Il est tard. Assis chacun d'un côté de la petite table, ni Alexis ni Erwin ne parle. Seul le bruit du papier, des pages qu'on tourne, trouble le silence de la pièce. Ça fait déjà plusieurs heures que les deux demi-dieux ont le nez plongé dans les cartes et les horaires de bus. Erwin ne lève pas les yeux du dépliant qu'il est en train d'éplucher. Il a envie d'en finir avec cette recherche épuisante, il a lu tellement d'infos en une soirée qu'il est sûr de rêver qu'il parcoure les Etats-Unis en métro. Il veut en finir vite, mais hors de question de bâcler le travail et qu'Alexis parte sans être suffisamment préparée.

La fille d'Arès se redresse et s'étire en soupirant. Erwin la regarde sans bouger. Elle lui sourit, il lui sourit aussi. Il n'a pas du tout envie qu'elle s'en aille déjà. Il voudrait qu'elle soit là pour toujours. Qu'ils restent dans cette pièce tous les deux encore des heures. Qu'Alexis reste au camp. Avec lui.

* * *

Le retour au Camp Jupiter était synonyme d'une rigueur qu'Erwin avait perdue. Les premiers jours, retrouver le rythme exigent de la vie romaine avait été difficile. En plus de devoir suivre son planning à la lettre, le fils de Poseidon avait repris l'entraînement martial, mais ses nouveaux partenaires romains n'avaient pas la même patience qu'Alexis. Erwin aurait aimé retrouver sa prof personnelle, mais l'idée de se mesurer à elle lui inspirait toujours un sentiment d'angoisse qu'il ne pouvait pas contrôler.

Après quelques jours durant lesquels Erwin dut se réadapter à son horaire, les journées semblaient déjà moins éprouvantes. Ce matin-là, le fils de Poseidon aurait pourtant juré que rien n'était plus horrible que la vie à la Nouvelle-Rome. Il était prisonnier d'un cours de latin qui n'avait pas de fin. Il avait beau essayer de se concentrer, donner toute sa volonté pour comprendre, il n'arrivait pas à accrocher. Son esprit trouvait tout plus intéressant que les mots et les phrases qu'il entendait à ce cours.

Le cerveau complètement ramolli, Erwin fut bien content que le cours finisse enfin. Il avait un entraînement juste après. Ouf, il allait pouvoir se réveiller un peu. Il en avait bien besoin ! Pour peu, il se serait endormi sans même s'en rendre compte.

Il fallait qu'il bouge et son entraînement accomplit cette mission sans aucune difficulté. Depuis quand Erwin avait-il appris à aimer se faire torturer de la sorte ? Même lui ne comprenait pas à quel moment il avait pris goût à ces séances d'activité physique beaucoup trop intenses pour lui... En quittant le champ de Mars, le demi-dieu était transpirant et courbaturé comme jamais. Son t-shirt était taché de terre battue et il pouvait déjà deviner le magnifique bleu qui ornerait son épaule dans les jours à venir. Et pourtant, il se sentait merveilleusement bien.

Heureusement, Erwin n'avait rien de prévu pour la fin de l'après-midi, ce qui était un luxe depuis son retour au camp. Il profita donc d'un long, très long bain. L'eau chaude lui fit oublier les chocs que ses articulations avaient subis. Il sentit tous ses muscles se détendre d'un seul coup. Vraiment merveilleux, ces bains. Le fils de Poseidon regretta presque d'en sortir.

Désormais propre et détendu, le demi-dieu décida de ne rien faire. Il resta dans le baraquement des Grecs, bien pauvrement peuplé comparé à la dernière fois qu'il était venu, et s'installa dans un fauteuil de la pièce commune. Son carnet à dessin sur les genoux, Erwin laissait son crayon se balader sur le papier sans y prêter une grande attention. Sa main traçait distraitement des formes qu'il ne prenait pas le temps d'analyser. Il verrait bien après ce que ça donnerait. Par-dessus le bruit du crayon, un autre son se fit entendre. Une porte. Des pas. Erwin pencha sa tête en arrière au moment où Alexis posait les mains sur le dossier du fauteuil.

Le retour au Camp Jupiter fut plus désagréable que prévu. Il faut dire, la présence de Poppy aux côtés d’Alexis avait de quoi rendre toute journée beaucoup plus longue prévue. D’abord, Poppy avait voulu découvrir le Camp Jupiter. Puis tester absolument tous les ateliers du Champ de Mars. Tous les jeux aussi. Puis elle ne voulait rien louper de son bounding time avec Alexis. Dans les baraquements. En mangeant. En se douchant. En s’entraînement. Alexis était au bord de la crise d’angoisse à chaque réveil. Poppy était si présente autour d’Alexis que la fille d’Arès avait l’impression d’entendre sa voix jusque dans ses rêves. Horrible.

Au bout d’un moment, Poppy avait fini par trouver son propre rythme. Elle avait tant de romains à découvrir ! Tant de questions à poser aux légionnaires ! Sur la hiérarchie ! Sur les jeux ! Sur les armes ! Sur l’or impérial ! Alexis avait finalement réussi à avoir des moments de répits. Dans les bains surtout. Et parfois dans les baraquements, quand Poppy profitait du temps libre pour accoster absolument tous les légionnaires pour leur poser des questions. Alexis pouvait enfin respirer.

