Je m’étais réveillé la tête dans le cul.

Affronter les gladiateurs du Labyrinthe avec Eidan m’avait valut une belle descente d’organe, mais dormir dans le dortoir réservé aux Grecs était une longue et interminable suite de mini AVC.
Je n’avais dormi que d’un œil, les oreilles à l’affût du moindre danger dans ce spectacle son et lumière qu’était le Camp Jupiter. Le cruel manque d’intimité qui m’avait fait profiter des ronflements intempestifs des trois autres demi-dieux que j’avais passé la soirée à ignorer, trop concentré à ne pas lâcher une injure ou un cri lorsque les meubles semblaient s’arranger pour constamment rencontrer mes doigts de pied, mes coudes, les os de mes hanches ou mon front.
J’avais envisagé de rentrer à la Colonie. Cette idée avait tordu mon visage en une moue dégoûtée. Comment en étais-je arrivé à me dire qu’elle me manquait ? Eurk…

En plus, j’avais insisté pour ne pas rentrer tout de suite. J’avais prétexté à Chiron que je voulais profiter de la fête du nouvel an pour visiter les lieux et me renseigner sur les cours de l’université dont m’avait parlé Théa. Bizarrement, ce grooos mensonge était passé. Je n’allais pas m’en plaindre, même si, connaissant le canasson, il devait forcément se douter de quelque chose. Et il était fort probable que dans les trois ronfleurs au moins un soit là pour surveiller que je me fasse pas la malle.
En attendant, je comptais bien les semer et trouver la moindre chose qui me permettrait de gagner du temps avant que Chiron ne me ramène par la peau des fesses. Théa vivait ici. Et il était hors de question que je la laisse après n’avoir passé que deux semaines avec elle. Hors de question que je passe plus de temps à me faire chier à l’autre bout du continent d’ailleurs. Il fallait que je trouve une vraie bonne excuse pour rester. Et très sincèrement, l’université ne serait que l’ultime dernier recours. Moi apprendre ? Nope. Moi vouloir rester bien débile.

Première étape donc : se réveiller aux aurores avec un mal de crâne des enfers, s’habiller en une demi seconde, se prendre la commode dans la malléole et la porte d’entrée dans le poignet, se mordre fort les joues en étouffant et choper le premier Romain venu par le colback pour qu’il m’emmène n’importe où mais loin.

Deuxième étape : s’inventer une vie au fur et à mesure de l’interrogatoire improvisé dudit Romain pour expliquer ce kidnapping improvisé. Ressortir les deux, trois noms extorqués à la soirée du nouvel an. Théa est à la Nouvelle-Rome et il me faudrait quelqu’un pour m’y conduire. Bien évidemment, lui n’en a pas l’intention. Ava est donc centurion ce qui correspond à nos conseillers de bungalow. Le feeling n’avait pas été fabuleux, mais c’était mieux que rien. Ah, elle est occupée. Bon… Il me restait son petit ami, hm… Clayton !

Troisième étape : se faire déposer à l’entrée des forges comme un colis Chronopost.

《 Euh… Bonjour ? Je… je cherche Clayton. Je suis un ami de la Colonie. On m’a dit que je pourrais le trouver ici. 》

Ava était une amie. Clayton aimait graviter dans son orbite, soleil percutant une lune, apparaissant régulièrement à ses côtés. Clayton aimait l’embêter, se chamailler, se faire crier dessus, rire. Chacune de leurs interactions ajoutait des touches de couleurs au caléidoscope de sa vie. Elle appartenait à son large cercle d’amis et il était heureux de l’avoir assise de force à cette place. Ava était une amie. Ava était aussi une Centurion. Sa Centurion. Et si Clayton n’avait jamais prêté attention à ce ridicule statut, jamais respectée le titre d’ailleurs, toute cette hiérarchie n’étant qu’une vaste blague à ses yeux, cela ne changeait en rien son existence. Ava était une Centurion aussi souple qu’implacable. Clayton savait plus ou moins où se situer la limite, flirtant avec les interdits sans franchir la ligne, échappant aux sanctions. D’habitude.

Tu vas avoir un peu moins de temps libre.

