Le détour par la salle d'art s'était immiscé de lui-même dans l'esprit d'Erwin. Totalement improvisé. Après avoir passé un long moment dans sa chambre, les croquis jonchant le sol lui avaient rappelé cette salle qu'il n'avait plus vue depuis longtemps. Pourquoi ne pas y retourner ?

La salle était presque vide. Erwin s'assit devant une toile blanche posée sur un chevalet avec l'air d'attendre son peintre. Pas de pinceaux, pas de couleurs. Erwin colora la toile uniquement dans sa tête. Il n'avait pas envie de bouger.

Le regard se baladant partout, le demi-dieu avait envie de créer quelque chose sans savoir quoi. L'endroit l'inspirait mais il lui manquait quelque chose. Quelqu'un peut-être.

Alexis secoua la tête, balayant la Colonie d’un regard. Elle avait besoin d’un endroit où elle était sûre de ne pas croiser Alexander Pines. Elle avait peut-être concédé à lui redonner des cours plus tard, mais elle avait bien assez vu sa tête pour aujourd’hui.

Après être passée devant le lac puis les écuries, Alexis songea à se réfugier tout simplement dans son bungalow. Mais lorsqu’elle passa devant la salle d’art, son regard fut attiré par la présence de quelqu’un d’autre. Voilà un Poséidon qu’elle pouvait supporter sans problème.

Alexis entra dans la salle d’art silencieusement afin de ne déranger personne et se plaça derrière Erwin. Elle se pencha en avant pour avoir sa tête au même niveau que celle du fils de Poséidon et regarda la toile blanche qui était devant eux.

« Ça manque peut-être un peu de couleur, t’as essayé du bleu ? »

Erwin eut tout juste le temps de sentir une présence près de lui. Aussitôt, le visage d'Alexis apparut au bord de son champ de vision. Il sourit instantanément.

"Ça manque peut-être un peu de couleur, t'as essayé du bleu ?"

Le demi-dieu se tourna vers la fille d'Arès. Une petite flamme réchauffait son coeur. La revoir ici avait une saveur particulière.

"Et risquer que quelqu'un plonge dans ma peinture ? Je suis prudent, maintenant."

Il se contenta de la regarder, le sourire aux lèvres et des étoiles dans les yeux.

Erwin se tourna vers Alexis, un sourire aux lèvres. La fille d’Arès avait l’impression qu’il y avait quelque chose de nouveau dans son regard, de plus... vivant ? Un peu moins triste ? Cela réchauffait le cœur d’Alexis dont les lèvres s’étiraient davantage. Et risquer que quelqu’un plonge dans ma peinture ? Je suis prudent, maintenant.

Alexis pouffa de rire et se releva. Elle regarda autour d’elle puis posa ses yeux sur un tabouret non loin dont elle se saisit avant de revenir aux côtés d’Erwin. Elle s’installa un peu en retrait par rapport à la toile et regarda de nouveau Erwin.

« Je surveille tes arrières si tu veux, commença-t-elle avec un petit sourire amusé. Personne ne ruinera ta peinture si je reste là. Et que je bouge pas. Faut surtout pas que je bouge. »

Alexis, une étincelle amusée dans le regard, fixa Erwin en tapotant sur sa cuisse où une dague dorée y était accroché.

Les mots d'Alexis amusèrent Erwin. Si elle ne bougeait pas, les risques d'accident étaient réduits, c'est sûr. Et surtout, si elle ne bougeait pas, elle resterait à côté de lui. Comme pour appuyer ses dires, la fille d'Arès désigna une dague en or qu'elle portait.

"Avec une dague pareille, j'imagine que j'ai rien à craindre !"

Il laissa échapper un rire. Une dague. Erwin réfléchit quelques secondes puis l'image des deux dagues en bronze qui traînaient toujours dans sa chambre lui revint.

"Au fait, j'ai toujours tes dagues. Comme on s'entraîne plus ensemble, j'oublie toujours de te les rendre. Hésite pas à me le rappeler la prochaine fois que tu viens..."

Avec une dague pareille, j’imagine que j’ai rien à craindre s’exclama Erwin avec enthousiasme. Alexis hocha la tête, prête a en découdre avec la première personne qui viendrait potentiellement ruiner la peinture d’Erwin - même si la plus grosse menace venait sûrement d’elle-meme.

Pendant quelques secondes, Erwin se perdit dans ses pensées et Alexis eut peur que sa joie s’éteigne, que ses pensées se glissent dans des lieux où Alexis ne pouvait pas le suivre. Finalement, il lui demanda simplement si elle voulait récupérer ses dagues. Alexis secoua la tête brièvement, les mains soudainement moites.

« Non, tu peux les garder. J’ai pas assez de mains pour manier quatre dagues. Et deux épées. Enfin, si tu veux les garder. Si tu veux pas, je les remettrais dans l’armurerie. »

Alexis secoua de nouveau la tête, une grimace discrète sur le visage. Repenser aux entraînements la mena à Alexander Pines. Par réflexe, la fille d’Arès regarda derrière elle puis s’enfonça sur son tabouret avant de croiser de nouveau le regard d’Erwin.

