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Hawthorn & Lemon balm [Drew/Cass]
 :: La Colonie des sang-mêlés :: Les lieux pratiques :: Les bungalows
Cassandre Torrance
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Hawthorn & Lemon balm [Drew/Cass]


Cassandre laissait monter l’angoisse doucement comme un volcan. Patiente, la lave se gargarisait au fond de son estomac, léchait les parois, grappillait centimètres par centimètres. Bientôt, elle glisserait entre ses dents, ruissellerait sur son menton tremblant et viendrait ronger les marches de bois du bungalow. Encore un peu de temps et elle pourrait faire de la Colonie la nouvelle Pompéi. Cette fois, pourtant, elle se méfie. C’est presque trop simple. Elle se sent attirée par la surface, galvanisée par une force qu’elle ignore, elle n’a pas eu le moindre effort à faire. C’est suspect. Même Cassandre perçoit sa confusion, là, juste sous son nombril. Sa main tressaille en frôlant le bois des jointures de ses phalanges. Dans sa gorge, l’air, les mots, les pensées, tout y reste coincé. Il n’y a de la place que pour la lave et la Brume. Celle-ci le fuit, s’échappe par chacun des pores de sa peau, violente, pensante, noire de toutes ses couleurs qui s’entre-déchirent. Il n’est presque plus qu’un Ventus égaré. Impossible de reconnaître ni les boucles blondes sur sa tête, ni le violet lilas de l’uniforme qu’il a pris soin de revêtir, ni l’éclat chaud de la lampe torche qui l’a mené jusqu’ici. Il n’est que brouillard.

Pendant un instant, il s’imagine fuir, courir à perdre haleine sans jamais s’arrêter jusqu’au Camp Jupiter. Marteler les quatre mille six cent kilomètres qui le sépare de sa chambre sans jamais regarder par-dessus son épaule de peur que la lave ne le rattrape. Mais ce sont les regrets qui le rattrapent avant même qu’il n’ait fait un pas en arrière. Il regrette son arrogance, il regrette de n’avoir rien fait, rien dit. Il regrette ce masque qui lui couvre trop souvent le visage, parlant à travers sa bouche de mots étrangers, offrant sourires trop parfaits, blagues trop grasses, et profond désir de faire ses preuves. Ce masque qui, fier ou inconscient, se rit de sa Brume et y cache tous ses petits secrets. Le faisant passer pour Atlas alors qu’il n’est que le serpent entre les mains de bébé Hercule.
Il regrette de ne pas avoir dit qu’il avait besoin d’aide. Cette mission était simple, et il n’avait osé piper mot devant les grandes toges blanc et rouge du Sénat. On lui faisait confiance pour la mener à bien. Il ne pouvait pas échouer.
Mais si confier l’interrogatoire de ce témoin pour cette simple affaire de vol, auquel le Sénat ne pouvait ni consacrer de temps, ni ignorer pleinement, relevait de l’affront pour la victime. Pas même directement à la Nouvelle-Rome, pas même supervisé. Il n’y avait que Cassandre pour ne pas remarquer l’avanie de sa quête. Et face à la porte du bungalow de Nyx, il se sentait demander une audience personnelle à Jupiter.

