Alexis était allongée par terre, les jambes coincées sous un tuyau qui dépassait du béton, le haut du corps pendant mollement dans le vide. Ses cheveux volaient au vent et le sourire sur son visage était complètement tordu, qu’il soit à l’endroit ou à l’envers. Alexis, fascinée, ne quittait pas des yeux un bâtiment plus loin duquel des flammes s’élevaient pour lécher la voute stellaire. Au loin, des sirènes déchiraient la nuit.

Alexis explosa de rire.

De la même façon qu’elle avait fait exploser cet immeuble.

Lentement, Alexis se redressa. Bien qu’elle aurait aimé profiter du spectacle morbide pour le reste de sa vie, elle avait d’autres chats à fouetter. Avec une agilité presque ridicule, elle se glissa dans la nuit et se retrouva de nouveau à l’intérieur de l’immeuble dont le toit lui avait servi de perchoir. Tout en chantonnant sans discrétion, la jeune femme descendit les marches de l’immeuble. Ce dernier était désaffecté, alors elle ne craignait pas d’y rencontrer quelqu’un. Quelques rats tout au plus, mais elle s’en ferait des amis sans problème.

Quand Alexis ressortit de l’immeuble, son sourire s’agrandit davantage. La fumée dans l’air noyait les ruelles et quelques passants se pressaient autour d’elle – pour voir ou s’enfuir, ils hésitaient encore. La jeune femme, elle, toujours décontractée, pris le chemin opposé. Elle n’avait plus rien à voir, elle avait effectué la tâche qu’on lui avait assigné. Peut-être de façon un peu trop voyante. Adamson n’allait pas faire sa difficile de toute façon, elle savait ce qu’il se passait quand elle envoyait Alexis nettoyer derrière les Chimères.

Satisfaite de cette distraction, Alexis enfonça ses mains dans ses poches et se dirigea vers le premier fastfood qu’elle croisa pour y commander un énorme burger aussi dégueulasse qu’il n’était gras. Dans l’attente de son repas, elle put se délecter des échanges entre les passants. Encore une explosion… Tu crois que c’est quoi cette fois ? Cette ville craint. Alexis dû se faire violence pour ne pas exploser de rire de nouveau et garda un visage froid, impassible. Finalement, son repas fut servi et la jeune femme se perdit de nouveau dans les rues de la ville.

Accroupie par terre, près d’une poubelle, la capuche sur la tête, Alexis se nourrissait de frites au goût infâme. De temps en temps, elle en balançait des morceaux devant elle où des cafards et autres nuisibles venaient se servir. Puis, des bruits de pas vinrent dans sa direction. Alexis ne daigna même pas relever la tête, attendant que la silhouette se sépare de la pénombre et que les pieds s’arrêtent à quelques centimètres d’elle. Enfin, un sourire narquois aux lèvres, Alexis leva les yeux.

« Solan, que me vaut cette visite nocturne ? »

Sa voix froide et détachée ne permettait pas d’éteindre l’étincelle qui s’était allumée dans son regard. Solan, à chacune de ses apparitions, déclenchait un brasier funèbre dans le corps d’Alexis. Pour lui, elle aurait pu brûler la ville, éventrer son propre père, tuer n’importe qui. Pour lui, elle pourrait se faire sauter le crâne. Ou le sien, elle hésitait encore. Tant de sentiments contraires ! Alexis s’en amusait terriblement.

Solan n’avait pas failli à sa mission, comme d’habitude. Mais il avait laissé des traces. Il sortit sans se presser du bâtiment désaffecté dans lequel il avait réussi à faire chanter le patron du plus grand bar souterrain de la Nouvelle Rome. Celui de la partie accessible aux gens armés, évidemment, et c’était mal famé, bien sûr. Il n’y avait eu qu’un mort, et un blessé. Grave, d’accord, mais un seul. Il aurait pu crever aussi que Solan s’en serait battu les couilles. Les gens meurent, les gens se blessent, ça arrive, c’est la vie. De toute façon, c’était un accident. Tant pis, ce n’était qu’une perte minime face à tout ce que les Chimères avaient pu gagner ce soir-là. Solan n’avait pas tout bien compris, mais le marché était bon pour les affaires.

***
Son fouet enroulé à sa ceinture et sa hache sur l’épaule, il déambulait dans les rues un peu au hasard. A vrai dire, il flânait, heureux de vivre sa petite vie tranquille, quand soudain, une explosion retentit. Un peu plus loin, un bâtiment prenait feu. Le bâtiment dans lequel il s’était trouvé quelques heures auparavant. Solan ne put s’empêcher de sourire. Qu’est-ce que c’était beau, ces flammes infernales, ce panache de fumée qui montait si haut dans le ciel en plus d’envahir les rues… Absolument terrifiant ! Les sirènes d’alarme ne tardèrent pas à résonner en ville. Il adorait les sirènes. C’était bon signe, de potentiels blessés, du sang, des fractures ouvertes par exemple…

L’air rêveur, il continua sa marche tranquillement, faisant tournoyer sa hache un peu au hasard, rasant les rares passants encore là de très, très près en riant. Dans la panique, personne ne faisait réellement attention. Un sourire fou lui déformait le visage. Au détour d’une ruelle, il s’agenouilla devant un gamin qui était collé au mur, l’air visiblement terrifié devant son arme. D’un geste vif, il asséna sa hache contre le béton, à quelques centimètres à peine de sa tête. Il éclata de rire en voyant que le gamin se pissait dessus de terreur, puis il lui extorqua ses quelques pièces avant qu’un individu inconnu au bataillon mais définitivement fort stupide ne s’interpose.