Aujourd’hui ne faisait pas exception à la règle. Alexis n’avait aperçu Poppy qu’au réveil et jusqu’au petit-déjeuner. Après ça, disparition totale de la descendante d’Arès, sûrement partie vaquer à ses terribles occupations. Alexis profita donc de sa journée de quiétude en faisant tout toute seule. Elle s’était lavée toute seule. Elle avait suivi des cours toute seule. Et elle allait maintenant à l’entraînement toute seule. En pleine séance d’étirement, alors qu’Alexis était prête à profiter pleinement de la suite des événements, une petite ombre s’ajouta au tableau. Erwin.

Le fils de Poséidon était venu au Camp Jupiter avec Alexis, il l’avait suivie sans qu’elle ne lui demande rien. Il avait passé sa première journée avec elle, à voir Elliot et s’assurer que tout allait bien. Puis après, il s’était fait éclipser. Qui de Poppy ou Alexis l’avait vraiment fait fuir, la fille d’Arès ne voulait pas le savoir. À vrai dire, le revoir, même le loin, suffisait à emballer son cœur et à la faire sourire. Néanmoins, il était actuellement en train de s’entraîner. Avec d’autres gens. Alexis ne pouvait faire taire cette petite pointe de douleur qui lui comprimait la poitrine. Elle aurait tellement aimé s’entraîner avec lui ! C’était un peu leur moment. Mais Erwin avait été très clair, dans son comportement, concernant cette activité. Vu ce qu’il avait vécu dans le Labyrinthe, qui pouvait le blâmer…

Afin d’éviter de gâcher la journée d’Erwin, Alexis avait décidé de s’entraîner à l’autre bout du Champ de Mars. Au moins, à cette distance, elle était sûre de ne rien réveiller des événements du Labyrinthe chez Erwin. Avec une moue boudeuse, la fille d’Arès s’était donc entraînée seule, et cette fois c’était à regret. Après quelques échauffements et exercices physiques, Alexis avait trouvé des partenaires pour l’accompagner, mais rien qui ne l’excitait plus que ça. Elle se laissa néanmoins porter par l’effort physique et oublia peu à peu ses problèmes personnels. Jusqu’au moment où un certain Eden vint l’accoster pour lui imposer une quête…

Après l’entraînement, Alexis disparu dans les bains. Elle y croisa, malheureusement, Poppy qui se mit à lui raconter toutes ses connaissances nouvellement acquises. Et tu savais qu’ils avaient un éléphant ? Et qu’il y a des licornes ? DES LICORNES ALEXIS ! Mais il faut pas les grimper. Non pas que j’ai essayé, mais évite de le faire quoi… Et bla, bla, bla. Jamais Alexis ne prit un bain aussi rapide. Fort heureusement, Poppy avait attiré l’attention de quelqu’un d’aussi passionné qu’elle dans les échanges sociaux et Alexis pu fuir en paix.

Par mesure de précaution, Alexis décida de ne pas aller au mess tout de suite. Logiquement, c’était la suite du parcours de Poppy et elle aurait aimé un peu de tranquillité avant de réentendre la voix de la grecque. Fort heureusement, le baraquement des grecs était presque vide ! Alexis en profita pour se rendre dans la salle commune et fut surprise d’y découvrir… Erwin ! Avec un sourire aux lèvres, la fille d’Arès s’approcha du fauteuil et posa les mains dessus au moment où le fils de Poséidon leva la tête dans sa direction.

« Je ne pourrais donc jamais te surprendre ? »

Alexis fit une moue faussement vexée mais reprit rapidement son sourire. Elle n’avait, de toute façon, pas essayé de le surprendre. Elle se pencha un peu plus en avant pour regarder le petit carnet qui était posé sur les genoux d’Erwin.

« Tu dessines quoi, cette fois, chef ? »

"Je ne pourrais donc jamais te surprendre ?"

Une étincelle amusée traversa le regard d'Erwin. Si Alexis tenait vraiment à le surprendre, elle y arriverait sans difficulté.

"Tu dessines quoi, cette fois, chef ?"

Erwin baissa les yeux vers son carnet pour découvrir ce que son crayon avait tracé. Plusieurs croquis se partageaient la feuille, certains terminés, d'autres non. Il y avait plusieurs visages, quelques plantes et un renard. Le papier était sali par le crayon, certains traits ne se voyaient presque plus sous la couche grisâtre. Le fils de Poseidon constata que c'était d'ailleurs également le cas de sa main, toute noircie d'avoir effleuré le papier. Il entreprit de frotter maladroitement sa peau tout en s'adressant à Alexis.

"Un peu de tout. C'est plus pour me détendre et penser à autre chose."

Il regarda à nouveau la fille d'Arès qui hocha la tête. Il lui fit signe de le rejoindre et elle vint s'asseoir à côté de lui. Erwin ressentit une vague de chaleur l'envahir. Comme si un rayon de soleil venait se poser sur lui. Depuis qu'ils étaient au Camp Jupiter, Alexis et lui n'avaient pas passé beaucoup de temps ensemble. La faute à leur planning infernal. Ainsi qu'au baraquement, peut-être. Erwin savait qu'il n'avait plus besoin de sa chambre dans la Grande Maison, mais elle avait au moins l'avantage de lui offrir un endroit calme, un endroit qui n'appartenait qu'à Alexis et lui. Les dortoirs du camp le privaient de ce confort.

