09h00 – Caserne des grecs, dortoir des garçons
Alexis ouvrit la porte avec une telle violence que c’était à se demander si elle n’y était pas allée à coup de pied. Elle s’approcha du lit d’Erwin, balançant l’exemplaire du Satyre Déchaîné qu’elle avait trouvé devant sa porte une dizaine de minutes plus tôt.

« Tu sais quoi Erwin, je commence à en avoir ras le cul d’avoir des gens qui font des suppositions sur ma vie sentimentale. Alors la prochaine fois que tu te fais des amis comme cette Nova, tiens-moi en dehors de vos discussions. »

Alexis bouillonnait de colère et fixait Erwin sans en démordre. Entre Andrew et ça, la fille d’Arès commençait à en avoir vraiment marre qu’on s’intéresse à elle. Peut-être que si elle avait mieux dormi, elle n’aurait pas été si encline à hurler sur quelqu’un. La pression a de drôles de façon de se calmer.  

Erwin n'eut pas le temps de se réveiller au claquement de la porte : c'est le journal dans son visage qui s'en chargea. Et les vociférations d'Alexis, un peu, aussi. Emergeant tant bien que mal, il se redressa dans son lit et saisit l'exemplaire du journal qui trônait sur ses draps.

"Putain, Alexis, c'est quoi le problème ?"

Jetant un regard sur la couverture du Satyre Déchaîné, Erwin comprit vite que quelque chose avait merdé. Il tourna les pages à toute vitesse jusqu'à l'interview.

"Merde, Nova, qu'est-ce qu'elle a fait !"

Se tournant vers Alexis, un début d'énervement dans la voix, le demi-dieu pointa les premières lignes de l'interview d'un index accusateur.

"Tu crois quand même pas que c'est ma faute ?"

Erwin mit quelques secondes à réagir, le temps de comprendre ce qu’il se passait. Pendant ce temps, Alexis fulminait. Quand Erwin prononça le nom de cette Nova, Alexis roula si fort des yeux que ce fut un miracle qu’elle ne se fasse pas mal. Tu crois quand même pas que c’est ma faute ? Répliqua le fils de Poséidon agacé.

« Je crois que surtout que certains ici savent pas se taire. »

Alexis parlait pour Andrew qui se trouvait sûrement quelque part ici, mais pas que. Alors, elle enchaîna, toujours aussi agacée :

« La prochaine évite de parler de moi à tes potes, ça évitera ce genre de malentendu complètement irréaliste. »

Irréaliste, hein ?

Erwin était là, à entendre Alexis s'énerver pour quelque chose qu'il ne comprenait pas. La laissant débiter quelques mots incendiaires, il lut quelques lignes de l'interview. Raaaaah Nova !

"La prochaine évite de parler de moi à tes potes, ça évitera ce genre de malentendu complètement irréaliste."

Erwin fut piqué par cette phrase. Elle était tellement injustifiée ! Il sortit de son lit d'un seul bond et se retrouva face à Alexis, le regard aussi brûlant que le sien. Il croisa les bras sur sa poitrine, le journal dans une main. Ce réveil brutal ne l'avait pas mis de bonne humeur.

"Nova, c'est pas une amie, c'est une fille de Venus à la ramasse ! Qu'est-ce que tu veux que j'aille lui dire ? Pourquoi je lui aurais parlé de nous ? Pourquoi je lui aurais fait croire qu'on est un couple ? Pourquoi pourquoi pourquoi ? Réfléchis, Alexis, merde !"

Ok, peut-être qu’Erwin avait raison quand il disait à Alexis de réfléchir. Mais maintenant, elle était énervée qu’il soit énervé. Il avait aucune raison d’être énervé. Alors, avec toujours autant de colère, elle répliqua :

« Ouais, t’as raison. Je vais réfléchir. Déjà, il n’y a pas de « nous » qui tiennent. Ensuite, bah tu sais quoi, pour éviter ce genre de malentendus, trouve-toi un autre professeur. C’était une super réflexion, salut. »

Malgré tout, Alexis ne bougeait pas. Elle continuait de le fixer, le regard noir. Oh, s’il voulait faire un concours de regards noirs, elle gagnerait haut la main.

Tout ce qu'Erwin voyait, c'est qu'Alexis tentait de le provoquer, de le faire craquer. Elle avait tort alors elle s'en prenait à un autre sujet, à un point plus sensible. Au lieu de cibler leur "couple", elle ciblait leur amitié. Et ça, ça n'annonçait rien de bon. Cette réaction paraissait complètement puérile. Et si même Erwin, qui n'était pourtant pas toujours un modèle en la matière, trouvait qu'Alexis faisait preuve d'immaturité, c'est que c'était bien le cas. Une telle réaction le blasait.

"Ok. Tu trouvais ça intelligent, je suppose ?"

Pointant un autre passage de l'interview, au hasard, Erwin continua.

