Avait-elle attendu de m’épuiser au premier round pour redoubler d’efforts et m’éclater la tronche au deuxième ? Ou l’avais-je agacée d’une manière ou d’une autre ? J’avais pourtant répondu de la manière la plus tranquille que je puisse. Ce n’était pas ma faute si elle mettait elle-même les pieds dans un plat qui ne lui plaisait pas.
Par miracle, cependant, j’arrivais à esquiver en me débrouillant pour ne jamais rester plus de trois secondes dans la même position. Son épée rencontrait la mienne avec la force d’un buffle. La meilleure défense étant l’attaque, je multipliais les tentatives, fendant l’air dès que j’entendais un crissement de sable, une inspiration contrite, le froissement de ses vêtements et le tintement du métal. Elle avait monté la difficulté d’un cran sans prévenir. Je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même, à force de la narguer, il fallait bien s’attendre à un retour de bâton. J’étais même surpris de ne pas encore bouffer des pissenlits par les racines. Est-ce qu’elle faisait exprès ? Comme une lionne jouant avec sa nourriture. Je devais être tombé sacrément bas pour me comparer premier degré avec un bout de steak.

Pour mon salut, elle battit en retraite, préférant me tourner autour que de m’attaquer. Une nouvelle pause ?

« Oh, je comprends maintenant. »

Quoi ? Qu’est-ce qu’elle comprenait ? Ce n’était pas une pause. J’étais même très loin de me sentir mieux de ne pas subir ses coups. De lionne, elle était passée à rapace. Ses cercles tout autour de moi me donnaient le vertige. Est-ce qu’elle comptait me faire déclarer forfait pour vomissement ? Qu’est-ce qu’elle cherchait ? Qu’est-ce qu’elle avait vu pour changer si drastiquement de tactique ?

« J’ai entraîné beaucoup de gens, Kleman. J’ai vu des gens suer pendant des jours avant d’obtenir la posture naturelle que tu as appris en l’espace d’une heure. »

Je n’aimais pas la tournure de cet entraînement. J’avais été bien trop naïf. L’ouïe ne faisait pas tout, de toute évidence, j’avais dû me griller en beauté. Elle avait compris. Elle savait. Elle allait le hurler, que tout le monde regarde ce pauvre type qui n’y voit plus rien. Venez lui jeter des pierres, de toute façon, il ne pourra pas les éviter. Regarder comme il est ridicule, comme il est pathétique. Vas-y dis-le, Alexis, dis-le !

« D’habitude, ce sont plutôt les enfants d’Arès ou d’Athéna qui ont ces facilités d’apprentissage. Quelle chance que toi aussi tu puisses bénéficier de ça. C’est que pour le combat ou c’est de manière générale ? Tu es le type arrogant qui apprend tout trop vite et se lasse aussi vite, non ? »

Voilà qu’elle divaguait, qu’elle camouflait son attaque dans mon dos, comme une lâche. Ma carte mentale était toute déformée. L’arène n’était plus qu’une bulle qui m’enfermait et Alexis, une ombre difforme, faite de fumée et d’éclats d’argent frôlant ma peau, y laissant de longs filets rouges. Son sourire cruel brillait dans son spectre, disparaissant hors de ma portée pour réapparaître avec violence.

« Tu préfères continuer de croire que Tyché t’a revendiqué pour le plaisir ou tu veux qu’on essaie de s’entraîner en se basant sur ta chance ? »

Mes mains s’étaient enfoncées dans la garde de ma lame. La simple mention de ce nom dans la bouche de quelqu’un d’autre, me provoquait des relents de haine. Elle montait dans ma gorge comme de l’acide, liquéfiant ma langue, figeant mes mâchoires. Je l’aurais déversée sur Alexis sans la moindre hésitation quelques mois auparavant. Je lui aurais arraché la tête à mains nues jusqu’à ce que ce nom disparaisse. Je serais allé le chercher au fond de son œsophage, que plus jamais elle ne le prononce. Mon corps s’était plus tendu qu’un arc, attendant que je l’effleure pour ficher sa flèche entre les deux yeux de la maîtresse d’arme.

