Erwin risque un regard en coin vers Alexis, mais la voix cassante de la fille d'Arès trahissait son agacement alors il reporta son attention sur sa toile, mine de rien. Les couleurs faisaient vraiment n'importe quoi sur ce tableau blanc. Le demi-dieu se demanda comment il allait rattraper tout ça avant qu'Alexis se rende compte qu'il ne se concentrait pas du tout sur ce qu'il faisait.

"Des ragots qui nous concernent ? Tu veux dire des ragots genre ceux de Nova ?"

Erwin se retourna vers Alexis en levant son pinceau innocemment.

"Si c'est le cas, je t'assure que j'y suis pour rien."

« Des ragots qui nous concernent ? Tu veux dire des ragots genre ceux de Nova ? »

Alexis sentit un frisson désagréable parcourir son corps. Nova. Rien que ce nom avait de quoi donner envie de vomir. Erwin se retourna vivement, le pinceau en l’air, une inquiétude visible sur le visage, et se défendit d’y être pour quelque chose. Alexis plissa les yeux quelques secondes puis afficha un demi-sourire.

« Je sais, lâcha-t-elle dans un souffle. Alexander est assez grand pour se mêler ce qui le regarde pas tout seul… »

Alexis tordait ses mains dans tous les sens, passant son regard d’Erwin à la peinture, puis de nouveau à Erwin.

« Il va sûrement venir t’en parler du coup… Puisque je l’ai envoyé chier. Trois fois. En lui disant que s’il avait des questions sur ta vie, il fallait qu’il te les pose directement. »

Alexis déporta son regard sur la peinture et pencha légèrement la tête sur le côté. Qu’est-ce qu’Erwin était en train de peindre ?

"Okay..."

Erwin imaginait déjà Alex débarquer dans sa chambre avec un air bien trop innocent pour l'être réellement et commencer à lui poser mille et une questions. Mais... des questions sur quoi ?

"Mais il voulait savoir quoi en fait ?"

L’attention d’Alexis fut détournée quand Erwin lui demanda ce qu’Alexander voulait savoir. De nouveau, le malaise lui fit fuir le regard du fils de Poséidon.

« Oh. Euh. Tu sais. Des trucs. Genre. Alexis se racla la gorge. Il voulait savoir si les rumeurs nous concernant étaient vraies ou fausses. Tu sais genre. Si. Tu vois. Si on est ensemble. »

Alexis avait l’impression d’être si rouge que c’en était encore plus gênant.

« Et puis le fait qu’il apprenne qu’on dorme ensemble de temps en temps n’a rien arrangé, alors bon. Bon. Voilà. »

Alexis transpirait le malaise. Erwin n'en était pas vraiment étonné, il avait déjà pu constater plusieurs fois que les rumeurs et les relations n'étaient pas le fort de la fille d'Arès. Au moins, elle ne s'énervait pas cette fois-ci. C'était une bonne chose. Erwin recommença à s'occuper de sa toile, tentant de faire apparaître des formes identifiables sur le fond aléatoirement coloré.

"Ah d'accord... Je vois. Remarque, c'est plutôt normal qu'il se pose la question vu qu'on est ensemble..."

Erwin stoppa sa phrase, se rendant compte que les mots avaient filé plus vite que ses pensées.

"Pas dans ce sens-là ! Je veux dire. Je veux dire vu qu'on passe du temps ensemble, qu'on est souvent ensemble au même endroit, tout ça... Et. Heu. Bah oui on dort parfois ensemble donc ça peut sembler... Bref. Voilà voilà."

Erwin était si proche de sa toile qu'il aurait pu étaler de la peinture sur son nez. Hors de question qu'Alexis aperçoive le rouge sur son visage. Merci Alex.

Alexis faillit bien s’étouffer avec sa propre salive quand Erwin commença sa phrase. Vu qu’on est ensemble… Finalement, il se rattrapa assez rapidement derrière et Alexis ne savait pas si elle se sentait soulagée ou… autre chose ? En tout cas, le rouge de ses joues ne partait pas. C’était à croire que c’était dans de la peinture rouge qu’elle était tombée, cette fois.

« Ahaha, puis, pff, comme si on avait que ça à foutre de se mettre ensemble. Y’a des trucs bien plus intéressants à faire de toute façon, pff, ahaha. Comme se jeter dans un lac ? Enfin bon, ahaha. Bref. »

Alexis ponctuait ses phrases de petits rires jaunes trahissant son malaise. Est-ce qu’elle venait réellement de dire que se jeter dans un lac était un meilleur choix de vie qu’être en couple avec Erwin ? Pour peu, elle se serait frappé la tête contre un mur.