En journée, ne pas avoir de temps à consacrer à la fille d'Arès ne dérangeait pas Erwin autant qu'il aurait pu le penser. Il était bien trop occupé par les cours ou les entraînements. La nuit, c'était différent. Erwin était bien content que son dortoir soit presque vide lorsqu'il se réveillait en criant après un cauchemar.

La proximité avec Alexis était devenue plus rare et pourtant toujours aussi nécessaire pour Erwin. Il avait envie d'être près de la sang-mêlé, même s'il n'y pensait pas durant ses activités de la journée. Il finissait toujours par le ressentir. Ce besoin de voir la fille d'Arès. L'avoir à ses côtés faisait battre son coeur un peu plus vite, un peu plus fort. Il voulait mettre le temps en pause pour profiter de ce moment. Alexis contre lui. D'abord, ils ne parlèrent pas. La Grecque semblait détailler la feuille de croquis. Erwin la laissa faire, prenant le temps de la contempler elle. Il avait l'impression de la trouver un peu plus jolie à chaque fois. Comme si son physique évoluait pour lui plaire un peu plus à chaque regard. Puis Alexis releva la tête, Erwin sortit de ses pensées.

"J'avais oublié comment c'était de vivre ici. Avec un horaire si complet, on se voit moins... En tout cas, t'as l'air d'avoir vite repris le rythme."

Erwin savait que le programme d'entraînement du Camp avait très vite plu à Alexis. Une combattante comme elle s'amusait sur le Champ de Mars comme un enfant dans une plaine de jeux. La fille d'Arès avait soif d'apprendre lorsqu'il s'agissait de combat, et le demi-dieu ne doutait pas un seul instant qu'elle profitait de chacune de ses séances d'entraînement pour assimiler de nouvelles choses. Sur un terrain, Alexis était différente. Plus sûre d'elle, plus vive, plus puissante, plus supérieure.

C'était peut-être ce que redoutait Erwin, aujourd'hui ? Il avait le souvenir d'une guerrière belle et impressionnante, il voulait garder cette image sans prendre de le risque de la revoir en direct pour le moment. Il voulait cependant savoir si, après les événements récents, Alexis avait repris ses activités tout comme lui parvenait enfin à le faire.

"Un peu de repos, ça fait pas de mal."

Il parlait évidemment du moment présent. Ce moment de flottement qui lui permettait de se vider l'esprit. Et, avec la chance qui avait décidé de mettre Alexis sur son chemin, Erwin ne pouvait que profiter davantage. Il referma son carnet et le posa sur la petite table qui trônait face au fauteuil. Il admira encore un peu Alexis alors qu'elle paraissait regarder quelque chose au loin. Lorsqu'elle se reprit et que leurs regards se croisèrent, il ne put s'empêcher de sourire. Au moins, elle est là.

« Un peu de tout. C'est plus pour me détendre et penser à autre chose. »

Alexis haussa les épaules pour montrer qu’elle comprenait. Elle avait tendance à avoir le même comportement quand elle s’entraînait. Faire des mouvements répétés sans réfléchir était une façon comme une autre de se détendre. Erwin l’invita à s’installer à côté de lui dans le canapé, ce à quoi elle répondit avec un sourire. Elle fut tentée de juste passer là où elle se trouvait, mais finalement elle fit le tour comme une personne normale.

Alexis s’installa aux côtés d’Erwin, feignant de regarder le carnet à dessin pour observer les différents croquis que y étaient représentés. En vrai, elle profitait juste de ce moment pour se mettre un peu trop près d’Erwin. Elle effleura presque volontairement son bras avec sa main et resta assez proche de lui pour pouvoir sentir la chaleur qui émanait de son corps. Elle dû se faire violence pour ne pas afficher un sourire beaucoup trop niais sur son visage. Retrouver Erwin dans un moment aussi normal lui faisait un bien fou.

Le regard d’Erwin lui brûlait presque la peau, alors Alexis releva la tête presque timidement. Peut-être qu’elle était trop près ? Peut-être qu’il trouvait son comportement bizarre ? Tant de questions effacées aussitôt par le regard d’Erwin et ce sourire qui s’étirait sur ses lèvres quand il parlait.

« J'avais oublié comment c'était de vivre ici. Avec un horaire si complet, on se voit moins... En tout cas, t'as l'air d'avoir vite repris le rythme. »

Alexis dû se faire violence pour ne pas afficher une grimace de dégoût en repensant à ses premiers jours au Camp Jupiter. Elle était censée s’y plaire. En tout cas, la première fois, elle avait éprouvé beaucoup de plaisir à y être. Mais la présence de Poppy… Non, Alexis ne pouvait pas tout remettre sur le dos de la descendante d’Arès. Il y avait une autre raison pour qu’Alexis ne se sente pas pleinement heureuse au Camp Jupiter, et la raison se trouvait juste sous ses yeux. Ou plutôt, son absence en étant la raison.