« Je donne des cours à ton frère... »

Expliqua-t-elle devant le regard interrogateur d’Erwin. Échanger Erwin contre Alexander...

Effectivement, deux épées et quatre dagues, ça faisait beaucoup d'armes pour deux mains. Erwin fut tout de même surpris qu'Alexis lui laisse deux lames sans rien dire de plus. Il décida qu'il les garderait. Il pourrait toujours lui rendre un autre jour si elle changeait d'avis. Les dagues seraient toujours plus accessibles chez lui qu'à l'armurerie.

"Je donne des cours à ton frère..."

Erwin faillit s'étrangler avec sa salive. C'était inattendu. Il retourna l'info dans tous les sens dans sa tête, il ne trouva pas ce qui avait pu pousser Alexis à s'occuper d'Alexander, surtout après leur dernière rencontre.

"Ah."

Le demi-dieu se tortilla sur son tabouret. Puis il finit par se lever et tourna autour de quelques armoires à la recherche de matériel. Il n'était pas vraiment concentré sur ce qu'il faisait. Il ne pouvait pas s'empêcher d'imaginer Alex à sa place sur le terrain d'entraînement...

"Et heu... il se débrouille bien ?"

Ah. Si Alexis n’avait pas été occupée à regarder autour d’elle pour s’assurer que le deuxième fils de Poséidon ne traînait pas dans les parages, peut-être aurait-elle remarqué l’agitation d’Erwin. Au lieu de ça, elle ne posa de nouveau son regard sur lui que lorsqu'il se leva pour aller chercher de la peinture.

Et euh… il se débrouille bien ? Alexis lâcha une sorte de grognement ressemblant vaguement à un « humpfr » puis regarda Erwin qui lui tournait le dos. Elle se sentait soudainement mal à l’aise. Est-ce qu’elle avait vraiment envie de parler de ça ?

« Je préfère entraîner les enfants. »

Et toi, avait-elle envie de rajouter. Au lieu de ça, elle secoua la tête.

« Mais c’est tout comme avec lui. Déjà parce qu’il est aveugle d’un œil maintenant et aussi parce qu’il doit réapprendre à se battre en changeant de bras fort. »

Alexis fit une courte pause et posa les yeux sur la toile blanche face à elle. Elle pouvait d’avance sentir le rouge piquer ses joues.

« Et aussi parce qu’il est obsédé… par autre chose que le combat. Chiant. »

En entendant les mots d'Alexis, Erwin se mordit la lèvre. Il avait vu son frère à l'infirmerie après le combat, il avait vu ses nombreux bandages aussi. Mais il n'était pas retourné le voir depuis la fin de ses soins. Il n'avait d'ailleurs plus approché qui que ce soit lui rappelant un peu trop les événements du labyrinthe. Le bras infirme d'Alex n'était pas tant le fils de Poseidon. Le fait qu'il soit aveugle, en revanche...

"Et aussi parce qu'il est obsédé… par autre chose que le combat. Chiant."

Erwin attrapa trois pinceaux de tailles différentes ainsi que plusieurs pots de peinture dans l'armoire puis il retourna s'asseoir sur son tabouret. Il commença immédiatement à mettre la toile en couleur, mais il ne savait pas exactement ce qu'il allait faire. Il voulait juste qu'Alexis ne remarque pas son trouble.

"Ah bon. Pourtant Alex est pas du genre distrait quand il s'entraîne. Il doit être déconcentré par quelque chose de vachement intéressant ahah."

Si son frère était obsédé par la fille d'Arès, Erwin risquait de ne pas apprécier leurs entraînements.

Erwin s’installa de nouveau face à sa toile, tournant inlassablement le dos à Alexis qui continuait de fixer la blancheur de la toile. Le fils de Poséidon commença alors à mettre des coups de pinceau dessus, alors les yeux d’Alexis se contentaient de suivre la courbe des couleurs, comme fascinés.

« Ah bon. Pourtant Alex est pas du genre distrait quand il s'entraîne. Il doit être déconcentré par quelque chose de vachement intéressant ahah. »

Alexis glissa son regard vers Erwin dont elle pouvait apercevoir le profil, les yeux rivés sur sa toile, concentré sans vraiment l’être. La fille d’Arès pouvait sentir le rouge s’installer confortablement sur ses joues. De toute façon, il fallait bien qu’il soit au courant à un moment ?

« Non, c’est pas intéressant. »

La voix d’Alexis était froide, presque cassante. Elle ne pouvait définitivement pas cacher son malaise qu’elle transformait en rancœur.

« C’est juste un petit con obsédé par les ragots. Et tu sais quels ragots il aime ? Ceux qui te concernent. Nous concernent. »