"Je vais juste envoyer un iris message à Elliot, il pourra peut-être se renseigner sur le magasin. Je reviens !"

Il fallait bien admettre que, si Elliot pouvait trouver des infos sur ce mystérieux magasin, ce n'était pas de refus. Malgré la montagnes de documents qu'Alexis avait trouvés, aucun ne mentionnait La Boîte à musique. Erwin regarda la fille d'Arès se lever puis sortir de la pièce. Il s'étira à s'en faire craquer les articulations. La pause ne durerait pas longtemps, Alexis avait sûrement autant envie de finir que lui.

Le demi-dieu se sentait engourdi maintenant qu'il avait laissé son attention se relâcher. Il risquait d'avoir du mal à se replonger dans les cartes et les dépliants. Il leva la tête et regarda la plafond en attendant qu'Alexis revienne. Il avait hâte que cette recherche soit finie, mais il avait surtout hâte que la sang-mêlé soit revenue de sa mission. Apollon n'aurait pas pu choisir un autre larbin, sérieusement ? Pour une fois, Erwin regrettait qu'Alexis brille tant sur un terrain d'entraînement. Il ferma les yeux et tenta de chasser toutes les pensées négatives qui lui venaient à propos de cette quête. Vraiment pas le moment d'imaginer Alexis en danger...

Un bruit sec contre la surface de la table lui fit rouvrir les yeux. Alexis était réapparue à ses côtés et venait de poser un verre face à lui. Il ne l'avait pas entendue revenir. Elle qui disait ne pas pouvoir le surprendre...

"Je t'ai ramené un verre d'eau si jamais tu avais soif."

Erwin la remercia d'un sourire et but une grande gorgée d'eau. C'était un bon moyen de se réveiller avant de recommencer à fouiller les horaires de bus. Alexis aussi semblait déjà penser à se remettre au travail. Son regard était rivé sur les papiers qui cachaient en grande partie la table. Elle avait l'air déterminée et épuisée à la fois.

"Merci au fait… de m'aider. T'étais pas obligé."

Elle tourna les yeux vers lui. Erwin sortit une main du plaid dont il était entouré et écarta une mèche qui barrait le visage d'Alexis. Son sourire illuminait la pièce ainsi que le coeur d'Erwin. Il la regarda en souriant, content qu'elle soit si proche de lui. Il avait envie de se coller à elle et de ne plus bouger. De profiter de sa présence. De cacher son nez dans ses cheveux et respirer son parfum. De s'endormir avec elle et ne se réveiller qu'une fois le moment de la quête passé.

"J'allais pas te laisser te débrouiller avec tout ça. T'aurais pas fini avant demain. Puis je veux être sûr que tu partes pas sans savoir quoi faire."

Erwin baissa les yeux. Cette angoisse ne s'en allait pas, il ne voulait pas imaginer Alexis piégée par des monstres. Il fallait qu'elle connaisse de le terrain, qu'elle sache quoi faire à quel moment, qu'elle ne perde pas du temps inutilement, qu'elle ne s'égare pas dans les rues de San Francisco. Il fallait qu'elle maîtrise chaque étapes de son plan pour revenir aussi vite que possible et en un seul morceau. Erwin ne doutait pas qu'Alexis était capable de se défendre contre quelqu'un de louche ou éventuellement contre un petit monstre. Mais que se passerait-il s'ils étaient plusieurs ? Il fallait qu'elle soit prudente.

"Ça va ?"

La voix d'Alexis le tira de ses pensées. Peut-être qu'elle avait remarqué son air absent. Erwin braqua son regard dans celui de la sang-mêlé. Ils étaient si proches qu'il sentit une bouffée de chaleur l'envahir. Doucement, il posa ses doigts sur la joue de la fille d'Arès. Il ne se lassait pas de détailler ce visage encore et encore.

"Promets-moi que tu feras attention..."

C'était sûrement une demande inutile. La Grecque ferait attention, quoi qu'il arrive. Mais Erwin avait besoin de l'entendre. Il embrassa délicatement le front d'Alexis et caressa tout doucement sa joue du bout des doigts. Il aurait préféré faire cette quête à sa place.

Alexis détourna son attention de la table quand elle vit Erwin bouger. Elle le regarda lentement approcher sa main de son visage pour y déplacer une mèche de cheveux. Alexis ne put empêcher un sourire d’illuminer son visage. À cet instant précis, il n’y avait qu’eux. Même la quête était un bruit de fond à peine perceptible. Alexis aurait pu passer des heures dans cette petite bulle, malgré la fatigue, malgré tout. Son cœur lui-même ne savait pas s’il devait continuer de battre furieusement ou s’il devait se calmer pour profiter de cet apaisement nouveau.