Ava ne plaisantait pas. Son planning était un enfer. Personne n’en avait vu un aussi éclaté. Cerise sur le gâteau, de nouveaux créneaux faisaient leurs apparitions, sobrement intitulé “corvée punitive” avec “manque de respect envers un Centurion” inscrit en lettre rouge en bas de la feuille. Clayton tenta de se sortir de cette situation en usant de son charme légendaire. Ce fut un échec. Ava était hermétique. Ava lui avait fait récurer tous les joints des bains à la brosse à dents. Ava était méchante. Clayton avait grave le seum.

Évidement, le planning ne fut pas respectés bien longtemps. L’accès à la Colonie lui fut refusé, sous prétexte qu’il avait été “ingérable” et “inconscient” lors de son dernier séjour sans autorisation. Ian refusa de céder. Un quelque chose lui disait que le jeune homme avait été briefé. D’ailleurs, Clayton pourrait jurer être surveillé par les autres Centurions… Difficile d’en être certain, cela dit, les autres Centurions n’avaient jamais été ses plus grands fans.

Plan B. Les stocks.

Les jeux de Guerre demandent un apport quotidien d’armes en tout genre, les réserves se vidant rapidement et les forgerons sont mis à contribution. Volontairement. Charitablement. Un devoir passant avant tout les autres. Un geste outrepassant, disons, un planning de légionnaire un peu trop contraignant.

Clayton détestait refaire les stocks : trop chiant, trop restrictif, trop répétitif. La même arme nulle encore et encore. Il n’aimait pas le plan B. Le plan B était nul. Moins nul que de récurer les fosses communes alors il s’inscrivit sur la liste la mort dans l’âme.

À la deuxième arme identique, le petit-fils de Vulcain sentit les picotements de l’ennui l’assommer. À la quatrième, Clayton fantasma d’armes insolites alliées à des bijoux déjantés. À la cinquième, Clayton abandonna en boudant. Il commença à ajouter des subtilités, jouant avec les manches, les inscriptions, la réparation des poids, gravant des bêtises sur les lames, testant divers matériaux tel un savant fou combattant vaillamment l'ennuie.

“Haynes !! Un Grec pour toi !”

Par-dessus le vacarme assourdissant de la Forge, le hurlement d’Evan sortit Clayton de sa transe. Ce dernier se dévissa le cou, mi-chouette mi-suricate, afin d’entrapercevoir l’intrus. Un Grec, un grec, un grec… Erwin ? Entre les rejetons de Vulcain et les machines, Clayton distingua une silhouette plus ou moins familière qui, vu la hauteur, ne pouvait définitivement pas être Erwin. Intriguant. Toute distraction était bonne à prendre et son invité surprise ne le savait pas encore, mais s'il le fallait, Clayton s'agrippera à ses jambes pour conserver sa distraction.

Clayton trottina en direction des imposantes portes d’entrées, ignorant a merveille le regard meurtrier d'Evan voyant son plan venir à des kilomètres à la ronde. Un sourire étira ses lèvres en reconnaissant ce Grec. Intéressant.

“Kleman ! Comment va depuis le Nouvel An ? Oh wow, t’as une sale tête, mec.”

Un bras autour de ses épaules, Clayton secoua amicalement le Grec, comme s’ils étaient assez proches pour se le permettre. À force d’entendre parler de lui par le biais de Théa et de subir le récit de leur enfance commune, Kleman était tout comme un ami, finalement. Un ami par transfert. Clayton se régala de l’air confus et mal à l'aise de l’autre, cette espèce de gêne sociale observée lors de la soirée toujours bien présente et toujours aussi amusante. Théa avait raison : Ils allaient bien s’entendre. Bien qu’elle est aussi dit en fronçant les sourcils que son ami n’était pas une drôle d’expérience sociale et qu’il devait arrêter de l’asticoter avec un bâton. Qu’importe. Clayton retira son bras l’air de rien, manquant de rire en apercevant les marques de suie sur le vêtement de Kleman.

“Qu’est-ce que tu fais là, tu t’es perdu ? Envie des conseils d’un super-génial forgeron ? Besoin d’une arme ?” Tu cherches Théa ? Clayton marmonna cette dernière question pour lui-même, peu enclin de voir disparaître Kleman dans l’immédiat. Oh, il pourrait l’accompagner et traîner avec eux, mais Clayton n’était pas désespéré pas au point de tenir la chandelle, merci bien. Plutôt que de noyer Kleman sous un flot de questions ininterrompu, il lui en posa une autre, intrigué.