Sa Brume est trop impatience. Ravie de pouvoir, une fois de plus, le mettre à nu et tuer dans l’œuf les moindres de ses chances. La Peur la galvanise. Celle qu’il sent à travers la porte. Celle qui nourrit étrangement le volcan. Celle qui ne vient, pour une fois, pas de lui. Sa Nébuleuse coule dans les interstices, refuse d’attendre qu’on l’ait invitée pour rentrer comme un tapis de pétrole. Elle emmène avec elle les chuchotements, les images, la sueur qui goutte dans son dos, la lave entre ses lèvres. Elle se fait discrète au début, ne laissant s’échapper que de faibles gémissements, de petites craintes, des sursauts, des souffles coupés. Rien de bien méchant. Mais plus elle s’approche de la Peur et plus elle devient bavarde. Elle a envie de partager ses rêves de fuite, le bruit qu’il imagine des voitures qui klaxonneraient sur sa route, ses regrets plaintifs et les larmes qu’il retient agrippé à ses paupières. Plus de doute, quiconque habite ici sait qu’elle est là. Mais elle en veut plus encore. Sa Brume se laisse rire nerveusement, hurler au moindre grincement de porte, ressasser les centaines de scénarios que Cassandre crée et qui n’arriveront jamais maintenant qu’elle a tout gâché, exposer ses questions ses théories sur pourquoi réagit-il aussi puissamment à la Peur et elle ne manque pas de hausser le ton un peu plus pour qu’il l’entende derrière la porte. Il ne faudrait pas que d’autres pensionnaires ratent le spectacle. Sa Brume n’est pas rassasiée, elle veut la Peur, elle veut exploser, elle veut absorber tous les monstres inimaginables que cette Beauté peut créer. Elle a faim de cette émotion qui jamais ne tarit. Elle veut cette puissance, elle veut se perdre entièrement dans la Peur, exulter de tant de couleurs et de tant de vivacité, elle veut se faire entière comme elle ne l’a jamais été.

Cassandre vacille. Un peu plus et il perdra le contrôle. Un peu plus et il ne sera plus là pour répondre à sa mission. Un peu plus et il aura disparu au fin fond de son esprit, retranché derrière les barrières qui protègent le monde extérieur de ses émotions trop intenses. Il n’a guère le choix. Il n’en connaît pas d’autres.
C’est une catastrophe. Alors il attrape la poignée du bungalow, l’ouvre d’un coup pour en chasser la Brume. La lumière l’aveugle. Il n’a pas anticipé, pas prévu ce qu’il allait faire ensuite.

« Bonsoir Drew Hopper ! Je suis désolé de vous déranger aussi tard, j’ai pensé qu’en tant qu’enfants de la nuit, vous préfériez vivre de façon plus… nocturne. Je suis envoyé par le Sénat Romain pour vous interroger dans l’affaire de vol entre Jodie Marshall, Centurion de la Deuxième Cohorte, et Byron Shorts, fils de Hermès. Vous avez été retenu comme témoin oculaire et je dois donc vérifier votre témoignage. Cela ne prendra que quelques minutes, si vous le voulez bien. »

Il s’était adressé au plancher, d’une traite, sans reprendre son souffle. Il la sentait encore. La Peur était ici. Il allait perdre le contrôle s’il s’y éternisait.


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Re: Hawthorn & Lemon balm [Drew/Cass]

Quelqu’un, un jour, a inventé le couvre-feu. Peut-être que cette personne savait que des gens comme mon père et moi existait. Peut-être que c’était quelqu’un de bête.

Je me laisse tomber sur le pouf orange offert par Linda. Mon soupire meurt dans ma gorge, alors que j’allume une musique rythmée. La nuit perce à travers la fenêtre et mes épaules se détendent. Les enfants de Nyx dorment tellement mieux le jour… j’ai l’impression que ça serait plus facile de passer la nuit à danser. Mais on est pas là pour que les choses soient simples.

Je suis là pour des gens qui ne viendront pas.

Je ravale le sanglot qui veut gonfler ma gorge et me redresse. Mes cheveux tombent en cascade nocturne sur mon T-shirt orange, se fondant dans les manches de mon hoodie, comme des fantômes. Ça fait bizarre de me voir sans la jupe longue qui traîne sur mon lit. En legging, comme ça, avec des chaussettes à motif de soleil, je ressemble à une ado.

Je suis une ado, non ?

Je cligne des yeux devant le miroir, appuyé contre le placard. Quelques cicatrices décorent ma peau. Un petit paquet d’ambroisie attend sur une table de nuit. Les armes pendent au mur. Pour autant, les étoiles phosphorescente brillent, sur le plafond. J’inspire.

C’est la nuit qu’ils disparaissent le plus. C’est bête. La nuit, je ne peux de toute façon pas les voir. Alors quoi ? C’est sensé être le temps de ma mère. Est-ce qu’elle veut me torturer ? Qu’est-ce que j’ai fait pour ça. Ils sont loin.