Alexis reporta son attention sur le carnet, bien décidée à ignorer les battements de son cœur qui reprenaient de plus belle. Elle était à la fois si heureuse et si terrifiée quand elle était avec Erwin. Comme si chaque instant qu’ils pouvaient construire ensemble risquait de se briser à tout moment. C’était comme construire un abri sous une tempête de grêles avec seulement du verre comme matériau…

« Un peu de repos, ça fait pas de mal. »

La voix d’Erwin arracha Alexis à ses pensées, et tous ses doutes s’envolèrent. Au moins, il était là. Elle était là. L’orage n’avait pas encore commencé, non ? Alexis afficha un sourire indescriptible sur son visage et regarda Erwin reposer son carnet et détourna les yeux vers un meuble au loin. Posée dessus, une guitare… Alexis plissa les yeux, puis la réalité la rattrapa. Elle s’enfonça dans le canapé et croisa ses bras.

« Le repos devra attendre, demain je dois partir en quête. »

Alexis détourna le regard vers Erwin dont l’expression du visage était figée dans un masque indescriptible. Alexis secoua la tête.

« Apollon m’a imposé une quête. Je pars demain lui chercher une guitare… »

Alexis ne savait pas si elle devait se montrer honorée ou blasée par cette mission. Chercher une guitare… La prochaine fois, il donnerait sa liste de courses aussi, non ? Alexis secoua la tête une nouvelle fois.

« Au moins, il n’y aura pas Poppy, c’est déjà pas mal…, murmura-t-elle avant d’ajouter en levant les yeux au ciel : Je préfèrerai dormir dans votre dortoir plutôt que de supporter la bonne humeur de Poppy tous les matins. »

La présence d'Alexis suffisait, à elle seule, à remplir la pièce d'une atmosphère douce et chaleureuse. Erwin était heureux qu'elle soit là. Qu'il n'y ait qu'elle près de lui et qu'ils soient tranquilles tous les deux, sans planning pour les presser et les séparer. Un repos qu'il attendait depuis un moment.

"Le repos devra attendre, demain je dois partir en quête."

Erwin se crispa. Son sourire se figea en un rictus forcé, son regard s'imprégna de détresse. Elle s'en va ? En quête ? Non, non, pas déjà ! Un mélange douloureux d'émotions se déclencha en lui. Alexis ne pouvait pas partir, elle ne pouvait pas s'éloigner alors qu'il avait besoin d'elle. Elle ne pouvait pas s'en aller alors qu'ils n'avaient que peu d'occasions de se voir. Elle ne pouvait pas lui annoncer ça alors qu'ils avaient enfin du temps ensemble. Ou peut-être qu'il valait mieux qu'elle le dise maintenant ? Quand l'aurait-elle fait sinon ? Erwin ne savait pas s'il lui en voulait ou pas, il ne savait pas s'il aurait préféré savoir ou pas, il ne savait pas ce qu'il devait penser.

Et puis, il avait peur. Alexis s'en allait pour une quête. Hors du camp. Exposée aux monstres. Et si elle se faisait blesser ? Ou pire... Erwin se sentait envahi par une montagne de scénarios possibles, ce qui l'angoissait horriblement. Il ne voulait pas perdre Alexis. Vraiment pas. Il le craignait d'autant plus qu'il savait ce que c'était. Il ne pourrait jamais se passer d'Alexis, il le savait, il ne voulait pas qu'elle prenne des risques inutiles. D'un autre côté, le fils de Poseidon savait que la sang-mêlé était restée inactive un long moment après les événements du Labyrinthe.

Ne rêvait-elle pas de bouger, de se dépenser, de servir à quelque chose ? Qu'elle se lance dans une quête n'était, finalement, pas si étonnant... Elle avait pressé le départ vers la Nouvelle-Rome pour rendre visite à Elliot. Elle s'était assurée qu'il allait bien. Maintenant qu'elle était rassurée sur l'état de son ami et sur celui d'Erwin, qu'est-ce qui pouvait encore retenir Alexis au camp ?

"Apollon m'a imposé une quête. Je pars demain lui chercher une guitare…"

Erwin écoutait distraitement. Son cerveau n'analysa pas vraiment l'information. Une guitare ? Alors ça ne devait pas être si terrible ? Mais c'était tout de même une quête. Pourquoi envoyer des demi-dieux chercher une simple guitare ? Il devait y avoir quelque chose. L'angoisse d'Erwin ne retomba pas.

"Au moins, il n'y aura pas Poppy, c'est déjà pas mal… Je préférerai dormir dans votre dortoir plutôt que de supporter la bonne humeur de Poppy tous les matins."

Erwin tenta de rire, mais le résultat fut à peine audible et son sourire était un masque bien fragile. Il ne comprenait pas. Il ne comprenait pas pourquoi Alexis devait s'en aller. Sans s'en rendre compte, il se mit à tapoter nerveusement l'accoudoir du divan du bout des doigts. Son imagination continuait à lui envoyer des images de ce qui pourrait se passer durant cette quête. Il ne voulait plus les voir. Mais, même s'il refluait les films qui lui apparaissaient, il restait trop d'inconnues dans l'énoncé pour qu'il soit tranquille. Combien de temps Alexis partirait ? Où ? Loin ? A l'autre bout du monde ? Pour une semaine ou un mois ? Si Apollon voulait une guitare, il était bien capable de la demander sur un autre continent, non ? Erwin finit par se secouer pour chasser toutes ces questions.

