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Sending smoke signals [Anthéa/Kleman]
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Kleman Dunn
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Sending smoke signals [Anthéa/Kleman]

Je cours à en perdre haleine. Mon cœur bat fort sous mes tempes et les gouttes de sueur ruissellent le long de mon dos. Deux murs fusent à ma droite et à ma gauche. Leurs contours incertains se détachent sur le blanc cassé de la peinture. Deux murs immenses qui semblent se pencher l'un vers l'autre à mesure qu'ils s'élèvent. Le plafond est invisible perdu dans l'obscurité de l'infini. Il fait une chaleur ! Le couloir file devant moi, les parois irrémédiablement attirées l'une à l'autre menaçant de me broyer entre.
Plus vite, plus vite !
Devant moi, la porte semble si loin. Je voudrais accélérer, mais mes pieds patinent, dérapent, glissent comme sur un tapis roulant. Mes côtes me font mal, à respirer si fort. J'ai si chaud qu'il me semble que je me consume, que je brûle de l'intérieur. Mes poumons sont sur le point d'exploser ! Ma gorge, mes épaules, mon diaphragme se crispent. Malgré le point de côté vrillant mon flanc, je tends la main et parviens à saisir la poignée. Un grand coup vers le bas, mais elle ne s'ouvre pas. Soudain, une griffe se plante dans mon épaule.

Tel un diable dans sa boîte, je me redresse d'un bond contre l'oreiller de mon lit. Une paire de lunettes en demi-lunes accompagnée d'une sublime odeur de vide-grenier lâche un soupir à quelques centimètres de mon nez.

《 C'est la dernière fois que je vous réveille monsieur Dunn. Vos camarades vous attendent au réfectoire. Je compte sur vous pour ne pas abuser de leur patience et de la mienne. 》

Les yeux voilés derrière les verres se retirent et emportent avec eux ma couverture et un bout de mon épaule sous ses ongles en s'éloignant de mon lit. Quel affreux cauchemar !
Je jette un coup d'œil vitreux aux fenêtres grandes ouvertes laissant passer le soleil et un vif courant d'air dans le dortoir. Je grelotte en plaquant mes bras sur mon torse nu encore trempé de sueur. La salle est vide, silencieuse et les lits déjà au carré. Merde, merde, merde...
Un léger coup de fouet mental pour attraper sous mon matelas mon précieux t-shirt Pink Floyd. Le logo comme les dates de la tournée dans le dos sont pratiquement effacés, mais c'est un trésor inestimable dont j'ai hérité en arrivant ici. Pour être honnête, je l'ai peut-être un peu volé, mais pour ma défense, c'était à un type qui allait rejoindre sa famille d'adoption qui lui en a sûrement acheté des centaines d'autres depuis. Et puis il avait qu'à pas laisser sa valise grande ouverte comme ça. Tout le monde sait qu'il ne faut pas laisser traîner ses affaires sous peine de ne plus jamais les revoir. Je le coince dans le pantalon de mon uniforme d'école, le cache sous ma chemise et m'assure que l'on ne pas y voir le col sous le blazer. Je m'applique pendant une seconde et demie mais la cravate finit comme toujours rageusement nouée comme une vulgaire écharpe autour de mon cou. Une chaussure dans une main, je sautille pour l'enfiler en descendant les escaliers de pierre.

Dans la salle de réfectoire, le brouhaha habituel me percute avec joie. Sans hésiter plus longtemps, je plonge dedans fendant l'air entre les tables au pas de course jusqu'au comptoir pour y attraper un plateau. Un joli sourire crispé et un calme zen affiné au fil des années face aux remarques des vivandières. Oui, je suis en retard. Oui, c'est la dernière fois. Non, je ne fais pas l'intéressant. Non, ça ne m'amuse pas de les faire attendre. Enfin ça, un peu. Juste par pur vengeance puérile.

Mon plateau plein à craquer, je repars après une courbette et la promesse d'être irréprochable en cours aujourd'hui. Je fais le tour de la salle en longeant les murs pour rejoindre "notre" table. Anthéa est déjà assise à sa place habituelle, je m'assois en face au bord de table près du couloir. Un coup d'œil consterné aux alentours. Ah ! Aaron est là bien évidemment. Il revient lentement après s'être resservi, Martha l'adore de façon parfaitement injustifiée et il a toujours droit à une ou deux rations de plus. À la table voisine derrière Théa, Kerry Jennings est assise avec son éternelle bande de pestes. Les adultes adorent son caractère volontaire, son uniforme toujours irréprochable, ses ongles vernis, ses notes prises avec trois stylos de couleurs différentes et ses cheveux toujours impeccables en belles anglaises d'un noir de jais. Mais dès qu'ils ont le dos tourné, elle se comporte comme une vraie peau de vache. Ce matin, elle et sa cour ont visiblement décidé de s'attaquer sans discrétion à la taille de la femme venue hier s'inquiéter de James, le petit dernier arrivé il y a une semaine. D'un ou deux ans de moins que nous, il ressemble à un muffin aux myrtilles qui ferait constamment la gueule dans son petit emballage de papier plissé. Muffin qui sert justement de munition à Kerry entre deux rires de crécelle.
Cette fille me dégoûte. Je lâche mon plateau avant de m'affaler sur ma chaise sans la quitter des yeux. Ses boucles noires s'agitent derrière les yeux bleus glacés d'Anthéa. Je la regarde enfin pour la saluer, mais ses mirettes sautent sur une autre personne par-dessus mon épaule. Aaron.
Une idée me vient et je réprime difficilement un sourire alors que je laisse mon pied dépasser dans le couloir.

Une seconde plus tard, Aaron trébuche, bascule les quatre fers en l'air en laissant échapper son plateau. Une assiette d'œufs baveux et le contenu d'une canette de jus de raisin retombent en pluie sur Kerry estomaquée.

Les enfants assistant à la scène, écroulés d'un rire général, peinent à reprendre leur souffle. Je me mordille les lèvres pour m'empêcher de rire en voyant les éclairs dans les yeux de Miss Parfaite transperçant ceux apeurés d'Aaron. Finalement, ça ressemble à un bon début de journée tout ça.


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    Re: Sending smoke signals [Anthéa/Kleman]

    L’orphelinat de Brookridge n’était pas vraiment comme les autres.
    Je ne disais pas ça parce que j’y étais, hein, mais parce que son seul et unique but était d’être un faire-valoir pour tout un tas de riches ‘socialites’ férus de finances et d’œuvres caritatives.

    C’était vrai. Même si je n’avais aucune preuve.

    Enfin bref, je devais sûrement m’estimer heureuse d’avoir atterri ici plutôt que dans l’un de ces mouroirs de l’Etat dans lequel les gamins finissent en délinquants juvéniles persuadés que le monde est contre eux et qu’ils n’ont pas d’autre choix que de faire cavalier seul pour s’en sortir. A la réflexion, c’était un peu ce qui se passait ici aussi, mais au moins, on avait de jolis uniformes bien repassés !

    J’étais arrivé au réfectoire un peu avant tout le monde. Une première pour moi, puisqu’habituellement j’étais plutôt du genre à me fondre dans la masse pour éviter de me prendre les remarques (désobligeantes) des tuteurs concernant ma moue renfrognée et ma « fâcheuse manie à traîner des pieds comme une prisonnière. » Leurs mots, pas les miens. C’est sûr qu’entre ces murs, je me sentais toujours étouffer, mais je ne pensais pas avoir autant l’air d’une détenue qu’ils le disaient. Après tout, je gardais mon eyeliner noir pour mes sorties illégales et je ne fumais aussi qu’à l’extérieur. L’extérieur… rien que d’y penser, les souvenirs de la semaine dernière me revinrent en force.