Si la vie me condamne à la nuit, je serais le soleil.

La porte s’ouvre. Je sursaute, attrape mon cœur. Une silhouette se découpe derrière, enveloppée de chaos, de fumée. Je peux presque voir Landry en sortir, souriant, couvert de suie. « Il y a eu un petit accident », il dirait en guettant l’atelier en flamme. Mais Landry n’est et ne sera plus jamais là. A la place, c’est… je ne sais pas qui c’est.

« Bonsoir Drew Hopper ! Je suis désolé de vous déranger aussi tard, j’ai pensé qu’en tant qu’enfants de la nuit, vous préfériez vivre de façon plus… nocturne. » Je hausse les sourcils.

Il a quoi… 20 ans ? C’est vrai que c’est possible, pour un sang-mêlé, maintenant… et certains n’oublient pas grâce à qui, visiblement. Seulement mes amis… Je lui offre un large sourire.

« Je suis envoyé par le Sénat Romain » Je ravale un soupire et hoche la tête. « pour vous interroger dans l’affaire de vol entre Jodie Marshall, Centurion de la Deuxième Cohorte, et Byron Shorts, fils de Hermès. » Byron Shorts ? Je connais un Byron ? « Vous avez été retenu comme témoin oculaire et je dois donc vérifier votre témoignage. Cela ne prendra que quelques minutes, si vous le voulez bien. »

Je fronce les sourcils. « Témoin oculaire ? » Peut-être que j’en serais plus s’il raconte… « Ne restez pas dehors ! C’est l’habitat des moustiques, et ils adorent le sang des sang-mêlé ! » Je m’écarte pour l’inviter à entrer, toute sourire. « Bonjour monsieur… le sénat romain ? Vous avez oublié de donner votre nom. » Je ris poliment. « Vous buvez quelque chose ? » J’attrape la jupe sur mon lit pour la jeter dans un panier, débordant déjà de linge. Il faudra que je vérifie ce qui est propre… au moins, ça a l’air moins sale… je crois ?


La signature représente le personnage de Drew regardant au loin. Elle est accompagnée de la citation suivante, par Nina Bouraoui : La nuit est un masque. La nuit efface les formes. La nuit supprime les témoins. La nuit rend fou aussi. Ce n'est plus la réalité. C'est une autre vie, sans visage, sans angle, sans matière. La nuit est une noyade.
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Re: Hawthorn & Lemon balm [Drew/Cass]



Les petits soleils brodés dansaient devant ses yeux. Sur le parquet du bungalow, ils semblaient étrangement menus. Cassandre s’y accrochait comme si sa propre Brume pouvait le balayer d’une bourrasque.
Elle voulait qu’il fuît. Le plus loin possible de la Peur. Mais elle voulait aussi qu’il y reste, qu’il s’y baigne entièrement. Elle battait dans l’air entre le rouge acajou, le brun doré et son sempiternel gris granit qui semblait constituer le cœur de la Nébuleuse. Un cœur furieux, vif, indécis, où résonnait l’éclairage trop aigu, les odeurs artificielles acérées, les coins des meubles et les visages larmoyant dans les nœuds du plancher. Le Nuage était prêt à l’engloutir à nouveau. S’engouffrer par la porte grande ouverte, se déverser comme un raz-de-marée et noyer la Peur dans le reflux de la panique. Cassandre voyait déjà la catastrophe arriver. Il sentait ses mains devenir moites et impatientes. Il s’imaginait nuit des Enfers, furie ou messager du Styx. Incapable de retenir l’inévitable, attendant le matin comme une sentence et l’exil de sa faute.
Ses yeux ricochaient sur les motifs des rideaux molletonné, les étagères remplies de livres et de bibelots, les poignées de commodes en porcelaine peinte, les patins de feutre sous les pieds de chaises, les ombres tremblotantes des bougies aux rebords des fenêtres, l’éclat étoilé des pierres précieuses incrustées dans la fresque murale, le tranchant renversé des tubes de crème solaire, le papier corné des posters agrafés. Et les petits soleils. Ils revenaient sans cesse s’y échouer. La Peur vivait ici, mais il y avait des petits soleils.