Ce dernier ne fit pas bien plus le malin lorsque Solan replia sa hache en bague qui se glissa toute seule à son pouce pour sortir son fouet de l’étuis qui le maintenait à sa ceinture. D’un mouvement du poignet, il emprisonna le poignet du débile qui avait osé interrompre son petit jeu et s’approcha, un sourire mielleux aux lèvres. S’il en voulait plus… Finalement non, Solan n’avait pas très envie de se casser le cul à abimer qui que ce soit. Surtout en public. Rae n’en serait pas très contente. Au lieu de ça, il se contenta de faire frissonner d’horreur le pauvre con tandis que le gamin s’enfuyait au loin parmi les nuages de fumée.

Il s’éloigna en sifflant de manière relativement agaçante, s’enfonçant dans le petit passage qui menait droit sur une grande avenue, saturée de fumée. Les flammes continuaient de monter et le rideau opaque ne faisait que s’accentuer, si bien que Solan ne pouvait plus respirer correctement. Avec un grognement, il prit donc la direction opposée et marcha un petit moment avant de s’engager dans une autre petite ruelle. Une silhouette se découpa dans l’ombre, près d'une poubelle débordante de déchets et le jeune homme sourit en songeant qu’il pourrait récupérer encore un peu d’argent. Un pauvre mendiant ne manquerait à personne… Il s’avança dans l’obscurité, sourire aux lèvres, puis son sourire lui donna l’air encore plus barge : c’était Alexis.  

Il s’avança avec encore plus d’assurance, et s’arrêta net à peine à quelques centimètres d’elle. Elle mangeait. Son estomac grogna légèrement. Il ne savait si c’étaient les frites ou elle qu’il avait envie de se faire, mais il avait faim. Ah, Alexis… Une telle puissance destructrice dans un si petit corps… Il en frissonnait presque de plaisir. Il se doutait bien que c’était elle qui avait fait exploser le bâtiment, et il sourit de plus belle lorsqu’elle daigna enfin lever les yeux vers lui pour lui dire :

‘’Solan, que me vaut cette visite nocturne ?’’

Dans son regard brûlait une lueur qu’il n’appréciait que trop bien, malgré son ton froid et dénué d'émotions. Il ne répondit rien et s’agenouilla à ses côtés, piochant une frite sous le regard manifestement mécontent de la jeune femme. Tout en se léchant le pouce, il lui répondit :

‘’Rien. Me regarde pas comme ça, t’as d’la chance que ce soit pas toi que je bouffe, Alexis.’’

Un sourire provocateur aux lèvres, Solan décida de s’asseoir proprement à côté d’elle. Malgré lui, une petite flamme dansait au creux de ses entrailles. Il adorait Alexis, vraiment. Elle était terrifiante, incroyablement hilarante, et complètement barrée. Oh, ça, oui, il l’adorait… Peut-être plus que de raison, tellement fort que parfois, il avait envie de lui éclater la gueule contre le mur. Mais la garder en vie était nettement plus intéressant pour lui. Elle avait le don d’enflammer les passions en lui. Oui, vivante, elle était mieux. Pour l’instant.

Il piocha une nouvelle frite dans la barquette en plastique. Proprement dégueulasse, soit dit en passant. Mais il avait faim, et une forte flemme d’aller au fast-food au coin de la rue, alors il se contenterait de ces frites-là, même si ça devait lui coûter une main.

‘’Alors comme ça, t’as encore fait exploser un petit building ? C’était comment ?’’

Une lueur fiévreuse brûlait dans les yeux de Solan lorsqu’il l’imaginait à l’œuvre. Incroyablement, excessivement et parfaitement destructrice.

Dans un premier temps, Solan garda le silence. Alexis se contenta donc d’ignorer sa présence. S’il ne parlait pas, elle n’allait pas faire la conversation toute seule. Finalement, il s’agenouilla à ses côtés et lui piqua des frites. Lasse, elle tourna la tête dans sa direction. Est-ce que ce goujat venait réellement de lui voler de la bouffe ?

« Rien. Me regarde pas comme ça, t’as d’la chance que ce soit pas toi que je bouffe, Alexis. »

Un sourire amusé se dessina sur les lèvres de la jeune fille mais Solan avait déjà détourné le regard pour s’assoir plus convenablement. Est-ce une invitation ? brûlait-elle d’envie de demander. À la place, elle se vautra un peu plus contre le mur sur lequel elle était appuyée, étendant ses jambes devant elle. Solan pris ce changement de position comme une invitation à lui prendre encore plus de frites. Alexis lâcha un soupir presque dramatique mais n’ajouta rien. Peut-être que si elles n’avaient pas autant le goût d’huile rance, elle aurait pu se battre. En attendant, qu’il s’intoxique, elle n’avait plus faim. En tout cas, plus de frites.