    Mon anniversaire avait lieu le lendemain de notre sortie à la patinoire. Donc, c’était mon « avant-versaire » et autant dire que j’avais prévu d’en profiter de manière indécente. Cigarettes, bonbons qui piquent, sortie nocturne avec Kleman – pas Aaron, il aurait flippé comme une fillette et la dernière fois qu’on avait essayé de le traîner avec nous, il avait fait tomber les chaises empilées en provoquant un raffut qui avait rameuté tout le foyer. Pas d’Aaron, alors. J’aimais bien la patinoire, l’effet de liberté que me procurait le simple fait de patiner de plus en plus vite, de virevolter. Même Kerry « Miss-Parfaite » Jennings ne se débrouillait pas aussi bien que moi sur la glace. Faut dire, elle était plus occupée à se limer les griffes ongles que d’apprendre réellement à patiner. Avec Kleman, parfois, on l’imitait avec ses manières coincées et son accent de snobinarde. Je crois bien qu’aucun enfant ne l’appréciait, à part sa clique de Barbies dégénérées. Et les adultes, qui se voilaient la face en se disant qu’elle était l’exemple parfait de ce que Brookridge pouvait offrir.

    Comme si le fait de balancer du fric sur des orphelins allaient en faire des citoyens modèles de la société.

    La patinoire avait été cool, jusqu’à ce que ce truc ne se jette sur moi. Au début, on aurait dit un homme normal, un peu maigre, avec des yeux tellement enfoncés dans ses orbites qu’on aurait dit deux billes noires. Il avait pas mal de cernes aussi, comme s’il ne dormait jamais. Je m’étais éloignée de l’attroupement d’orphelins surexcité pour respirer un coup – une bouffée de nicotine volée qui avait un goût de paradis – quand je l’avais remarqué, s’approchant de moi. L’instant d’après, ce n’était plus vraiment un homme, c’était autre chose. Un être sombre, sauvage, qui voulait sûrement me tuer ou me bouffer. Peut-être bien que je serais morte si ce couple n’était pas intervenu. Ils n’avaient rien de particulier non plus, un peu comme des flics sous couverture – d’ailleurs, j’ai bien cru que ç’en était au début, et que tout ça n’était qu’une mise en scène élaborée pour me punir d’avoir fumé. Le monstre a disparu lorsqu’ils l’ont transpercé avec leurs épées bizarres, toutes dorées, et s’en est suivi la discussion la plus étrange de toute ma vie.

    Et je vivais à Brookridge depuis trois ans, j’avais assisté à tellement de merdes médiatiques et « d’événements de bienfaisance » que je pensais être blindée question anomalies.

    Sauf qu’on ne m’avait jamais dit que les Dieux existaient. Et les monstres aussi, même si ça, c’était bizarrement moins difficile à avaler.

    Je sais pas pourquoi j’en ai pas parlé à Kleman quand ils sont partis. Peut-être parce qu’ils me l’ont conseillé – peut-être parce que j’avais déjà le sentiment que lui dire, ça serait le mettre en danger et que je me serais jamais pardonnée s’il lui était arrivé quelque chose. Aaron m’avait rejoint juste après le départ du couple, tremblotant si fort qu’il en balbutiait au point d’être incompréhensible. Il disait que « ça sentait bizarre » et m’a demandé six fois de suite si je « n’avais pas vu quelque chose qui sortait de l’ordinaire. » Evidemment, je lui ai dit qu’il avait de la poudre au nez et qu’à part le banc de parasites qui tournait autour de Kerry, je n’avais rien vu de bizarre. Je lui avais menti. Je leur avais menti, à tous les deux.

    Je l’avais fait pour les protéger. C’était ce que je me répétais, en tout cas.
    La vérité, c’est que je ne savais pas trop ce qui m’avait réellement poussé à le faire. Peut-être qu’une part de moi avait égoïstement envie de garder ce mystère pour elle. Peut-être que j’avais peur, tout simplement, d’être devenue folle ou d’être réellement en danger comme l’avait dit le couple.

    Par contre, je leur avais dit que j’avais rencontré des gens sympas et qu’ils avaient prévu de remplir les « Papiers. » Ils avaient compris. Ça ne les avait pas spécialement inquiétés sur le moment, parce que pas mal d’adultes promettaient d’adopter des gosses et changeaient d’avis lorsqu’ils se rendaient compte qu’on n’était pas des poupées. Qu’on était brisés, perdus, sauvages et difficiles à comprendre. Surtout ceux qui n’étaient pas vraiment orphelins, comme moi, et dont les parents étaient juste inaptes à la tâche d’éduquer leurs propres mioches. Les miens étaient en prison, c’est pour dire. Enfin, mon beau-père et ma mère, je veux dire. Jamais su qui était mon vrai père, et de ce que j’avais pu tirer de ma mère à l’époque, je ne suis pas sûre que je l’aurai aimé de toute façon ; elle disait qu’il était beau, mais qu’il avait un caractère de merde – sûrement de lui que j’avais hérité tous ces mauvais côtés. Elle disait que je tenais de lui ma tignasse indomptable et que, comme lui, j’avais un don pour m’attirer des ennuis.

    Elle avait sûrement raison, vu l’adolescente que j’étais en train de devenir.

    Bref. Pour en revenir à aujourd’hui, à ce midi, disons simplement que de découvrir tout ça m’avait fait louper pas mal d’heures de sommeil. J’avais des cernes, dissimulées adroitement par un brin de maquillage, et je ne tenais pas en place. Plus que d’habitude, s’entend. Alors puisque j’étais déjà réveillée, douchée et habillée, je m’étais rendue au réfectoire pour y attendre Aaron et Kleman. Kerry s’était installé avec sa bande de pestes un quart d’heure après. Aaron aussi. Puis Dunn avait fait son apparition, beaucoup plus tard. J’ai reconnu sa mine sombre de l’autre côté de la pièce et, discrètement, je l’ai suivi des yeux jusqu’à ce qu’il nous rejoigne. Kleman avait ce charme de mauvais garçon qui attirait pas mam de filles, mais il en avait aussi les manières ce qui les faisait tout aussi rapidement fuir. A l’époque, on était que des gamins, alors ça ne m’intéressait pas vraiment.

    Je l’accueilli avec un sourire en coin, remarquant qu’il foudroyait du regard Kerry et je m’apprêtais à lui balancer quelque chose lorsqu’Aaron revint de sa deuxième fournée. Trois secondes. Ce fut exactement le temps nécessaire à Kleman pour provoquer un véritable chaos. Aaron trébucha (apparemment sans raison), éjectant son plateau sur les cuisses de Miss-Parfaite qui resta un moment estomaquée avant de fusiller de ses jolis yeux verts mon ami tremblant. Parfois, Aaron me faisait penser à l’une de ces chèvres myotoniques qui, quand elles sont effrayées, ont les muscles qui se bloquent si fort qu’elles en tombent sur le côté, totalement paralysées. Sauf qu’elles, après une dizaine de secondes, elles se relevaient et repartaient gambader joyeusement. Aaron restait là, les guiboles jouant des maracas, son regard allant de Kerry à moi sans savoir ce qu’il devait dire ou faire. S’il avait eu un crayon sous la main, il l’aurait dévoré à vitesse grand V. Sûrement que les grands éclats de rire des autres gamins l’angoissaient aussi. Il n’aimait pas être au centre de l’attention.

    Kerry était en train de se faire plaindre – et nettoyer – par ses poissons-parasites lorsque je me redressais, tirant la chaise d’Aaron pour l’inviter à s’asseoir. Il fit un mouvement vers moi, ses traits se détendant, lorsque Miss-Parfaite se mit à l’interpeller.

    « Tu ne t’excuses même pas ?!
    Relax, Max, c’est le jour de lessive et tu pourras te changer avant d’aller en cours, fis-je en m’interposant verbalement, sans prendre la peine de me retourner.
    Personne ne t’a demandé ton avis, Orbone, persifla-t-elle à voix basse. La vipère sortait les crocs !
    Oh, vraiment ? Je pense que tu oublies à qui tu t’adresses, Jennings. »

    Avec un sourire particulièrement mièvre, je me retournais pour la regarder droit dans les yeux. Elle faisait peut-être peur à Aaron, mais pas à moi. J’avais rencontré bien pire qu’une pimbêche frigide et psychotique.

