Alexis se laissa entraîner par Erwin, trop absorbée par ses propres émotions pour réellement prendre conscience de ce qu’elle venait d’accepter. Dormir avec Erwin dans la Grande Maison, dans un lit potentiellement fait pour deux, alors qu’il n’y avait pas d’ambiguïté entre eux – vraiment ? – était une chose. Ce qu’ils allaient faire maintenant en était une autre. Et la réalité ne rattrapa Alexis qu’une fois dans le dortoir des garçons, alors qu’Erwin venait de fermer la porte.

Évidemment, elle aurait pu dire qu’elle avait changé d’avis – sauf que ce n’était pas réellement le cas. Il y avait juste soudainement un million de questions qui vinrent la frapper et Alexis tressaillit. Erwin dû le sentir car il s’arrêta un instant, comme pour s’assurer que tout allait bien. La fille d’Arès resta un instant immobile, puis elle décida de balayer les questions qui flottaient dans son esprit. Elle poussa légèrement Erwin qui reprit sa marche avant de s’arrêter devant l’un des lits jumeaux.

Alexis grimpa en premier et s’installa sous la couette aussi rapidement qu’elle l’avait quitté tout à l’heure. Erwin la rejoignit et une nouvelle chose frappa la fille d’Arès : ce lit était définitivement trop petit pour deux. Néanmoins, après avoir batailler pendant cinq minutes, les deux sang-mêlés étaient face à face. Alexis souffla sur une mèche de cheveux qui était venu se poser sur son nez, réalisant soudainement qu’elle aurait définitivement trop chaud si elle gardait son pull. Elle hésita un moment, puis murmura :

« Est-ce que c’est bizarre si j’enlève mon pull ? »

Alexis avait envie de se frapper la tête contre un mur. Est-ce que demander ça rendait tout bizarre ? Ou est-ce que ne pas le demander aurait rendu bizarre ? Pourquoi était-elle si nulle pour ce genre de… de choses ? Argh.

Est-ce que c'était une bonne idée ? Erwin en doutait, mais il avait beaucoup trop envie de retrouver cette proximité avec Alexis. Ce serait gênant, à coup sûr, mais, honnêtement, des trucs gênants, ils en avaient déjà vécus suffisamment pour s'habituer. Si le doute concernant cette idée de génie persistait, Erwin se força à ne pas y penser. Un sourire béat sur le visage, il guida Alexis dans l'obscurité du dortoir, lui laissant une opportunité de fuite. On sait jamais.

Lorsqu'elle grimpa dans le lit avant lui, Erwin fut bien content que le dortoir des garçons soit si peu rempli, et encore plus que le lit en-dessous du sien soit inoccupé. Il se dérangerait personne. Enfin, il l'espérait. C'était beaucoup moins confortable qu'à la Colonie, mais, le visage face à celui d'Alexis, le demi-dieu avait les yeux qui pétillaient. Même avec elle dans ses bras, il serait difficile de dormir.

"Est-ce que c'est bizarre si j'enlève mon pull ?"

Erwin réfléchit quelques secondes, dans le silence. Oui ? Non ? Peut-être ? Pourquoi ça le serait ?

"Je suppose que... non ? Je dors pas avec un pull, tu dors pas avec un pull non plus si t'es pas à l'aise avec."

Heureusement que le lit ne grinçait pas, parce que les contorsions d'Alexis pour enlever son pull firent bouger la structure du lit comme un bateau en pleine mer. Ce qui ne déplaisait pas à Erwin, en fait.

« Je suppose que... non ? Je dors pas avec un pull, tu dors pas avec un pull non plus si t'es pas à l'aise avec. »

Alexis hocha la tête. Ok. Cool. Pas de problème. Rien de gênant à enlever son pull dans un lit avec très peu de place en compagnie du garçon qu’elle avait embrassé plusieurs fois sur le chemin tout en étant illégalement présente dans son dortoir. Parfait. Cool.

Alexis se contorsionna du mieux qu’elle put pour enlever son pull, remerciant tous les dieux pour que le lit ne grince pas. Il bougeait, néanmoins. Est-ce qu’il y avait quelqu’un dans le lit du bas ? Alexis n’avait pas vérifié. Est-ce qu’elle aurait dû vérifier ? Peut-être. Alexis plia son pull pour s’en faire un oreiller après s’être recouchée plus ou moins comme il fallait. Ok. Rien d’étrange. De nouveau face à face avec Erwin. Ok. Cool.

Alexis passa une main sur ses cheveux qui tombaient sur son visage et frappa accidentellement Erwin dans le nez.