« Alors comme ça, t’as encore fait exploser un petit building ? C’était comment ? »

Une étincelle de malice s’alluma dans le regard d’Alexis. Parler de la destruction qu’elle semait sur son passage… il n’y avait rien de mieux pour entamer une conversation ! Rares étaient les personnes qui aimaient le pouvoir d’Alexis, ou qui en parlaient volontiers. Adamson, évidemment, l’appréciait mais uniquement pour ses capacités… à nettoyer. Le reste ne l’intéressait pas. Il n’y avait que Solan, et son sourire carnassier, qui éprouvait un réel plaisir à écouter Alexis parler des explosions qu’elle semait sur son sillage. Alors elle se redressa davantage, plantant son regard dans le sien.

« Fabuleux, comme d’habitude. D’abord, j’ai foutu de l’essence partout. Puis j’ai démonté quelques tuyaux à gaz. Alexis explosa de rire avant de se reprendre. J’ai croisé ton sale travail, puis je suis ressortie. Et là… BOUM. Il n’a suffi que d’une impulsion pour que tout s’embrase. Un spectacle édifiant. »

Alexis, mimant une explosion silencieuse avec ses mains, termina sa tirade en se vautrant de nouveau contre le mur. Sa capuche cachait de nouveau son visage, mais Solan n’avait pas besoin de voir l’étincelle dans ses yeux pour comprendre les sentiments qu’Alexis ressentaient. Son corps entier exaltait de plaisir. Enfin, après quelques secondes, elle se calma. Elle balança le reste de frites sur Solan et se releva.

« Enfin bien sûr, tout ça ne serait pas arrivé si tu foutais moins le bordel derrière toi. T’es vraiment un gros dégueulasse. Je sais même pas comment Adamson fait pour te confier encore des missions. »

Son regard était de nouveau froid. Les mains dans les poches, Alexis toisait Solan de la tête aux pieds. Puis, elle verrouilla son regard dans ses yeux. L’envie de le plaquer contre se mur et de l’embrasser vint lui chatouiller l’esprit, mais elle se contenta d’un sourire mesquin, appuyant l’attitude hautaine qu’elle venait de revêtir.

Une drôle de flamme passa dans les yeux d’Alexis au moment où il posa sa question et durant l’espace d’un quart de seconde, il aurait pu jurer que ses prunelles étaient rougeoyantes comme des braises. Solan la dévisageait, attendant une réponse complète, qui vint enfin une fois que la fille d’Arès se fut redressée pour le regarder :

‘’Fabuleux, comme d’habitude. D’abord, j’ai foutu de l’essence partout. Puis j’ai démonté quelques tuyaux à gaz. J’ai croisé ton sale travail, puis je suis ressortie. Et là… BOUM. Il n’a suffi que d’une impulsion pour que tout s’embrase. Un spectacle édifiant.’’

Alexis riait, décrivait la scène avec ses mains en même temps, puis finit par s’écrouler lamentablement contre le mur, détournant son regard du sien. Pour peu, Solan aurait sifflé d’admiration. Mais Alexis restait Alexis, et finalement, il restait un peu frustré. Autant par le fait qu’elle ait détourné le regard qu’il ait été absent pour admirer le spectacle avec elle. La capuche rabattue sur sa tête, elle masquait à moitié son visage, ce qui forçait Solan à réfréner ses plus bas instincts. Il la voyait jubiler et ça ne faisait que le titiller davantage. Puis il se prit une pluie de frites grasses et huileuses sur la gueule.

‘’Enfin bien sûr, tout ça ne serait pas arrivé si tu foutais moins le bordel derrière toi. T’es vraiment un gros dégueulasse. Je sais même pas comment Adamson fait pour te confier encore des missions.’’

Outré, Solan se releva avec à peine une seconde de décalage. L’accusation n’était pas le sujet, non. Bien sûr qu’il était dégueulasse. Bien sûr qu’il foutait le bordel. Rae ne lui fournissait des missions que parce qu’il était particulièrement… persuasif. Non, il était outré parce qu’il venait de se prendre de la nourriture sur le coin de la gueule. Une grimace lui barrait le visage tandis qu’il retirait une frite de ses cheveux pendant qu’Alexis le regardait froidement, avec un sourire sournois. Haussant les épaules, il répondit en ricanant :

‘’Qu’est-ce que tu veux, j’suis efficace. Rae a eu ce qu’elle voulait. Moi aussi.

Il s’approcha un peu plus d’Alexis, collant presque son nez au sien. Son ton était un peu plus calme désormais, plus obscur, plus lourd, plus menaçant aussi.  

‘’Toi aussi. Tout le monde est content !’’

Là, Solan ne tenait presque plus en place. Ses iris étaient totalement dilatées, brillant presque dans le noir de la nuit. Il ne savait pas quoi lire dans les yeux d’Alexis, mais il était persuadé qu’elle ressentait la même chose que lui. Une sorte d’excitation, tous les sens à l’affut, une montée d’adrénaline qui lui donnait envie de lui sauter dessus. Mais il n’en fit rien. Pas encore. Il se contenta de glisser son bras sous le sien, et l’entraîna avec lui sans dire grand-chose de plus, mais en chantant à tue-tête le refrain d’une chanson au hasard qu’il avait entendu à la radio.

