravalant toutes les insultes qu'il aurait aimer lancer à son ami avant de lui ouvrir la porte sans prendre la peine de feindre un sourire.

"Pas trop tôt !"

Afin de ne pas perdre plus de temps, Erwin avait préparé ses bagages dans un coin de l'entrée. Il saisit tout son paquetage et fit signe à Clayton de faire marche arrière.

"En voiture. Il va pas se faire tout seul, ce road trip."

Demi-tour droite ! Clayton pivote pour repartir dans l'autre sens. Le pas rebondissant, satisfait de passer ses vacances avec Erwin. Surtout avec ce super planning qu'ils se sont prévu. Même si Erwin râle déjà. Même si c'est légitime.

"Oui oui oui, je sais" qu'il lui répète d'un ton léger tandis qu'ils se dirigent vers la voiture, les deux mains levés en réédition. Geste s'alliant mal avec le sourire amusé de sa voix. Avant qu'ils ne puissent franchir la porte, le brun passe un bras autour des épaules de son ami, le secouant légèrement.

"Allez Erwin, je suis désolé d'accord. Souris, on va bien s'éclater !"

Clayton était incorrigible et ça énervait autant que ça amusait Erwin. Le fils de Poseidon ferma soigneusement derrière lui avant de suivre son ami jusqu'à la voiture qui allait leur servir de presque-maison pendant toute la durée de leur voyage. Tel l'enfant infernal qu'il était, Clayton s'installa à la place du conducteur, dont Erwin le fit bien vite dégager. Hors de question que cet énergumène boosté à la caféine prenne le volant. Leurs bagages en place, le moteur vrombit et le véhicule démarra. C'était parti pour un périple à travers le pays, direction le festival de la pyrotechnie qui se déroulerait au Mexique.

Le paysage défilait à travers la vitre, délaissant les habituelles grattes ciels pour un cadre végétal à mesure qu'ils s'éloignaient de New-York. L’excitation du départ était peu à peu retomber - pour le bien des nerfs d'Erwin - laissant place à des conversations légères, accompagné du fond sonore de la radio. Radio que son ami avait farouchement défendue contre ses tentatives de changement, sous prétexte que celui qui conduit décide de la station. Sirotant son thermos débordant de caféine, les cheveux aux vents, Clayton avait finit par se poser avec un guide sur le Mexique. De temps à autre, il lisait les faits les plus importants à voix haute pour Erwin. "Ils font leur tequila à base de cactus". Définitivement un fait important.

Le coup de volant envoya Clayton s’aplatir contre la portière, le bang de son arcade sourcilière rencontrant la vitre fut couvert par le grondement d’Erwin. Loin d’être impressionné, une vague d’adrénaline dans le bas-ventre, le petit brun éclata de rire.

“Tu devrais pas être surpris ! Relax Win, y’a pas mort d’homme ”.

D’un geste vif, son bras vint se glisser entre la jambe d’Erwin et le levier de vitesse, sa joue s’écrasant contre son jean. Avant que ce dernier ne puisse se plaindre - encore - Clayton récupérait victorieusement le stylo échoué par terre. Méticuleusement, il entoura un point sur la carte, à une centaine de kilomètres de leur position. Trop loin à son goût. Un froncement de sourcil boudeur l'exprimer à merveille.

“On n'y sera pas avant demain”.

Erwin se retint de répliquer face à l'inconscience de Clayton, et une fois encore lorsque ce dernier décida que ramasser son stylo égaré sous les pédales était une bonne idée.

"Eh ben on y passera demain."

Le reste du trajet du jour se passa heureusement sans autre claytonerie et, lorsqu'Erwin gara la voiture, il se délecta des premiers pas dehors qui lui permirent de s'étirer.

"Bon, bah le motel du soir a pas l'air trop claqué, déjà, c'est cool."

"Ouaip. De toute façon avec ce qu'on a roulé, on pourrait dormir n'importe où."

Clayton se craqua la nuque en récupérant son sac dans un claquement de coffre. Le petit brun salua amicalement la dame d’une cinquantaine d’années campé derrière le comptoir de l’accueil, l’air parfaitement affable. Clayton demanda une chambre dans un sourire, finit par régler les formalités et après un drôle de regard, la dame leur remit une clef.

“Oh… Elle a dû croire que-” Clayton s’esclaffa. ”J’espère que tu ne bouges pas autant que tu ronfles Erwinou. Je prends ce coin.”

Clayton s’avança sur la vieille moquette pour poser son sac sur un côté de leur lit double, retira ses vêtements et fila sous la douche.