    « Tu as toujours peur des chiens, Kerry-chérie ?
    La ferme.
    Language, l’interrompis-je d’un ton chantant, supposé imiter celui de Captain America. »

    Avec satisfaction, je vis son expression se flétrir et son attention se retourner contre ses goules qui, si elles l’avaient pu, m’auraient sûrement craché dessus. Kerry était terrorisée par les chiens depuis longtemps – elle était déjà là lorsqu’un gros molosse était entré dans l’enceinte de l’orphelinat il y a trois ans. Elle s’était même fait pipi dessus quand il s’était mis à aboyer. Tout le monde feignait d’avoir oublié, mais je me faisais un malin plaisir de lui rappeler que moi non. Surtout lorsqu’elle essayait de s’en prendre à Aaron. Avec assurance, je tapotais la chaise à côté de moi pour motiver ma chèvre myotonique à se décider.

    « Allez, Aaron. Tu as eu assez d’œuf pour aujourd’hui de toute façon. »

    Puis, avec nonchalance, je fis glisser mon plateau vers lui. Je n’avais pas touché à mes toasts et je savais qu’il adorait le pain grillé. Mon offrande fut apparemment juste ce qui lui fallait pour qu’il arrête de trembler et que l’attention du réfectoire ne se tourne ailleurs que sur nous. Avec un sourire, je me mis à dévisager Kleman.

    « Tu as toujours besoin de faire une entrée théâtrale, pas vrai ? »
    Kleman Dunn
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    Re: Sending smoke signals [Anthéa/Kleman]


    Ahah, mon moment préféré !

    Sous les gloussements de l'assemblée, je tire la chaise à ma gauche pour y poser mes pieds croisés en m'enfonçant un peu plus dans l'assise de la mienne. J'attrape un morceau de toast beurré et me mets à le picorer comme du pop-corn tout en observant Aaron trembloter, pétrifié par le regard de Kerry. Mon sourire est terriblement difficile à retenir lorsque ma protagoniste préférée s'invite dans la scène.
    Les cheveux nattés comme le veut de règlement intérieur du foyer lui donnant un air bien plus innocent qu'elle ne l'est, ses yeux renfermant des glaciers flottant à peine tournés vers Kerry, le sourire fin et discret de ceux qui savent que la bataille est déjà jouée, son uniforme suffisamment ajusté pour retomber proprement sur ses épaules, suffisamment débraillé pour y lire de l'insolence dans les rayures de ses chaussures vernies sous la table. Et sa voix calme, toute-puissante, s'élève et s'abat sur le caquet de Princesse Jennings comme une guillotine.
    Mon héroïne est tout simplement parfaite.

    Il n'y a rien de plus plaisant que de démarrer une journée de merde par la douce voix d'Anthéa prononçant les mots "Kerry-chérie" avec autant d'aversion. Et comme chaque fois, elle sort vainqueur, à peine égratignée. Quel bonheur de voir la face peinturlurée de Jennings faner en un mélange de honte, de dégoût et d'ego malmené. Et tandis que Théa se rassoit avec toute l'insolence des conquérants, le visage de Kerry se déforme passant du rouge à une grimace de haine. Elle se retourne vers sa bande en rabattant sur la scène son rideau de cheveux parfaitement éclaboussés d'œufs. Je pourrais presque applaudir la performance, mais ça me ferait remarquer et je voudrais finir tranquille mon petit-déjeuner. Je me penche sur mon assiette avec satisfaction en retirant les pieds de la chaise frottant mes mains l'une contre l'autre.

    Si j'ignore Aaron, le plateau qui glisse sous son nez ne m'échappe pas et mon sourire retombe quasi instantanément. Anthéa était parfaite sauf pour cela.
    J'étais arrivé plus tard qu'eux deux dans ce foyer, et les premiers jours avaient été compliqués. J'étais reconnaissant que Théa soit venue me chercher dans le trou que j'avais initialement décidé de me creuser. Elle avait une manière étrange de prendre certaines personnes sous son aile. Nous nous étions très rapidement bien entendus tous les deux. On passait le plus clair de notre temps ensemble, y compris les nuits parfois. J'avais, même aujourd'hui, du mal à me souvenir d'où c'était parti. Quels avaient été nos premiers échanges tellement cela paraissait naturel. Je n'étais certainement pas du genre à croire au destin, aux vies antérieures et toutes ces conneries de gens riches qui ont le temps de s'inventer des problématiques. Pourtant, il m'était difficile de décrire Anthéa comme autre chose qu'une sœur, une âme à laquelle je me sentais intimement lié sans trop pouvoir l'expliquer. Et clairement, ce n'était pas le cas d'Aaron. Ce gros bébé passait son temps à nous communiquer ses ondes négatives. Sortir en cachette la nuit ? Non mais ça va pas bien, on pourrait se faire attaquer par des gens pas nettes ! Voler les clefs de Martha pour aller chercher du rab de dessert ? Ça va pas la tête, pourquoi vous ne lui demandez pas tout simplement ? Planquer les affaires de Kerry avant qu'elle ne sorte de la douche ? Mais on n'a pas le droit de rentrer dans la salle de bain des filles et imaginez qu'elle apprenne que c'est nous ! Essayer de pêcher la perruque de la directrice depuis la tour du clocher avec du fil et une épingle à cheveux tordue lorsqu'elle fume sur son balcon ? Grimper jusqu'au cloch-quoi ? Vous êtes des malades, on va pas grimper et risquer de tomber de là haut !
    Un archétype du vieillard en PLS devant sa télé constamment branchée sur sa chaîne préférée : CNN (Cosmic Nervous Noodle). Zéro fun. Il pourrait même faire une crise cardiaque à l'idée que la directrice découvre qu'il a défait l'ourlet de son pantalon en l'enfilant trop vite la seule et unique fois qu'il a été en retard pour l'appel du matin.
    En règle générale, il m'inspirait une certaine antipathie que ne partageait pas Théa pour mon plus grand désarroi. Je n'avais jamais compris ce qu'elle lui avait trouvé pour vouloir de lui dans la bande. Une certaine pitié ? Et de temps en temps une pensée fort désagréable venait titiller mon cerveau quand elle lui souriait lorsqu'il refusait de nous accompagner dans nos bêtises ou simplement quand elle était... gentille avec lui. L'idée qu'elle puisse avoir la même pitié pour moi.
    Rien que de l'imaginer, j'en avais l'estomac qui se serrait et la mâchoire crispée. S'il y avait bien une chose sur laquelle je m'étais un point d'honneur à faire attention : c'était être ce qu'il y avait de plus opposé à Aaron.


    Sous cette pensée, mes œufs brouillés avaient un goût amer, et même les yeux qu'elle m'adressait maintenant paraissaient moins magiques. Je haussais les épaules l'air indifférent et innocent.

    《 Je vois absolument pas de quoi tu parles, mais, je remercie le destin pour cette action incroyable. 》

    Mon sourire sarcastique ne peut rester de marbre face au sien. La tension dans ma mâchoire se relâche et je termine fissa mon assiette.

    《 Ils ont déjà fait l'appel ?》 Demande-je la bouche pleine.
    《 D'ailleurs, t'as des nouvelles pour... ton truc là. Tu sais quand ils vont repasser ? 》

    Je lance le sujet avec désinvolture comme si ce n'était rien. Ce n'était pas la première fois qu'un couple de bourges pleins aux as s'intéressait à notre groupe. En général, Aaron se débrouillait sans cesse avec sa maladresse légendaire pour faire foirer en beauté ses entrevues. C'était pas mieux de mon côté, c'était à peine si je dépassais le stade de la première rencontre avant même l'ouverture du dossier d'adoption. Mais Théa avait plus de chance en général. Peu de demandes mais les siennes se concluaient souvent par un coup de malchance. Un imprévu de travail, un changement de domicile incompatible avec le règlement d'adoption, une maladie ou un événement qui désintéressait les futurs parents. J'étais conscient de la gravité de mes pensées donc je ne l'avais jamais exprimé aux autres mais j'étais plutôt content dans notre malheur. Et depuis quelques jours Théa semblait moins résignée que d'habitude de ces questions. Si je voulais me donner bonne conscience, je dirais que j'ai peur que son enthousiasme se transforme en douleur lorsqu'une fois de plus ils abandonneront le projet. Que c'est pour la protéger. Ce qui n'est absolument pas faux mais pas toute la vérité non plus. Je n'ai pas envie qu'elle parte. Ça fait trois ans maintenant qu'on vit ici et l'idée de rester pour toujours tous les trois ne me paraît pas une si risible utopie. On pourrait peut-être même vivre en collocation dans un petit appartement à New York comme dans cette série que la bande de pimbêches regarde tous les après-midi dans la salle commune et dont elles chantent le générique tous les matins dans leur dortoir d'après Théa.