Solan savait parfaitement où il allait. Ses pas le menèrent à l’usine laissée à l’abandon depuis des années. Il brûlait d’envie de voir encore de ses yeux ce qu’Alexis était capable de faire. A l’intérieur de l’usine, un cadavre. Personne ne venait jamais ici, mais les gamins étaient si curieux de nos jours… Si curieux qu’ils ne pouvaient réfréner leur envie de curiosité morbide et venaient finalement à cet endroit, peut-être pour se faire peur. Ça tombait mal, pour Solan. Il ne faisait rien de particulièrement prohibé, mais son premier reflexe fut de faire flipper le gosse qui était venu là. Gosse qui était cardiaque, d’après le bracelet qui était accroché à son poignet.

Il n’en n’avait pas fallu beaucoup pour qu’il fasse un infarctus. Triste vie, petit ange parti trop tôt, tout ça, bla bla bla, rest in peace. Solan n’en n’avait rien à cirer. Il voulait juste que les preuves disparaissent avant que Rae ne découvre qu’il y avait un cadavre de trop dans ses plans. D’un ton très faussement aimable, il lui demanda :

‘’Alors, tu me montres ?’’

Bien évidemment, qu’il l’utilisait. Alexis était pratique. Pratique, et alléchante. Un sourire surexcité vint lui barbouiller le visage et il fixait la jeune femme comme un ours qui guettait son bout de viande.

« Qu’est-ce que tu veux, je suis efficace. Rae a eu ce qu’elle voulait. Moi aussi. Toi aussi. Tout le monde est content ! »

Alexis haussa un sourcil dubitatif face à Solan. Il s’était levé, rapproché d’elle et avait presque collé son visage au sien. Alexis pouvait sentir sa putride haleine venir lui chatouiller les narines et elle devait se faire violence pour ne pas lui exploser son genou dans les couilles. Ou lui rouler une pelle. L’hésitation lui fit perdre l’instant et Solan se reculait déjà, glissant son bras sous celui d’Alexis. De nouveau, la jeune femme soupira en secouant la tête. Quelle idée saugrenue lui avait encore explosé le crâne ?

Solan se mit à chanter à tue-tête une chanson horrible avec une voix qui aurait fait saigner les oreilles de n’importe quelle personne avec un semblant de connaissance musicale. Puisqu’Alexis n’y connaissait rien et ne possédait aucun sens du rythme, elle se contenta de tapoter un doigt contre son ventre, la main toujours dans la poche. Elle se laissa entraîner par Solan qui naviguait dans les rues comme si c’était son royaume – et ça l’était.

Finalement, une usine abandonnée se dessina sous les yeux d’Alexis. Une des nombreuses planques de Solan, là où il aimait faire hurler diverses personnes – de plaisir ou de souffrance, voire les deux. Alexis dû refréner un sourire narquois sur ses lèvres. S’il désirait faire l’un des deux ici avec elle, il allait être déçu. Il était hors de question qu’Alexis laisse les mains de Solan courir sur sa peau vu dans quoi elles avaient traînées – ses frites étaient vraiment répugnantes. Elle lui laissa néanmoins le bénéfice du doute – ou l’excitation de le rejeter, qui sait – et continua de le suivre, feignant une indifférence quelconque.

Enfin, un cadavre se dessina sous les yeux d’Alexis qui fronça les sourcils. Elle commençait à comprendre qu’elle avait fait fausse route et que Solan n’avait pas du tout prévu une partie d’amusement. En tout cas, pas dans ce genre-là. À la place, un gamin gisait par terre.

« Alors, tu me montres ? »

Le sang d’Alexis ne fit qu’un tour et elle poussa violemment Solan par terre. Elle le toisa de la tête aux pieds, le regard mauvais, vraiment mauvais. Elle enfonça de nouveau ses mains dans ses poches et pencha en avant pour planter son regard dans celui de Solan.

« Démerde-toi avec tes conneries, gros dégueulasse. J’suis pas à ton service. Tu t’appelles Adamson ? Non, c’est bien ce que je pensais. Si t’es pas capable de gérer un gamin tout seul sans le tuer, c’est pas mon problème. Démerde toi avec ce gosse et avec ta petite Rae. »

Puis, sans un regard de plus pour lui, Alexis quitta le hangar. Pour qui se prenait-il, ce goujat ? Alexis pensait qu’elle pouvait lui faire confiance en lui parlant de l’excitation que lui procurait son pouvoir mais en fait, il était comme les autres. Il se servait d’elle. Alexis cracha par terre avec hargne alors que la porte de l’usine s’ouvrit. Solan n’en avait visiblement pas fini avec elle. Sans un regard pour lui, elle leva la main bien haut pour lui faire un doigt d’honneur et la porte qu’il tenait toujours entre les mains lui explosa à la gueule.

Bien fait. Connard.

Alexis, une fois dans le hangar, ne sembla pas apprécier le spectacle. Elle le poussa brutalement au sol avec une force qu’il n’avait pas prévu, et il se retrouva à grimacer, l’arrière du crâne ouvert, qui saignait abondamment. Quelle garce… Son regard était plus que mauvais, maintenant. Solan comprit qu’il aurait dû rester devant l’usine, et non pas l’emmener à l’intérieur. Quel abruti. Alexis, les mains enfoncées dans les poches, le regardait toujours avec une lueur meurtrière dans les yeux, penchée vers lui.

‘’Démerde-toi avec tes conneries, gros dégueulasse. J’suis pas à ton service. Tu t’appelles Adamson ? Non, c’est bien ce que je pensais. Si t’es pas capable de gérer un gamin tout seul sans le tuer, c’est pas mon problème. Démerde toi avec ce gosse et avec ta petite Rae.’’

