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Tout feu, tout flaque ♡ Clayton
 :: À travers le monde :: L'espace-temps :: Univers alternatif
Erwin Stamber
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Re: Tout feu, tout flaque ♡ Clayton

Erwin avait ressassé les événements de la veille avec une distance étrange. Comme si cette journée n’avait pas été la sienne. Il avait tout raconté à Elliot, la colère dans la voix, mais c’était comme si cette histoire ne le touchait pas. Ce n’est qu’une fois seul, dans le noir, allongé sur le canapé, que la douleur avait frappé à sa porte. Son départ, ses mots, sa décision, tout lui semblait irréversible, et la trahison de Clayton, la personne en qui il avait le plus confiance, lui laissait en bouche un goût de cendres, et sur les joues des sillons salés.

La nuit était passée, le soleil s’était levé, emportant Erwin dans le début d’un nouveau jour. Le fils de Poseidon discuta avec Elliot, l’aida à préparer la table pur déjeuner et s’assit lourdement devant son assiette. Il dégustait mollement ses tartines quand Elliot dut quitter la pièce pour aller ouvrir la porte. L’heure du démarchage matinal. Rien de plus commun dans un tel immeuble habité par tant de gens fortunés. Et de vieilles dames, aussi. Celles qui se laissaient facilement convaincre par le nouvel aspirateur à ultrasons qui chassait les rats de toutes les pièces pour une durée indéterminées.

Erwin soupira à la pensée de ce qu’on pourrait bien essayer de vendre à Elliot aujourd’hui et arrêta net sa tartine devant lui lorsqu’il remarqua son abruti d’ex dans la pièce.

Dans un mauvais film, c’est le moment qu’aurait choisi la bouilloire pour se mettre à siffler sur le feu, prenant un air de drama queen d’opéra. Mais le seul bruit osant rompre le silence entre les deux hommes était le son des pas emportés d’Elliot, qui déboula à grandes enjambées. D’un léger signe de tête accompagné d’un regard glacé, Erwin lui fit comprendre qu’il allait régler ce problème. Le fils d’Apollon disparut derrière le coin de la porte – coin derrière lequel il resta certainement pour écouter ce qui se passait avec attention. Et Clayton, prenant ses aises comme un prince, se mit à déballer ses conclusions sur ce qui devait être, à son niveau, une longue nuit de réflexion.

Chaque mot était une énormité de plus. Chaque syllabe qui sortait de la bouche de Clayton était une nouvelle raison pour Erwin de se sentir bouillonner intérieurement. Et, dans le même temps, l’innocence la plus totale que transpirait cet imbécile de fils de Vulcain avait quelque chose d’attendrissant. Une petite pincée d’ignorance qui aurait ému son ex-compagnon en temps normal, mais qui peinait actuellement à se faire assez puissante pour percer la cuirasse de colère qui enrobait Erwin. Une cuirasse qui se renforçait de ce comportement irresponsable et puéril qu’affichait Clayton dans sa petite scène de ménage improvisée.

"Écoute, je ne comprends pas pourquoi tu voudrais plus qu’on fasse des conneries ensemble, va falloir que tu m’expliques."

Erwin se leva brusquement, dans un mouvement impulsif. Qu’avait-il envie de faire, exactement, à cet instant ? Retourner la table par-dessus son idiot d’ex ? L’étouffer dans ses bras ? L’embrasser ? Lui coller la plus grosse droite de sa vie ? A défaut de trouver une réponse en son for intérieur, le fils de Poseidon resta là, les poings serrés, le regard rivé sur Clayton. Sa tartine n’était qu’un pitoyable souvenir écrasé aux pieds de la table.

"Effectivement, t’as rien compris. Je… J’en reviens pas, je sais même pas quoi te dire. C’est pas une histoire de draps, Clayton, putain."

Devant l’air ahuri du fils de Vulcain, Erwin hésita sincèrement à appuyer sur le bouton "plus grosse droite ever" qui aurait peut-être eu le mérite de remettre quelques neurones en place dans la tête de Clayton pour rétablir les connexions nécessaires. Mais il n’en avait pas le cœur. Plus le jeune homme se montrait stupide, plus Erwin ressentait sa sincérité. Et il n’était pas sûr que cela soulageait sa douleur. Son corps était tendu par l’envie contradictoire de secouer Clayton et de le foutre dehors sans le regarder une seconde de plus. Qu’est-ce qu’il était con, quand il le voulait ! Le fils de Poseidon inspira profondément et se pinça les sinus dans une tentative de détente corporelle.

"Ok. Clayton, qu’est-ce que les gens en couple n’aiment pas, en général ? Qu’est-ce que je n’aime pas ? A part brûler des coussins ?"

Une étincelle de concentration intense embrasa le regard du jeune demi-dieu. Peut-être que quelque chose se passait enfin, là-haut, dans sa tête. Mais le silence répondit à Erwin qui soupira de plus belle. Allait-il devoir faire tout le travail ?

"Tu n’as pas une idée ? En rapport avec ce que tu faisais quand je suis rentré, à tout hasard…"

Trois points de suspension se formèrent au-dessus de Clayton et de son cerveau en ébullition. Mais rien ne suivit. Erwin était dépité.

"Quelque chose. En lien. Avec. Ava. Par exemple."

Cette fois, le câble sembla se brancher à son ampoule, enfin. Mais Erwin n’avait plus de patience à octroyer à un ex lent à la détente, il venait de tout épuiser. Maintenant que la porte était ouverte, Clayton allait lui faire le plaisir de poursuivre sa réflexion tout seul. Au moins pour 24 heures.

"Bon, maintenant tu dégages."