J’étais pathétique, ridicule, grotesque, un véritable bouffon de divertissement, une proie insignifiante, une pauvre petite tâche sous la semelle de la demi-déesse. Demi-déesse. Quelle ironie. Comment pouvais-je même rêver de faire le poids un jour contre une demi-déesse ? J’étais un jouet, une babiole en fer-blanc qu’elle écraserait sous ses talons sans même se forcer. J’en venais presque à souhaiter sa lame me transpercer. Qu’on en finisse. Je jouais dans la cours des géants avec des soldats de plomb au milieu de champs de mines. Je n’avais jamais eu la moindre chance.

Je me détestais d’avoir autant conscience de ma propre infériorité. Les choses étaient tellement plus simples lorsque j’étais un parfait idiot. Nous n’étions pas dans un livre. Ici, il n’y avait pas de place pour le courage, pas de place pour la persévérance, pas de place pour le mérite. Et pourtant, je méritais. Je méritais tellement. Si cela ne me faisait pas aussi mal, j’en aurais pleuré d’impuissance.

« Base-toi sur ce que tu veux. Ça m’est égal. »

J’avais lâché ma posture, lâché ma garde. Si elle voulait me faucher, qu’elle se fasse plaisir.

« Je suis juste là pour apprendre. Je m’en fous de comment. »

Kleman était une vraie tête de bourrique. Alexis avait décidé de reprendre l’entraînement sans user de sa salive inutilement. Le fils de Tyché était persuadé que sa sacrosainte vision des choses était la bonne et ne devait en aucun cas être remise en question. Imaginez qu’il réalise qu’il faisait fausse route depuis aussi longtemps ? Non, son égo ne pourrait probablement pas le supporter.

Alors qu’Alexis frappait délibérément trop fort et trop vite pour son élève, elle se rappela de ce que Thea lui avait dit un jour sur son ami : il était ami avec June Koldings. Cette chasseresse, pourtant connue pour son hostilité, se liait aux gens les plus… surprenants. Alexis aimait Erwin de tout son être mais le lien qui l’unissait avec June n’était pas commun. Elle qui passait son temps à toiser les autres de haut et rappeler à qui voulait bien l’entendre qu’elle était supérieure en tout point, pouvait petit-déjeuner sans aucune animosité avec le fils de Poséidon. Et voilà qu’elle était également amie avec… Kleman ? L’imbécile face à elle qui préférait bouffer de la terre avec son bandeau plutôt que de le retirer et utiliser ses pouvoirs pour protéger les gens qu’il appréciait ?

Alexis ne pouvait pas tellement blâmer Kleman, elle aussi avait longtemps refusé d’utiliser ses pouvoirs. Entre contrepartie, elle s’était entraînée pour renforcer tous ses muscles, réflexes et parades. Ses armes étaient devenues une extension d’elle-même. Puis elle avait compris que de maîtriser ses pouvoirs plutôt que de se laisser surprendre par eux valait mieux pour les gens qui l’entouraient. Kleman, dans son égoïsme, semblait s’entêter dans l’idée qu’être un danger pour les autres n’était pas un problème tant qu’il pouvait continuer de ronchonner et d’être le cool emo boy. Comment Thea et June pouvaient s’entendre avec lui ?

Alexis poussait Kleman plus que n’importe qui d’autre. Elle le voyait souffler comme un buffle mais elle enchaînait. Si sa fierté l’empêchait d’ouvrir sa grande bouche, Alexis allait lui inculquer à coup de garde comment bien se tenir. Elle ne lui laissait aucun répit mais se satisfaisait de voir qu’il apprenait de ses coups. Ses parades et postures devenaient vraiment bonnes. Ses réflexes venaient plus rapidement. Il était à l’écoute. Parfois, elle avait même l’impression qu’il pouvait prévoir ce qu’elle allait faire.

Alexis ne s’arrêta que lorsqu’elle remarqua que Kleman tenait son épée à bout de doigts, les mains tremblantes. Un sourire satisfait s’étira sur ses lèvres. Bien.