Comme s’il l’avait fait exprès, non mais vraiment ! Quel culot ! Puis Alexis s’en alla sans un mot de plus. Solan se releva, grimaçant, tâta l’arrière de son crâne ensanglanté d’un doigt, puis le porta à ses lèvres pour le nettoyer du liquide poisseux. Il s’approcha rapidement de la sortie, ouvrit la porte à la volée et observa Alexis, qui crachait par terre sans une quelconque once d’élégance. Sans même le regarder, elle lui fit un doigt d’honneur et la porte explosa sous les mains de Solan. Aouch.

Ses mains en sang elles aussi, quelques éclats de métal planté dans son corps et même dans son visage, Solan était désormais furieux. Où tout excité. Il ne savait pas vraiment, quelle importance ? Tout ce qui comptait, c'était l'adrénaline. Mais si elle croyait pouvoir s’en tirer comme ça… Il se mit à courir pour la rattraper, et en moins d’une minute, il était arrivé à sa hauteur. Solan l’empoigna fermement par le bras pour la forcer à se retourner vers lui. Les yeux flamboyants, le fils de Metus lui sourit d’un air malsain. La fille d’Arès avait peur de l’eau. Une peur bleue de l’eau. Ça l’aguichait tellement ! Il lutta un court instant pour ne pas lui sauter dessus, mais c’était peine perdue.

Finalement, il décida de ne pas la punir tout de suite. L’instant qui précédait la condamnation était toujours le plus savoureux. Il l’attira contre lui, ignorant la douleur qui parcourait son corps, et ses lèvres se collèrent sur les siennes sans plus de sommation. Un petit goût huileux immonde lui parcourut les papilles, mais ce n’était rien face à la peur qui émanerait d’elle sous peu, et qui le ferait frissonner de plaisir. Elle n’avait pas qu’à pas lui faire exploser une porte à la gueule, après tout. Il murmura tout près de son oreille :

‘’P’tet que t’aurais dû accepter de m’aider. Je n’y ai pas mis les formes, je le reconnais, mais quand même. Me faire du mal comme ça… C’est pas très joli, Alexis.’’

Il avait pris un ton exagérément poli, retirant un éclat de métal encore logé dans la peau de son visage, puis son pouvoir s’infiltra en elle. Solan ne relâcha pas le corps d’Alexis, la gardant le plus près de lui possible tout en se plongeant dans ses yeux animés par la terreur pure. Ce spectacle était fascinant. Alexis qui, d’habitude, n’était effrayée par rien, la voilà désormais en proie à l’effroi. Tout le corps de Solan était secoué de spasmes tant il était émoustillé. Là, dans ses bras, elle avait juste l’air d’un déchet.

Et il adorait ça.

Un maigre sourire se dessina sur les lèvres d’Alexis alors que Solan lui courait après. Elle adorait quand Solan lui courait après. Ça faisait naître des fourmis en bas de son ventre. À peu près les mêmes que lorsqu’elle lui marchait volontairement dessus juste pour entendre ses os craquer. Puis, il lui empoigna le bras et un brasier déchirant lui broya les intestins. Ses yeux rencontrèrent les siens au moment où elle reprenait un air indifférent, voire légèrement agacé. Elle le provoquait du regard pour qu’il parle.

« P’tet que t’aurais dû accepter de m’aider. Je n’y ai pas mis les formes, je le reconnais, mais quand même. Me faire du mal comme ça… C’est pas très joli, Alexis. »

La voix de Solan n’avait été qu’un murmure susurré au creux de son oreille, son souffle caressant sa peau avec dureté. Alexis frissonna malgré elle puis retint sa respiration lorsqu’elle sentit l’eau venir lui chatouiller les pieds, puis le ventre, puis les épaules. Lentement, Alexis se retrouva ensevelie sous l’eau, incapable de remonter à la surface. Sa respiration se fit plus saccadée alors que l’eau glissait lentement dans sa gorge, la noyant de l’intérieur.

Alexis avait envie de pleurer, de hurler de peur. L’eau lui faisait l’effet d’une flamme qui la brûlait de l’intérieur, la faisant suffoquer. Tout était terrifiant, horrible. Alors à la place… elle éclata de rire. Elle s’étouffa dans sa propre salive et le sentiment de peur la quitta. Alexis n’attendit pas une seule seconde de plus. Elle broya de sa main libre l’entrejambe de Solan, elle appuya si fort que le jeune homme fut obligé de ployer. Un sourire sadique se dessina sur le visage d’Alexis alors qu’elle surplombait Solan de toute sa hauteur gagnée. Elle se pencha lentement vers lui et effleura son oreille de ses lèvres.

« Je connais mieux ton pouvoir que je connais ton cul Solan, sois un peu original. »

Puis, Alexis sortit sa langue et lécha le lobe d’oreille de Solan avant de lui mordre. Enfin, elle le repoussa en arrière et le laissa tomber mollement par terre. Un tas d’émotions passa dans les yeux du jeune homme alors qu’Alexis remettait sagement ses mains dans ses poches, le regard toujours mauvais. D’un mouvement rapide de la tête, elle déclencha une explosion sous les fesses de Solan qui se releva brusquement. Puis une autre sous ses pieds. Et encore pieds. Finalement, elle explosa de rire.