Des petits soleils qui l’interrogeaient d’une toute aussi petite voix douce. Une voix qui l’invitait à entrer, une voix qui semblait trop satinée pour vivre dans un tel endroit. Une voix qui ne pouvait pas être celle de la Peur et qui ne semblait pas craindre de dormir dans ses draps. Une voix qui pouvait être l’Alcyon des chants Homérique ou l’Hrosshveli des rivages de son enfance. Une voix qu’il voulait croire, qu’il voulait suivre pour ne pas se retrouver seul sur la langue de la Peur. Alors il avait talonné les soleils qui s’écartaient, s’était avancé sur le parquet grinçant. La porte s’était refermée derrière lui et ses mains étaient aussitôt parties au fond de ses poches à la recherche de la sensation réconfortante du bois de son cube. Elles l’avaient pressé contre leurs paumes, jusqu’à en sentir la tendre douleur qui le ramenait hors des flots. Et sa Brume était retombée, discrètement derrière lui. Bouillant toujours à l’abri dans son dos.

« Bonjour monsieur… le sénat romain ? Vous avez oublié de donner votre nom. »

La voix riait et les soleils dansaient. Ses yeux ricochaient et les vagues refluaient contre sa colonne. La voix avait ri et ses cheveux d’ébène avaient frémi. La voix avait ri et il s’y était agrippé pour regarder ses yeux un instant. Noir. Vite, les soleils.

« Non, je ne suis pas le Sénat Romain. Le Sénat est une assemblée, pas une personne. Je suis envoyé par le Sénat, mais je n’en fais pas directement partie. Je ne suis même pas Centurion. Je dois juste vérifier les témoignages des gens que le Sénat veut interroger. Je m’appelle Cassandre Torrance, légionnaire de la Deuxième Cohorte et employé à temps partiel du Sénat. Même si je ne suis pas payé pour ça donc on ne peut pas vraiment dire employé. »

Son long manteau lui pesait sur les épaules, mais il aurait voulu qu’il soit encore plus long pour pouvoir y disparaître. Il n’aimait pas ces premières minutes de chaque nouvelle rencontre. Personne ne souhaitait suivre le script et sa voix sonnait toujours bizarre malgré les efforts. Il se sentait plus bizarre que d’ordinaire.

« Oui. Je bois de l’eau généralement. Des fois du thé, mais je n’aime pas trop, c’est surtout pour faire plaisir. »
Consterné par la question, il avait mis quelques secondes avant d’ajouter timidement. « Et vous ? »
C’était une étrange manière de faire connaissance. Mais pas beaucoup plus que de s’embrasser bruyamment les joues sans s’être jamais vu auparavant. Cependant, il préférait revenir à ce qu’il contrôlait.

« Vous avez été identifié comme témoin oculaire dans l’enquête concernant le vol qui a eu lieu il y a deux jours aux abords du bâtiment des douches. Nous avons besoin de recueillir votre témoignage pour mieux comprendre ce qu’il s’est passé et agir en conséquence. Il est donc très important que vous soyez aussi précis que possible, même sur les détails qui vous semblent insignifiants. Cela peut nous aider à avancer dans notre enquête. »

Planté comme un piquet au beau milieu de l’espace commun, il cochait mentalement les petites cases que constituait sa procédure. Il avait débité son texte appris par cœur sans prendre la peine de modifier les formulations ou de personnaliser les accords. Il fallait qu’on le prenne au sérieux. Alors il n’accepterait pas de s’éloigner du script d’un centimètre. La Peur pouvait le submerger, fracasser les planches sur lesquelles il se tenait, il avait assez d’air dans les poumons pour exploser s’il ne pouvait réciter ce qui lui servait de bouée de sauvetage.



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Re: Hawthorn & Lemon balm [Drew/Cass]

« Non, je ne suis pas le Sénat Romain. Le Sénat est une assemblée, pas une personne. » Je me mords la lève. Est-ce qu’il a mal pris ma remarque, ou juste pas compris ? « Je suis envoyé par le Sénat, mais je n’en fais pas directement partie. Je ne suis même pas Centurion. » Ok, je le mets mal à l’aise. Sa fumée magique change de couleurs… ça veut dire quoi ?

