Comment voulez-vous que je reste sérieuse face à Priam ? C'est tout simplement impossible. Surtout que lui à la fac, ce n'est clairement pas crédible. Et si jamais j'étais restée au Camp Jupiter assez longtemps pour aller sur les banc de la fac, je l'aurai sans doute tellement charrié qu'il en aurait eu marre. Mais j'avais choisi de déserter bien avant de finir. Résultat, je ne suis pas forcément bien vu par ici. Sauf que j'ai le statut d'émissaire des Amazones donc on ne pouvait pas me dire grand chose. Surtout que je n'avais clairement pas envie de revenir au Camp pour retourner dans la légion. En prime, ce serait un peu idiot étant donné que j'ai trente-cinq ans avec un peu plus de vingt ans d'expérience du combat avec les Chasseresses puis avec les Amazones. Ouais non, je risquerais de tous les foutre à terre les pauvres petits de la cinquième ! Par contre, j'écoute attentivement mon cousin quand il me parle de la Mer des Monstres. J'en ai entendu parlé mais évidemment, je n'y ai jamais mis les pieds. Je sais en revanche que certaines de mes sœurs sont passées par les îles qui la parsème. Mais mon fou rire quant au fait qu'il enseigne lui déclenche une réaction que ne me choque même pas. En retour, je lui montre fièrement mon propre majeur, assorti d'un « Je t'emmerde Priam ! » Et voilà que je me retrouvais à rire avec lui. Mais il a un rire communicatif et qui porte. Le mien passe quasiment inaperçu pour le coup.

Bon évidemment, à le voir dans cet état j'espère qu'il se tient tranquille avant ses cours. Je roule des yeux quand il me parle du Sénat et des Prêteurs. Je les ai toujours vu comme des vieux croulants cela, du genre à pioncer la majeur partie du temps. Interdiction de boire pendant le boulot hein ? Je hausse légèrement les épaules avant de finir mon verre d'une traite. « Moi on peut pas trop considérer que je suis au boulot ce soir donc je peux bien faire ce que je veux ! » Faut dire que normalement, je suis surtout du côté de la Colonie. Mais que voulez vous, j'étais curieuse de voir ce que je pourrais trouver de ce côté du portail ! Je ne suis pas forcément mécontente du voyage puisque j'ai retrouvé le fils de Neptune. Je tends la main vers la bouteille et l'attrape pour me resservir un verre. Et alors que la première goutte de liquide s'apprête à tomber dans le verre... Je me ravise et bois directement au goulot. Ben quoi, il a dit qu'on était là pour picoler non ? Bon d'accord, si je commence comme ça je vais clairement pas tenir la soirée. Je n'ai pas la résistance d'un enfant de Bacchus. Mais j'ai bien envie de m'amuser ce soir ! Après tout, ce n'est pas comme si j'allais rentrer dans un état pitoyable du côté grec. Pour ce soir, ma curiosité était accaparée par Priam Lancaster.

Voilà que je me retrouve à picoler avec mon cousin... Et ceux autour doivent sans doute se poser des questions tant on semble aux antipodes physiquement. Manquerait plus qu'on vienne nous demander des comptes parce que je semble beaucoup plus jeune que lui ! Alors qu'on a quoi, un an d'écart à peine ? C'est rien du tout ça ! Puis je sens que ça lui est déjà arrivé de boire avec des demoiselles pas beaucoup plus âgées que moi physiquement. Remarquez, il fait bien ce qu'il veut le Priam ! Ce n'est pas moi qui vais lui en tenir rigueur pour le coup. Faut dire que vu le père que j'ai, je ne peux pas trop jeter la pierre aux gens ! Puis chacun fait bien ce qu'il veut après tout. En prime, je me retrouve à boire directement au goulot. De toute façon, on ne risque pas de me dire grand chose ce soir. Ce n'est pas comme si j'étais avec d'autres Amazones. Donc personne pour me balancer. Et puis je serai sobre quand je retournerai du côté de la Colonie donc je ne risque pas grand chose en prime. C'est ça aussi, la liberté. Même si je prête allégeance à une reine, ce n'est pas comme si elle devait surveiller le moindre de mes faits et gestes. D'autant plus que j'ai dépassé les trente ans donc il serait plutôt mal venu quelqu'un me fasse la morale parce que je me retrouve dans un bar à boire avec un ancien camarade du Camp Jupiter. Je hausse un sourcil face à sa question. C'est vrai qu'il n'est pas au courant ! Mais aucun de mes anciens compagnons d'armes n'est au courant, pour eux je suis partie pour devenir Chasseresse et l'histoire s'arrête là.

