Après avoir regardé avec horreur Billie décapiter un de ses soldats, ses yeux lorgnèrent ce qui suivit du coin de l'œil. Alors que Léo s'occupait d'achever le monstre aux deux langues, Samael se détendit un peu. Maintenant, il fallait passer à la suite. Il scruta les trois portes restantes une fois la créature réduite en poussières, et évidemment Billie, fidèle à elle-même, se chargea d'en ouvrir une. De toute façon il fallait bien continuer, que ce soit elle ou quelqu'un d'autre…

Samael lui emboîta le pas et débarqua dans une salle sombre, où rien ne semblait exister dans le but de mettre fin à leurs jours. Pourtant, il y avait bien une présence. Puis une voix rendue rauque par la souffrance déchira le silence. Il y a quelqu'un ? Au secours ! Le fils de Thanatos écarquilla les yeux, sa respiration se coupa instantanément et dans l'obscurité ambiante, il lui semblait presque discerner un éclat, deux yeux bleus apeurés, pleins de supplication et de douleur. Cal ?! Impossible. Cal n'était plus en vie depuis un moment. Il devait être mort. Il ne pouvait pas être là, non non non. Il était mort depuis longtemps, on essayait de le manipuler, cette voix, ce n'était qu'une…

"C'est une illusion. Une illusion. Une illusion très réaliste."

Mais loin d'être rassuré par cette bonne nouvelle, Samael se lança à la suite de la chasseresse lorsque celle-ci se précipita en direction de là où venait la voix. La voix de Cal résonna de nouveau, plus chargée de peur encore que la première fois. Il essaye de rester au niveau de Billie, de ne pas la perdre de vue surtout, il ne doit pas la perdre de vue. La voix de Cal, encore, encore, encore. Ce n'est qu'une illusion. Malgré lui, le doute s'immisce. Il n'a pas ce souvenir. Il ne sait pas s'il l'a vu mourir, alors peut-être… Peut-être a-t-il servit d'expérience jusqu'à maintenant. Peut-être qu'il est toujours là quelque part. Et si… ?

C'est une illusion.

Une forme sombre passa dans le coin de son œil, et Samael poussa un juron. Il y avait bien quelque chose dans cette salle, et quelque chose d'intelligent, pas seulement offensif. Quelque chose qui prend plaisir à faire monter la tension.

C'est une illusion.
C'est une illusion, Sam, secoue-toi.
C'est une illusion, Cal est mort, tu ne peux plus rien faire.  
C'est une illusion, Billie fonce droit dans le piège.

"Oh, Billie ? T'es où ?"

Méfiant, il se décida à bouger, se guidant avec la faible lueur qui émanait de son gladius.

"ARRÊTEZ. C'est une illusion. Une illusion. Une illusion très réaliste."

Erwin s’immobilisa une seconde après Alexis. Il se tourna vers elle, cherchant à déceler son visage dans le noir. Des mois auparavant, il aurait douté. Il se serait demandé si la fille d’Arès était bien réelle, si elle allait de nouveau lui infliger les pires blessures sans qu’il trouve la force de répliquer. Il aurait continué à entendre la voix de sa mère résonner dans les recoins du Labyrinthe, il aurait cherché un point d’ancrage quelque part dans la réalité pour comprendre.

Mais désormais, il ne doutait plus. Les doigts d'Alexis entre les siens le maintenaient dans la réalité. Elle était sûre de ce qu’elle disait. Elle savait que tout ça était factice. Erwin n'avait aucune idée de ce qu’elle entendait, pour peu qu’elle entende quelque chose, mais une chose était certaine : elle n’entendait pas Iris. Erwin resserra ses doigts pour s’accrocher à elle. Il la croyait.

Au bout du boyau sombre de la grotte, les bruits de pas étaient confus et désordonnés. Samael était parti à la suite de Billie et Léo, disparaissant dans l’ombre avant que la nuit envahisse toute la caverne. Erwin tenta de sentir ce qui se passait au loin. Il repérait des pas sur le sol rocailleux, mais il était impossible de localiser précisément leurs coéquipiers.