« La séance est finie. Tu peux retirer ton bandeau et ranger ton épée avec les autres là-bas. Je te conseille de t’étirer. »

Alexis pointa vaguement du bout de sa propre lame le raque où toutes les autres armes étaient rangées. Elle prit un instant pour respirer, consciente que son endurance avait des limites. Elle était loin d’être dans l’état de Kleman mais elle avait beaucoup plus bougé que lui et sentait son coeur battre la mesure. Il était temps qu’elle fasse une pause au risque de n’avoir aucune énergie pour l’entraînement avec Alekseï dans une heure.

J’étais déjà lessivé. J’avais espéré, certes un tout petit espoir mais un espoir quand même, que ma réponse précéderait une pause. Qu’elle aurait envie de parler, d’argumenter, de cesser de me tourner autour comme un charognard. Ceci dit, si elle continuait à me matraquer comme ça, à la vitesse où ça allait, j’allais bientôt finir en cadavre. Peut-être que c’était sa technique secrète : tuer ses élèves au petit matin sur le sable de l’arène, les garder bien au frais dans une glacière du bungalow de Poséidon (ils étaient les seuls à y aller avec Erwin, c’était une planque parfaite) et s’en repaître morceau par morceau comme un vampire. Ça me semblait un scénario parfaitement crédible. Et en soit, on pouvait ainsi dire que je me sacrifiais pour sauver Théa d’entre les griffes de cette créature des enfers. J’étais un héros en quelques sortes.

Un coup du plat de sa lame sur mes doigts pour me faire lâcher mon arme et me remettre les idées en place.
J’avais beau y mettre tout ce que j’avais, j’enchaînais les défaites, les corrections, les meurtrissures, j’avais l’impression que mon corps était entièrement recouvert d’estafilades sanguinolentes. Je n’arrivais plus à reconnaître si c’était de la sueur ou du sang qui maculait ma peau, qui faisait glisser la hampe de mon épée de mes mains. C’était une humiliation en place publique. Et je ne pouvais en vouloir qu’à moi-même d’en arriver là. Je pouvais lâcher définitivement mon épée, refuser de me battre, faire machine arrière, m’excuser et retourner me planquer loin, très loin de cette furie. Mais quelque chose m’en empêchait. Quelque chose dans le fait que si j’arrivais à survivre à cela, je pouvais gagner son respect ou celui de la colonie. Qu’Alexis me faisait miroiter une clef pour ma tranquillité qui aurait enfin de la valeur à leurs yeux à tous.

L’air semblait glacial et raclait ma gorge à chaque inspiration. Je tenais de moins en moins, perdais peu à peu le sens de l’horizontalité ou de ce que pouvait bien être l’entrée de l’arène, le nord ou le sud. L’ouest, par contre, je l’avais trouvé. Sans difficulté.
Tous mes muscles suppliaient d’arrêter le massacre. Mon instinct était en alerte rouge, tous les voyants au max. Ça y est. J’approchais de l’heure fatidique de ma mort. Si personne ne l’arrêtait, Alexis allait me tuer.

Peut-être m’étais-je découvert le don de télépathie, car d’un coup, sans prévenir, Alexis s’arrêta. Je n’entendais pas même sa respiration entre les miennes. Est-ce qu’elle n’étais pas épuisée ? Était-elle au moins à moitié humaine ?

Comme si j’étais descendu d’un manège en cours de route, je chancelais. Je n’avais même pas commencé à réfléchir à comment je pouvais bien remettre cette foutue épée avec les autres là-bas lorsque là-bas n’existait juste pas pour moi. Je n’avais pas senti mon corps basculer, mais ma tête avait violemment frappé le sol.
Ça y est. J’avais retrouvé l’horizontalité. J’étais même bien bien en phase avec elle.

« Wow… »

Ma voix était pâteuse. J’avais l’impression d’être bourré dans le noir.

« Je crois que je vais gerber… »

« Je crois que je vais gerber… »

Alexis grogna. Bon. Peut-être qu’elle y avait été un peu fort. Les remords vinrent s’enrouler autour de son estomac dans un ronronnement désagréable. Un goût d’acide dans la bouche, Alexis fit tous les efforts du monde pour ignorer le corps tremblant de Kleman par terre. Il l’avait mérité ! Il avait mérité d’avoir la méthode forte quand il avait refusé la méthode douce ! C’était sa faute.