Je fais une petite moue quand le Lancester me prend la bouteille des mains. Genre, il a encore de la place pour l'alcool lui ? Je reprends une gorgée une fois qu'il m'a rendu la bouteille avant de lui raconter mon histoire. « C'est fini les Chasseresses ! L'alcool t'aide pas à y voir clair visiblement. J'ai passé quinze ans avec les Chasseresses. Puis finalement, ça ne me convenait plus donc je suis partie. J'ai recommencé à vieillir donc maintenant je peux faire légalement des trucs que j'aurai pas pu faire quand j'ai quitté la Légion ! » Soyons honnête, je peux presque boire légalement aux Etats-Unis mais dans certains pays je ne suis plus embêtée depuis quelques temps quand à ce qui est de la virginité éternelle que je devais conserver... On va dire que c'est de l'histoire ancienne ? « Ça fait six ans maintenant que j'ai rejoins les rangs des Amazones. Et je m'y plais plutôt pas mal. Même si je suis pas pressée d'arriver physiquement aux trente-cinq ans. A te voir, ça motive pas ! » Je lui lançais alors un petit regard taquin. Ça m'avait quand même manqué de pas pouvoir le taquiner pendant tout ce temps. Je reposais finalement la bouteille entre nous. « Si t'as des questions, c'est le moment ! Avant que je me décide à te siffler ta bouteille. »

Priam n'avait jamais eu l'occasion de me voir avec une bouteille à la main. Il faut dire que je n'avais que treize ou quatorze ans lorsqu'il m'avait perdu de vu. Nous avions été séparé pendant plus de vingt ans et voilà qu'on se retrouvait dans des conditions qui pourraient porter à rire. Mais que voulez vous, je n'ai plus vraiment de raison de me priver ! Quitter les Chasseresses, au delà de m'avoir permis de retrouver un vieillissement classique, m'a aussi permis de pouvoir expérimenter certaines choses. Mais que voulez-vous, on ne me changera pas ! Je suis toujours en pleine recherche de liberté. Elle était loin la Rhylan sainte nitouche ! Maintenant, j'étais libre de faire ce que je voulais sur ce plan là. Loin de moi l'idée de me caser évidemment. Me poser avec quelqu'un ? Très peu pour moi ! La simple idée me fait frémir. Je pourrais sans doute me trouver quelqu'un, même du côté des Amazones finalement puisque même si nous sommes les guerrières, il y a aussi des hommes qui travaillent pour l'entreprise. Mais ce n'est pas du tout au programme. J'envisage de continuer à parcourir le monde pendant encore quelques décennies avant de songer à me poser. J'informe donc le Lancester de ce changement. Après tout, je les avais abandonné, lui et tous les Romains du Camp, pour rejoindre Diane. Certes, je l'avais plutôt vu sous sa forme grecque. Mais ça, ce n'est qu'un détail. Je roule légèrement des yeux quand il me demande de confirmer. « Oui, vraiment ! Tu vas pas me faire croire que t'as mal entendu ! »