“Que puis-je faire pour toi ?”

Clayton était-il le bon choix ? J’avais des doutes croissants sur la question. S’il m’avait paru nettement plus drôle et sympathique que sa copine à la soirée du nouvel an, mais je commençais doucement à entrevoir le bourbier dans lequel je venais de mettre les pieds.

Clayton était définitivement bien plus petit que je ne l’avais imaginé au premier abord et son bras autour de mes épaules, comme si nous étions les meilleurs amis du monde, me filait de l’urticaire. Il dégageait une odeur de fumée, quelque chose de plus sec, de plus âcre que le reste des forges où l’on m’avait emmené, quelque chose d’imposant par nature devenant menaçant sans violence par sa simple intensité. Cela n’avait étrangement rien de surprenant. Ava m’avait semblé être une personne assez… caractérielle, et il fallait au moins être solide sur ses appuis pour la supporter, dans tous les sens du terme. Il était difficile de s’attendre à autre chose de la part de ce jeune homme bouillonnant d’énergie. Une chose était sûre, il m’était préférable de l’avoir comme allié que comme ennemi. Sous les accolades et les blagues douteuses, ce gamin donnait l’impression d’avoir un ou deux coups d’avance, et pas des plus charmants.

Cette réalisation m’avait figé même après qu’il m’ait lâché. Il était difficile d’épousseter cette dérangeante impression d’avoir mis les pieds dans l’antre du lion. Et la chaleur ambiante n’aidait clairement pas. Je n’avais pas encore réellement franchi le seuil que je sentais déjà mon t-shirt Joy Division se coller peu à peu à mon dos. Comment pouvait-il passer son temps ici et ne sentir que la fumée et pas le rat crevé ? Et moi, on me reprochait de ne pas assez aérer le bungalow de Tyché. Y en a qui avaient vraiment de la chance… Enfin bref.

“Qu’est-ce que tu fais là, tu t’es perdu ? Envie des conseils d’un super-génial forgeron ? Besoin d’une arme ? Que puis-je faire pour toi ?”

Je passais outre mon réflexe sarcastique et le sel qui me piquait le bout de la langue. J’avais ouvert la bouche pour lui demander s’il pouvait me conduire à la Nouvelle-Rome avant de me raviser. D’instinct, j’étais retissant à lui dire ce que je comptais y faire. Mais il avait dit super-génial forgeron. Et ça, c’était fort intéressant. Il avait dû l’évoquer à la soirée du nouvel an, mais je n’avais pas percuté jusque-là, la faute à… nan rien.

Que pouvait-il faire pour moi ? Le champ des possibles était… vaste.
En dehors de Théa, ce camp romain m’était assez indifférent, mais si Clayton était en mesure de me renseigner sur les possibilités qu’il offrait, peut-être pouvais-je trouver autre chose que l’université pour rester dans les parages.

《  Je viens en effet commander une nouvelle arme, la précédente est… hors d’usage en quelques sortes. Théa m’a vanté tes mérites en la matière.  》 inventais-je. 《  De plus, ta petite amie est occupée et il me faut quelqu’un pour m’en apprendre un peu plus sur ce Camp en attendant.  》

Activant mes bagues pour les lui présenter, je prenais soin de ne pas évoquer l’absence totale d’informations que j’avais sur le refuge romain, le fait que j’ignorais entièrement son existe trois semaines plus tôt et mes véritables intentions. Quelque chose dans son attitude me mettait en garde. Moins Clayton en saurait mieux je me porterais. Et de ce qu’il m’avait teasé au nouvel an, il allait fouiner. Sans le moindre doute.