"C'est... C'est super ! Une quête ! Tu dois avoir hâte !"

Il se sentait pitoyable. Finalement, peut-être qu'il aurait mieux valu ne pas croiser Alexis ce jour-là. La laisser partir pour sa quête. Ne pas le savoir. L'apprendre alors qu'il était déjà trop tard pour la retenir. S'inquiéter moins longtemps. Il détestait la situation.

"C'est quand même pas rien, Apollon qui te demande un service, wouh ! Elle va être super, cette quête ! Tu vas sûrement pouvoir te changer les idées, retrouver une vie palpitante que t'avais plus depuis que tu restes... que tu viens... enfin plus palpitante qu'en passant tes soirées dans une chambre. Tu vas peut-être apprendre des trucs de combat, ce sera un entraînement niveau supérieur, tu vas lui ramener sa guitare tranquillement, à Apollon. Tu seras un super élément pour tes équipiers, c'est sûr ! Tu vas..."

"Erwin."

Le fils de Poseidon se tut et détourna les yeux. Il ne savait pas où se mettre. Il voulait qu'elle reste.

Erwin n’avait pas du tout eu la réaction escomptée. Son corps entier semblait être figé dans de la cire, rendant ses traits crispés et ses muscles tendus. Alexis se mordit l’intérieur de la joue. Peut-être qu’il aimait bien Poppy et l’idée que les deux jeunes filles puissent ne pas s’apprécier le rendait nerveux ? Le rire d’Erwin n’avait été qu’un bruit étouffé émanant d’un visage complètement crispé. Alexis avait envie de le rassurer, mais elle n’avait aucune idée de ce qui le rendait comme ça. Elle regarda rapidement autour d’elle mais ils n’étaient que tous les deux.

« C'est... C'est super ! Une quête ! Tu dois avoir hâte ! »

Tout sonnait… terriblement faux ? Alexis n’avait pas du tout hâte, elle détestait sortir des limites magiques du Camp, elle détestait devoir rendre des services aux dieux, elle détestait le danger inutile, elle détestait se faire imposer des choses… La liste aurait pu continuer longtemps mais Alexis ne se focalisait pas tellement sur les mots d’Erwin que sur son comportement. Il était submergé par tellement d’émotions ! Est-ce que c’était la quête qui le mettait dans tous ses états ?

« C'est quand même pas rien, Apollon qui te demande un service, wouh ! Elle va être super, cette quête ! Tu vas sûrement pouvoir te changer les idées, retrouver une vie palpitante que t'avais plus depuis que tu restes... que tu viens... enfin plus palpitante qu'en passant tes soirées dans une chambre. Tu vas peut-être apprendre des trucs de combat, ce sera un entraînement niveau supérieur, tu vas lui ramener sa guitare tranquillement, à Apollon. Tu seras un super élément pour tes équipiers, c'est sûr ! Tu vas... »

Erwin ne se taisait pas. Il débitait un flot de parole à en faire pâlir de jalousie Poppy. Au moins, ça avait le mérite de mettre plus en lumière les raisons de son changement brutal de comportement. Il ne voulait pas qu’elle parte en quête, il ne voulait pas qu’elle soit en danger. Mais il cachait ça sous couvert d’une empathie mal simulée où il pensait qu’Alexis appréciait ça. À plusieurs reprises, elle essaya d’ouvrir la bouche, pour lui expliquer qu’il avait faux sur toute la ligne, mais Erwin continuait encore et encore à parler sans se taire.

« Erwin. »

Cette fois, sa voix avait été plus forte, plus froide. Le fils de Poséidon, enfin, se tu. Il détourna le regard, comme s’il ne supportait pas de fixer Alexis pendant ce moment. La fille d’Arès secoua la tête et se plaça en tailleur sur le canapé. D’une main, elle toucha délicatement la joue d’Erwin et attira son regard vers elle. De l’autre, elle lui attrapa les doigts qu’il n’arrêtait pas de tapoter contre le canapé et ramena son bras entre eux.

« Ce n’est qu’une simple mission, ce sera terminé en une après-midi. Même pas. Sûrement avant. Le magasin est à San Francisco. Quelque part. Pas loin. »

Alexis fit une courte pause pour s’assurer qu’elle avait bien l’attention complète d’Erwin puis reprit :

« Si j’avais le choix, je n’irai pas. Je déteste prendre des risques inutiles, surtout pour des choses aussi futiles. Mais je n’ai pas le choix. Je préfèrerai mille fois rester dans une chambre avec toi que de partir avec des inconnus pour faire la liste de courses d’Apollon. »

Alexis laissa glisser sa main le long de la joue d’Erwin, comme une caresse discrète, avant de laisser de nouveau son bras retourner le long de son corps. Son autre main, quant à elle, ne bougea pas.

« Si j’avais su que tu partirais en mode Poppy, j’aurai amené les choses plus en douceur. »

Alexis afficha un sourire espiègle, une lueur amusée dans le regard.

Le contact de la main d'Alexis sur sa joue électrisa Erwin. Un frisson le parcourut lorsque son regard croisa à nouveau celui d'Alexis. Est-ce qu'elle pouvait sentir à quel point il avait besoin d'elle ?