« Ah. Pardon. Pardon. Est-ce que ça va ? Pardon. »

De nouveau cette envie de se taper la tête contre un mur. Sauf qu’elle serait capable de se cogner dans Erwin, encore. Alexis se mordit la lèvre.

« Je vais me retourner. Ça ira mieux. Alexis fit une pause. Non, ne le dit pas Alexis, ne le dit pas. Sauf si c’est bizarre. »

Elle l’a dit.

Erwin ne fit aucun commentaire de plus. Franchement, Alexis n'avait pas besoin de ça. Il attendit qu'elle se recouche après avoir soigneusement rangé son pull. Face à face à nouveau, ils ne dirent rien. Puis, Alexis bougea et Erwin sentit son nez fracassé sous le coude de la fille d'Arès.

"Ah. Pardon. Pardon. Est-ce que ça va ? Pardon. Je vais me retourner. Ça ira mieux. Sauf si c'est bizarre."

Les yeux piquants de larmes, Erwin se retint de lâcher un gémissement pitoyable lorsqu'il tâta son nez endolori. Il voyait flou, mais, de toute façon, ça n'avait aucune importance puisqu'il faisait noir. Il s'efforça de garder une voix naturelle, celle de quelqu'un qui ne se serait pas mangé un bras dans le visage.

"Non, non, t'inquiète. Ça va très bien. Nickel. Aïe."

Erwin frotta son nez engourdi et chassa les derniers picotements qui le gênaient. Il se reprit. La nuit allait être longue si aucun d'eux ne se détendait. Ils avaient déjà dormi ensemble, une nuit de plus n'était pas l'enfer, si ? Il glissa une main sur l'épaule d'Alexis et la fixa, dans le noir.

"Tout est bizarre. Mais oublie ça. Dis-toi qu'on est... juste nous deux, personne d'autre. Personne, à part moi, ne saura que tu m'as cassé le nez, pas de problème."

Sur cette taquinerie, Erwin étouffa un petit rire et caressa la joue d'Alexis.

« Non, non, t'inquiète. Ça va très bien. Nickel. Aïe. »

Ça n’allait pas. Elle lui avait sûrement pété le nez. Alexis se mordit la lèvre. Est-ce qu’Erwin allait la détester ? Est-ce qu’il regrettait ? Est-ce qu’elle devait partir ? Elle pourrait partir. S’il lui disait. Ou s’il lui faisait comprendre. Alexis quitta ses pensées quand la main d’Erwin se posa sur son épaule.

« Tout est bizarre. Mais oublie ça. Dis-toi qu'on est... juste nous deux, personne d'autre. Personne, à part moi, ne saura que tu m'as cassé le nez, pas de problème. »

Alexis plissa les yeux et laissa un sourire amusé se dessiner sur ses lèvres. Erwin avait raison. La fille d’Arès pris une grande une inspiration et se délecta de la main d’Erwin sur sa joue. Elle ferma les yeux un instant et embrassa la main d’Erwin quand celle-ci passa trop près de sa bouche. On est juste nous deux.

« Ok, adjugé, chef. »

Alexis tourna le dos à Erwin. Le bras d’Erwin se glissa sous sa tête et Alexis enroula ses doigts aux siens. Elle avait l’impression que son cœur commençait à se calmer – ou alors elle allait bientôt mourir d’une crise cardiaque. Elle reste un moment, immobile, bercer par la respiration d’Erwin qu’elle entendait près de son oreille et qu’elle sentait contre son dos. Enfin, au bout d’une éternité, elle s’endormit.

"Ok, adjugé, chef."

Alexis se retourna et Erwin se blottit contre elle. Il resta un moment sans rien dire, mais éveillé, à caresser doucement la main d'Alexis du bout du pouce. Il finit par s'endormir, le sourire aux lèvres.

***

Du mouvement dans le dortoir réveilla Erwin. Ça et, bien vite, la douleur dans son bras. Alexis n'avait pas bougé d'un centimètre durant leur courte nuit et les muscles du demi-dieu en avaient souffert. Re-aïe.

Le fils de Poseidon jeta un oeil par-dessus le bord du lit et vit que les occupants du dortoir étaient visiblement sortis, pour la plupart. R.A.S. Erwin se redressa tant bien que mal et fit glisser son bras mort en-dessous d'Alexis pour le libérer. Il entreprit de secouer sa main dans une gymnastique incongrue. Le sang affluant à nouveau dans ses veines lui tira une grimace, mais il continua de gesticuler ses doigts mous dans tous les sens.

C'est ce moment que choisit Alexis pour se réveiller à son tour. Evidemment.