Stupides pouvoirs. Être plus malin.e la nuit ? Non ! Nyctalope ? Non ! Terrifiant.e ? Evidemment !

« Je dois juste vérifier les témoignages des gens que le Sénat veut interroger. Je m’appelle Cassandre Torrance, légionnaire de la Deuxième Cohorte et employé à temps partiel du Sénat. Même si je ne suis pas payé pour ça donc on ne peut pas vraiment dire employé. »
Le sénat devrait le payer. Ça a l’air de lui coûter, de venir. En fait, il a l’air de vouloir être n’importe où d’autre. Et c’est quoi ces soleils dans la fumée ? Est-ce que c’est un genre de projo magique ? Il me menace ? Non parce que j’ai rencontré Apollon, je suis pas sûre de pouvoir encore avoir peur de lui, même s’il peut me changer en tas de cendre…

Concentration, Drew ! Il s’appel Cassandre.

« Oui. Je bois de l’eau généralement. Des fois du thé, mais je n’aime pas trop, c’est surtout pour faire plaisir. »

De l’eau, donc… je dois avoir de l’eau. Linda ne me laisserait pas exister sans tout ce qu’il faut pour être un bon hôte. Et… pourquoi il a toujours son manteau ?

« Et vous ? » Il croasse presque, sa voix devenue toute petite et sa fumée toute charbonneuse. Peut-être que c’est comme les caméléon, qu’il veut se fondre dans le décor.

« J’adore l’eau ! Et le jus de fruit m’aidera pas à dormir. Pétillante ? Semi-pétillante ? Plate ? Citronnée ? » Je m’arrête devant le mini-frigo peint au motif de galaxy.

Je me souviens du jour où Landry a installé les étoiles qui bougent, sur la porte. Il a dit que c’était pour mon anniversaire, qui passait entre les étés où on ne se voyait pas. Je grimace. Les étoiles sont toujours là, peinte des mêmes couleurs phosphorescentes que ma rave party. Il ne l’est plus.

« Vous avez été identifié comme témoin oculaire dans l’enquête concernant le vol qui a eu lieu il y a deux jours aux abords du bâtiment des douches. Nous avons besoin de recueillir votre témoignage pour mieux comprendre ce qu’il s’est passé et agir en conséquence. Il est donc très important que vous soyez aussi précis que possible, même sur les détails qui vous semblent insignifiants. Cela peut nous aider à avancer dans notre enquête. » Il débite son discours, entre le bleu et le vert. C’est un code romain ? C’est pour m’avertir ?

« Les douches. » Je hoche la tête.

Je ne crois pas avoir du vol aux douches, mais il a peut-être plus précis… et puis, un enfant d’hermès… disons que ça reste cohérent. C’est des fripouilles, parfois.

« C’est très cool, mais on peut faire ça assis. » Je suis un hôte horrible. Il a l’air hyper mal à l’aise. Je souris mal ? Il faut que je souris mieux. « Il fait trop froid ? » Je dévisage sa veste, juste une seconde, avant de me reprendre. « Il y a un porte-manteau, là. Et je peux chercher un plaid, si jamais. Ou un radiateur d’appoint. » Je désigne le croissant de lune, au mur, d’où pend mon long manteau noir. « Oh, j’oubliais. L’eau ? » Je me tourne vers le frigo.

Mon cœur se serre. Mon sourire tombe. Mes yeux s’écarquillent. Une seconde, deux. Le mécanisme bouge. Il me souhaite joyeuse anniversaire. Il n’est pas là pour le faire. Je tremble. Il tombe. J’inspire, le souffle sifflant, presque hoquetant. Je tombe aussi, d’une certaine manière.

Non. Je ne suis pas tombée.