"Ce n'est qu'une simple mission, ce sera terminé en une après-midi. Même pas. Sûrement avant. Le magasin est à San Francisco. Quelque part. Pas loin."

Erwin s'accrochait à ce que disait Alexis. Il était possible qu'elle lui dise tout ça uniquement pour le rassurer, mais il choisit d'y croire de toute façon. Alors que la demi-déesse gardait le silence un instant, le fils de Poseidon se répéta en boucle ses mots. Il se concentra sur cette voix. Il se concentra sur ce simple contact qu'Alexis maintenait. Il se concentra sur elle. Rien qu'elle.

"Si j'avais le choix, je n'irai pas. Je déteste prendre des risques inutiles, surtout pour des choses aussi futiles. Mais je n'ai pas le choix. Je préférerai mille fois rester dans une chambre avec toi que de partir avec des inconnus pour faire la liste de courses d'Apollon."

Erwin se calma légèrement. Il y avait toujours autant de risques, même si ce n'était pas directement Alexis qui les prenait. Il y avait toujours cette distance hors du camp. Il y avait toujours ce mystère de la guitare qui devait forcément cacher quelque chose. Mais au moins, Alexis ne partait pas de son plein gré. Elle n'avait pas choisi de laisser Erwin derrière elle. La main de la sang-mêlé glissa le long de la joue d'Erwin. Il regretta que ce contact cesse, il aurait voulu attraper cette main et la garder là où elle était. Alexis n'avait cependant pas lâché ses doigts et le fils de Poseidon resserra légèrement son étreinte, cette seule attache qu'il avait.

"Si j'avais su que tu partirais en mode Poppy, j'aurai amené les choses plus en douceur."

Un petit rire amer s'échappa des lèvres d'Erwin. Peut importait la manière d'amener les choses, l'effet aurait été le même. Il ne pouvait tout simplement pas imaginer Alexis en danger, loin du camp, sans qu'il puisse y faire quoi que ce soit. Une voix lointaine dans sa tête murmura au demi-dieu que, même s'il était présent, il ne pourrait rien faire en cas de danger. Il la fit taire aussi vite que possible avant de se sentir replongé dans sa cellule. Il ramena ses genoux contre sa poitrine et regarda d'un air pensif les doigts d'Alexis qu'il caressait du bout du pouce.

"Désolé. C'est juste que..."

Erwin sentit sa gorge se nouer. Il ne trouva pas les bons mots pour achever sa phrase. Qu'est-ce qu'il pouvait dire ? C'est juste que je t'aime. Hors question. Pas le moment. Pas du tout. Ou alors c'était une excuse... Le demi-dieu laissa sa tête glisser sur le dossier du fauteuil jusqu'à se retrouver sur l'épaule d'Alexis. Son regard se porta sur son carnet jonchant la table. Juste pour se raccrocher à quelque chose, visuellement. Il s'était détendu après son entraînement, il se sentait à présent complètement épuisé.

"C'est une quête, ça peut pas être si facile. J'ai pas envie de te savoir dans un endroit dangereux. C'est vraiment la dernière chose que je voudrais."

Ses doigts se resserrèrent sur ceux d'Alexis. Pour le moment, elle était encore là. Il avait envie de s'imprégner de sa présence, comme s'il pouvait créer une réserve à utiliser durant son absence pour oublier qu'elle n'était pas près de lui.

Alexis fixait Erwin. Elle voulait qu’il ne s’inquiète pas, qu’il ne se prenne pas la tête. Elle voulait qu’il rigole, qu’il dessine, qu’il fasse n’importe quoi qui montrait qu’il se détachait de cette information. Mais par-dessus tout, Alexis avait cette irrépressible envie de l’embrasser. Heureusement qu’Erwin avait détourné le regard car elle ne pouvait pas détacher ses yeux de ses lèvres. Le rouge vint discrètement colorer ses joues alors qu’elle tenta de chasser ce goût fantôme de ses lèvres.

« Désolé. C’est que… »

La phrase resta en suspend un instant. Alexis regarda Erwin, le détailla, alors qu’il avait remonté ses genoux contre sa poitrine, le regard vague. Du bout des doigts, il caressait la main d’Alexis et ce simple contact la faisait frissonner de plaisir. Encore une fois, l’ironie la fit presque rire. L’une des premières choses qu’elle lui avait dites était de calmer son envie de la toucher tout le temps et maintenant elle ne demandait plus que ça. Néanmoins, Alexis tenta de balaya cette pensée de son esprit. Ce n’était définitivement pas le moment.

« C'est une quête, ça peut pas être si facile. J'ai pas envie de te savoir dans un endroit dangereux. C'est vraiment la dernière chose que je voudrais. »

Erwin avait légèrement bougé, pour s’enfoncer encore plus dans le canapé. Sa tête était maintenant reposée sur l’épaule d’Alexis et la fille d’Arès dû se faire violence pour ne pas poser sa tête sur la sienne. Elle aurait pu s’endormir comme ça, blottie contre Erwin, alors que la pièce se faisait discrètement engloutir par la nuit. Au lieu de ça, elle secoua discrètement la tête.