Alexis se renfrogna alors que quelques pensionnaires passèrent près d’eux et lancèrent des regards alarmés à Kleman. Les yeux bandés, à moitié mort par terre ; il ressemblait davantage à une victime d’un monstre qu’à un élève d’entraînement. Les regards glissèrent de Kleman à Alexis, les sourcils se froncèrent. Alexis grogna de nouveau et lança un regard un regard noir aux curieux qui se dissipèrent aussi vite qu’ils étaient arrivés.

« Tu t’y habitueras. »

Voyant que Kleman restait plus proche du mort que du vivant, Alexis se pencha pour récupérer son épée émoussée. Je vais la ranger. Elle se dirigea vers les raques pour ranger leurs deux armes d’entraînement avant de retourner près de lui. Elle regarda autour d’elle mais toujours aucune trace de Thea. Qu’était-elle censée faire de ce bougre ?

« Ça va mieux ? »

Sa conscience avait pris le pas sur son agacement et voilà qu’elle le regardait avec insistance. Elle fixait le bandeau avec l’objectif de le faire disparaître par la pensée, juste pour voir ce qu’il cachait derrière. Rien, elle le savait. Et elle ne lui demanderait plus de le retirer ; elle avait bien compris qu’il comptait se cacher derrière jusqu’à que mort s’ensuive. Quoiqu’il veuille dissimuler, Alexis n’allait clairement pas s’y intéresser de plus près. C’était lui qui avait l’air stupide, pas elle.

Elle avait dit « Tu t’y habitueras. ». J’avais entendu « Gnagnagnagnagnagna. »

Mon estomac et ma tête faisaient des loopings. Qu’est-ce qu’elle me racontait l’autre ? J’avais pas envie de m’y habituer ! Et où était Théa quand on avait besoin d’elle ? J’acceptais de me faire piéger, mais elle pouvait au moins m’éviter de finir en punching ball.

« Ça va mieux ? »

Bien évidemment que non, tu m’as laissé une demi-seconde pour respirer espèce de bourrine ! Avais-je envie de lui répondre, mais d’une part, j’étais trop claqué pour crier, d’autre part, j’avais peur qu’ouvrir la bouche finisse de convaincre mon corps qu’il avait le droit de s’échapper, et d’encore autre part, j’avais honnêtement pas très envie de me prendre une autre raclée.
Théa m’avait définitivement balancé dans la gueule du loup comme une vieille chaussette.
Je savais au fond de moi que je l’avais un peu cherché et qu’elle avait raison. Et ça me filait de l’urticaire de devoir l’admettre. Mais si j’avais su que nos discussions me mèneraient là, j’aurais bien fermé ma grande bouche. D’ailleurs, c’était cette chipie qui avait abordé le sujet. Elle qui m’avait demandé comment j’arrivais à me battre et comment se passaient mes quêtes. Ça m’avait arraché la langue de devoir faire le point là-dessus. J’évitais au possible les entraînements avant même de perdre la vue, je n’avais pas remis les pieds sur le sol de l’arène même en pensée depuis que j’étais rentré et je ne comptais pas le faire. Pour les quêtes, comment dire… J’avais suffisamment mis le bazar en sortant de la Colonie comme si c’était une auberge de jeunesse, que la plage de Jacob Riis risquait d’être mon unique sortie officielle pour le restant de mes jours. De toute façon, je ne risquais pas d’avoir tant de problèmes que ça si je débarrassais le plancher étant donné que je n’attirais aucun monstre. Bon, ça, je ne lui avais pas dit. Je ne savais pas trop pourquoi d’ailleurs. Juste, je n’avais pas encore trouvé le bon moment pour aborder avec elle la gigantesque fraude qu’était mon admission à la Colonie. Je crois que j’avais peur qu’en lui avouant, les choses bougent enfin et qu’au moment où je la retrouvais enfin, on me virait du seul endroit d’où je pouvais la voir. Avec le karma légendaire que je me traînais, ce n’était pas une idée improbable.
Je frissonnais à cette idée. Ou peut-être étais-je juste en train de finir de décéder de cette première session ?