    Mais je me refuse à laisser entendre l'importance que j'accorde à tout cela. Et j'attends l'air de rien sa réponse en vidant mon verre de jus cul-sec.




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      Re: Sending smoke signals [Anthéa/Kleman]

      Je roulai exagérément des yeux à la réponse du brun ténébreux.

      « Mais bien sûr. Tu trouves pas que ‘Destin’ fait un peu surnom de prostituée ? »

      Est-ce que je venais de l’accuser de manière détournée ? Oui. Je n’étais pas aveugle, j’avais bien vu que la chute d’Aaron coïncidait étrangement avec le moment où il était passé suffisamment près de lui… en plus, pendant quelques secondes, il avait eu l’air très fier de lui. Pas besoin d’être Sherlock Holmes pour comprendre la raison de la chute de ma chèvre myotonique. Et puis, Kleman avait toujours eu du mal avec lui. Je savais qu’Aaron n’était pas le garçon le plus amusant ou le plus cool, mais je l’aimais bien quand même. Quand il était arrivé à l’orphelinat, il était totalement perdu – seulement, c’était le seul qui ne me regardait pas comme si j’étais un monstre à cause de ce qui s’était passé avec le chien. Oui, c’était une putain de poule mouillée pas fichue de s’en faire pousser une paire même si l’avenir du monde en dépendait. Oui, il bouffait les crayons et les morceaux de cartons comme si c’était des mikados. Mais il n’avait pas peur de moi. Et même si je faisais mine de ne pas être affecté par la réputation qui me collait au train, c’était agréable d’être regardée, jugée et appréciée comme une gamine normale.
      Quelque chose que je ne connaitrai plus jamais.

      Souhaitant m’empêcher de penser à tout ce que je venais d’apprendre, je me focalisais sur Kleman qui s’attaquait à son petit-déjeuner avec férocité. Les cours allaient bientôt commencer.
      J’hochais la tête pour répondre à sa question, m’amusant distraitement à faire quitter le sol aux pieds de ma chaise. Le mouvement, d’avant à l’arrière, me rappelait quelque chose. Je n’arrivais jamais à mettre le doigt dessus.

      « Duh. Mais Aaron et moi, on a couvert pour toi. Tu savais qu’il arrivait plutôt bien à imiter ta voix ? fit-elle en donnant un coup de coude à son jeune comparse avec un sourire fier.
      J’ai juste marmonné, j’ai rien…
      Un vrai virtuose. »

      Il me questionna sur les « Papiers » et il y eut un instant de flottement. J’hésitais une nouvelle fois à lui dire la vérité, me demandant si ce n’était pas là l’occasion qu’il me fallait saisir. Mais les mots restèrent bloqués au fond de ma gorge et je secouai la tête pour rompre le silence en dissimulant au passage mes doutes. Avec amusement, je me laissais tomber sur les quatre pieds de mon siège et tendis la main pour attraper une mèche sombre de la tignasse de Kleman.

      « Dis donc, ça pousse tout ça. Je t’ai dit que tu passais trop de temps sous la douche, un jour tu vas avoir un vrai platane sur la tête ! »

      J’étais assez mal placée pour parler, mais au moins je pouvais tresser mes cheveux maintenant qu’ils étaient assez longs. Je préférais quand même quand ils étaient libres, ça me faisait bien moins mal au crâne.
      Alors que je m’apprêtais à reprendre, une voix forte et autoritaire couvrit le brouhaha léger du réfectoire pour annoncer la fin du service. D’ici quelques minutes, la sonnerie nous vrillerait les oreilles. Allions-nous vraiment passer une journée de plus à se croiser, s’échanger quelques basses et recommencer jusqu’à ce que les « Papiers » soient autorisés ? Non. Je voulais profiter de tous les derniers moments que je pourrais avoir avec eux. Mue par une inspiration soudaine, j’agrippai l’avant-bras d’Aaron et fixai Kleman avec un sourire mutin.

      « Et si on allait à Boston, plutôt ?
      Hein ? fit la biquette en émettant un drôle de son étranglé qui aurait pu ressembler à un bêlement.
      Oh, allez, Aaron, tu ne viens jamais avec nous quand on va à Boston. Ce sera fun ! »

      Je n’étais pas vraiment en train de proposer à Aaron de nous rejoindre. Il n’accepterait ja-mais de toute façon. Mais s’il stressait suffisamment, il aurait les jambes toutes flageolantes et il deviendrait alors l’excuse parfait. La distraction ultime. Je cherchai les prunelles sombres de Kleman, essayant de lire dans son regard s’il avait compris ma soudaine attitude. Il arrivait à faire stresser Aaron bien plus vite que moi et nous manquions de temps.

      « Pas vrai que ça serait cool qu’Aaron vienne ? On aurait juste à sécher touuute la journée et s’arranger pour être de retour à temps pour la vérification à l’extinction des feux. On pourrait aller voler des hot-dogs aussi, après tout on a rien fait pour mon anniversaire… feignis-je de me plaindre avec une moue que je savais diaboliquement angélique.
      M-mais A-a-aaanthea, on va avoir des ennuis ! C’est s-s-super dangereux dehors ! »

      Il bafouillait de plus en plus, signe que le stress n’allait pas tarder à le rendre tout gélatineux. Après ça, Dunn et moi on aura plus qu’à prétexter devoir l’aider à aller jusqu’à l’infirmerie. On profiterait que les profs et les élèves soient en cours pour se faufiler par le même chemin que d’habitude. Puis il faudrait rejoindre le passage du train de marchandises… Piece of cake ! songeais-je en faisant de mon mieux pour dissimuler mon enthousiasme. Il fallait encore asticoter un tout petit peu Aaron. Avec assurance, je posais ma main à plat sur celle de Kleman et donnait un léger coup d’épaule à ma chèvre myotonique.

      « Allez, tous ensemble… ? »

      Aaron cligna des yeux trois fois. Son regard affolé cherchait quelque chose à se mettre sous la dent. Je pressais discrètement les doigts de Kleman entre les miens, l’enjoignant de porter le coup final.
      Est-ce que ça faisait de nous des sales gosses ? Assurément.

      Mais je les aimais, ces deux abrutis.
      Et ça, je pense que ça ne changera jamais.
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      Re: Sending smoke signals [Anthéa/Kleman]


      《 Mais bien sûr. Tu trouves pas que ‘Destin’ fait un peu surnom de prostituée ? 》

      Je manque de m'étouffer de rire, les joues soudain roses. C'est ce que j'adore chez elle. Cette facilité à sortir ce genre de phrases avec un minois des plus candides ou des plus sérieux. Une source infinie de surprises, de rires et d'engrais à nos délires. Et puis cette défiance dans ses yeux, la façon dont elle ne lâche personne avant d'en avoir tiré exactement ce qu'elle est venue chercher. Comme une tornade magnétique qu'on ne peut qu'admirer de loin impuissant. Et je me délecte chaque fois de voir s'envoler toutes les murailles sur son chemin.
      Aaron, de son côté, se fait plus petit qu'une souris, toujours caché dans l'aspiration. Il s'en sort bien. Si j'aime jouer avec le feu, lui fait bien attention de ne jamais se brûler. Il est ratatiné au plus profond de sa chaise comme s'il voulait disparaître. Je me demande parfois, s'il se rend compte de la chance qu'il a. Je m'apprête à répliquer autre chose, mais les auréoles naissantes sur sa chemise me dissuadent. Je ne l'apprécie pas particulièrement, mais je sais qu'il a des limites et dès le matin ça serait cruel.

