Samael ne voyait rien. Son arme émettait une lueur faible, à peine suffisante pour lui permettre de mettre un pied devant l'autre. À défaut de les voir, il entendait les voix de Billie et Léo un peu plus loin, et il se guidait au son, mais peu importait la direction dans laquelle il allait, il demeurait seul. Il prit une profonde inspiration, et se dirigea dans l'autre sens. Il ne savait pas quoi, mais quelque chose jouait avec ses nerfs. La panique ne montait pas, mais le malaise en lui grandissait de seconde en seconde. Il s'apprêtait à appeler Alexis et Erwin, ne serait-ce que pour s'assurer qu'ils allaient bien, mais un vacarme explosif recouvrit sa voix.

Un mur avait éclaté. Alexis allait donc bien. Mais ce qu'il vit derrière ce mur le stupéfia. Au lieu d'une créature hideuse et inquiétante se trouvait une silhouette humanoïde, qui ressemble plus à un bouffon de fête foraine qu'à un… monstre classique. Mais il savait pertinemment que derrière son air espiègle, la lueur malsaine dans ses yeux hurlait qu'il était prêt à faire beaucoup, beaucoup de mal.

Le fils de Poséidon lui balança un gros bloc de pierre, et le manque de réflexe de la créature qui leur faisait face eut tôt fait de le mettre à terre. Le regard orageux, Samael se saisit de son javelot. Cette fois, il ne le louperait pas. Erwin s'approchait déjà, dague en main, mais le monstre se redressait déjà. Le javelot fila droit vers lui, le transperça de part en part, et le corps se décomposa rapidement sous leurs yeux.

Il échangea un regard avec Alexis pour s'assurer qu'elle allait bien. Erwin semblait en bon état aussi. Billie et Léo les rejoignirent.

"Tout le monde va bien ?"

Il fallait continuer, coûte que coûte. Celmis n'était sûrement plus très loin maintenant.

"Tout le monde va bien ?"

Erwin hocha la tête silencieusement. L'équipe pouvait s'estimer heureuse de ne pas avoir été divisée une fois de plus. D'autant que, dans cette "pièce" peu accueillante, même les divinités n'auraient pu dire dans quel état seraient ressortis les morceaux de cette équipe... Erwin prit le temps de jeter un coup d'oeil vers chaque coéquipier et coéquipière autour de lui. Tout le monde était là, tout le monde semblait déterminé. Ils pouvaient continuer, et Celmis allait le regretter.

La porte qui apparut dans un bout de paroi rocheuse, telle une provocation, augmenta un peu plus la colère qui grondait dans la tête du fils de Poseidon. Ou le même sentiment venait de traverser Billie ou la Chasseresse avait une passion pour le défonçage de porte, toujours fut-il qu'elle passa dans la salle suivante avec une rage palpable. Erwin n'aurait pas aimé se trouver de l'autre côté à cet instant, face à une furie pareille.

A son tour, il se dirigea vers la nouvelle porte. Suivant Alexis de près, il frôla un mur de la caverne et le froid métallique de la chaîne et de la clé de Janus dans sa poche se plaqua contre sa jambe. Il n'y avait plus pensé lors des affrontements précédents, mais il était à présent soulagé de constater que la clé n'avait pas disparu de sa poche.

En un claquement de doigt, Alexis se trouvait dans une nouvelle pièce. Sur ses gardes, elle s'attendait à découvrir un nouveau monstre, une nouvelle épreuve. Pourtant, un calme quasi-olympien régnait dans cette nouvelle pièce. Un frisson d'effroi remonta le dos d'Alexis. Ce n'était pas un repère de monstre. Il y avait des signes de vie, çà et là. Pas grand-chose mais juste assez pour comprendre que Celmis devait être dans le coin.

Une table.
Des chaises.
Des livres.
Une odeur de mort et d'agonie.

Alexis agrippa la main d'Erwin et la pressa juste assez fort pour vérifier qu'il ne s'agissait pas d'un cauchemar, qu'Erwin était bien là. Une peur effroyable commença doucement à rugir dans son ventre. Son instinct de survie lui hurlait de partir d'ici. Pourtant, coûte que coûte, Alexis resserra son arme et fit un pas en avant. Si elle devait mourir aujourd'hui, elle le ferait dignement.

La fille d'Arès s'approcha de la table et y découvrit un livre ouvert. Elle fronça les sourcils et regarda autour d'elle. Puis, dans un murmure, elle laissa échapper la phrase que tout le monde redoutait :

« Il est là. »

Au-delà des quelques signes de vie dans la pièce, qui donnaient déjà, à eux seuls, envie de partir d’ici, Erwin ressentait dans cette salle une atmosphère connue. Un peu trop familière. La moiteur des parois rocailleuses et la froideur de l’air, le sol comme poussiéreux et humide à la fois sous ses pieds, le silence oppressant. La gorge d’Erwin se serra aussi douloureusement qu’autrefois, quand il y repensait. Une crainte s’insinuait lentement, comme un poison qui connaissait déjà le chemin vers son cœur.

Et s’il y avait de nouveau un minotaure dans ce Labyrinthe ?
Et si elle revenait ?

Les doigts d’Alexis se refermèrent sur les siens et le fils de Poseidon se sentit à la fois rassuré et paniqué. Si Alexis arrivait, Alexis ne devait pas être là. C’était déjà arrivé une fois. Ca pouvait recommencer. Elles ne devaient pas être toutes les deux au même endroit.

Erwin s’obligea à ne pas trembler. Sa main serra un peu plus fort celle d’Alexis. Il inspira profondément et fit un pas lent en avant. Il fallait bien que quelqu’un se charge de ce Tortionnaire, il était tout près, ce n’était pas le moment de reculer. Pour eux, pour tous les sang-mêlé qui avaient subi ces tortures, pour tous les sang-mêlé qui avaient tenté de vaincre cet ennemi. Pour Artemisia.

Erwin l’entendait crier que c’était dangereux, que, s’il mourait, elle viendrait le chercher au fin fond des Enfers pour se charger elle-même de son cas, qu’elle ne lui pardonnerait pas de faire l’idiot une fois de plus. Mais, si une fille d’Athena avait été suffisamment inconsciente pour se jeter dans la gueule du loup, comment un fils de Poseidon pouvait-il en faire autrement ?

HRP :