« J’allais pas te laisser te débrouiller avec tout ça. T’aurais pas fini avant demain. Puis je veux être sûr que tu partes pas sans savoir quoi faire. »

De nouveau, cette lueur d’angoisse éclaira le regard d’Erwin qui baissa les yeux. Alexis se mordit la lèvre, incapable de savoir quoi faire. Elle sentait que le moment fugace d’apaisement était passé. Le retour à la réalité n’était pas forcément des plus agréables. Alexis sentait qu’Erwin n’allait pas bien, mais elle n’arrivait pas à mettre précisément les mots sur la raison. Est-ce qu’il avait peur que le Tortionnaire sorte de nulle part ? Est-ce qu’il angoissait par principe ? Ou pire, est-ce qu’il pensait qu’Alexis n’était pas assez forte pour affronter le monde extérieur ? Cette simple idée la fit frissonner. Puis elle la chassa de sa tête.

« Ça va ? »

Erwin releva la tête pour croiser le regard d’Alexis. Elle pouvait y lire un maelström d’émotions aussi diverses que variées, et elle était incapable de toutes les nommer. Pourquoi les êtres humains devaient-ils être aussi complexes ? Ne pouvaient-ils donc pas porter une pancarte avec écrit ce qu’ils ressentaient au-dessus de leurs têtes ? Après réflexion, que serait-il écrit sur la sienne ? Je t’aime, j’ai peur, va-t’en mais reste… Peut-être que c’était une mauvaise idée finalement.

Le doigts d’Erwin vinrent toucher la joue d’Alexis, comme une caresse à peine perceptible. Alexis voulait fermer les yeux, coller encore plus sa joue sur sa main, et ne penser plus qu’à ce contact. À la place, elle garda les yeux bien fixés sur Erwin, attendant une réponse à sa question.

« Promets-moi que tu feras attention… »

Erwin s’approcha encore un peu plus d’Alexis. Il déposa un baiser sur son front, déclenchant un brasier invisible qui enflamma le corps d’Alexis. Avant qu’il ne puisse réellement reculer, Alexis déplaça ses jambes pour entourer Erwin et, de ses bras, l’attira contre elle. Cette étreinte, plus instinctivement que réellement réfléchie, déclencha une nouvelle salve dans son cœur qui reprit sa danse endiablée.

« C’est aux montres de faire attention à moi, Erwin, pas l’inverse. Ils n’ont aucune chance. »

La voix d’Alexis n’avait été qu’un murmure dans le cou d’Erwin, juste assez fort pour qu’il l’entende. Elle avait glissé des notes d’humour dans ses propos mais cela n’enlevait pas la véracité de ce qu’elle pensait. Elle avait vaincu le Minotaure, elle avait sauvé Erwin du Tortionnaire, elle avait vu Elliot se faire transpercer par l’un des siens. Rien ne pouvait être pire que ça. Absolument rien.

La fille d’Arès recula légèrement sa tête et posa son front contre celui d’Erwin. Elle l’observa silencieusement alors qu’il avait fermé les yeux et ne put empêcher un faible sourire de se dessiner sur ses lèvres.

« Je te promets de faire attention. »

Encore une fois, elle avait prononcé cela si bas que lui-seul pouvait l’entendre. De nouveau, ils étaient dans cette bulle qui les enfermait en-dehors de la réalité. Leurs visages étaient si proches qu’Alexis pouvait sentir le souffle d’Erwin sur ses lèvres. Ses lèvres, à lui, légèrement entrouvertes alors qu’il cherchait quoi dire. Ses lèvres vers lesquelles Alexis se dirigeait sans s’en rendre compte. Elle ne sentait même plus son cœur battre. Est-ce qu’il avait cessé ? Est-ce qu’elle respirait seulement encore ?

Puis finalement, des pas. Une voix. Alexis se recula presque aussitôt.

« Peut-on avoir une pièce où rien n’est souillé ? Vous auriez dû rester à la Colonie si c’est pour faire ça, ptain. »

Alexis ne prit même pas la peine de regarder qui venait de parler, qui venait de la ramener dans la réalité. Elle déplaça ses jambes pour les remettre sous la table, elle laissa ses cheveux cacher son visage et elle se pencha en avant pour regarder les horaires de bus. Son visage était si chaud qu’elle avait l’impression que sa main, sur laquelle sa joue reposait, était en train de brûler.