« Danse pour moi, Solan, j’adore ça. »

Deux ou trois explosions plus tard, alors qu’elle n’entendait même plus les paroles de Solan sous ses rires, la jeune fille cessa. Elle retrouva un visage neutre, blasé, voire carrément indifférent.

« Allez, je te laisse, j’ai un rendez-vous. »

De nouveau, Alexis laissa Solan en plan sans un regard. Toute cette excitation qu’elle avait ressenti durant ces dernières minutes allaient se projeter sur quelqu’un d’autre… Quelqu’un qui allait passer la meilleure nuit de sa vie, contrairement à Solan.

Mal aux couilles. Il avait encore mal aux couilles. Alexis l’avait pas loupé. Tant pis, il ferait avec, comme souvent. C’était pas la première fois, ça serait pas la dernière non plus, il commençait à avoir l’habitude. Ce n’était pas ça qui l’emmerdait le plus. C’était surtout qu’elle l’avait lâché pour quelqu’un d’autre, et ça c’était vraiment, mais alors vraiment très agaçant. L’humeur plutôt mauvaise, Solan s’arracha des bras d’un Kieran endormi qui commençait à ronfler, puis s’habilla et sortit sans un regard en arrière. Bien sûr, il appréciait beaucoup Kieran, mais pas au point de rester lui faire des papouilles dans ses cheveux gras qu’il ne lavait jamais. Non pas que ça le dégoûte, mais il avait autre chose à foutre de sa vie.

Quelques jours maintenant qu’il n’avait pas croisé cette fille d’Arès qui faisait bouillonner l’intégralité de son abdomen. Il tapa du pied dans un caillou – ou un bout de roche, admettons – en marchant, peut-être un poil trop violemment puisque ce dernier atterrit avec fracas dans la vitrine d’une boutique de savon. Aucun blessé à déplorer, triste, mais une vitre à changer. Solan préféra pointer un doigt accusateur sur une bande de gamins en entendant Elena geindre qu’il allait falloir payer pour ça. Payer, et puis quoi encore ? C’est bon, il avait pas fait exprès de détruire son pauvre présentoir de merde.

Il traça sa route sans demander son reste, écrasant au passage quelques débris de verre, puis se dirigea vers l’armurerie. Maxine devait normalement s’y trouver, mais pour le moment, tout ce qu’il cherchait, c’était l’Arcanum, et à vrai dire, la fille de Vulcain lui passait un peu au-dessus de la tête ces derniers temps. Trop greedy, Solan n’avait pas autant de temps à lui accorder. Il la laissa néanmoins l’embrasser avant qu’elle ne le laisse entrer dans le bar. Solan commanda sa liqueur préférée une fois, puis deux, puis trois. Au final, il réclama la bouteille et paya argent comptant avant d’aller s’installer dans le fond de la salle.

Sur la petite scène se déhanchait une poufiasse dont il ne connaissait même pas le nom, une Chimère de bas étage qui avait à peine sa place ici. Sûrement une fille de Vénus, il la connaissait de vue… Athénaïs peut-être… Mais le plus délicieux dans tout ce spectacle, c’était la présence du fils de Neptune sur l’autre estrade, plus petite, avec une barre de pole-dance, et qui se déhanchait avec encore plus de passion sous les yeux émerveillés d’une bande de débiles qui couinaient de désir. Erwin, en rythme avec la musique, déboutonnait sa chemise de scène, pour le plus grand plaisir de Solan. Il ne put s’empêcher de se délecter de la vue avant de détourner les yeux pour analyser la petite foule à ses pieds.

Sans prêter attention au fait qu’Erwin arrache littéralement son pantalon tout en ondulant autour de la barre de pole-dance, Solan observa tour à tour les filles, les garçons, ceux entre deux, qui s’étaient massés autour de lui. Il leur servait son plus beau sourire sur fond sonore d’une musique envoutante, mais encore une fois, ce n’était plus ce qui intéressait notre fils de Metus.  Il put ainsi reconnaître Nova, Nathan et même Rae, cependant ce fut la présence d’Alexis, nonchalante, assise confortablement dans un fauteuil de cuir qui lui tira un sourire venimeux.

Sans bouger de sa place, Solan attendit le moment propice, tel un prédateur caché dans les hautes herbes. Il attendit, attendit encore… Erwin était maintenant accroché à la barre de pole-dance uniquement grâce à ses jambes, et faisait une concurrence bien rude à Athénaïs qui, malgré l’avantage qu’elle avait de pouvoir changer d’apparence à volonté, paraissait fade, si fade à côté de lui… Solan détourna son regard de la pauvre bougresse et se concentra un peu, juste un tout petit peu. Soudainement, les jambes d’Erwin lâchèrent le cylindre de métal et son regard paniqué parla pour lui. Puis il se cassa la gueule de manière magistrale et s’explosa le nez sur le bord de la scène.

En fond sonore, il y avait désormais une chanson bien plus sympathique que cette merde espagnole prétendument sensuelle. Quel dommage, Erwin aurait pu faire fureur sur ce rythme saccadé et beaucoup plus sombre. Ça collait parfaitement à sa personnalité. Mais à la place, il était glacé de terreur, le nez en sang, le tout à moitié à poil dans une position qui ne le flattait que très peu finalement. Et plus Erwin avait peur, plus Solan sortait de sa torpeur. Il adorait ça. Puis, comme si Alexis avait sentit sa présence, il l’observa se lever en se calant un peu plus au fond de son fauteuil.