Clayton ouvrit la bouche, mais le fils de Poseidon lui lança un regard si noir que le message passa sans ambigüité.

"Tu dégages."

Ce n’était pas chez lui, encore moins chez Clayton, qui avait débarqué comme un malpropre. Le fils de Vulcain fit marche arrière, d’un air aussi surpris que s’il ne reconnaissait pas un chien habituellement doux et joueur. Et, un chien, il y en avait pourtant bien un dans la pièce, qui s’assura d’un grognement que l’intrus libérait l’espace de son domicile. La porte se referma quelques secondes plus tard. Erwin se rassit sur sa chaise, tendu comme une corde à linge. Une main sur le crâne poilu du saint-bernard, il fixait le plafond en croquant dans une nouvelle tartine, moins martyrisée que la précédente. Elliot en profita pour refaire surface dans la petite salle à manger.

"C’est que tu fais peur, quand tu t’y mets. Enfin, il est quand même… à côté de la plaque. Non ?"

Un grognement entartiné répondit au jeune médecin. Le silence s’étira dans la pièce, ponctué par le chien se reléchant les babines après avoir débarrassé le plancher de la tartine abandonnée. La voix d’Elliot se risqua à nouveau à briser l’air.

"Tu es en train de lui pardonner ?"

Erwin retomba sur le dossier de sa chaise en laissant s’échapper une plainte agacée.

"Raaaaah ! On dirait bien et ça me… ça me… Merde !"

Elliot roula des yeux tandis qu’un sourire narquois s’étirait sur son visage, et il resservit une tasse de café à son ami qui allait, visiblement, dormir encore une nuit ou deux chez lui.


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Parce que l'art de Matthew vaut de l'or:

Merci Alexis <3:

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Clayton Haynes
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Clayton HaynesLégionnaire de la 5e cohorte
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Re: Tout feu, tout flaque ♡ Clayton

La porte était blanche.

Clayton fixa la porte. Une porte blanche, semblable aux dizaines d’autres s’alignant dans le couloir, avec une rainure au milieu. Le genre de porte moderne que l’on voyait dans les magazines de décoration et les home tour de célébrité dans les émissions sans importance à trois heures du mat’. Le genre de porte à avoir une peinture avec un nom stupide, comme “blanc albâtre” ou “blanc argile”. Pas que cela soit possible de différencier. Erwin saurait lui, songea-t-il. Lui aurait souri pour lui expliquer, avec la patience d’un saint, pourquoi cette nuance de blanc n’était pas du tout identique à l’autre. Lui aurait fini par secouer la tête, dépité devant son incapacité à comprendre que ce n’était pas juste du blanc. Clayton avait envie de l’entendre parler de la couleur de cette fichue porte.

Erwin croyait qu’il avait fait ça. Il était convaincu qu’il venait de jeter leurs relations par la fenêtre comme s’il ne représentait rien à ses yeux. Rien d’autre qu’un jouet pouvant être remplacé. Ses ongles s’enfoncèrent violemment dans ses paumes. Erwin croyait qu’il l’avait trahit, qu’il l’avait abandonné, qu’il l’avait délaissé pour une autre. Ava n’était qu’une autre, une opportunité plaisante, certes, mais qui ne pourrait jamais remplacer cette affection pour Erwin. Jamais. Pas elle, pas une autre, pas un autre. Personne. Ce n’était pas compliqué a comprendre, non ? Comment Erwin pouvait en douter ? Douter de lui ainsi. Dégage. Comment Erwin pouvait être aussi blessé ? Son beau visage, chiffonné de douleur, dansa devant ses yeux et la fureur rongea ses veines. Sa peau rougeoya d’une teinte écarlate. Quelques flammes léchèrent paresseusement des parcelles de sa peau. Dégage. Erwin ne voulait pas le voir. Erwin ne le voulait pas à côté de lui. Le plan était de ressortir de la résidence avec Erwin. Sauf qu’Erwin ne le voulait pas à ses côtés. Le plan était d’une simplicité enfantine et en quelques phrases, il n’y avait plus de plan. La moquette beige brunit sous ses Vans. Dégage. Erwin ne voulait pas comprendre son point de vue pourtant si simple. Dégage.

Une idée s’immisça dans ses pensées déraillantes. Un rire silencieux secoua son torse en spasme. Il aurait besoin de quoi, cinq minutes ? Peut-être dix. Il était un peu rouillé, peut-être dix. Allez, disons quinze minutes. Erwin était lourd. Un ridicule quart d’heure. Assez pour récupérer son homme et se barrait loin d’ici avec lui. Oh, ce serait si simple de tout brûler. Les flammes feraient un merveilleux spectacle, colorant le ciel d’une splendide teinte orangée. L’odeur de brûlé intoxiquera ses poumons, la chaleur léchera sa peau et il dansera devant ce grand final dans un rire enfantin. Jusqu’à ce que ses poumons s’encrassent. Jusqu’à ce que sa bouche, ses dents, son palet soit d’un noir d’encre. Jusqu’à ce que les braises retombent sur les débris tels des petits flocons de chaos. Jusqu’à ce que la suie ne laisse plus passer l’air. Une part rationnelle, loin, très loin, souffla que c’était une terrible idée. Mauvaise. Erwin n’aimait pas qu’il brûle des coussins. Erwin n’aimait pas qu’il brûle des trucs en règle général. Erwin n’aimerait pas qu’il brûle un immeuble. Erwin serait triste. Erwin était déjà triste. AU PIRE, ça ne peut pas empirer. Hein ? Au pire, merde, ils brûlent tous, parce que si Erwin ne veut pas être avec lui, et s’il ne veut pas être lui alors il ne sera plus jamais avec avec-

oOo

Adultère (nom masculin) est « le fait pour un époux ou une épouse de violer son serment de fidélité, de partage, et d'avoir des relations sexuelles avec une personne autre que son conjoint envers qui il a affirmé ce serment ». Couramment, on parle également d’infidélité et de tromperie.