Erwin allait reculer, reprendre sa place initiale, se remettre à chercher des informations utiles dans le tas de papiers ennuyeux. Mais il fut piégé par Alexis. Le demi-dieu fut attiré contre la fille d'Arès sans comprendre ce qui lui arrivait. Lorsqu'il prit conscience des jambes d'Alexis autour de lui et de cette brusque proximité, son coeur s'emballa. Erwin en oublia presque où il était. Il avait envie d'envelopper Alexis de ses bras, de la serrer contre lui, de l'embrasser et de ne plus jamais la quitter.

"C'est aux montres de faire attention à moi, Erwin, pas l'inverse. Ils n'ont aucune chance."

Un léger sourire étira les lèvres du demi-dieu. La réplique manquait cruellement de modestie, mais elle n'était pas complètement fausse. A moins de compter sur le nombre ou l'effet de surprise, les éventuels monstres que croiserait l'équipe d'Alexis avaient du souci à se faire. Mais de quoi serait faite cette quête ? Qui pouvait prédire ce que les ennemis feraient ou quels obstacles les demi)dieux rencontreraient ? Erwin ferma les yeux en refoulant toutes ces inconnues qui ne pouvaient que l'inquiéter davantage.

Il sentit alors Alexis bouger contre lui, son front se poser contre le sien. Tout disparut autour de lui. Il n'y avait que ce contact qui le reliait à la fille d'Arès. Il l'imaginait face à lui, il dessinait mentalement ses contours et la faisait apparaître belle, rayonnante. Il lui aurait suffit d'ouvrir les yeux, mais le monde serait apparu de nouveau et, ce décor, il n'avait pas envie de le voir. Il voulait Alexis, uniquement Alexis. Il l'avait suffisamment contemplée pour être capable de la dessiner dans les moindres détails. Il la voyait parfaitement.

"Je te promets de faire attention."

La voix de la sang-mêlé sonna comme une mélodie aux oreilles d'Erwin. Son sourire s'élargit. Il voulut dire quelque chose mais rien ne lui vint. Ses mains se glissèrent lentement dans le dos d'Alexis, remplaçant les mots. Elle était si proche, si douce, elle le transportait dans un autre monde. Il pouvait sentir son souffle chaud se mélanger au sien. Rien n'existait plus pour Erwin, il n'y avait plus ni table, ni fauteuil, ni quête. Alexis était tout son univers.

"Peut-on avoir une pièce où rien n'est souillé ? Vous auriez dû rester à la Colonie si c'est pour faire ça, ptain."

Erwin ouvrit les yeux. L'étreinte d'Alexis cessa immédiatement et la demi-déesse fourra le nez dans les documents qui traînaient aussi vite qu'un éclair. Le fils de Poseidon sentit ses joues prendre une couleur écarlate. Faire... Faire quoi ? Qu'est-ce que cette personne avait cru ? D'un regard vers l'endroit d'où venait la voix, Erwin pensait trouver l'intrus qui les avait dérangés, mais il n'y avait plus personne. L'inconnu s'était sûrement éclipsé juste après avoir fait sa remarque. Cependant, même s'ils étaient à nouveau seuls, l'ambiance avait définitivement changé. A l'instar d'Alexis, le fils de Poseidon se remit au travail en silence.

Les deux Grecs n'échangèrent quelques mots que pour se communiquer les informations intéressantes qu'ils trouvaient. Erwin tenta quelques regards en direction d'Alexis, mais elle ne relevait que rarement la tête de ses horaires de bus. Bientôt, ils avaient enfin rassemblé toutes les informations qui pouvaient s'avérer utiles. Alexis commença à ranger les documents puis elle se releva, imitée par Erwin. Ils se regardèrent sans rien dire. Le demi-dieu mourait d'envie de la serrer encore une fois dans ses bras, mais il décelait toujours une étincelle de gêne dans le regard de la sang-mêlé. Il se contenta de lui sourire timidement. Ses joues étaient probablement légèrement rouges, encore.

"Passe une bonne nuit. J'espère que tout ça te suffira pour demain..."