"On devrait avancer prudemment et on se lâche pas."

Alexis arqua sans doute un sourcil face à cette évidence. Le fils de Poseidon précisa :

"On a toujours pas vu de monstre. Je sens des pas tout droit, en suivant la grotte, mais c’est peut-être faux. Encore."

Lancer de dé (de la dépression)

Alexis et Erwin avançaient, incertains. L'obscurité était encore pire à mesure qu'ils avançaient et leurs armes n'offraient qu'un maigre éclairage en compensation. Plusieurs voix se faisaient entendre de part et d'autre et Alexis fut certaine d'avoir reconnu celle de Léo à un moment donné. Malheureusement, le temps d'aller dans sa direction, un mur se dressait à sa place.

« On va tous mourir ici comme des cons. »

Cette certitude, mélangée à la peur et à la colère, lui donnait envie de se rouler en boule et de laisser la mort venir. Après tout, quel intérêt de foncer tête baissée vers une fin assurée ? Néanmoins, la main d'Erwin dans la sienne lui offrait juste assez de force pour continuer. Elle ne pouvait pas abandonner Erwin alors elle ferait tout pour qu'au moins lui s'en sorte. Alors elle continua.

Et continua.
Et continua.
Et continua.

Au bout d'un éternité, la colère pris le dessus. Combien de murs allaient-ils leur faire face ? Combien de voix allaient s'insinuer dans son esprit ? Alexis enrageait de plus en plus. Les murs se mirent à trembler sous sa rage. Puis, lorsque le mur de trop se dressa entre eux et une potentielle sortie, Alexis le fit éclater.

Erwin avançait avec Alexis. Elle était de plus en plus tendue et marmonnait sa frustration. Lui aussi, il sentait ses nerfs supporter de moins en moins l’obscurité ambiante et les bruits qui semblaient venir de partout et nulle part à la fois. Les murs ne cessaient de barrer leur route, c’était comme se trouver dans une pièce qui ne faisait que rétrécir. Les voix de Billie et Léo perçaient la nuit noire de la caverne, mais ils étaient inatteignables, quelques part derrière ces parois.

Erwin s’efforçait de resserrer doucement ses doigts autour de ceux d’Alexis, pour la calmer autant que cela le calmait. Il ne fallait pas céder à la panique, au désespoir, à la folie. C’était ce que le Tortionnaire voulait. Il fallait rester concentrer sur Billie et Léo qu’ils entendaient vaguement et trouver une faille.

La faille se présenta sous forme de cratère dans la roche lorsqu’Alexis laissa parler sa fureur et fit voler un mur en éclats. Et, derrière ce trou béant dans la roche, enfin visible dans la lumière retrouvée, se tenait un monstre. Ce n’était pas le plus grand ni le plus impressionnant des sbires de Celmis. Il aurait presque donné envie de rire, avec sa tête de bouffon, si la colère ne venait pas de submerger Erwin. C’était lui qui s’était moqué d’eux ainsi ? C’était lui qui avait tenté de jouer avec ses peurs ? Le monstre voulut visiblement s’enfuir, mais le fils de Poseidon était décidé à en finir avec lui. Il saisit un bloc du mur en miettes et le lança aussi fort qu’il put vers la créature. Le cri de rage qui accompagna son geste fit écho aux ondes qui parcoururent le sol sous les pieds du monstre lorsque le bloc atterrit près de lui. Il tomba, secoué, laissant le temps aux sang-mêlé de s’approcher de lui sans aucun risque.

Erwin avait déjà sa dague entre les doigts quand le monstre se releva, l’air menaçant. Il ne fit pourtant rien. Il n’en eut pas le temps. Un javelot traversa le buste de la créature face à Erwin et Alexis. A l’autre bout de l’arme se trouvait Samael.