       《 Dis donc, ça pousse tout ça. Je t’ai dit que tu passais trop de temps sous la douche, un jour tu vas avoir un vrai platane sur la tête ! 》

      Je réprime un réflexe de recul, surpris par sa main. Je repose mon verre en lui tirant lui grimaçant de façon puérile.

      《 Gnagnagna... J'attends qu'ils soient aussi longs que les tiens pour pouvoir me faire la même tronche de cake que toi. 》

      Je lui tire la langue en passant une main dans mes cheveux pour les remettre en place dans leur position préférée : la coupe est-ce-un-nid-est-ce-une-antenne-radio-non-madame-c'est-de-l'art . Ceci dit, elle a pas tort. Les mèches commencent sérieusement à me boucher la vue. Mais je préfère aller tout nu en cours plutôt que de confier ma tignasse au coiffeur. Monsieur Lynch passe deux fois par mois au foyer et on est parfaitement en droit de se demander si c'est son métier ou s'il n'est pas boucher le reste du temps. De plus, il fait un peu tache maintenant avec la nouvelle déco du "salon" de coiffure. Le dernier gala de charimerde a pu payer un décorateur d'intérieur qui a aménagé l'ancienne salle de stockage de l'infirmerie pour en faire un salon au papier peint rose bonbon. Autant dire qu'entrer là-dedans pour faire face à Monsieur Lynch, touchant presque le plafond de sa calvitie, une paire de ciseaux aussi large que son biceps dans la main et des yeux si plissés qu'on se demande s'il ne dort pas tout juste debout... à côté de ça mon cauchemar de cette nuit ressemble à une merveilleuse partie de chat perché.

      Et tandis que je tire sur une mèche devant mon nez pour en évaluer la longueur, Théa est déjà partie sur un autre sujet. Boston. Pas besoin de lui dire, je suis de toute évidence dans le coup. Impossible qu'elle quitte ce trou perdu sans moi. Une queue-de-cheval ça fait pas trop fille ?
      J'avais eu de la considération pour le cœur d'Aaron mais mon amie avait l'air, vraisemblablement, bien décidée à lui faire passer l'arme à gauche. Je lui jette un coup d'œil inquiet. Sa voix est si convaincante que l'espace d'un instant je me demande si elle veut réellement qu'il nous suive. Mais la lueur de malice dans ses yeux me rassure instantanément et je regarde sa victime chercher du regard n'importe qui ou quoi pour se sortir de là.
      Ou alors rasé ? Non je vais ressembler à un prisonnier. Nan mais ils sont très bien comme ç—.
      Théa a attrapé ma main, le sourire d'un bout à l'autre des oreilles. Message reçu.

      《 Mais oui Aaron, vient. Ne t'inquiète pas la Directrice n'en saura rien et puis il faut qu'on fête dignement l'anniversaire de notre super copine. Et puis j'aurais besoin de toi pour faire le guet quand j'irai "acheter" son cadeau dans une bijouterie. Stresse pas on ne se fera que tres peu remarquer et au pire, si la police nous attrape ça nous fera un taxi privé jusqu'ici. C'est pas génial ? 》

      Ma phrase est ponctuée de la sonnerie stridente, de la cloche de l'église et de la nuée de chaises raclant le sol pour aller déposer leurs plateaux vides. L'air affolé d'Aaron se transforme en tremblements sonores. Bingo dans le mille comme d'hab.
      Je me lève, main tendue vers le plafond, pour appeler l'un des tuteurs. Faisant confiance à Théa pour attraper notre faire-valoir, je négocie de le laisser s'occuper de nos plateaux pendant qu'on accompagne notre camarade à l'infirmerie avec quelques réticences. C'est vrai que c'est la 2e fois cette semaine et on a bien exposé les compteurs depuis le début de l'année. Ça va commencer à se voir, il s'agirait de trouver une alternative.
      Enfin bon pour l'instant, nous remontons la marée d'enfants à contre-courant direction les couloirs presque vides du foyer.
      La porte de l'infirmerie n'est pas fermée, elle doit être encore au réfectoire de la direction. Tant mieux, il ne nous reste plus qu'à déposer notre colis et filer au grand air !



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        Re: Sending smoke signals [Anthéa/Kleman]

        > Lorsqu’il avait parlé de ma « tronche de cake », je lui avais décoché mon sourire le plus ravageur. L’air de dire tu rêverais d’être aussi sexy que moi, le platane. Kleman et moi, on se chamaillait très (trop) souvent, tellement qu’Aaron avait émis la supposition un jour que c’était notre mode de communication. Il n’avait pas vraiment tort.

        Je su que le plan « faire flipper la chèvre myotonique » avait fonctionné lorsque le visage de notre ami, déjà suintant de stress, perdu les quelques couleurs qui lui restait. Etais-je un monstre de profiter ainsi de sa nature candide ? Je repoussai le doute dans un coin de mon esprit, décidant que je me ferai pardonner en lui rapportant une nouvelle écharpe pour remplacer celle qu’il avait perdu l’autre fois à la patinoire. Pendant que Kleman s’empressait de signaler le malaise d’Aaron, je glissai un bras sous son aisselle et l’aidait à se relever. Il n’était pas bien lourd d’habitude – même pour une jeune fille comme moi – mais quand il paniquait comme ça, il perdait pratiquement le contrôle de ses jambes et ça le rendait plus difficile à diriger. Avec un hochement de tête entendu, Dunn nous rejoignit et m’aida à supporter son poids mort. Pendant qu’on se déplaçait vers l’infirmerie, Aaron n’arrêtait pas de balbutier des tas de choses. M-mais… vous allez vrai-vraiment partir ? M-m-m-me laissez pas tout seul av-avec l’infirmière Dumont ! Elle m’appelle tout le t-t-temps son chou à la c-c-crème… Bon, peut-être qu’une partie de moi s’en voulait un peu de faire subir ça à Aaron ; l’infirmière Dumont venait de France, et elle avait énormément de mal à ne pas caler un mot français dès qu’elle ouvrait la bouche. Pour autant, elle n’était pas méchante. Juste très grande, très large, et très impressionnante.
        Fort heureusement pour nous, elle n’était pas encore là lorsque nous nous présentâmes à sa porte. Avec une petite prière de remerciement, je tapotai l’épaule de ma chèvre myotonique. Mon ton était assuré, et je m’efforçai de lui communiquer un peu de mon courage.

        « Haut-les-cœurs, tu vas avoir droit à des desserts gratuits ce soir !
        A-a-a-aaaanthea, je crois que c’est une m-m-mauvaise idée… geignit-il en me retenant par la manche.
        Tout va bien se passer, Aaron. Reste ici, repose-toi, et je te promets qu’on sera de retour ce soir. D’accord ? »

        J’avais treize ans. Je n’étais pas supposée être responsable d’autres gamins. Pourtant, avec Aaron, je me surprenais parfois à me comporter comme une adulte. Beurk, pensais-je en aidant le jeune garçon à s’installer sur l’un des lits disponibles. De l’autre côté de la pièce, Kleman faisait le guet. La poigne d’Aaron sur ma manche ne s’était pas défaite : au contraire, il tira plus fort pour m’attirer vers lui.
        Pendant une demi-seconde, j’ai cru qu’il voulait m’embrasser et la seule réponse de mon corps a été de se figer douloureusement.

        « I-il s’est passé quelque chose à la patinoire, p-pas vrai ? »

        Il me sonda avec ses grands yeux innocents, d’un joli brun noisette. Lorsque je réalisai qu’il n’essayait pas de faire quoi que ce soit d’indécent, je repris le contrôle et me dégageai en secouant la tête, ébouriffant au passage ses cheveux blonds comme les blés.