Dire qu'il allait retourner dans son dortoir et que, le lendemain, il ne reverrait probablement pas Alexis avant son départ... La voix de l'inconnu résonnait encore dans sa tête, les heures de recherche épuisante lui revinrent, le sentiment de crainte était toujours là. Mais Erwin était heureux d'avoir passé ce moment avec Alexis. D'avoir pu profiter de sa présence avant qu'elle s'en aille. Parce que, au moins, elle avait été là.

Le cœur d’Alexis battait si fort qu’elle pouvait l’entendre jusque dans ses tempes. La douleur que cela procurait irradiait le corps de la sang-mêlé qui brûlait de gêne. Pourquoi avait-elle voulu faire ça ? Mais surtout… Pourquoi quelqu’un était arrivé à ce moment ? Les pensées confuses d’Alexis l’empêchaient d’agir convenablement. Elle était tiraillée entre l’envie de recommencer et celle de partir maintenant pour ne plus jamais recroiser Erwin. Pourquoi, pourquoi tout devait être si compliqué ?!

Le moment était définitivement brisé. L’ambiance entre Erwin et Alexis avait complètement changé. Alexis était tellement perturbée par ce qu’il venait de se passer qu’elle mit bien cinq minutes avant de se rendre compte qu’elle tenait le flyer entre ses mains à l’envers. Elle dû se mordre la langue pour ne pas laisser sa frustration exploser au grand jour. Au lieu de ça, elle tourna discrètement le papier dans le bon sens et repris son analyse superficielle du document. Ses yeux étaient certes concentrés sur ce dernier, mais ses pensées ne cessaient de repasser en boucle la scène d’avant.

Et de toute façon, imbécile, t’aurais fait quoi après si t’avais pas été interrompue ? Ah bah oui, pour agir y’a du monde, mais pour réfléchir y’a personne. Finalement, heureusement que l’autre connard est arrivé, sinon t’aurais bien été dans la merde. Imbécile, imbécile, imbécile, imbécile.

La voix d’Erwin ramena Alexis à la réalité. Ils avaient du travail à faire. Elle fit taire la voix dans sa tête et recommença à noter des horaires sur son papier. Puis, elle refit au propre son mémo pour avoir seulement les informations importantes mises en avant. Enfin, il n’y avait plus rien à noter. Alexis laissa échapper un soupir de contentement puis se redressa. Son cœur avait arrêté de s’arracher de sa poitrine et sa peau avait retrouvé une couleur décente. Elle pouvait enfin croiser le regard d’Erwin sans avoir envie de crever dans l’instant.

« Passe une bonne nuit. J’espère que tout ça te suffira pour demain… »

Alexis hocha la tête, dansant d’un pied à l’autre. Elle ne savait pas quoi faire. Elle voulait rassurer Erwin, mais la fatigue était telle qu’elle avait peur de dire n’importe quoi. Ils restèrent un moment, face à face, à ne rien dire. La tension entre eux était électrique. Tendue. Pleine de non-dit. Finalement, un iris mail se déclencha à ce moment-là, faisant frôler l’arrêt cardiaque à Alexis.

« Hey salut Erwin ! Annonça joyeusement la voix d’Elliot. J’ai cherché sur Internet des informations sur ta boutique… Elliot s’arrêta pour froncer les sourcils. Ça va vous deux ? »

Alexis fronça les sourcils à son tour puis son regard passa d’Elliot à Erwin. Est-ce que le fils d’Apollon demandait s’ils allaient bien séparément ou s’ils allaient bien ensemble ? Alexis secoua la tête.

« Juste fatigués, continue.
– Hmpf. Soit. Elliot secoua la tête à son tour avant de reprendre. La boutique n’est pas très fréquentée, ni très connue. Elle se situe dans un quartier pas ouf mais pas non plus trop craignos. Je veux dire, ça reste San Francisco donc bon… Bref. Les rares informations que j’aie pu glaner sont sur les avis laissés par des clients : les proprio sont visiblement pas très aimables. À part ça, R.A.S., il devrait pas y avoir de problème. »

Alexis remercia Elliot qui continuait de la fixer avec un air suspicieux puis l’iris-mail se coupa. De nouveau Erwin et Alexis étaient seuls. Et la même tension tremblait entre eux.

« Bon bah, euh. Bonne nuit Erwin. Et merci, pour tout. Grâce à ça, ça devrait aller vite. »

Alexis hésita puis salua Erwin de la main avant lui tourner le dos et sortir de la pièce commune. Pourquoi était-elle incapable d’agir et de dire ce qu’elle voulait ?