Plus Clayton écoute le grec plus ses yeux se plissent de suspicion. Quelque chose se cache sous ses paroles. Un brin de je-ne-te-dis-pas-tout. Pas que Théa ne puisse pas vanter ses mérites de forgeron à son petit ami, après tout, elle est sa meilleure spectatrice. Il ne compte plus le nombre d’après-midi à monologuer sur des armes tout en lui présentant des plans abracadabrantesque. Non. C’est autre chose. Clayton n’arrive pas à mettre le doigt dessus. Cette impression lorsqu’il scrute Kleman et son air plus perdu qu’un chiot abandonné sur le trottoir un soir de tempête. L’air de ne pas savoir où il met les pieds. Le fait qu’il soit sur ses gardes depuis le départ. Tout vient tiquer sa curiosité. Est-ce qu’il sent ses intentions ? Il lit les pensées ? Théa lui a offert la biographie de son copain sur un plateau d’argent, vraiment. Clayton sait déjà tout ce qu’il doit savoir sur Kleman… mais qu’apprend t-on de la bouche d’autrui, si ce n’est leur version tordue de la vérité ? Rien n’égalera la vérité puisée à la source. Si y’a une chance, même infime, que ce qu’il apprenne soit différent de ce qu’il sait, Clayton s’élancera sans hésitation.

Petite amie. Clayton ne relève pas l’erreur. N’est-ce pas la preuve de l’existence de ce baiser ? Ava pourra l’ignorer de tout son saoul, les rumeurs semblent se répandre comme un feu de forêt. L’idée que le quiproquo arrive jusqu’à ses oreilles dessine un large sourire sur son visage. Petite amie. C’est prendre le risque de déclencher l’Apocalypse. Oh, elle va le défoncer. Pourquoi c’est ennuyant et excitant à la fois ?

Au mouvement, ses yeux glissent vers les poings américains. Conception simpliste. Convenable. Principalement composé de bronze céleste, avec une pointe de fer et d’or et quelques métaux pollueur. Une taille classique, aucun gap entre le métal et la peau. Un aspect sympathique, si on est fan de brutalisme russe des années 40. Une arme à l’image de Kleman.

Après un silence trop long pour être considéré comme socialement convenable, Clayton claque dans ses mains.

Suis moi.

Si Kleman voulait en apprendre plus sur la Nouvelle-Rome, dommage, il eut droit aux descriptions de toutes les machines sur le chemin. Clayton essaya d’estimer son niveau d'intérêt, sans réel succès. Il l’entraîne plus profondément dans la forge. S’il ne retrouve jamais la sortie, Clayton le gardera pour toujours afin de ne jamais devoir reforger des dagues. Gagnant-gagnant. Son atelier est un bureau bancale débordant d’une montagne de bordel et de tabouret abandonnés comme des gardiens barrant le passage avec leurs petites pattes roulantes. Clayton en écarte plusieurs du bout du pied.

Prends le tabouret à ta droite- Non ! Non, pas lui, l’autre, faudrait pas t’empaler. Théa me tuerait. On rigole, mais elle serait carrément capable de l’étrangler. Il s’entoure que de personne capable de l’étrangler, maintenant qu’il y pense. Clayton farfouille les plans jusqu’à victorieusement retrouver son petit carnet et un stylo. Le fauteuil couine lorsqu’il se laisse tomber dessus. Kleman a l’air si peu à l’aise qu’il ne peut s’empêcher de sourire. Bon, Kleman. Clic clic. Pourquoi tu veux une arme ? Qu'est-ce que tu veux. Tu donnes pas l’impression d’en avoir besoin. Ou de t’en servir beaucoup. Son ton se fait conspirateur. Ou alors tu viens tabasser quelqu’un ici chez les Romains. Prêcher le faux pour obtenir le vrai, technique Haynes transmit de père en fils. Ca devrait être inscrit sur une plaque au-dessus de son bureau. Pas que Kleman aurait put la lire.

Et si tu viens vraiment pour ça, soit sympa, dit pas que tu veux une dague ou une épée ou un truc nul- ça, même toi, tu pourrais en forger.

Il ne répondait pas. Si bien que dans l’image mentale que je me faisais de la forge, il avait tout simplement disparu. L’air se remplissait du crépitement des fourneaux, du roulement capricieux des mécanismes, des râles des souffleries et du goût surprenant du métal. Mais le grand Romain s’était rendu complètement invisible. Ce qui n’était pas pour me mettre à l’aise. Je ne discernais aucun bruit de pas, aucun soulèvement de poussière, aucun battant de porte. Les poings américains tendus à bout de bras, je me sentais particulièrement ridicule, incapable de deviner s’il y prêtait seulement attention. Pour combler le vide, je forçais mes yeux à sauter de bruits en bruits comme si je m’intéressais à la forge.