J'avoue que de sous entendre qu'il est sénile, ça m'amuse beaucoup. Je l'observe tandis qu'il reprend une gorgée d'alcool. Je ricane quand il fait ses petites supposition sur la raison de mon choix. « J'avoue que la domination du monde en écrasant les hommes, c'est pas mal. Les Chasseresses les évitent, les Amazones les utilisent. » C'est un peu réducteur comme description mais pour suivre le cheminement de pensée du fils de Neptune, ça colle plutôt bien en fait. Je prends tout de même la bouteille. La raison qui m'a poussé à rejoindre les femmes guerrières est en fait bien plus profonde qu'une simple envie de changement. J'en viens même à perdre mon petit sourire en songeant à ce qui m'a poussé à partir. Je doute que ce soit l'alcool qui parle pour moi. Mais peut-être qu'il me délie juste un peu la langue ? Mes angoisses, je n'en ai jamais parlé à personne, pas même à Priam qui a pourtant été une de mes plus proches relations. Peut-être parce qu'on était tous les deux enfants d'un des grands. Ça me faisait sans doute me sentir plus proche de lui. Je finis par lâcher un soupir en me pinçant l'arête du nez. « J'ai cette... Cette angoisse. Celle de n'avoir plus aucune liberté, aucun libre arbitre... Etre totalement soumis à quelqu'un, sans possibilité de montrer mon mécontentement... » Je prends une nouvelle gorgée d'alcool, le breuvage me brûle la gorge. Ou est-ce ma gorge qui commence à se nouer qui en rend le passage plus complexe ? Je me racle alors légèrement la gorge, tentant de retrouver contenance. « C'est cette crainte qui m'a fait quitter les Chasseresses et Diane. Enfin plutôt Artémis de ce que j'en ai vu moi. C'est débile tu trouves pas ? » J'émets alors un petit rire, un rire jaune. Et voilà que je reprends une gorgée avant de finalement me décider à reposer la bouteille. C'est pas un bon plan de picoler comme ça avec le Lancester, j'en viens à parler de mes angoisses comme s'il pouvait être mon psy... Beurk.

Je ne sais pas trop ce qui me prend à devenir aussi sérieuse. Ce n’est pas vraiment dans mes habitudes. Je suis toujours plus ou moins une gamine dans ma tête, on me l’a déjà fait remarquer. Enfin ce n’est pas la même chose lorsqu’il s’agit de combattre ou de remplir une mission. Dans ce genre de situation, je suis presque toujours sérieuse. Je fais parfois des petites pointes d’humour mais ça s’arrête là. Dans ce genre de situation, je suis avant tout focalisée sur mon objectif, peu importe duquel il s’agit. Mais là, je me retrouve à parler de la raison qui m’a poussé à quitter les Chasseresses, de pourquoi j’en suis venue à rejoindre les rangs des Amazones alors qu’elles sont sans doute un peu plus militaires et que, d’une certaine manière, elles mettent beaucoup plus la force en avant que ne le font les demoiselles d’Artémis. Mais finalement, les Amazones me conviennent mieux actuellement. Allez savoir, peut-être que ça me rappelle un peu la Légion, alors même que je l’ai fui il y a de ça bien des années. Mouais. Faut vraiment que j’arrête de boire moi, j’ai bien l’impression que ça ne me réussit pas vraiment. Evidemment, j’ai déjà bu un verre ou deux, jamais assez pour finir ronde comme une barrique. Ou alors, c’est la présence de Priam qui a le don de délier ma langue. Peut-être que je parle plus sérieusement parce que je lui fais confiance, malgré le temps qu’on a pu passer loin l’un de l’autre. Après tout, il est mon cousin, on a presque le même âge... On était plutôt proches quand on était gosses.

J’écoute attentivement les mots du fils de Neptune. C’est vrai que lui aussi connaissait ce goût de liberté. Il avait quitté le camp romain pendant un long moment aussi après tout. Je hochais doucement la tête à ses dires. Il est évident que je me refuse à n’importe quel type de soumission. Quoique, j’obéis tout de même aux ordres. Je n’irai jamais à l’encontre d’un ordre de ma Reine évidemment. Pourtant, ne suis-je pas partie à la Colonie après en avoir fait la demande ? Certes, elle aurait pu me le refuser. Mais c’est de mon plein gré que je suis venue finalement. J’esquissais un petit sourire quand le Lancaster m’invita à finir la bouteille. J’y étais sans doute allée un peu fort, vu la quantité qui restait. Ou était-ce lui qui avait bu plus que de raison ? En tout cas, je préférais ne pas m’en formaliser. Il ne me fallut que deux gorgées pour finir la bouteille. Après l’avoir reposé, je me laissais légèrement aller en arrière sur ma chaise, regardant le plafond en lâchant un petit soupir. Finalement, j’esquissais un fin sourire et reportais mon attention sur le fils de Neptune. “Tu veux continuer de boire jusqu’à rouler sous la table ou tu as d’autres plans à proposer ? Vieille branche.” Je lui tirais alors gentiment la langue. J’aime bien l’appeler comme ça. Juste parce que son âge se voit et pas le mien.

