Erwin roula pour se mettre sur le dos et dévoila son épaule avec fierté. Alexis, loin de trouver ça impressionnant pour autant, ne put s’empêcher de sourire.

« Eh oui, technique romaine spéciale. Qu’est-ce que tu veux faire contre ce biceps en béton ? »

Alexis pouffa de rire et leva les yeux au ciel. La couette ne cessait de bouger dans tous les sens le temps qu’Erwin se remette dans une position décente et Alexis n’arrivait pas à effacer le sourire qui s’était étiré sur ses lèvres.

« Je m’incline, je ne peux rien faire face à une telle force. C’est toi le chef, maintenant. »

Alexis cligna des yeux à plusieurs reprises, déclenchant ainsi quelques larmes qui réclamaient un sommeil supplémentaire et bailla à s’en décrocher la mâchoire avant de se frotter les joues. Elle était encore beaucoup trop fatiguée. Sans vraiment réfléchir, elle se blottit contre Erwin, appuyant son front contre son épaule si musclée, et marmonna :

« Bonne nuit. »

Elle n'allait pas se rendormir pour de vrai, mais eh, elle pouvait toujours rêver.

Alexis avait l'air bien fatiguée. Rien d'étonnant après cette courte nuit. Elle se blottit contre Erwin et il la regarda un instant.

"Bonne nuit."

Se rendormir était loin d’être la meilleure des idées. Déjà parce que les deux demi-dieux devaient avoir au moins deux heures de retard sur leur planning, mais ça, Erwin n'y pensait pas. Ensuite, parce qu'il faudrait bien qu'Alexis sorte du dortoir des garçons un jour ou l'autre. Mais, ça non plus, Erwin ne voulait pas y penser. Non, il voulait profiter de chaque seconde avec elle.

La fille d'Arès ne bougeait pas, mais il lui arrivait de sourire ou gigoter ses doigts, laissant voir à Erwin qu'elle ne dormait effectivement pas. Il tourna donc légèrement vers elle sans craindre de la déranger. Il passa ses doigts dans les cheveux qui s’emmêlaient contre la couverture. Sa main se promena sur la joue d'Alexis. Puis le long de sa nuque. Il approcha son visage du sien, le drap glissa sur sa peau. Il approcha ses lèvres.

Qui rencontrèrent quelque chose. Un coin de tissu, ça oui. Et aussi... Est-ce que c'était sa paupière ? Probablement. En tout cas, la cible était parfaitement ratée. Erwin sentit ses joues s'enflammer. Il ne bougea pas. Peut-être qu'en faisant le mort, ça passerait.

Alexis appréciait la chaleur d'Erwin, leur proximité. Elle aimait sentir ses doigts contre sa peau, dans ses cheveux. Elle se délectait de son souffle près de ses joues, des battements de son propre cœur. Erwin se rapprocha doucement d'elle et elle le laissa faire... jusqu'au moment où elle sentit un contact entre le tissu, sa peau et... la bouche d'Erwin ?

Alexis rouvrit les yeux, plus intriguée qu'autre chose, mais le fils de Poséidon semblait être endormi – tant bien même il était réveillé quelques instants plus tôt. Est-ce qu'il faisait... le mort ? Alexis, un éclat moqueur dans les yeux, afficha un rictus taquin sur son visage.

« Excuse-moi, est-ce tu veux que je te laisse en tête-à-tête avec le drap ? Je sens que je suis de trop. »

Alexis pouffa de rire au moment où Erwin ouvrit les yeux, mais perdit toute trace d'amusement lorsqu'elle entendit la porte du dortoir s'ouvrir d'un coup, accompagné par des grosses voix masculines. Alexis se figea. Elle n'avait rien à faire ici. Quelle heure était-il ? Elle avait un planning à suivre. Elle n'avait rien à faire ici. Oh mon dieu. Est-ce que quelqu'un était en train de monter l'échelle d'Erwin ?

"Excuse-moi, est-ce tu veux que je te laisse en tête-à-tête avec le drap ? Je sens que je suis de trop."

Erwin eut définitivement envie de mourir. Il aurait aimé dire à Alexis de se taire et de le laisser se dissoudre en poussière de honte. Les pas sur le sol ne lui en laissèrent pas l'occasion. Le bruit de porte non plus. Les voix de ses voisins de dortoir encore moins. Le mouvement sur l'échelle...

"He ! Erwin ! Tu-"
"NAN, VIENS PAS !"