        « Ne sois pas bête. Je t’ai dit que tout allait bien. Repose-toi. »

        Et avant qu’il ne puisse ajouter quoi que ce soit, je m’éclipsai en compagnie de mon autre meilleur ami. Sortir de Brookridge avait cessé d’être un défi depuis deux ans : avec Kleman, on avait si bien quadrillé l’endroit et les habitudes de nos tuteurs qu’il ne nous fallu qu’une dizaine de minutes pour être dehors. Avec la force de l’habitude, j’enlevai le gilet du foyer pour l’attacher par les manches à ma taille, dissimulant au passage le blason bien trop reconnaissable. Mieux valait éviter d’attirer l’attention pour l’instant, nous étions encore beaucoup trop près pour échapper aux yeux inquisiteurs.

        « On fait la course jusqu’au passage à niveau ? »

        Je me retournai vers Kleman avec l’air espiègle, mes mains perdues dans ma tignasse brune que je venais de libérer de sa tresse. Pour le moment, toutefois, je troquai cette dernière pour une queue-de-cheval haute dont je me débarrasserai une fois que nous aurons embarqué (clandestinement) dans le train de marchandises. Puis, sans réellement attendre sa réponse, je me mis à courir.

        C’était mon moment préféré. Le vent sur mes joues, qui mordait ma peau avec voracité. Le souffle dans ma gorge, qui propulsait l’énergie dans tout le reste de mon corps. Je me sentais bien lorsque je courrai, je me sentais… normale. Avec un pincement au cœur, je réalisai que j’avais tort, et depuis longtemps. Les adultes à la patinoire me l’avaient bien dit : je n’étais pas une gamine comme les autres. J’étais l’enfant d’un dieu – ou d’une déesse, mais ça me paraissait peu probable vu que je savais que ma mère avait accouché de moi. Elle avait une cicatrice au ventre pour le prouver.
        Je n’avais pas répondu à la question de Kleman concernant les « Papiers » même si je savais qu’ils étaient arrivés la veille. L’une de nos tutrices-en-chef était venue me voir pour me tenir informée. Elle m’avait décoché son regard spécial « si tu fais la moindre connerie, je le saurai » avant de me tendre le dossier en question pour que je puisse découvrir mes nouveaux gardiens. Pas le moindre casier judiciaire en vue, des boulots de militaire (en tout cas, c’était ce qui me semblait à l’époque) et pas d’enfant. Sur le papier, ils étaient parfaits. Bien évidemment, il n’y avait aucune mention de dieux, de monstres ou de refuge spécial pour les rejetons divins. D’ailleurs, si les Dieux pouvaient engendrer une descendance, est-ce que ça voulait dire que les monstres aussi ? Je frissonnai à l’idée de rencontrer un enfant d’Arachné… Oui bon, même moi je savais que c’était un mythe grec, et les adultes avaient parlé de « dieux romains. » J’étais loin de me douter dans quoi je mettais les pieds.

        Sans doute parce que j’avais l’esprit ailleurs tout le long de notre course effrénée, mais Kleman me battit à l’arrivée. J’avais les poumons en feu, les cheveux collés par la sueur et ma chemise blanche… Hm. Ce n’était peut-être pas l’idée du siècle. Avec un mouvement instinctif, je tirai dessus pour vérifier pendant qu’il ne me regardait pas. Non. Ce n’était pas devenu transparent. Ouf !
        En revanche, Dunn allait sûrement me rabâcher les oreilles pendant tout le trajet au sujet de sa victoire. Je gagnais plus souvent que lui, quand je ne perdais pas mon temps à essayer de comprendre le sens de ma nouvelle vie.

        « J’ai mal dormi hier soir, fis-je en haussant les épaules, lui refusant le droit de jubiler. Tu sais quelle heure il est ? »

        Je levai le nez vers le ciel. J’avais toujours un peu de mal à me repérer. Est-ce qu’on allait devoir attendre le train longtemps ? Le soleil ne faisait pas que pointer le bout de son nez, il commençait à réchauffer tout ce qu’il touchait. Je n’aimais pas particulièrement faire le pied de grue en transpirant.
        Je donnai un coup de pied dans un caillou qui ricocha sur les rails de l’autre côté. Heureusement, les passages étaient assez réguliers ici. On avait découvert l’endroit il y a à peu près deux ans, peut-être moins même. Le premier soir, on avait tellement galéré à rentrer qu’on avait pas pu être présents pour le comptage de la soirée. J’imagine que de découvrir que deux élèves n’étaient pas dans leur lit avait été assez angoissant pour nos tuteurs – pas dans le sens où ils s’inquiétaient réellement pour nous, plutôt parce que ça donnait une mauvaise image de leur œuvre caritative.

        « Dis, tu crois qu’il va m’en vouloir ? »

        J’avais hésité avant de poser ma question. Kleman n’appréciait pas trop Aaron, malgré tous mes efforts pour les faire changer d’avis. Même ma chèvre myotonique avait des choses à redire lorsque ça le concernait. Il disait qu’il était trop téméraire, qu’il attirait les ennuis et que j’aurai mieux fait d’étudier. Peut-être qu’il avait raison, dans le fond. Mais depuis que j’avais rencontré Kleman, je ne m’imaginai pas vivre sans lui. Il était… un peu comme un frère, comme un reflet dans un miroir. La directrice aurait sorti l’une de ses expressions pompeuses et vieillottes, du genre « vous êtes les deux côtés d’une même pièce. »
        Fourrant les mains dans les poches de mon gilet, pendu à ma taille, je m’avançai vers lui en faisant la moue. Sans m’en rendre compte, je ressorti une dextre pour lisser ma jupe d’un pli imaginaire.
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        Re: Sending smoke signals [Anthéa/Kleman]



        Le foyer est ma maison. J'ai mis longtemps à l'accepter. Très longtemps. Je déteste toujours la vieille mère et ses lunettes, les tuteurs dans leurs blouses bleue marine, les galas qui ressemblaient à des jours de Noël les cadeaux en moins. Je déteste l'école, notre uniforme qui nous fiche comme des parias, le regard de mépris des autres élèves, mais surtout celui de pitié des professeurs. Je déteste mon dortoir, chaque jour une nouvelle tronche apparaît ou disparaît mais dans tous les cas y en a toujours au moins un pour ronfler. Et je pense que ça ne changera jamais, ou du moins je suis trop têtu pour envisager les choses autrement. Mais Brookridge est ma maison, mon chez-moi. C'est mon lit depuis trois ans et personne d'autre ne le fera grincer en sautant dessus. C'est ma place au réfectoire, je l'ai gravé sur le bois avec le manche de ma fourchette. Ce sont mes murs, mes portes, mes volets, mes fenêtres, mes serrures et mes clefs, mes zones réservées au personnel et mon bureau. Et surtout mes secrets et mes failles. Enfermez-moi n'importe où dans ce taudis, et je parie d'en être sorti avant que le jour ne se lève. Je déteste cet endroit, mais il représente toute la liberté que je vole chaque jour lorsque je disparais avec Théa. Et ça, ça ne changera jamais. De toute façon, je compte bien continuer à dégoûter tout ceux qui m'approchent pour être certain qu'on ne me l'enlève jamais.

        Alors c'est avec un sourire frais comme au premier jour que je jette un regard en arrière tandis que Théa retire son blazer. Je l'imite pour glisser le mien en boule dans un interstice du muret entourant la propriété. En essayant de me dépatouiller de ma cravate, je finis par faire un nœud involontaire et me retrouver à tirer de toutes mes forces sur mes oreilles pour que ma tête passe.

        《 On fait la course jusqu’au passage à niveau ? 》

        Tirant sur sa queue-de-cheval ma meilleure amie me lâche un immense sourire avant de détaler d'un bond. J'arrache ma cravate et la lance aux pieds du portail avant de lui emboîter le pas.

        《 Hé ! C'est de la tri— !》

        Depuis le début de l'année dernière, elle s'était mise sans aucune raison et sans prévenir personne à grandir. Ça avait emmerdé tout le monde puisqu'il avait fallu lui trouver de nouveaux souliers, un nouveau pyjama, de nouvelles chaussettes, une nouvelle chemise et un nouveau blazer. Seule la jupe avait été gardée et ça pratiquement tous les trois mois. J'en avais parlé à Aaron qui soit n'en savait pas plus que moi, soit refusait catégoriquement de me révéler son secret. Elle faisait pratiquement une tête et demie de plus que moi et ça devenait franchement relou de lever la tête et de se faire battre à tous les jeux. C'était clairement pas juste.
        Mais aujourd'hui, "Sainte Marie", comme disait Martha quand elle attrapait les plats brûlants de la cantine, avait rétabli cette sournoise déloyauté et j'atteins la barrière le premier.