« Je suis sûre que ça va aller. Ça pourrait pas être pire… »

Que le Labyrinthe ? Que de savoir Erwin kidnappé ? Que de passer des jours entiers sans savoir s’il était vivant ou mort ? De se battre contre le minotaure ? De réaliser que celui qu’elle aimait la voyait probablement comme un monstre ? Ça ne pouvait pas être pire que ça, c’est sûr…

« … que quand tu rentres chez tes parents après l’été. »

Alexis avait dit comme une généralité. N’importe quel pensionnaire quittant l’enceinte de la Colonie après l’été se mettait en danger perpétuel. Mettait sa famille en danger. Pendant neuf mois. À côté de ça, aller chercher une guitare en deux heures, c’était de la rigolade.

Alexis eut soudainement une idée. Elle pencha la tête en avant pour croiser le regard d’Erwin, ignorant cette envie qui revenait, et lui fit un sourire.

« T’as qu’à m’aider à préparer la quête. Les cartes, les horaires de bus. Comme ça tu verras qu’il n’y a aucun danger. »

Moins fun qu’un entraînement ou un cours de dessin, mais c’était du temps passé avec Erwin. Enfin, peut-être qu’il ne voulait pas. Peut-être qu’il aurait l’impression d’être dans la quête et ça lui rappellerait de mauvais souvenirs. Ou peut-être que non. Alexis était très nulle pour se mettre dans la tête des gens, peut-être devrait-elle arrêter.

"Je suis sûre que ça va aller. Ça pourrait pas être pire que quand tu rentres chez tes parents après l'été."

Erwin savait que c'était vrai, qu'un demi-dieu était tout aussi exposé aux monstres dès qu'il sortait du camp, que ce soit pour aller acheter une guitare ou pour revoir sa famille et retourner à l'école. Mais il y avait quelque chose de différent, d'indéfinissable qui restait ancré dans la tête du demi-dieu. "Quête" était synonyme d'inconnu. Alexis allait être envoyée quelque part à San Francisco, autrement dit dans un milieu qu'elle ne connaissait pas. Comment savoir où pouvaient se cacher les monstres ? Chez qui se réfugier en cas de besoin ? Où se cacher ?

"T'as qu'à m'aider à préparer la quête. Les cartes, les horaires de bus. Comme ça tu verras qu'il n'y a aucun danger."

Qu'il n'y avait aucun danger, c'était vite dit ! Néanmoins, Erwin ne pouvait pas nier qu'Alexis avait raison. Elle devait préparer cette expédition avant de partir. Et il ne la laisserait sûrement pas tout faire toute seule. Si il lui arrivait quelque chose par manque de préparation, il s'en voudrait toute sa vie. Ce n'était pas une activité qu'il rêvait de faire avec la fille d'Arès, mais puisqu'elle n'avait pas le choix de partir, il l'aiderait du mieux qu'il pouvait.

"Ok, je t'aide, chef."

Après tout, il serait avec elle pour la soirée. Erwin essaya de mettre de côté ses doutes et ses craintes. Autant profiter de ce moment à deux, même si ce n'était pas aussi amusant qu'une soirée sur la plage. Le demi-dieu se redressa et Alexis se leva pour aller chercher les cartes et les horaires qu'il lui fallait. Erwin, de son côté, partit dans son dortoir pour récupérer un bloc de feuilles qu'il n'utilisais pas ainsi qu'un stylo. Ce serait plus pratique pour Alexis de synthétiser ses informations sur une seule feuille au lieu de se promener avec une dizaine de documents sur elle.

Lorsque la fille d'Arès revint avec une petite pile de papiers en tous genres, Erwin l'attendait. Il avait profité de son passage dans le dortoir pour prendre deux coussins et deux couettes. Il avait posé les coussins par terre, de part et d'autre de la table. Le fauteuil était trop haut par rapport à cette petite table basse pour pouvoir s'y pencher confortablement. Une couette attendait Alexis, sagement pliée sur un accoudoir du canapé. La sang-mêlé posa ses trouvailles sur la table et échangea un sourire avec Erwin. Elle s'enveloppa dans la couette et prit place sur un des coussins sans rien ajouter.

* * *

Il était tard. Assis chacun d'un côté de la petite table, ni Alexis ni Erwin ne parlait. Seul le bruit du papier, des pages qu'on tourne, troublait le silence  de la pièce. Ça faisait déjà plusieurs heures que les deux demi-dieux avaient le nez plongé dans les cartes et les horaires de bus. Erwin ne levait pas les yeux du dépliant qu'il était en train d'éplucher. Il avait envie d'en finir avec cette recherche épuisante, il avait lu tellement d'infos en une soirée qu'il était sûr de rêver qu'il parcourait les Etats-Unis en métro. Il voulait en finir vite, mais hors de question de bâcler le travail et qu'Alexis parte sans être suffisamment préparée.

La fille d'Arès se redressa et s'étira en soupirant. Erwin la regarda sans bouger. Elle lui sourit, il lui sourit aussi. Il n'avait pas du tout envie qu'elle s'en aille déjà. Il aurait voulu qu'elle soit là pour toujours. Qu'ils restent dans cette pièce tous les deux encore des heures. Qu'Alexis reste au camp. Avec lui.

"Tu veux faire une pause ? Il manque encore quelques infos qui pourraient te servir, mais pas beaucoup. On peut se permettre de perdre un peu de temps si tu veux."