Le temps se suspendit quelques secondes, le silence était si lourd ! Erwin retenait son souffle, et c'était certainement le cas d'Alexis aussi, que le fils de Poseidon sentait à peine respirer contre lui.

"Heu. Pourquoi ?"
"Je, heu, je dors tout nu."

Un nouveau silence.

"Ah."

L'échelle se remit en mouvement. Les pas s'éloignèrent du lit. Alexis sembla se relâcher. Erwin, lui, voulait disparaître.

« Nah, il dort tout nu, on ferait mieux de sortir. Tu sais, si jamais il veut descendre… Vraiment chelou ces fils de Poséidon. »

Alexis dû mettre une main sur son visage pour ne pas hurler de rire. Elle attendit patiemment que les quelques sang-mêlés venus dans le dortoir s’en aillent. Visiblement, ils passaient du cours de latin à celui d’histoire romaine. En tout cas, c’est ce qu’ils disaient puisqu’Alexis pouvait entendre absolument tout ce qu’ils disaient alors qu’elle se mordait la joue pour ne pas rire.

Enfin, les garçons s’en allèrent. Le dortoir retrouva son calme. Alexis attendit quelques secondes de plus avant de sortir de la couette. Erwin fit de même. Respire Alexis, ne rigole pas, il a juste paniqué. Alexis tenta de cacher au moins son sourire. Elle tourna la tête vers Erwin. Puis explosa de rire. Elle se prit aussitôt un oreiller au visage – ce qui ne calma pas du tout son fou rire.

« Pardon, pardon, tu me donnes un oreiller pour pas que je te voie nu ? »

Alexis pouvait même sentir les larmes sur ses joues. Elle enlaça l’oreiller afin de pouvoir rire dedans et ne pas éveiller de soupçons, mais cette répartie l’avait complètement achevé. Je, euh, je dors tout nu. Ahahaha, quelle idée à la con. Hilarant.

Erwin ne voulait pas entendre ce que disaient les demi-dieux venus dans le dortoirs. Quand Alexis repoussa la couette de leurs visages, il vit parfaitement l'air hilare collé à sa figure. Oh non, pitié. La seconde d'après, Alexis éclatait de rire. Erwin attrapa l'oreiller sous sa tête et l'envoya sur la fille d'Arès dont le rire résonnait toujours, même recouvert de ce coussin.

"Pardon, pardon, tu me donnes un oreiller pour pas que je te voie nu ?"

Erwin administra une tape ronchonne sur le bras d'Alexis tandis qu'elle s'étouffait toute seule dans son oreiller.

"Tais-toi."

Erwin se tut, contrairement à la fille d'Arès qui ne parvenait pas à retenir les hoquets que provoquait son fou rire. Quand elle parvint enfin à se ravoir et se découvrit de l'oreiller, elle avait les yeux pleins de larmes qu'elle entreprit d'essuyer. Erwin lui jeta un regard mi-blasé mi-honteux.

"Interdiction de reparler de ça."

« Tais-toi. »

Alexis tenta. Elle essaya vraiment mais c’était plus fort qu’elle. Il lui fallut bien deux minutes de plus à hoqueter de rire sous son coussin, tiraillée entre l’envie de reprendre son souffle et de celle de rire de nouveau. Une fois calmée, elle baissa l’oreiller et se redressa un peu. Elle commença à essuyer ses joues, tentant d’ignorer le regard d’Erwin.

« Interdiction de reparler de ça. »

Alexis ferma les yeux et se mordit la lèvre pour se contenir. Inspiration. Expiration. Inspiration. Expiration. Quand elle rouvrit les yeux, elle était calme – minus l’étincelle dans son regard qui riait encore. Elle leva la main en gage de bonne foi.

« J’ai déjà oublié. »

Erwin plissa les yeux. Alexis se racla la gorge puis, rapidement, se pencha sur le côté pour lui faire un bisou sur la joue. Erwin sembla se détendre et un sourire moins moqueur s’étira sur les lèvres d’Alexis.

« Je devrais y aller quand même avant que Poppy se mette à me chercher partout. »

Alexis ne bougea pas.

"J'ai déjà oublié."

Mouais. Quelque chose faisait dire à Erwin que cette histoire ressortirait à la moindre occasion. Bon, tant pis.

"Je devrais y aller quand même avant que Poppy se mette à me chercher partout."

