"Il y a eu du changement chez les Chasseresses. Les Athéna ont perdu pour la première fois Capture l’étendard depuis des mois. Et–"

Erwin avait envisagé qu'Alexis lui dirait ce genre de chose. Quelque chose sans importance. Il pensait avoir eu le temps, durant les quelques secondes de silence, de s'y préparer et d'accepter simplement les informations. La voix d'Alexis, ces mots, venaient de tomber au fond de lui et de lui prouver qu'il n'était pas préparé. Il n'acceptait pas, il ressentait ce manque, ce vide de tout ce qu'il ne savait pas et qui avaient tant de répercussion sur sa vie. Pas la sienne, celle d'Alexis. C'était presque pire.

"C’est Artemisia qui a ramené Bubulle."

Lorsqu'Erwin entendit e nom d'Arte, il leva les yeux vers le visage d'Alexis. Ce n'était pas encore ce qui creusait ce vide en lui, mais c'était une vraie information, quelque chose qui le concernait de loin. Il n'avait pas revu Artemisia depuis son retour, il avait tout juste entendu parler d'elle, mais la fille d'Athéna s'était tout de même arrangée pour lui faire passer un mot - écrit sur un papier qu'Elliot avait été chargé d'amener jusqu'à Erwin. Un mot tendre dont elle avait le secret, évidemment...

"Quand elle a remarqué que tu revenais pas, elle a voulu retourner dans le Labyrinthe elle-même malgré ses blessures. Plutôt que de faire ça, elle a ramené Bubulle et a investi dans un meilleur aquarium en précisant que t’étais vraiment nul de l’avoir laissé dans un truc aussi petit. Elle a coaché plusieurs personnes pour s’occuper de Bubule de façon décente puis a fait jurer à tout le monde de ne jamais parler de son implication dans l’éducation de ton poisson rouge."

C'était fou ce que des insultes et des critiques pouvaient avoir comme valeur. C'était fou que ces mots fasse sourire Erwin. Artemisia avait créé un système de communication bien spécifique. C'était dans ce genre de situation - hormis les fois où elle l'enterrait dans le sable de l'arène pour lui témoigner son attachement - que le fils de Poseidon s'en rendait vraiment compte. D'ailleurs, face à un tel manque de sang froid de la fille d'Athena, bien peu de personnes devaient oser aller à l'encontre de ses ordres. Alexis avait osé, elle. Sans aucune surprise, à vrai dire. La fille d'Arès devina ce que devait penser Erwin.

"Je faisais pas partie des gens à qui elle a fait jurer quoi que ce soit, donc je peux en parler librement. Et puis… comparé aux autres, elle me fait pas peur alors c'est pas grave si elle sait que j'ai balancé."

Dernier argument de choc. Effectivement, d'Alexis ou Arte, Erwin aurait eu du mal à deviner qui pouvait se montrer la plus féroce. Ou du moins, il avait sa petite idée, mais il n'était pas prêt à parier tout haut contre Artemisia.

"De toute façon, je tiens l'information d'Elliot et il est intouchable. Tout le monde l'aime beaucoup trop, même Artemisia au cœur de pierre."

Ces derniers mots laissèrent place à un nouveau silence. Un silence moins lourd, plus serein qu'avant. Erwin, blotti contre Alexis, enregistrait ces quelques nouvelles, les rangeait dans un tiroir spécial "A rappeler un jour à Arte" dans sa tête et essayait d'imaginer ce que pouvait bien faire la fille d'Athena en ce moment. Peut-être qu'elle lisait quelque chose d'affreusement ennuyeux entre les quatre murs d'une chambre, ou peut-être qu'elle faisait manger la poussière à une pauvre âme innocente lors d'un entraînement peut-être pas officiel. Cette courte échappée dans ses pensées vidèrent Erwin de cette angoisse que créait l'absence de souvenirs des derniers mois.

Alexis avait choisi la réponse à lui donner, il ne chercherait pas à en savoir plus. Pour le moment, du moins. Il se pencha vers elle et embrassa sa joue. Puis sa tempe. Puis sa pommette. Puis son nez. Il bombarda le visage d'Alexis de baisers, pris soudain par cette sensation de tendresse qu'il aurait dû éprouver pendant tout ce temps d'absence et qu'il devait rattraper. Il l'embrassa encore, parcourant sa joue, remontant jusqu'à son front, redescendant vers son menton. Jusqu'à ce que la fille d'Arès plaque ses lèvres contre les siennes. Il ne bougea plus et profita juste de son sourire contre le sien. Alexis avait raison, il fallait accepter qu'il avait perdu deux mois et vivre ici, maintenant. Trois mots s'échappèrent.

"Je t'aime."