Ils ne sont pas des époux. Ni marié. Pas pacsé. Tout va bien alors ? Dégage. Non. Tout ne va pas bien. Définitivement. C’est un peu ça sans l’être complètement. C’est compliqué. Il se mordille la lèvre, les yeux injectés de sang rivés sur l’écran à quelques centimètres de son visage, appareil en équilibre précaire sur ses genoux sous un plaid. Son index clic sur un énième lien. Tromperie. Infidélité. Article, interview, vidéos Youtube de meufs ruinant de superbe makeup - voilà la vrai tragédie - en expliquant pourquoi la vie, c’est de la merde. Relatable. Interview interview interview.

Vers le milieu de la nuit, une tasse rejoint Madame Girafe sur le parquet, cacophonie de débris. Puis une autre. Et une autre. Peut-être d’autres. Peut-être d’autres choses que des tasses. Peut-être que les tasses ne sont pas les seules à faire du bruit. Peut-être que la voisine devrait être de nouveau inquiète par l’odeur de brûlé. Peut-être.

oOo

“Hey morveux ! Oh wow, comment ça sent le rat crevé ici.”  
“Et le cramé. Haynes, tu lâches cette couette. Bouge avant de fusionner avec le canapé- MAIS PUTAIN- Clayton, ramène ton cul et ramasse… Est-ce que c’est des tasses ?”

oOo

“Comment j’étais censé le savoir moi ?”
“Oh bah disons le bon sens ?”
“La logique ?”

oOo

Le vieux canapé couine. L’ordinateur a disparu et personne ne veut dire où. Son pouce scrolle sur une énième page internet avant que le petit appareil ne soit confisqué. Cri d’indignation. Être trainé dans une douche froide. Cri d'indignation. Un t-shirt trop grand l’engloutit. Des vieux emballages MacDo se baladent sur la tasse basse. Solan joue aux fléchettes au milieu du couloir. Des cadavres de bières roulent sur le vieux parquet de la maison, enfin de la maison, avant, c’était la maison, maintenant, c’est plus un appartement vide un peu - beaucoup - cassé. Ses doigts sont couverts de pansements. Erwin a fait des pansements aux images de personnages de son livre d’histoire pour enfant, celui avec les petits animaux. Les enfants aiment bien les pansements mignons, qu’il lui avait dit en souriant. Ses doigts sont couverts de tout plein de petit animaux. C’est drôle. Ses doigts jouent avec un briquet. Ses doigts ont trouvé le briquet de Kieran. Le canapé couine. Fond. C’est beau. Clayton rigole. Le briquet disparaît par magie.

“Il s’arrête jamais merde”
“Jette-le dans le lit”

oOo

“Depuis quand respectes tu le désir d’autrui Clayton ?”
“…Depuis jamais.”

oOo

La porte était blanche.

Soixante-cinq heures plus tard, la porte était toujours blanche. Clayton écrase son index sur l’élégante sonnette. Une sucette goût cerise croustille sous ses dents. Arrête-De-M-Appeller-Madame-Voyons ne devrait pas inviter un inconnu chez elle sous prétexte qu’il semble affamé et épuisé, c’est dangereux. Une autre sucette gout fraise attend dans la poche de son jean, caché derrière un t-shirt blanc toujours trop grand pour lui.

C’est long soixante-cinq heures. Assez long pour réfléchir a un plan d’action. Pourtant, à la minute où la musique résonne faiblement de l’autre côté, son esprit se vide, espace blanc grésillant d’excitation à l’idée de revoir Erwin. Super. Génial cerveau. Ses doigts s’agrippent un peu plus à la boite, autant pour s’ancrer dans le présent que pour se donner un semblant de contenance.

Des bruits de pas résonnent de l’autre côté de la paroi. Le visage endormi d’Elio ouvre la porte… Pour immédiatement la refermer ?? Seul un réflexe miraculeux fait passer ses petits doigts dans l’interstice. En équilibre précaire entre un bras et son torse, la boite évite la chute. Clayton se fait violence pour ne pas insulter cet enculé sur dix générations et réduire son clebs, son appartement et sa vie en cendre dans la seconde. Focus. La douleur pulse dans ses doigts agrippés au cadran, fort, assez fort pour blanchir ses phalanges.

“Je veux juste lui parler.” S’il te plaît.

S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît.

“Lâche la porte.”
“Techniquement, je tiens le cadra-”
“Je vais demander à Erwin s’il veut te revoir. Lâche. Ce. Cadrant.”
“Oh. Ouais, bien sûr, OK.”

C’est possible un PTSD sur une porte blanche ? Ses yeux verts fixent le sol, perdu dans le vide a l’endroit où la moquette découpe l’empreinte de ses semelles. Que faire si Erwin ne veut plus jamais le voir ? Ce serait une catastrophe. Qu’est-ce qu’il doit faire si Erwin ne comprend pas, ne veut pas comprendre, refuse de comprendre ? Des centaines de pensées s’empilent les unes sur les autres, confiance doute et peur entremêlée dans un patchwork complexes d’émotion qu'il ne saisit pas.

“Si tu lui fais du mal, encore, je te le ferais regretter Haynes.”