Ma liberté, c’est quelque chose de très important pour moi. C'est sans doute ça qui fait que je bouge autant, que je ne tiens tout simplement pas en place au-delà de l’hyperactivité dont sont victimes les demi-dieux. Mais ça veut dire quoi, être libre ? Pour certains, ça voudrait dire ne pas devoir s’enfermer avec d’autres demi-dieux pour se protéger des monstres. Pour moi, ça veut juste dire ne pas avoir trop de responsabilités. Enfin je ne peux pas nier qu’en tant qu’amazone, j’ai certaines responsabilités évidemment. Mais il n’empêche que je suis relativement libre de mes mouvements. La preuve, j’observe ce qui se passe à la Colonie mais ça ne m’empêche pas de faire quelques petits passages à la Nouvelle-Rome. Enfin évidemment, personne ne peut être totalement libre quand il a un parent divin. Et pour ma part, c’est un peu plus compliqué parce qu’en étant une fille de Jupiter j’ai une odeur particulièrement forte qui a le don d’attirer les monstres comme des abeilles par le miel. Mais on s’y fait et je ne peux pas nier que par moment, j’aime pouvoir fracasser du monstre. C’est assez fun.  

Pour le coup, la vraie liberté c’ets de pouvoir passer du temps avec Priam, mon cousin que je n’ai pas vu depuis beaucoup trop longtemps. Et à nous voir comme ça, c’est à se demander qui a le mieux vieilli. Moi, qui profite des avantages que j’ai eu en faisant un passage chez les Amazones et ai donc un corps de toute jeune femme... Ou lui, que le temps a commencé à marquer sans pour autant le rendre tout rabougri ? Je suis certaine que dans les rues de la ville, il est capable d’attirer les regard ce pirate !  Je ne me fis pas prier pour terminer la bouteille... Mais demandais tout de même si une autre activité allait être prévue. Sans oublier, au passage, de lui lancer une petite pique en l’appelant vieille branche. Mais voilà que je me retrouve à rire en entendant le fils de Neptune menacer de me balancer dans le Petit Tibre. “Même pas peur ! C’est pas parce que l’eau et l’électricité font pas bon ménage que je suis incapable de nager !” Je me débrouille même plutôt bien dans l’eau, au-delà du fait que mon élément ne fait normalement pas bon ménage avec elle.

Je hausse un sourcil face à la réponse du Lancaster. Il est déjà bien alcoolisé et je sais que je tiens plutôt bien l’alcool en général. On devrait pouvoir se permettre de prendre encore une bouteille, non ? Ce sera toujours mieux que d’aller se jeter dans le lac ou dans le Petit Tibre pour se rafraichir les idées ! Je me levais alors avec un petit sourire malicieux. “Puisque tu penses que c’est moi qui vais rouler sous la table, je vais chercher une nouvelle bouteille !” Perchée sur mes talons hauts, je me dirigeais vers le comptoir du bar, faisant au passage un peu de charme parce qu’avec cette petite robe rouge, je peux clairement me le permettre ! Et me voilà qui reviens donc à la table, avec une bouteille et deux verres. “Pour éviter qu’un de nous deux ne roule trop vite sous la table, on va faire un petit jeu ! Un je n’ai jamais, comme les ados le font. On a pas pu en profiter avant alors c’est l’occasion, non ?” Et puis comme ça, j'en saurais un peu plus sur ce qu'il est devenu peut-être.