Mon corps était enfoncé dans le sable. Sable qui grattait chaque parcelle de mon corps qui suintait de sang ou de sueur. Certainement de la sueur vu l’odeur que je dégageais. Mes narines étaient saturées d’un goût de sel et de fer. C’était à peine si on pouvait parler d’odeur tant respirer cet air glacial me faisait juste mal. Est-ce que je saignais du nez aussi ?
À quel moment Alexis pouvait parler de chance lorsque je ressortais de son entraînement comme si j’avais croisé une moissonneuse-batteuse. Très honnêtement, j’avais rencontré assez de véhicules motorisés pour toute une vie et plus.
Mes cheveux collaient à mon front et ma peau me démangeait sous le tissu du bandeau. Je le retirais donc d’un geste agacé pour frotter mes yeux.
Même avec sa magie, June n’avait pas réussi à tout réparer. Déjà, j’y voyais toujours que dalle. Enfin, je percevais les changements de luminosité, mais bouger mes globes dans mes orbites, de façon aussi rythmée, relevait toujours de la torture. J’avais l’impression que les morceaux de pare-brise y étaient encore incrustés.

« Ouais, ouais, ça va. » avais-je marmonné.

Lentement, je m’étais redressé sur mes fesses. Je sentais déjà un milliard de courbatures saisir des muscles qui n’existaient pas encore quelques minutes plus tôt. Ma tête tournait encore, mon estomac s’était calmé suffisamment pour que passe l’envie de redécorer mon t-shirt. Ma peau, mes sourcils, le haut de mes joues me brûlaient encore et j’avais du mal à ne pas passer et repasser mes mains. Tu t’y habitueras.

« Ça veut dire qu’il y aura une prochaine fois ? »

Je n’insinuais pas l’éventualité de cours réguliers, puisqu’il faudrait pour ça que je sois régulièrement en vie. Une autre séance, c’était déjà un bon objectif réaliste.

Alexis fixait les yeux de Kleman avec une curiosité presque malsaine. Il n’y avait rien à voir, elle s’y attendait, mais peut-être qu’en fronçant un peu plus les sourcils, elle pouvait déceler… déceler… déceler quelque chose. Mais il n’y avait rien. Pas même un mouvement dans sa direction. Pas même… un mouvement dans sa direction ?

« Ouais, ouais, ça va. »

Alexis se sentait tellement stupide. Pourquoi quelqu’un s’entêterait-il à mettre un bandeau pendant un entraînement ? Comme pour s’assurer de ce qu’elle venait de réaliser, elle fit un léger coucou et ne reçut comme réponse que… Rien. Pas même un regard vers elle. Pourtant, avec ses yeux ronds comme des billes et son insistance à le fixer, au vu de son caractère, Kleman aurait déjà dû lui balancer un « quoi » bien agressif.

« Ça veut dire qu’il y aura une prochaine fois ? »

La question prit Alexis au dépourvu. Elle hésitait pendant une seconde. Elle avait l’impression de s’être fait flouer tout le long de cette entrevue. Thea lui avait refilé son pote aveugle et ils avaient tous les deux prié pour qu’elle ne le remarque pas ? C’était si stupide. Et dangereux. Et stupide ! Il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre.

Pour autant, pouvait-elle abandonner Kleman juste parce qu’il était un menteur doublé d’un casse-pied ? Bien sûr que non. Elle aurait sa mort sur sa conscience, après.

« Ça ne dépend que de toi, ça. »

Sa voix ne trahissait pas spécialement sa consternation. Juste une… perplexité de mise. Elle s’était encore foutue dans de beaux draps. Pourquoi avait-elle que des élèves… des élèves comme ça ! Un aveugle qui n'assume pas, une ni-grecque ni-romaine… Bon, c’était que deux sur la dizaine qu’elle avait. Mais quand même ! C’était beaucoup !

Ce fut évidement à ce moment que Thea réapparut aux côtés de son ami.

« Eh bien, il se trouve que tout va bien pour moi ! Mais alors toi Klem… Sacré entraînement hein. »

Elle salua son ami d’une bourrade sur l’épaule avant de croiser le regard d’Alexis. Une sorte de conversation silencieuse s’étira entre les deux jeunes filles avant qu’Alexis lève les yeux au ciel, vaincue sans avoir prononcé un seul mot.