Alexis se réveilla mais sans vraiment se réveiller. Elle était comme coincée dans une espèce d’entre-deux où elle n’avait qu’à peine conscience de son environnement. Les rayons du soleil, discrets et timides, vinrent chatouiller ses yeux sous ses paupières. Depuis quand le soleil parvenait jusqu’à son lit ?

Quelque chose glissa sous sa tête. Elle n’ouvrit pas de tout de suite les yeux. Est-ce que Poppy était encore d’essayer de lui piquer des vêtements ? La bouche pâteuse, Alexis songea à ouvrir définitivement les yeux quand un drôle de mouvement la tira complètement de sa somnolence. Elle se retourna et vit Erwin, en train de gesticuler dans tous les sens.

« Qu’est-ce que… »

Oh. Ah. Tout lui revint d’un coup. Ce n’était donc pas un rêve. Il était cependant beaucoup trop tôt pour paniquer. Elle n’avait pas assez dormi pour que sa tête décide d’office de péter un câble. À la place, elle grogna et plaça son avant-bras sur ses yeux. Pourquoi le soleil devait autant éblouir ici ?

« Qu’est-ce que tu fais ? »

Sa voix était presque plaintive. Pourquoi Erwin remuait dans tous les sens ? Pourquoi il faisait si jour ? Pourquoi la vie ? Alexis tira un peu plus les couvertures sur elle, comme pour s’assurer que le soleil ne touchait plus un seul centimètre de sa peau.

"Qu'est-ce que tu fais ?"

Erwin retint son souffle et secoua une dernière fois sa main. Ce n'était pas le réveil de ses rêves, certes. Toutefois, ses nerfs semblaient reprendre vie et Alexis était près de lui. C'était déjà bien. Très bien. Il lâcha son bras qui retomba sur les draps dans un festival de picotements. Un dernier regard et Alexis tira la couette vers ses yeux, comme pour se cacher de son existence. Erwin la rejoignit à l'abri du drap.

"Ma gym habituelle du matin. Je t'en avais jamais parlé ?"

Alexis émit une espèce de grognement en remuant sous la couette. Erwin crut bon de faire quelques précisions, quelques fois que la fille d'Arès soit trop "premier degré", le matin...

"J'avais juste le bras qui dormait, en vrai. Donc. Bah. Bref. Voilà."

Le silence. Dans le dortoir comme sous les draps. Sous la couette, il faisait chaud, il faisait sombre. Erwin avait presque envie de se rendormir, plongé dans une seconde nuit. Il enfouit son visage dans les cheveux d'Alexis et espéra se faire engloutir par le sommeil avant de provoquer une autre situation peu glorieuse.

« Ma gym habituelle du matin. Je t'en avais jamais parlé ? »

Alexis émit une sorte de grognement qui était, en réalité, un rire étouffé – il était trop tôt pour exprimer correctement autre chose que du désagrément. Si Erwin refaisait la blague une dizaine de minutes plus tard, alors Alexis pourrait lui faire l’ovation qu’elle méritait. En attendant, c’était un grognement.

« J'avais juste le bras qui dormait, en vrai. Donc. Bah. Bref. Voilà. »

Après quelques secondes supplémentaires, Alexis décida d’enfin enlever son bras de sur sa tête. Elle le laissa glisser sur le côté et se tourna légèrement sur le côté pour faire face à Erwin. Il avait les yeux fermés et un sourire se dessina sur les lèvres d’Alexis. Elle pourrait s’habituer à une vue comme ça. Définitivement. Erwin ouvrit les yeux à ce moment-là.

« C’est donc ça tous ces muscles que tu as pris. De la gym matinale ! Qui l’aurait cru. »

Cette fois, le sourire d’Alexis était taquin – elle commençait à se réveiller, elle pouvait donc opter pour des expressions plus variées, comme par exemple la moquerie.

"C'est donc ça tous ces muscles que tu as pris. De la gym matinale ! Qui l'aurait cru."

Le sourire sur le visage d'Erwin ne fit que s'agrandir encore. Il roula sur le dos et retroussa la manche de son t-shirt pour dévoiler son épaule.

"Eh oui, technique romaine spéciale. Qu'est-ce que tu veux faire contre ce biceps en béton ?"

Avec la couette qui lui retombait sur le visage, Erwin ne voyait Alexis qu'à moitié et il sentait le tissu se coller à son nez à chaque inspiration. Il remit sa manche en place et se tourna à nouveau pour ne plus avoir cette couverture dans la figure. Alexis souriait. C'était un spectacle plutôt agréable pour un réveil.