        Extrêmement fier de cet exploit, je fanfaronne devant elle en déboutonnant machinalement ma chemise. Comme dans mon cauchemar, un filet de sueur parcourt ma colonne vertébrale. Pourtant, l'air est frais et le vent turbulent. Pour répondre à sa question, je trace du pied un cercle dans les graviers et une aiguille, relève mes manches jusqu'à mes coudes, me positionne accroupi lèche mon index et le tend en l'air avant de m'allonger directement au sol, l'oreille dans le cercle.

        《 Hm... c'est ce que je me disais oui...》 dis-je le regard grave en me redressant 《 D'après ce que la nature me dit, je dirais qu'il est huit heures moins cinq environ... 》  
        Je ferme les yeux dans une expression exagérée de prière à la terre, l'air très solennel avant de regarder Théa avec un sourire crétin. 《 Je me fous de ta gueule, j'ai regardé l'horloge de l'infirmerie avant de partir. Donc j'ai encore cinq bonnes minutes pour savourer cette victoire. 》

        Tirant mon t-shirt hors de mon pantalon, je me détourne pour contourner la barrière et me percher sur l'un des rails, face vers le ciel bras écartés. Les rayons réchauffent en un instant mon visage. Une grande bouffée d'air fait voler mes poumons et remplit ma chemise.

        《 Dis, tu crois qu’il va m’en vouloir ? 》
        《 Mais non.》 dis-je avec un soupir 《 C'est juste un gros bébé et puis, plus accro à toi que ça, ça n'existe pas. Tu vas voir quand on va revenir, il va juste pleurer et s'accrocher à toi comme d'habitude. Tu pourrais lui faire faire n'importe quoi, même mettre une punaise sur le siège de la vieille mère qu'il le ferait sans hésiter. Alors relax Max. 》

        À force de traîner avec elle, je commençais à reprendre ses expressions ringardes. Je ne doute pas de la sincérité de son inquiétude, mais Aaron va avoir treize ans comme nous, il est temps qu'il arrête de jouer les gamins. Et puis il est en sécurité avec madame Dumont, au pire, on le retrouvera rond comme un ballon à force de s'empiffrer les cartons de petits-beurre qu'elle planque sous son bureau.
        Je saute à pieds joints sur le rail parallèle. Comme un funambule, j'avance le long, essayant de ne jamais toucher terre.

        《 Tiens, pourquoi on l'a jamais fait ça ? C'est une putain d'idée. Imagine la tronche de la vieille. Et celle d'Aaron. Je suis sur qu'il serait même pas capable de ne pas se dénoncer lui-même. 》 imagine-je avec un ricanement.
        《 Et puis ça serait l'occasion de voir Kerry lécher une nouvelle paire de bottes pour essayer de bien se faire voir. En espérant que la vieille ait les pieds qui puent. 》 marmonne-je sans trop faire attention si Théa m'écoute ou me suit. 《 Quoi que... vu ce à quoi j'ai eu droit ce matin, c'est sur que ses pieds sentent pas la rose. 》

        Un silence s'en suit. Le vent fait s'agiter les hautes tiges des herbes sauvages qui bordent le chemin de fer, les cailloux se bousculent sous nos pieds. Au loin, on entend le trafic de la ville, ses voitures, ses chiens et ses gens pressés. De l'autre côté, quelques oiseaux donnent de la voix pour répondre aux grillons.
        M'attendant à une remarque, ou n'importe quelle autre réponse, je descends de mon perchoir et me tourne vers elle le regard interrogateur.

        《 Tu penses à quoi ? 》



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          Re: Sending smoke signals [Anthéa/Kleman]

          J’ai toujours aimé la sensation de l’air sur mon corps. Plus particulièrement après une course ou un effort intense. Bien sûr, c’est typiquement le genre de trucs qu’on déconseille médicalement parlant, parce que « ça te fera tomber malade » et tout. Il n’empêche que ça me donnait ce sentiment de pureté, de renouveau, de liberté. J’avais l’impression que si je ressentais ça suffisamment longtemps, alors je pourrais vraiment être libre. Sauf qu’à mon âge, qu’est-ce que ça veut vraiment dire ? Ne pas devoir répondre aux ordres d’un adulte, ou d’une association ? Pouvoir me déplacer quand et où je le voulais ? Ou peut-être quelque chose de plus profond encore : être débarrassée du poids de mon passé. Parmi les psys que l’école avait pu fournir, il y en avait une qui s’était un peu trop attachée à nous – les pauvres gamins oubliés, montrés comme des trophées par des personnes richissimes et en manque de bonnes actions. Lorsque j’avais été en entretien avec elle, elle avait fini par me dire que les fautes de mes parents n’étaient pas les miennes. J’avais fait mine de ne pas comprendre. Ma mère est actuellement en prison, et l’homme qui été supposé être mon beau-père aussi. Les services sociaux s’en étaient mêlés au bout d’un moment, parce qu’elle se faisait trop remarquer par la police – elle disait, en souriant, qu’elle n’était pas faite pour courber l’échine et que c’était ça qui avait plu à mon père. Sa témérité. Sa fougue. Son talent incommensurable pour s’attirer des ennuis et s’en sortir, la plupart du temps.

          Du moi tout-craché, en fait.
          Enfin, c’était pas assez pour qu’il reste.

          Je me suis longtemps dit que c’était qu’un pauvre type parmi d’autres, de ceux qui ont une gueule d’ange et le bagout d’un avocat. Ceux dont la présence illumine la pièce, mais plonge le reste de notre vie dans les ténèbres. Et maintenant, j’avais découvert que c’était en réalité un Dieu. Qu’est-ce que ça impliquait au juste ? Que ma mère avait été « choisie » ? Et pour quoi ? Pour être engrossée par quelqu’un et abandonnée à son sort ? Le couple avait dit que leur ville existait depuis longtemps. Combien d’autres mioches ont été privés de leurs parents, à cause d’une prétendue alchimie divine ?

          Alors que j’interrogeais Kleman au sujet d’Aaron, mon esprit s’en allait ailleurs. Bercé par le plaidoyer de Dunn, par son interminable tirade sur le « plan Punaise » et autres joyeusetés, je pensais à l’Après. J’allais disparaître de leurs vies, moi aussi. Comme mon père. Est-ce que je pouvais changer ça ? Le couple avait dit que j’étais en danger et pire, que ceux qui étaient autour de moi le seraient également si je restais. Que rien n’allait « aller en s’arrangeant » et que la seule solution que j’avais pour protéger tout le monde, c’était de partir avec eux. Je me raccrochais à leurs paroles. S’ils le disaient, si je n’avais pas le choix, alors je n’étais pas vraiment comme mon Père, pas vrai ?

          Il le fallait.
          Parce que je ne voulais pas blesser Kleman et Aaron.

          Il m’interpella et je tournais la tête, sondant son regard sombre avec un air impassible.

          Est-ce qu’il n’y avait pas une pointe d’égoïsme aussi, dans le fait de vouloir garder ça secret ?
          Je n’étais plus « juste une autre gamine aux parents morts ou problématiques. »
          J’étais la fille d’un Dieu.

          Une bourrasque fit soudainement enfler la chemise de Kleman et ses mèches noires. Mue par une impulsion, je le rejoignis et repoussai sa crinière derrière ses oreilles, laissant mes mains reposer brièvement sur ses joues. Est-ce qu’elles piquaient un peu ou c’était moi ? Non, Dunn avec de la barbe c’était comme… Noël en plein mois d’Août. Impossible, et beaucoup moins beau.