Bien qu'elle se soit redressée dans le lit, Alexis resta immobile. Erwin la regarda, ne se lassant jamais d'elle. Peut-être qu'un jour, il serait capable de la dessiner trait pour trait, à force de la dévorer du regard. Il pourrait détailler chaque mèche de cheveux, chaque nuance de sa peau, l'éclat de ses yeux, la finesse de sa bouche, la courbe de son cou...

Les yeux d'Erwin s’arrêtèrent dans leur promenade. Son cou. Et cette teinte bleutée, cet hématome qui paressait encore sous la peau qui apparaissait comme un rappel de ce qui était la réalité encore la veille. Le coeur du demi-dieu se serra. Alexis s'était battue. Contre qui, déjà ? Un Romain dont certains parlaient de façon bizarre, un type qu'Erwin avait déjà vu de loin. Ah oui ! Solan. Ce petit con avait étranglé Alexis, d'après Arte. Ce bleu confirmait ces mots.

Erwin fixa cette marque, les sourcils froncés. Avait-il envie d'en parler maintenant avec Alexis ? Non. Mais il ne pouvait s’empêcher de sentir son sang battre à ses tempes en imaginant la fille d'Arès étouffée par un demi-dieu à moitié fou.

Alexis n’avait pas vraiment envie de partir. À vrai dire, elle serait bien restée sous cette couette, cachée du reste du monde avec Erwin pour l’éternité, si elle le pouvait. Elle avait cette peur irrationnelle qu’une fois sortie de la chambre, tout pouvait redevenir comme avant. Peut-être que cela n’avait été qu’une erreur et qu’Erwin allait changer d’avis. Ou alors, peut-être qu’elle-même deviendrait trop bizarre parce qu’elle ne savait pas gérer la situation et Erwin finirait par s’en lasser et elle le perdrait, cette fois, pour toujours ?

Le regard d’Erwin ramena Alexis à la réalité. Il était braqué sur elle, les sourcils froncés. Est-ce qu’il pouvait lire dans sa tête ? Alexis plissa les yeux, sceptique. Non, il ne fixait pas sa tête… Il fixait… plus bas ? Alexis fit une moue dubitative et leva instinctivement sa main pour toucher ses clavicules et son cou, là où le regard d’Erwin était braqué. Ah, ça. Le fils de Poséidon releva la tête à ce moment et Alexis lu dans ses yeux beaucoup d’émotions. La fille d’Arès du faire beaucoup d’efforts pour ne pas être énervée contre Artemisia et garder une voix calme.

« C’est rien Erwin. Je marque facilement. Artemisia a exagéré. C’était pas si dramatique que ça. »

Alexis fit un sourire qui voulait rassurant. Les marques ne se voyaient même plus tant que ça, ça faisait trop longtemps. Si Artemisia n’en avait pas parlé à Erwin, il ne l’aurait peut-être même pas remarqué ! Alexis replaça ses cheveux pour qu’ils cachent les bleus puis se dirigea vers l’échelle.

« Je vais y aller. On se voit genre, à midi ? »

Alexis descendit enfin du lit et une drôle de sensation l’envahit. Elle ne voulait vraiment pas partir. Mais elle devait. Les mêmes questions que quelques instants plus tôt vinrent l’assaillir alors qu’elle tournait le dos à Erwin.

C'est rien, Erwin. Le demi-dieu était loin d'être convaincu. Mais Alexis ne voulait pas en parler, pas plus que lui, et ça n'avait rien d'étonnant. Alors il n'ajouta rien et hocha la tête avec peu de d'enthousiasme. Il penserait à ça plus tard.

"Je vais y aller. On se voit genre, à midi ?"

Erwin fit oui de la tête, le sourire retrouvé. Il ne bougea pas lorsqu'Alexis s'accrocha à l'échelle. S'il faisait un seul mouvement, là, maintenant, elle risquait de tomber comme on passe par-dessus bord d'un bateau. Vraiment pas stable, ce lit. Erwin regarda Alexis. Il avait énormément envie de la suivre. De passer encore quelques secondes près d'elle. Mais il valait sans doute mieux ne pas sortir du dortoir en même temps. Qui sait quelle fille de Venus pouvait se cacher de l'autre côté de la porte ?

Erwin se pencha par-dessus l'échelle.

"Alexis."

La fille d'Arès leva la tête et Erwin se rapprocha pour l'embrasser. Position certes inconfortable. Mais pourtant terriblement agréable. Leurs lèvres se séparèrent, leurs yeux ne se lâchèrent pas.

"Je t'aime."