"Tu trouverais ça normal si je débarquais en te reprochant des trucs que t'as pas faits ? Comme si je te disais..."

Il jeta un regard à la page pour lire ce qui était écrit sous son doigt, cherchant un exemple. Il s'offrit à lui.

"MAIS PUTAIN C'EST QUOI CETTE HISTOIRE DE RELATION À QUATRE ?"

Pendant un instant, voyant qu’Erwin était décidé à ne pas se laisser faire, Alexis se demanda ce qu’elle foutait ici, à lui hurler dessus gratuitement. Pourquoi lui ? Alexis roula des yeux quand Erwin se mit à jouer dans son jeu, cherchant un truc pour critiquer. Il se mit alors à hurler au sujet d’une relation à quatre. Alexis lui arracha le journal des mains pour lire de quoi il parlait puis le jeta par terre.

« Ahaha, vraiment très malin. Bravo. »

Ce fut à ce moment qu’elle vit Andrew qui la fixait, allongé sur son lit, la malice aux yeux. Alors elle fit la seule chose qu’elle jugea censée : elle sortit une dague de sa poche et la lança pour qu’elle se plante pile entre les cuisses d’Andrew.

« J’en ai une deuxième. Tu dégages maintenant ou la prochaine fois j’vise mieux. »

Ne demandant visiblement pas son reste, le grec s’en alla, non sans la fixer avec un air bien pire que d’habitude. Sa colère aurait dû être dirigé contre lui. À la place, elle reporta son regard sur Erwin.

« Tu vas me dire que tu n’as jamais parlé à Nova et que j’ai jamais été dans la conversation ? Personne de sensé invente des trucs comme ça, Erwin. »

Le dédain d'Alexis énerva d'autant plus Erwin. Elle venait lui reprocher bien trop de choses et il n'était pour rien dans tout ça. Lorsqu'elle tira une dague, il crut que la dispute allait dégénérer, mais c'est presque en soupirant de soulagement qu'il vit la lame se planter entre les jambes d'Andrew. Qu'est-ce qu'il faisait encore là, lui ?

"Tu vas me dire que tu n'as jamais parlé à Nova et que j'ai jamais été dans la conversation ? Personne de sensé invente des trucs comme ça, Erwin"

Et merde, voilà qu'elle réfléchissait vraiment. Erwin n'avait aucunement l'intention de mentir à Alexis, mais il sentait que sa réponse pouvait provoquer une nouvelle scène de cris.

"Si. Si, bien sûr, que j'ai parlé à Nova. Sinon d'où elle sortirait ? Et oui, ton nom est tombé dans la discussion, mais rien à voir avec tout ce qui est écrit là ! Tout ce que j'ai dit à Nova, c'est l'exact contraire de ce qu'elle dit dans ce journal !"

Si les propos déformés de Nova étaient compréhensibles, en connaissant un peu la fille de Venus, cette histoire de quatuor ne pouvait pas sortir de nulle part, elle non plus. Mais Erwin se mordit la lèvre pour ne pas envenimer les choses. Pas tout de suite...

Le regard toujours noir, Alexis écouta Erwin expliquer que oui, il avait parlé d’elle. À ce moment, Alexis aurait aimé faire exploser tout ce baraquement. Néanmoins, elle était étrangement en contrôle. Alexis rapprocha encore davantage son visage d’Erwin :

« La prochaine fois, essaie de pas du tout parler de moi. Tu verras, ça marche encore mieux. »

Sa voix était tellement tranchante que c’était à se demander si la dague n’aurait pas fait moins de dégât. Alexis détestait ce journal. Détestait qu’on parle d’elle. Et l’idée même qu’on parle d’elle dans son dos et que ce genre d’articles ressortent était le summum de ce qu’elle détestait.

En entendant Alexis, Erwin aurait voulu remonter le temps, l'emmener au moment de sa rencontre avec Nova et lui faire entendre toute la discussion. Rien de ce qu'il avait dit ne se rapprochait de ce qu'avait imaginé la Romaine. Une fille de Venus qui inventait des histoires et une fille d'Arès qui n'y mettait pas du tout du sien... Tout ce qu'il fallait à Erwin pour avoir envie de se défouler contre un mur.

"C'est Nova qui a commencé à parler de toi ! J'y suis pour rien ! Mais je vais pas perdre mon temps à t'expliquer, t'as pas l'air d'avoir la patience pour ça..."

Fixant Alexis, Erwin fit un pas vers elle. Il aurait aimé claquer des doigts et la faire disparaître. Se replonger sous la couette et dormir comme si rien de tout ça n'avait commencé. D'un ton piquant, il ajouta :

"De toute façon, tu sembles pas avoir besoin de moi pour apparaître dans les journaux. C'est quoi cette histoire avec Elliot et Caligula ? T'es allée les voir, eux, pour les réveiller à coup de journal ?"