Alexis ne lâchait pas des yeux Erwin, se délectant de chacun de ses mouvements. Son visage était aussi froid que son corps était bouillant. Chaque parcelle de sa peau brûlait de désir et d’envie alors qu’Erwin continuait de faire ses acrobaties devant une foule en chaleur. Peu importait le nombre de personnes devant Erwin, peu importait les cris et glapissements animal, Alexis savait que chacune des courbes de ce corps lui était promis. Erwin ne faisait ça que pour elle, uniquement pour elle. Comme à chaque fois, le fils de Neptune savait pertinemment quoi faire pour calmer les tempêtes qui dévastaient l’esprit d’Alexis.

Pendant une seconde, Erwin planta son regard dans celui d’Alexis. Un regard brûlant, un regard rassurant, un regard qui fit frémir Alexis de la tête aux pieds. Son visage, bien évidemment, était toujours impassible. Mais Erwin pouvait très bien lire ce qu’il voulait dans les yeux de son amante et repris sa danse avec un sourire satisfait. S’ils n’avaient pas été en public, Alexis lui aurait probablement sauté dessus, mais puisqu’il y avait du monde… Elle se contenta d’attendre patiemment l’after en salivant.

Erwin avait toujours été un drôle de personnage. Fils de l’ancienne cheffe des Chimères, sa place avait toujours été maintenue au chaud même après la mort de cette dernière. Plutôt discret, il savait faire oublier ses origines pour se contenter de s’amuser sans se salir les mains. Il avait toujours eu, dans son attitude, ses gestes, son regard, quelque chose de différent. Il y avait… de la bienveillance ? Alexis n’avait jamais réussi à mettre le mot dessus, pas même après des heures à pouvoir l’observer sous toutes ses coutures. Tout ce qu’elle savait c’est qu’il la faisait se sentir bien. C’était comme si, avec lui, tout ce qui faisait dérailler son cerveau s’apaisait, le temps d’un instant, le temps d’un soupir.

Aujourd’hui ne dérogeait évidemment pas à la règle. De nouveau, l’esprit d’Alexis avait déraillé. Elle avait eu envie de faire exploser des maisons, elle avait eu envie d’enfoncer sa main dans les entrailles de la première personne qui venait. Ou alors, de se jeter d’un immeuble pour tester. Alexis avait eu l’impression d’exploser de l’intérieur. Elle tremblait, tournait en rond, fulminait. Puis Erwin était apparu, comme à son habitude. Il n’essayait pas tant que ça de la calmer puisqu’il savait cela impossible, mais il avait décidé de lui changer les idées. Viens à l’Arcanum, je danserai pour toi. Et rien qu’avec ça, l’esprit d’Alexis ne s’était focalisé plus que sur lui. Le seul à qui elle ne ferait jamais de mal volontairement. Le seul qui voyait en elle un être humain. Le seul pour qui elle pleurerait s’il lui arrivait quoique ce soit.

Ce fut précisément à ce moment qu’Erwin se figea momentanément avant de chuter lamentablement. La tête explosée contre le bord de la scène, le nez en sang, le regard terrifié… Alexis dû se faire violence pour ne pas faire exploser l’intégralité de ce foutu bar. Au lieu de ça, elle resta impassible, enfonçant ses ongles dans la paume de sa main. Solan. Alexis ne lui avait toujours pas pardonné pour l’affront de la dernière fois, même si ça avait été amusant de le voir danser lui, et ne lui pardonnerait définitivement pas ça.

Alexis repéra Solan assez rapidement dans la salle. Elle n’avait qu’à suivre l’odeur du traitre et c’était tout trouvé. Sans un regard pour lui, la jeune femme se leva et s’approcha d’Erwin. Elle se hissa sur la scène sans difficulté et attrapa délicatement le bras d’Erwin pour le glisser sous le sien.

« Allez, suis-moi lover boy… »

Sa voix n’avait été qu’un murmure destiné à Erwin, une caresse pour son esprit terrorisé. Puis, lentement, très délicatement, elle laissa courir ses doigts sur le crâne d’Erwin, emmêlant ses cheveux sur son visage. Pendant un instant, elle croisa le regard de Solan. Elle aurait pu lui faire un doigt d’honneur, lui sourire, le menacer… Au lieu de ça, elle passa son regard sur lui comme s’il n’existait pas. Comme s’il n’était qu’une peinture amateure dans un cave abandonnée. Et elle s’enfonça dans les coulisses.

Ne plus être sous l’emprise du pouvoir de Solan calma Erwin presque instantanément. Lui comme elle savait reconnaître le goût de la peur infligée par le fils de Metus mais, à la différence d’Alexis, Erwin n’y éprouvait aucune joie. Une colère noire lui empourprait les joues et Alexis ne put s’empêcher de sourire quand elle l’entendit expliquer qu’il allait noyer ce connard de ses propres mains. Comme si. Finalement, au lieu de l’encourager comme elle aurait dû le faire, elle se contenta de s’approcher de lui et déposer un baiser sur ses lèvres. Le goût du sang mélangé à la salive et à la sueur cessa d’activer l’intégralité du corps d’Alexis. L’after avait commencé.