La poigne d’Elliot enserre douloureusement son biceps. Les mots sont froids. Le grognement du chien en laisse une menace efficace. La vague de frisson et de sueur dégringolant le long de son bras une promesse. Elliot. Le docteur, le meilleur ami, le confident. Erwin mérite d’avoir un ami aussi attentionné. Sur la pointe des pieds, le fils de Vulcain finit secoué tel un petit prunier. Pour appuyer ces propos, par plaisir ou pour attirer son attention face au manque de réaction. Difficile à dire. Il ne sait pas ce qu’Elliot a dit à Erwin, mais ce dernier veut le revoir. Erwin veut le revoir. Erwin veut le revoir.

“Ça n’arrivera pas.”

Dégoulinant de sincérité. Pure. Honnête. Clayton est d’une honnêteté infini et ses billes vertes décidées s’ancrent dans celle bleues ternit de doute d’Elliot. Long à la détente, tous les engrenages sont en place et il est prêt à tout pour réparer son erreur. À tout. Il ne fera pas de mal à Erwin. Non. Plus comme ça, en tout cas. Pas blessé au point d’apercevoir de nouveau cette expression sur son visage, celle qui hantera ses nuits pendant un moment.

“T’es vraiment un bon ami.” Clayton sourit. Qu’est-ce qu’Elliot a bien pu dire pour qu'Erwin accepte une discussion en tête-à-tête ? Aucune idée. C’est vraiment le meilleur des alliés Elliot. “La prochaine fois que tu me menaces, je crame ton immeuble en commencent par ton chien.”

Elliot retira hâtivement sa main dans une grimace de douleur et dans un rictus satisfait, Clayton esquive des crocs en refermant la porte blanche derrière lui. Les aboiements s’éloignent dans le couloir. À force de surenchérir à la moindre menace, un caniveau aurait dû accueillir sa carcasse depuis belle lurette, mais on ne l’avait plus menacé depuis… Depuis Erwin.

Sa confiance s’évapore à la seconde où son regard se pose sur Erwin. La part de son cerveau criant erwin erwin erwin en boucle depuis soixante-cinq heures s'éteint. Son conjoint est assis sur une chaise de la salle à manger, la même que deux jours auparavant. Les bras croisés sur son torse, habillé, les cheveux en vrac, la mâchoire serrée, les yeux sombres d’émotions. Il est magnifique. “Salut.” Clayton veut s’emplâtrer contre un mur. Erwin est illisible. Et si le petit brun n’a jamais été doué pour lire les émotions, sa mine renfrognée est une énigme aujourd’hui. Ce n’est pas du tout ce qu’il avait prévu. Pas qu’il s’attendait à un accueil chaleureux. Quoique. Non. Quand même. Si ? Le plan n’existe plus.

Ses bras piquent. Clayton s’avance dans le salon, occupant naturellement l’espace et délogeant une chaise du pied pour poser le lourd carton dessus. Une main passe à l’arrache entre ses mèches, geste inconscient bourré de nervosité. Ses yeux ne lâchent pas Erwin, ne faisant rien d’autre que le fixer. Rassuré par sa présence. Inquiet que cela puisse être la dernière fois. Erwin ne dit rien. Il a autant envie de se rouler en boule à ses pieds en le suppliant que de grimper tel un chimpanzé contre son torse pour ne plus jamais le lâcher. Tout deux se fixent en chien de fusil pendant une éternité. Clayton ne sait pas ce qu’Erwin voit dans ses pansements chatons-chiots-tortues, ses cernes et son t-shirt trop grand ayant son odeur. Surement un mec pathétique. Un ex pathétique. Ouais. Y'a des chances. Au moins, Erwin a l’air d’aller bien. Clayton mentirait en prétextant que ça suffirait à faire son bonheur, mais aujourd’hui, ce serait presque suffisant.

Erwin finit par mettre un terme au silence lourd de non-dit en demandant ce qu’il fout là, de parler, de s’exprimer, de faire autre chose que de le fixer tel un saumon mort.

“Tu es ma première relation.” Les mots sortent tout seul. Les mots ne sont pas prévus. “Pas un coup d’un soir dans des chiottes moisit ou quelques jours a squatter sur un canapé, non, une vraie relation. Comme celle que l’on voit dans les films. J’ai toujours aimé les couples dans les films, ça a l’air si naturel et simple. Un peu niais aussi, mais tu ne peux pas t’empêcher de jalouser, tu vois.”

Bien sûr qu’Erwin voit. Ils ont passé des soirées devant des films imbibés à l’eau de rose. Ceux faisant réagir Erwin, colorant son visage de sourire niais ou de larmes. À chaque fois. Ceux dont Clayton pesté ne pas vouloir regarder, pour finalement ne plus lâcher l’écran des yeux, absorbé par les dynamiques.

“Il y a plein de règles implicites. Comme si tout le monde avaient des instructions à suivre et que je n’avais jamais eu le mémo.” Ne lève pas les yeux au ciel devant l'évidence Erw'. “Infidélité”. Le mot flotte entre eux un instant. “C’est le mot que tu voulais que je trouve hein ?” Clayton sourit doucement, tendrement, tristement. “Je ne savais pas. Ce n’est pas une excuse, mais je ne savais vraiment pas que ce n’était pas possible. Enfin, c’est possible, la preuve.” Putain, mais achevez-moi. “Mais j’ignorais que...”

Que tu aurais mal comme ça. Que tu ne voulais pas me partager, ce qui est assez flatteur, quand même, on ne va pas se mentir. Que tu souffrirais autant. Que tu ne voudrais plus être à mes côtés. Qu’avoir plusieurs partenaires sans en discuter au préalable n’est pas la norme. Que tu aurais mal Erwin.