Et ce con n’avait rien trouvé de mieux pour réapparaître que de frapper dans ses mains à dix centimètres de moi. Même avec tout l’entraînement du monde, il était impossible de ne pas sursauter. Au moins, mon image mentale s’en faisait une marque bien claire impossible à ignorer.
J’apprenais également autre chose. Clayton aimait parler. En-tout-cas, il aimait parler forge, machine, feu, manger des écrous, miam miam. Ce qui était extrêmement pratique pour le suivre dans ce labyrinthe de métal en fusion. J’acquiesçais, remettais parfois une pièce dans la machine en lui demandant des précisions quand il me distançait, et prenais soin de ne pas écouter ses réponses pour me concentrer exclusivement sur la carte mentale que j’espérais constituer pour ne pas avoir l’air trop débile en repartant.

”Prends le tabouret à ta droite- Non ! Non, pas lui, l’autre, faudrait pas t’empaler. Théa me tuerait.”

J’avais eu la présence d’esprit de faire semblant d’être absorbé par l’observation du lieu pour attraper le fameux tabouret à l’aveugle. Et heureusement, car je lâchais un vieux rire nerveux en tâtonnant dans le vide pour m’asseoir sur le bon.
Très honnêtement, qui aurait-elle tué ? Clayton, pour m’avoir assis sur un pic à brochette ou moi, pour n’avoir rien dit sur le fait que j’y voyais que dalle ? Meh. Certainement les deux. Sans doute pas mérité.

”Bon, Kleman. ”

Le clic du stylo et le bruit fatigué du fauteuil me rassuraient sur le fait que Clayton venait de s’installer juste en face de moi. Et cela ressemble étrangement à un interrogatoire de film policier. La question étant : qui du gentil ou du méchant flic, Clayton allait-il choisir d’incarner ?

”Pourquoi tu veux une arme ? Tu donnes pas l’impression d’en avoir besoin. Ou de t’en servir beaucoup. ”

De quoi avais-je l’air au juste ? Je me sentais comme un clochard à l’entrée d’un grand magasin. Ou comme une mouette qui aurait malencontreusement croisé la route d’un pétrolier en pleine descente d’organe. Dans les deux cas, c’était… odorant ? poisseux ? Divinement charmant ?

”Ou alors tu viens tabasser quelqu’un ici chez les Romains.”

Bon alors, ni le gentil flic, ni le méchant flic. L’idiot du village peut-être ? Est-ce qu’il me soupçonnait réellement de venir chercher la merde ici ? Est-ce que j’avais atteint un niveau de bluff tel qu’il me pensait capable d’organiser un octogone en règle avec le premier Romain venu ?

”Et si tu viens vraiment pour ça, soit sympa, dit pas que tu veux une dague ou une épée ou un truc nul- ça, même toi, tu pourrais en forger. ”

Vraiment, il était difficile de se faire un avis sur ce type. À croire que lui seul était en mesure de se comprendre.

《  Je…  euh… Je pensais pas à une dague ou une épée en particulier. Je ne sais pas trop ce que je veux, mais Théa m’avait dit que tu pouvais m’aider là-dessus. Je m’y connais pas assez en arme et tout. C’est juste que ces poings américains, c’était un cadeau alors je les ai gardé longtemps, mais je ne m’en sers pratiquement jamais. Il me faut quelque chose de plus adapté, de plus utile, de plus actuel. Quelque chose qui me serve vraiment. Je veux changer de style.  》

Étrangement, c’était sorti tout seul et, si on lisait entre les lignes, je n’avais jamais été aussi honnête depuis bien trop longtemps. Ce qui avait eu pour effet de me rendre encore plus mal à l’aise que je ne l’étais déjà. Je me dandinais sur mon tabouret pour trouver une position confortable. Le fait de ne pas pouvoir voir le visage de Clayton, y lire sa réaction, me rendait vraiment nerveux. Qu’est-ce que Théa avait pu lui raconter ? Et s’il avait deviné ?
L'air était chaud, saturé d'humidité, j'avais l'impression de lentement fondre. Et dans son silence, Clayton redisparu à nouveau.