          « Tu ressembles au Bibendum Chamallow, Ô Grand Shaman des Trains. » Ne m’en veux pas, je réprimai ma culpabilité en le poignardant dans les côtes de l’index. « C’est plutôt ça qu’on devrait faire : une soirée chamallow sur le toit du bâtiment désaffecté, ce soir. Tu sais, celui à côté du café à chiens ? Tout en parlant, je lui tirai les joues en un sourire comique. Peut-être que ça te rendra moins grognon. »

          Je lui fis les gros yeux, essayant de l’inciter à accepter mon plan. Il était plus dangereux que de simplement sécher une journée de cours. Mais je voulais marquer le coup. C’était peut-être notre dernière escapade… Notre dernier…

          Au loin, un sifflement de train résonna.
          Kleman Dunn
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          Re: Sending smoke signals [Anthéa/Kleman]



          Ses mains s'attardent sur mes joues, coinçant quelques mèches rebelles sous ses doigts. Elles sont plus fraiches que le soleil qui commence à taper sur mon visage mais plus chaudes que l'air qui s'engouffre entre nous et siffle dans les écrous des rails. La pulpe sur ma peau est aussi froide que son regard dans le mien. Elle a l'air ailleurs bien que plantée devant moi. Comme si ses yeux bleues s'étaient perdus eux-même dans leurs vagues. Pour une fois que ce n'est pas moi qui me noie. Quel que chose la tracasse.

          《 Tu ressembles au Bibendum Chamallow, Ô Grand Shaman des Trains. 》 Ses mains quittent mes joues en un rien de temps et viennent se planter sournoisement dans les côtes. Outch ! Surpris je recule, glissant de mon perchoir, me débattant pour coincer ses mains dans les miennes. 《 C’est plutôt ça qu’on devrait faire : une soirée chamallow sur le toit du bâtiment désaffecté, ce soir. Tu sais, celui à côté du café à chiens ? Peut-être que ça te rendra moins grognon. 》

          Je dégage ma tête en reculant encore. J'attrape l'un de ses poignets avant de coincer l'autre le long de son corps. C'est de la haute trahison. Elle sait pertinemment que je déteste les chatouilles alors je serais sans pitié.

          《 Chuis pas grognon mais difficile de pas être pétrifié devant la Big Mama, et toc ! 》

          Je sais que j'ai frappé fort. L'année dernière Théa avait été la cible de la personne envahissante qu'il nous avait été donné de rencontrer. Miss Katelyn vem Bellegem. Une grande dame obèse dont le menton disparaissait dans le cache-col de ses vestes de cachemire violets pâles à chaque fois qu'elle s'écriait Ma chérie, tout sourire, en voyant mon amie. C'était une illustre inconnue toujours flanquée de ses trois bulldogs baveux, qui était venue en visite au gala annuel de pâques. Elle avait immédiatement flashé sur Théa qui comme toujours faisait tomber les cœurs de tout le monde. Même si cette fois, elle aurait volontiers échangé sa place pour la mienne. Elle était ensuite venue tout les jeudis pendant 3 mois juste pour voir sa petite princesse, comme elle l'appelait. Elle avait une façon mielleuse de prononcer ses phrases qui nous donnait juste la chair de poule. Mais heureusement pour nous, c'était avec Anthéa qu'elle avait envie de jouer à la poupée. Au sens propre comme figuré. Le seul avantage que j'y trouvais était qu'elle nous ramenait toujours à Aaron et moi des cadeaux. Des sucreries, des jouets, des livres, des fournitures de classe. Rien de bien exaltant mais c'était une sorte de paiement pour nous voler notre comparse le temps de l'après-midi. Mais le véritable cadeau était de voir Théa revenir de ses tortures peinturlurée de partout, engoncée dans des robes à froufrou à l'effigie de sa bienfaitrice.
          Un jour comme ça, peut avant que Miss vem Bellegem disparaisse des radars comme tout les autres (jamais d'exception), elle nous avait offert des mangas. Une espèce de bande dessinée issue de l'autre côté de la planète et supposée extrêmement rare. En somme un mini bouquin illisible en noir et blanc dont l'histoire était sans queue ni tête et en plus, ce n'était même pas le premier tome. Mais la quatrième de couverture, légèrement cornée, était en couleur et semblait donner le titre : one pièce. Lorsque Théa avait déboulé dans notre dortoir vêtue d'une robe bouffante rose à pois, elle était une copie presque parfaite du personnage triomphalement posté sur le pont de son navire. C'est encore à ce jour le plus gros fou rire de ma vie.

          Je n'y vais pas avec le dos de la cuillère en faisant remonter ces souvenirs dans nos mémoires mais le sifflement du train en approche m'empêche d'en rajouter. La locomotive s'avance lentement tout au boit des rails. Par prudence, je tire mon amie sur le bas côté gardant sa main dans la mienne. Les trains de marchandises, heureusement pour nous, ne roulent jamais vite. Au fur et à mesure qu'il se rapproche, j'avise l'un des wagons qui n'est qu'une plate-forme de transport sur lequel sont stockés d'immenses troncs. A l'extrémité, le tas est formé de telle sorte à ce qu'on ait la place de grimper. Le pointant du doigt, j'indique à Théa notre timing. Je commence à courir le long des rails l'entraînant avec moi. La locomotive nous dépasse tranquillement puis les wagons un à un nous distancent. J'accélère en voyant le début des troncs. La plate-forme m'arrive au niveau des côtes. Je prends appui sur l'une des lattes de bois et saute pour me hisser dessus. A peine à quatre pattes, je me retourne pour attraper mon amie et la faire grimper. Avec un demi sourire, je regarde ses cheveux s'emmêler dans le vent.

          《 J'accepte ton plan que si tu me dis ce qui te tracasse. 》

          C'est entièrement faux. Il n'y a absolument aucune chance que je n'accepte pas son plan. Mais depuis ce matin, elle fait plus la tronche que d'habitude. Ou plutôt elle a l'air dans la lune. Au début quand on s'était rencontré, on s'était amusé à raconter une histoire farfelue dans laquelle on serait des jumeaux séparés à la naissance. Que sa mère et mon père nous avaient pris chacun en reconstruisant leurs vies mais que le Destin nous avait réuni ce qui prouvait que nous étions promis à de grandes choses comme les élus d'une prophétie. On en rigolait, on faisait marcher Aaron et les autres gamins, même s'il était évident rien que physiquement que nous n'étions pas du même sang. Pourtant elle était ma famille. Même sans avoir les mêmes parents, je la considérais comme ma sœur. Ce qui signifiait que j'avais le droit de l'embêter 24h/24 7j/7 mais qu'elle pouvait également compter sur moi. Même s'il lui fallait du temps pour se confier.

          Accroché aux sangles des troncs, je me relève testant mon équilibre. Même si nous ne fendons pas l'air comme une Ferrari, le bruit du vent dans mes oreilles devient vite insupportable. Escalader le bois serait trop imprudent alors je m'approche de la jonction avec le wagon suivant. Le marche pied devant la porte est suffisamment grand pour que je m'y tienne tout en ouvrant. Celui-ci est rempli de carton de ce qui ressemble à du matériel électronique : des ordinateurs, des frigos, des radio, des aspirateurs, des gaufriers et des ventilateurs. Mais clairement pas la place de s'installer pour l'heure et demi qui nous attend avant d'entrer à Boston. Me frayant un passage, le wagon suivant est, lui, bien plus cosy. Les parois de planches laissent passer les rayons de soleil, de grands sacs de toiles sont entreposés un peu partout : café, thé, graines, riz, farine. Sur l'une des toiles de jute s'étalent les lettres "Cacahuètes". Je n'ai pas spécialement faim mais la gourmandise me fait défaire le nœud, plonger la main dedans et fourer une grosse poignée dans ma bouche. Je dois avoir la tronche d'un écureuil pris en flagrant-délit dans la mangeoir d'un oiseau mais qu'importe si ça peut distraire Théa. Léchant le sel sur ma main, je m'approche de la porte centrale du wagon et la fait coulisser de quelques centimètres, juste de quoi voir les champs à perte de vue défiler sous nos pieds. Je me laisse choir contre un sac de sucre roux et la regarde interrogateur.




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