“Pour moi, il y a toi et les autres. Les autres, ils ne seront jamais aussi importants que toi. Tu es plus important Erwin. Je ne suis pas le meilleur pour te le montrer au quotidien, mais c’est la vérité. Et je pensais que tu- Je pensais que c’était pareil pour toi. Enfin, que si tu trouvais une autre personne et que je n’étais pas là, toi aussi tu-”

Clayton fit un vague mouvement de main dans le vide, laissant sa phrase en suspens illustrer ses propos. Erwin aurait eu la même expression s’il venait de le poignarder en plein cœur. Clayton avait l’horrible sensation de rendre les choses bien pires en étant sincère, en essayant tant bien que mal d’expliquer son point de vue et, confus, il s’empressa d’ajouter.

“Mais j’avais tort, ouais, bien sûr, évidemment, je le sais maintenant.”

Arrête de faire cette tête pitié s’il te plait.

“Je suis désolé Erwin.”

Clayton est tellement sincère que ça en ait douloureux. Quelque chose creuse entre ses côtes, dans l’interstice entre son cœur et ses poumons. Ses organes s’enroulent sur eux-mêmes. Internet n’avait pas dit que ça ferait aussi mal. C’est douloureux d’être honnête. C’est douloureux de se rendre compte des conséquences de ses actes, tu sais, Erwin. C’est douloureux aussi de se rendre compte que ça fait aussi mal parce qu’il aime cet homme de tout son être. Bien plus que nécessaire, bien plus qu’anticipé, bien plus que désiré.

“Je, je n’ai vraiment pas envie que ce soit finie entre nous. Vraiment pas. Juste imaginer ne, ne plus jamais voir ton visage endormi baver sur le coussin, ne plus jamais devoir faire une montagne de pancake le matin, ne plus trébucher sur tes crayons, ne plus aller à des expositions d’arts accrocher à ton bras, ne plus être avec toi. Imaginer ne plus jamais faire ça” Sa voix se casse. Clayton déglutit dans un petit rire. “Ça craint. Mais c’est de ma faute. Je préférerais te kidnapper dans le coffre de ma caisse maintenant plutôt que de te laisser ici une seconde de plus.” Sincère, trop sincère. “Mais ce n’est pas un choix qui m’appartient.” Malheureusement.

Son regard se décroche enfin d’Erwin, pour glisser jusqu’au carton. Ha. Oui. Le carton. Cela semblait être logique. Il n'a pas envie. Vraiment pas envie. Il veut brûler ce carton. Clayton réalise que ses mains agrippent fermement la chaise. Les mains dans les poches, il pointe du nez l’objet, son regard subitement perdu derrière ses mèches. Regarder Erwin semble haut dessus de ses forces.

“Ouais, hmm, du coup, j’amène une boite. Avec les crayons ? Et les feuilles ? Enfin, je veux pas, mais si tu restes ici, tu voudras dessiner… Avec tes outils… Bref. Voilà.”


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Erwin Stamber
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Re: Tout feu, tout flaque ♡ Clayton


Elliot avait laissé du temps à Erwin. Il lui avait non seulement permis de squatter son appart pour une durée indéterminée, mais il évitait aussi de poser des questions venimeuses ou d’aborder des sujets brûlants – à l’image de Clayton. Un ami de qualité, cet Elliot. Erwin en était même venu à la réflexion qu’il s’était un peu éloigné de lui depuis qu’il avait entamé sa relation avec l’imbécile de fils de Vulcain qui lui avait servi de petit-copain, et que cette rupture (momentanée ?) lui faisait finalement du bien.

En dépit de la plaque dorée qui ornait la porte d’entrée, vantant la profession du propriétaire, le Docteur Wainford officiait, la majeure partie du temps, dans un centre médical situé à quelques kilomètres de chez lui. Les rares patients qu’il recevait à domicile étaient soit des cas urgents, soit les vieilles personnes de l’immeuble qui pouvaient attendre 18h pour éviter de trop se déplacer. Autant dire que, pendant la journée, Erwin était seul. Enfin, seul, pas tout à fait. Le saint-Bernard d’Elliot ne manquait pas de se faire remarquer. Pour une fois que la brave bête avait de la compagnie… Le fils de Poseidon prit donc à cœur, durant les deux jours qu’il passa chez son ami, de sortir le chien. Il en profitait pour prendre l’air une bonne heure, histoire de se changer les idées. De toute évidence, Elliot ne prenait pas autant de temps pour ses promenades : lorsqu’il rentrait chez lui, le chien partait se coucher dans un coin et dormait pendant au moins deux heures.

***

Erwin passa ces deux jours à dessiner des croquis avec un crayon trouvé sur un bureau, l’occasion de rattraper son retard dans son boulot, et à cuisiner, ce qui faisait gagner du temps à Elliot (et quelques kilos, au vu des biscuits qui sortaient du four). La vie semblait belle, légère, Erwin se sentait plus libre et plus serein. Du moins, c’était le cas une minute sur deux, quand l’image de Clayton acceptait de le laisser en paix pendant quelques instants. Le demi-dieu s’en voulait d’avoir rembarré son ex de cette manière. Maintenant que la scène avec Ava s’éloignait de sa mémoire et que le regard de chien battu de Clayton la remplaçait, Erwin avait la sensation de s’être montré excessif. Même lorsqu’il reçut ce sms, signé « la voisine ♥ », Erwin eut envie de revenir en arrière. Il se dépatouilla tant bien que mal de la situation en envoyant une réponse lacunaire à « la voisine » qu’il avait oublié avoir si lourdement « draguée » juste pour rendre son ex jaloux – ce qui n’avait absolument pas marché, Clayton n’avait peut-être même pas compris. Cette attitude avait été tellement immature ! Le demi-dieu se serait bien cogné la tête contre un mur pour effacer ce passage de sa vie à tout jamais. Cette fois-là, Elliot trouva quand même intéressant d’y mettre son grain de sel.