« Sinon, tu peins quoi ? »

Demanda-t-elle après s’être raclé la gorge pour tenter de retrouver une contenance acceptable.

Comme si on avait que ça à foutre de se mettre ensemble. Erwin entendit à peine la suite, il ne nota même pas la mention du lac. Quelque chose venait de s'effondrer au fond de lui. Il déglutit avec peine et se força à fixer son tableau. Son tableau et rien d'autre. Mais ses yeux ne voyaient rien, il n'y avait qu'un voile un peu flou devant lui.

"Sinon, tu peins quoi ?"

La voix d'Alexis paraissait venir de très loin, mais Erwin l'entendit et revint dans la réalité.

"C'est heu..."

Il se racla la gorge.

"Je crois que je... vais... hum. Faire un paysage. Mais je voudrais heu tester une nouvelle technique. Tu vois. En mettant plein de couleurs de fond. Comme ça. Et puis. On verra..."

L'envie de disparaître au milieu de toute cette peinture était de plus en plus forte.

Comme si on avait que ça à foutre de se mettre en couple. Les mots d’Alexis résonnaient inlassablement dans la tête d’Alexis. Vraiment, de toutes les phrases qu’elle pouvait prononcer pour échapper à cette conversation, elle avait choisi celle-là ?

« Je crois que je... vais... hum. Faire un paysage. Mais je voudrais heu tester une nouvelle technique. Tu vois. En mettant plein de couleurs de fond. Comme ça. Et puis. On verra... »

Erwin ne la regardait toujours pas, trop absorbé par sa peinture. Alexis avait envie de mourir ensevelie sous cette peinture. Vraiment. Il fallait qu’elle arrête de venir dans cette salle d’art. Ça finissait toujours mal. Néanmoins, plutôt que fuir, Alexis rapprocha son tabouret de celui d’Erwin, effleurant les genoux d’Erwin avec les siens.

« Tu veux un coup de main de la pire peintre de l’univers ? J’ai un super prof, à ce qui paraît je suis devenue presque potable. »

La proposition d'Alexis éclaira légèrement l'univers d'Erwin. C'était très tentant, mais il ne savait pas vraiment ce qu'il représentait sur cette toile. Il se mit à réfléchir à toute allure. Rien ne venait. Les mots tournaient en rond, les idées fuyaient. Tant pis.

"Je pensais que t'aimais pas peindre... Mais viens, si tu veux."

Il tendit un pinceau à Alexis en guise d'invitation et elle s'en saisit avec un léger sourire. L'espace d'un instant, Erwin se revit près de l'évier, en train d'aider une Alexis toute bleue à se nettoyer le visage. Il attrapa se souvenir et le garda bien au chaud dans un coin de son coeur pour ne plus se morfondre intérieurement.

"Laisse-moi juste trente secondes pour te dessiner les repères au crayon."

Réfléchissant à toute vitesse, Erwin sortit son crayon de sa poche et entreprit de dessiner quelques traits servant à délimiter les couleurs qu'Alexis devrait appliquer. A quoi est-ce que ça pouvait faire penser ? Une idée, vite, vite !

"On va peindre l'arène."

Je pensais que tu aimais pas peindre… Mais viens, si tu veux. Alexis se sentait comme une enfant à qui on avait autorisé un bonbon. Un énorme sourire barra son visage alors qu’Erwin lui tendait un pinceau pour qu’elle le rejoigne dans son œuvre. Que l’eût cru qu’un jour Alexis pourrait être heureuse de peindre ? Après réflexion, l’action de peindre n’avait rien à voir dans sa joie actuelle…

Erwin sortit un crayon de sa poche et commença à dessiner des repères sur la toile multicolore. On va peindre l’arène. Alexis arqua un sourcil de surprise. Drôle de choix. La mer, c’était mieux. Alexis ne fit néanmoins aucun commentaire et attendit patiemment ses instructions. Puis, elle se mit à peindre. Au bout de dix minutes, elle avait déjà débordé quatre fois.

« Peut-être que je devrais me contenter de te regarder en fait. »

Alexis grimaça et laissa retomber sa main sur sa cuisse – colorant sa peau avec la peinture du pinceau. Pourquoi est-ce qu’elle avait voulu peindre déjà ?