Erwin proposait ça d'un air indifférent, mais c'était en fait lui qui voulait faire une pause. Il n'était plus sûr de savoir encore différencier les horaires des bus de ceux d'ouverture des magasins. Il avait tant d'infos en tête qu'il avait peur de les mélanger. Heureusement qu'il prenait soin de noter tout ce qu'il lisait d'intéressant, parce qu'Alexis n'aurait jamais pu compter sur sa mémoire pour l'aider. A tous les coups, elle se serait perdue au fin fond des Etats-Unis et serait revenue deux mois plus tard si elle avait suivi les directives qu'Erwin retenait mentalement.

La fille d'Arès se pencha en avant, posa ses coudes sur la table et regarda Erwin en souriant. Elle avait l'air fatiguée, mais le fils de Poseidon la trouvait toujours aussi rayonnante. Il aimait la voir sourire, il aimait quand leurs regards se croisaient, il l'aimait pour une multitude de petits détails qui lui réchauffaient le coeur. Pendant une seconde, le temps fut comme figé, Erwin imprima tous les détails d'Alexis dans sa tête. Bizarrement, c'était plus facile de retenir ça que les plans de San Francisco...

« Ok, je t’aide, cheffe. »

Le sourire d’Alexis ne put que s’agrandir davantage, même si le cœur d’Erwin n’était pas vraiment dans ce planning. L’idée même de passer un moment tous les deux, même si c’était pour programmer l’exécution de la liste de courses d’Apollon, réchauffait le cœur de la fille d’Arès qui dû se faire violence pour ne pas prendre Erwin dans ses bras. Ç’aurait été trop bizarre. Beaucoup trop.

Après de rapides échanges, Alexis s’éclipsa pour récupérer tous les plannings de bus et cartes de San Francisco qu’elle pouvait trouver et qui traînaient un peu partout. Quand elle revint dans la pièce commune, Erwin avait glissé des coussins autour de la table et avait prévu un plaid. Alexis n’avait pas besoin de se faire prier pour se glisser dedans. Si seulement cette soirée pouvait durer éternellement…

***

Les heures étaient passées à une vitesse folle. Erwin et Alexis fonctionnaient comme un tandem parfaitement huilé. Erwin repérait les informations, de façon décousue, les passaient à Alexis et elle arrivait à en faire quelque chose. Elle avait un peu du mal à se repérer sur la carte, mais le fils de Poséidon semblait toujours trouver la solution. Finalement, un plan commençait déjà à germer dans l’esprit d’Alexis.

Le plus compliqué restait les bus. Le système de transports en commun était chaotique. Tous les horaires se mélangeaient, se brouillaient. Alexis avait le cerveau en compote et Erwin était tout aussi en galère qu’elle. Finalement, à force d’être assise en tailleur, Alexis commençait à sentir ses articulations qui se faisaient douloureuses. Alors elle se leva pour s’étirer et laissa échapper un soupir.

« Tu veux faire une pause ? Il manque encore quelques infos qui pourraient te servir, mais pas beaucoup. On peut se permettre de perdre un peu de temps si tu veux. »

Alexis, encore un sourire aux lèvres, observa Erwin qui était toujours assis. Il feignait un air indifférent alors qu’il était clairement celui qui avait le plus besoin d’une pause. Malgré tout, Alexis fit mine de réfléchir, allant jusqu’à poser un doigt sur le coin de ses lèvres. À vrai dire, elle était plus occupée à observer Erwin qu’à réellement réfléchir à un plan.

Après ce court instant de réflexion – ou plutôt de contemplation – Alexis s’installa de nouveau par terre et posa les coudes sur la table. Elle n’arrivait décidément pas à effacer ce sourire niais qui prenait toujours place sur son visage quand elle avait Erwin aussi près d’elle. Elle n’essayait cependant plus de le dissimuler – c’était inutile.

« Je vais juste envoyer un iris message à Elliot, il pourra peut-être se renseigner sur le magasin. Je reviens ! »

Alexis se redressa de nouveau et se dirigea vers les toilettes. Elle avait besoin d’une source d’eau pour envoyer son message et il n’y en avait malheureusement pas dans la salle commune. Une fois la drachme lancée et l’incantation récitée, le visage d’Elliot apparu. Elle lui expliqua brièvement la situation et il promit d’aller se renseigner sur Internet pour la rappeler rapidement.

Quand Alexis revint dans la salle commune, Erwin était toujours assis par terre mais avait la tête penchée en arrière, les yeux fermés. Alexis avait terriblement envie de tracer les courbes de son visage avec ses doigts mais se contenta de s’assoir à côté de lui. Elle déposa discrètement le verre d’eau qu’elle avait dans la main sur la table et fit un grand sourire quand Erwin ouvrit les yeux. Il semblait légèrement surpris – peut-être qu’elle était trop près ? – mais ne fit aucun commentaire.

« Je t’ai ramené un verre d’eau si jamais tu avais soif. »

La proximité entre Erwin et elle était telle qu’Alexis ne savait pas très bien si elle était heureuse ou gênée. Alors elle détourna légèrement le regard pour poser ses yeux sur les plans qui traînaient encore sur la table.

« Merci au fait… de m’aider. T’étais pas obligé. »