« T’es quand même conscient que c’est un énorme con, hein ? »
« Je sais ce que t’en penses, Elliot, mais il n’est pas juste con. C’est une grande partie de lui, d’accord, mais quand même. Il me fait enrager autant qu’il me fait douter, cet imbécile. »
« Ah, tu vois ! Toi-même, tu le dis. »
« J’ai dit qu’il n’était pas que ça. C’est bien pour ça que c’est compliqué… »
« Oui, enfin, compliqué… Vu la touche que tu sembles avoir, à ta place, j’aurais profité de l’occaz avec la jolie voisine. Ça me paraissait moins compliqué. »
« … Laisse-moi mourir, Wainford. »

***

En allant travailler, Erwin était plusieurs fois passé non loin de la rue où se situait son (ancien ?) appartement. Il se prenait à tourner la tête en direction de l’immeuble, et soupirait de soulagement en découvrant qu’il ne pouvait pas l’apercevoir depuis la route qu’il empruntait. La première fois, il avait ressenti l’envie de tout inonder. Faire péter une canalisation ou deux dans la rue. Dans l’immeuble directement, même. La deuxième fois, il avait imaginé ce que Clayton pouvait bien faire, derrière les fenêtres de l’appart, et un goût de bile amer s’était formé dans sa gorge à l’image d’un fils de Vulcain affalé sur leur lit avec Ava ou n’importe quelle autre fréquentation qu’il ne voulait pas approfondir. Cette fois-ci, la troisième, ce furent des souvenirs qui assaillirent Erwin, alors même que ce dernier avait résisté à l’envie de regarder en arrière. Ses propres instants intimes avec Clayton, les déjeuners bien trop copieux partagés en riant avec Clayton, les douches provocatrices avec Clayton, les soirées film avec Clayton, les rêves avec Clayton… Erwin rentra du travail avec la gorge serrée et les yeux humides.

***

Erwin déjeunait avec Elliot. Jour de congé. Pour tous les deux. Ô joie, bonheur, les deux hommes pouvaient prendre le temps de savourer des croissants encore tièdes tout en buvant une tasse de café qui venait de percoler. Le fils de Poseidon avait l’impression de ne plus avoir vécu quelque chose d’aussi tranquille depuis des années. Peut-être parce que, à la réflexion, ses déjeuners, même les jours de congé, étaient plus chaotiques que tranquilles… Même le chien d’Elliot semblait profiter de la douceur de cette matinée, allongé sur le dos à même le sol, ses poils noyant le carrelage.

Quand on frappa à la porte, Erwin leva les yeux. Elliot fit de même. Leurs regards se croisèrent et une étincelle s’alluma chez chacun d’eux. D’espoir chez l’un, d’envie de meurtre chez l’autre. Erwin n’avait pas besoin qu’on lui dise quoi que ce soit pour savoir pertinemment qui se trouvait derrière cette porte. Il aurait pu le deviner en temps normal, mais les coups martelés comme un marteau sur une enclume sans interruption interdisaient le moindre doute.

« Bon, bah je vais ouvrir… »

Erwin n’entendit pas l’échange qui se déroula dans l’entrée, mais il saisit très nettement le couinement de quelqu’un qui se coince les doigts dans une porte. Les voix se turent un instant et des pas se rapprochèrent de la salle à manger. Le visage contrarié d’Elliot apparut.

« Sans grande surprise, c’est ton pyromane personnel qui veut te voir. Je lui dis d’aller se faire cuire quelque chose de comestible ou tu es ok pour lui parler ? »

Le choix d’Erwin était déjà fait, mais les mots refusèrent de sortir immédiatement de sa bouche. Il inspira profondément avant de desceller ses lèvres.

« C’est bon, je veux voir s’il a au moins compris le problème. Je gère, t’inquiète pas. »

Elliot hocha la tête et repartit de plus belle vers la porte d’entrée. Erwin eut tout juste le temps d’intercepter quelques bribes de phrase – quelque chose à propos de menaces et de chien – avant que Clayton déboule dans la salle à manger comme un prince. Un prince un peu piteux tout de même, il fallait le reconnaître. A la vue de son ex, Erwin sentit son visage se durcir malgré lui. Les sourcils froncés, le regard noir, il ne pouvait retenir la colère qui l’habitait encore en repensant à ce que Clayton lui avait fait. Mais il était partagé. Contrairement à ce que montrait sa façade, il y avait à l’intérieur un doute, un mélange d’émotions plus subtil que de la colère.

« Salut. »

Erwin eut l’impression de flancher. A l’intérieur, seulement ; son visage restait sombre. Comment pouvait-il y avoir autant de fragilité dans un seul mot ? Comment pouvait-il voir Clayton ainsi et se dire qu’il aurait bien aimé écraser ses lèvres sur les siennes ? Comment pouvait-il l’écouter proférer un tel condensé d’incertitude en deux syllabes et le désirer autant à la fois ?

Le silence s’installa. Durant quelques secondes, Erwin se demanda s’il ne devait pas lancer la conversation. Aider Clayton. Faire quelque chose pour entendre le son de sa voix plutôt que le tic tac de l’horloge qui ornait le mur de la cuisine. Mais non. Non, non, non. C’était le fils de Vulcain qui avait merdé, c’était à lui de réparer ses erreurs. Erwin ne voulait plus éteindre les incendies à sa place. Alors il resta muré dans son silence, le regard fixé sur Clayton, une étincelle d’espoir cachée derrière celle de la rancœur.