***

Il était tard lorsqu’Alexis émergea de l’Arcanum. Maxine était toujours là, le regard impassible, le visage blasé. Alexis ne lui accorda pas un seul regard, n’éprouvant aucune envie de débattre encore sur un sujet qui n’intéressait que l’armurière. Un vent glacial soufflait sur la ville alors qu’Alexis, la capuche vissée sur la tête, les mains dans les poches, du sang qui n’était pas à elle le visage, s’engouffrait dans une rue quelconque. Des bruits de pas finirent d’attirer son attention alors, lasse, Alexis se retourna pour faire face à Solan.

« On t’a déjà dit que suivre une femme en pleine nuit, ça se faisait pas tellement, Hamilton ? »

Solan observa Alexis se lever de son siège pour aller ramasser Erwin, qui gisait là, sur scène, le regard terrorisé, tel un déchet à l’abandon. Elle passa son bras sous celui d’Erwin et lui glissa quelque chose à l’oreille. Frustré de ne pouvoir entendre les quelques mots susurrés par Alexis, il s’enfonça dans son siège et avala une nouvelle gorgée de liqueur. Il la regarda entraîner le pauvre prince des Chimères à l’arrière, dans les coulisses. Il croisa vaguement le regard de la fille d’Arès avant qu’elle ne disparaisse. Hors de portée, Erwin devait maintenant être assez calme. Enfin, calme. Façon de parler. Il savait pertinemment ce qui se tramait derrière le rideau rouge qui ornait la scène. Il ne le savait que trop bien, et ça l’écœurait.

Ricanant du chaos qu’il avait provoqué parmi la petite foule d’amateur de striptease, il se leva et aborda finalement Ciryon, qui trainait là comme un pauvre bougre esseulé. Il l’attrapa par l’épaule, le retourna et colla ses lèvres sur les siennes, l’empoignant par les cheveux. Solan était frustré, et il voulait évacuer son exaspération, de préférence avec quelqu’un qu’il savait solide. Avec l’ombre d’un sourire, le fils de Metus l’entraîna avec lui vers la sortie, et ils passèrent devant Maxine, qui lui fit une moue boudeuse en les voyant tous les deux mains dans la main. Solan haussa les épaules, et proposa à Maxine de se joindre à eux d’un air nonchalant. Le sourire de l’armurière se fit salace.

Tous les trois ensembles, ils allèrent donc dans l’arrière-boutique, là où Solan pouvait se décharger un tant soit peu correctement alors qu’Alexis s’occupait de son propre cas avec Erwin. Enragé, notre fils de Metus fit bien des choses peu racontables, aussi sauterons-nous ce long moment de la soirée. Maxine était donc retournée, après moult péripéties en compagnie de Ciryon et Solan, à sa boutique, et le Centurion était reparti aux casernes pour dormir. Solan, lui, était allé aux Thermes pour se débarrasser de sa sueur, puis après avoir songé à aller dormir, il préféra finalement aller errer en ville. Peut-être y trouverait-il Kieran en train de semer la discorde.

Après avoir mangé un fast-food plutôt pas trop mauvais niveau rapport qualité prix pour éponger l’alcool qu’il avait ingurgité précédemment, Solan avait finalement dessaoulé. La marche dans le froid aidant, il décida donc de rentrer, n’ayant trouvé ni Kieran, ni qui que ce soit d’autre qui en vaille la peine. Mais une silhouette sombre se découpa dans l’obscurité des ruelles et attira son regard. Si ce n’était pas Alexis, il se trancherait la main lui-même. Et les dieux savent à quel point il tenait à ses mains. Alors il s’engagea dans la petite rue à sa suite. Il la suivit quelques instants de loin, puis pressa le pas pour arriver presque à son niveau. La jeune femme se retourna alors et lui lança :

‘’On t’a déjà dit que suivre une femme en pleine nuit, ça se faisait pas tellement, Hamilton ?’’

Solan la toisa des pieds à la tête en ricanant. Cette Alexis-là, elle était prête à lui latter les couilles une fois de plus. Mais Solan s’en foutait. Aussi lui répondit-il d’un ton moqueur :

‘’Tu sais bien que je ne fais que des choses peu recommandables, Alexis.

Le fils de Metus bouillonnait de rage, de désir, de rancœur, d’envie, de jalousie. Rien dans sa tête ne faisait sens, et il se laissait complètement dominer par ses émotions. C’était comme ça avec Alexis. Rien n’avait de logique, tout était purement animal, comme le sourire qui lui étirait les lèvres. Pas rassasié pour deux sous, une violente envie de la plaquer contre le mur et d’embrasser Alexis se fit sentir, mais il savait qu’en faisant ça, il risquait bien plus que de perdre ses couilles. Il se contenta de s’approcher d’elle, lentement mais sans aucune douceur. En songeant à ce qu’elle avait bien pu faire avec Erwin, la rage anima à nouveau son cerveau, avant qu’il ne pense à ce que lui pourrait bien faire avec Alexis.

Il mourrait d’envie de lui demander Alors, comment va notre cher Erwin ?, mais il se retint et se pencha tout près de son oreille pour lui murmurer :

‘’Au cas où tu sois pas entièrement repue de ton cher prince des Chimères, tu sais qu’il y a toujours moyen…d’aller ailleurs…’’