« Tu es ma première relation. Pas un coup d’un soir dans des chiottes moisit ou quelques jours à squatter sur un canapé, non, une vraie relation. »
Erwin ne sut s’il devait s’estimer heureux ou blasé par l’élégance et la jugeotte de Clayton. Mais il ne l’interrompit pas, préférant caresser son visage d’un regard toujours aussi tranchant que l’acier.

« Comme celle que l’on voit dans les films. J’ai toujours aimé les couples dans les films, ça a l’air si naturel et simple. Un peu niais aussi, mais tu ne peux pas t’empêcher de jalouser, tu vois. Il y a plein de règles implicites. Comme si tout le monde avait des instructions à suivre et que je n’avais jamais eu le mémo. »

Le fils de Poseidon roula des yeux en entendant cet argument bancal. Mais en même temps, quelque chose commençait à tracer sa route dans sa tête. Clayton était-il à ce point en décalage avec les codes relationnels ?

« Infidélité. »

Ah, enfin. Le mot était tombé. Clayton avait fait un grand pas en avant. Oui, en effet, c’était le mot qu’Erwin voulait qu’il trouve. Le putain de mot qui l’avait répugné pendant deux longues journées, qui l’avait rongé au plus profond de son cœur et qui l’avait rendu malade à l’idée que le fils de Vulcain puisse ne jamais tomber dessus. Un mot, une évidence pour lui. Une énigme pour Clayton. Un poids sembla s’envoler des épaules d’Erwin, qui écouta d’autant plus attentivement.

« Je ne savais pas. Ce n’est pas une excuse, mais je ne savais vraiment pas que ce n’était pas possible. Enfin, c’est possible, la preuve. Mais j’ignorais que… »

Le silence revint pour quelques secondes. De longues, très longues secondes durant lesquelles Erwin eut l’impression d’être poignardé à plusieurs reprises. Tu ignorais que quoi, Clayton ? Allait-il lui dire qu’il ignorait la valeur qu’avait leur couple avant de le voir flancher ? Ou qu’il ignorait que son fantasme n’était pas de le voir se taper Ava – ou n’importe qui d’autre, d’ailleurs – dans son salon ?

« Pour moi, il y a toi et les autres. Les autres, ils ne seront jamais aussi importants que toi. Tu es plus important Erwin. Je ne suis pas le meilleur pour te le montrer au quotidien, mais c’est la vérité. Et je pensais que tu- Je pensais que c’était pareil pour toi. Enfin, que si tu trouvais une autre personne et que je n’étais pas là, toi aussi tu- »

Erwin reconnut parfaitement dans le geste de Clayton le mouvement universel du « tout ça tout ça », geste qu’il maîtrisait à la perfection lorsqu’il était mal à l’aise. Mais le demi-dieu n’intervint toujours pas pour lui sauver la mise. Il voulait l’entendre jusqu’au bout.

« Mais j’avais tort, ouais, bien sûr, évidemment, je le sais maintenant. Je suis désolé Erwin. Je, je n’ai vraiment pas envie que ce soit finie entre nous. Vraiment pas. Juste imaginer ne, ne plus jamais voir ton visage endormi baver sur le coussin, ne plus jamais devoir faire une montagne de pancakes le matin, ne plus trébucher sur tes crayons, ne plus aller à des expositions d’art accroché à ton bras, ne plus être avec toi. Imaginer ne plus jamais faire ça… Ça craint. Mais c’est de ma faute. Je préférerais te kidnapper dans le coffre de ma caisse maintenant plutôt que de te laisser ici une seconde de plus. Mais ce n’est pas un choix qui m’appartient. »

Le regard implorant de Clayton se détacha de celui d’Erwin. L’arc électrique formé entre eux se coupa et disparut. Le fils de Poseidon eut l’impression que son cœur se retrouvait soudainement privé des ondes qui diffusaient leur chaleur en lui quelques instants plus tôt. Ne détourne pas les yeux, Clayton. Même ses pensées hésitèrent à prononcer « mon amour » au lieu de son prénom. Mais la part rationnelle qui survivait au milieu de la tempête d’émotions qui grondait dans la tête d’Erwin savait qu’il était encore un peu trop tôt. Juste un petit peu.

A défaut de pouvoir se plonger dans les yeux de Clayton, Erwin dévia son regard à son tour. Et c’est là qu’il remarqua enfin la boîte. Comment avait-il pu la manquer jusque-là ? Le carton était si encombrant que Clayton ne pouvait en faire le tour de ses deux bras. Il fallait croire que voir le fils de Vulcain déambuler avec toute sorte d’objets impromptus sous le bras était suffisamment habituel pour qu’Erwin n’y ait pas fait attention. Ce n’était sans doute pas un compliment… Toujours était-il que, maintenant qu’il avait repéré le mystérieux colis, le fils de Poseidon n’en détachait pas son attention. Qu’est-ce que Clayton avait trimballé jusqu’ici ?

«  Ouais, hmm, du coup, j’amène une boite. Avec les crayons ? Et les feuilles ? Enfin, je veux pas, mais si tu restes ici, tu voudras dessiner… Avec tes outils… Bref. Voilà. »

Le barrage céda. Pas d’un seul coup, pas emporté par un tsunami, mais il craqua sinistrement. Erwin se demanda si ce grondement intérieur avait été audible autour de lui. Dans tout son corps, il n’entendait rien d’autre : la plainte d’une digue vaincue par la mer. Ses barrières s’effritaient inexorablement. Erwin savait très bien comment ça allait se finir. Quelques briques de sa rancœur, maintenue par les restes d’un ciment douloureux, offraient encore une fine résistance à l’attaque de Clayton. Mais le cœur du demi-dieu battait si fort depuis la fin du monologue… Il posa une main sur la boîte et regarda à l’intérieur.

« Je… Clayton, c’est… Merci. »

Où étaient passés tous les mots ? Il ne pouvait tout de même pas répondre d’une manière si pitoyable ? Si ? Erwin se mordit la lèvre, ne sachant pas quelle attitude adopter. A défaut de prononcer quelque chose de cohérent, le demi-dieu laissa sa main agir. Ses doigts glissèrent du bord de la boîte à la main de Clayton. Le fils de Vulcain ne pouvait pas faire grand-chose, occupé qu’il était à tenir le carton. Une étincelle embrasa son regard. Erwin écarta doucement ses doigts.

« Je suis réellement content que tu aies fini par comprendre. C’était… C’est toujours douloureux. Mais je vois mieux d’où vient le problème. Je crois que… Moi non plus, je n’ai pas envie de laisser tomber tout ça. »

Et il ponctua sa phrase d’un geste de la main, un geste qu’il espérait être le mouvement universel du « tu vois ce que je veux dire » dans le lexique de son (ex ?) petit-ami. Ses oreilles bourdonnaient, ses joues brûlaient, et son cœur tambourinait dans sa cage thoracique comme une diable enfermé. Erwin déglutit.

« J’aimerais juste que tu me laisses une journée. Juste le temps de digérer tout ça. Je veux dire, le fait que tu puisses aligner plus de cinq phrases sérieuses sans t’étouffer. C’est une révélation un peu choquante, j’avoue. »

Clayton ouvrit la bouche comme pour protester, ou pour surenchérir, tout dépendait de son humeur. Erwin lui colla son pouce au milieu des lèvre pour le faire taire d’avance. Le fils de Vulcain ne se débattit pas. Son regard décochait des flèches d’espoir dans le vide.

« Plus sérieusement, chéri, tu ne vas pas me kidnapper dans ton coffre. Tu vas me laisser ici jusque demain. Laisse-moi effacer tout ce que j’ai vu correctement. J’ai besoin de te revoir, mais j’ai besoin de ranger certaines choses dans le coin d’un tiroir condamné, si tu vois ce que je veux dire – maintenant que tu as l’air d’avoir capté… Je voudrais vraiment te retrouver, mais le faire bien. Si je reviens maintenant, si je dors avec toi ce soir, si je t’embrasse là tout de suite, j’ai peur de le regretter parce que j’ai encore trop de colère en moi, Clayton. Je t’en veux, je t’ai détesté pendant deux jours, même si tu me manques et que je veux, moi aussi, continuer notre film nunuche avec toi. Si tu me laisses tranquille jusque demain, j’essaierai de jeter la colère et de garder le film nunuche. Tu veux bien ? »

Clayton ne répondit pas. Sa gorge semblait contractée, trop serrée pour laisser le moindre mot s’échapper. Son regard s’accrochait à celui d’Erwin comme une patelle à un rocher. Le fis de Poseidon se forçait à résister. Il pensait chaque phrase qu’il avait prononcée : il avait réellement peur de regretter d’aller trop vite. De pardonner trop facilement. Il comprenait désormais que Clayton n’avait jamais eut l’intention de le blesser, que la trahison n’en était pas une, mais le fils de Vulcain parviendrait-il à se tenir ou recommencerait-il ses conneries dans deux jours ? Erwin avait besoin de se poser et de faire le point.

Finalement, leurs corps se comprenant mieux que leurs cerveaux, les deux sang-mêlé se levèrent et regagnèrent la porte d’entrée. Ils n’échangèrent pas un mot, ils savaient tous les deux ce que pensait l’autre. Clayton ouvrit la porte et sortit, d’un air étonnamment sage. Trop sage ? Erwin s’en serait inquiété, en temps normal, mais il venait de vivre un moment trop hors de la réalité pour remarquer quoi que ce soit. Le fils de Vulcain tenta un dernier « T’es sûr ? », auquel Erwin répondit par un hochement de tête, avant de sortir de l’appartement pour de bon. Alors qu’il allait bientôt disparaître à l’angle de l’escalier, le fils de Poseidon le héla une dernière fois.

« Eh, Clayton ! »

Les yeux brillants du demi-dieu se retournèrent. Erwin lui fit un geste de la main.

« Je t’aime, crétin. »

Un sourire tordu étira les lèvres de Clayton, puis il disparut définitivement dans la cage d’escaliers. Erwin se retrouva seul sur le pas de la porte. Du matériel de dessin l’attendait dans la salle à manger. Une sensation de chaleur lui brûlait la poitrine. Et ses yeux picotaient étrangement.

« Eh ben ! J’aurais juré que t’allais repartir avec. Je préparais déjà ton sac. »
« S’il te plaît, Elliot… »
« Tu te sens bien ? »
« Tu sais, c’est bizarre. C’est la première fois que je vois Clayton fragile. Et si honnête. Si capable de sortir ses émotions de lui. Il a jamais fait ça, toute les fois où il m’a dit à sa manière qu’il m’aimait, il a jamais été si transparent. J’ai jamais vu cet éclat de douleur dans son regard. Je l’ai jamais vu aussi vulnérable devant… moi. »

Elliot s’appuya contre le chambranle de la porte. Il sembla peser les mots d’Erwin un moment.

« Et t’aimes ça ? »
« Je déteste l’idée de lui faire du mal mais… oui. J’aime bien cette facette de lui. J’aime bien voir qu’il peut avoir mal. J’ai pas envie de rentrer avec ça dans la tête. Je le retrouverai demain. Avec le sourire, j’espère. Je l’aime quand il sourit. »      


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