Je m’efforce de sourire. Je ne peux pas pleurer. Le soleil ne pleure pas. Les enfants de la nuit en sont la lumière. Je ne dois pas… je me tourne vers l’hôte, remet mon sourire comme un masque. Est-ce qu’il verra la rougeur de mes yeux ? Leur humidité ? Je dois avoir l’air tellement suspecte.

« Tout ça sera beaucoup plus confortable avec un peu d’eau. » Je serre la porte du frigo. Mes phalanges blanchissent. La pression endort les tremblements.


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Re: Hawthorn & Lemon balm [Drew/Cass]



Cassandre avait ignoré la réponse de Drew. Ses yeux avaient quitté les soleils de ses chaussettes pour se fixer sur les étoiles mobiles du mini-frigo. Il s’était laissé hypnotisé par les couleurs un instant avant de revenir aux pieds de l’enfant de Nyx. Les mots ne s’étaient pas enregistrés, surplombés par la procédure qu’il suivait scrupuleusement. Il avait procédé à la première partie avec succès, mais avant qu’il ne puisse enchaîner, les petits soleils s’étaient mis à parler très vite.

Douches. Cool. Mais. Assis. Froid ? . Plaid. Jamais. Ou. Appoint. Oh. Eau ? Quoi ?

Drew n’avait pas bougé pourtant, Cassandre avait l’impression de l’avoir vu faire quinze fois le tour de la pièce comme une bille de flipper. Les mots n’étaient pas si rapides en réalité, mais il ne s’y attendait tellement pas qu’il lui était presque impossible de traiter les informations. Comme si la dyslexie pouvait se matérialiser, les mots, les phrases, les formes qu’avait faits la bouche du soleil se mélangeaient, jouaient à saute-mouton, échangeaient de place pour ne former qu’une suite de sons incompréhensibles. Il avait eu un léger mouvement de recul, les yeux cherchant en vain à suivre les mots pour les attraper comme des papillons. Sa Brume, elle, s’en donnait à cœur joie, se renvoyant la balle d’une épaule à l’autre.

Le manteau sombre près de la porte d’entrée. Les mains qui s’agitent dans l’air comme un chef d’orchestre. Les chaises autour de la table principale. Celles près de la bibliothèque, devant le bureau, à droite de l’aglaonéma variegatum, sous la fresque murale. Ses mains moites dans ses poches. Les rainures du bois sous ses ongles. Le reflet argenté du croissant de lune d’où pend le manteau. Les étoiles sur le frigo. Le sourire beaucoup trop près. Les soleils sur ses pieds. Les mains agrippées sur la poignée métallique. Le mouvement des planètes. Le souffle ou le vent. La gorge serrée, la Peur juste derrière. Les yeux noir et rouge. Fuir.

Cassandre avait tourné la tête dans tous les sens pour suivre les centaines de poissons volants que constituaient ses pensées. Par quoi commencer ? Amorcer un mouvement pour aller s’asseoir. Rebrousser chemin vers l’entrée. Sortir les mains de ses poches pour ôter son manteau. Renoncer en sentant le changement de température sur ses épaules. Se retourner vers le frigo. Imiter son sourire. Regarder à nouveau les chaises pour en déterminer laquelle utiliser. Abandonner devant le choix et attendre que Drew choisisse à sa place. Rattraper son cube au fond de sa poche pour ne pas s’effondrer. Sentir l’air passer dans sa gorge sans qu’aucun son n’en sorte. Pousser un peu plus et réessayer. Sentir son hésitation racler sur les parois.

« Euh.. euh… D’accord. »

Enfoncer l’un des coins entre ses phalanges en entendant ses mots. Sa Brume recommençait à grossir, s’enroulant autour de ses jambes, dans les plis de son long manteau, prête à l’y faire disparaître.
La seule lueur dans cette obscurité qui le menaçait était les petits soleils. Cette mince idée que Drew ne pouvait pas lire dans sa Nébuleuse. Que Drew ne pouvait pas deviner la panique qui y pulsait comme un feu d’artifice. Que Drew n’y prêterait pas attention et continuerait de croître qu’il savait parfaitement ce qu’il faisait. Qu’il était un adulte responsable, digne de la confiance que le Sénat lui accordait, digne de cette enquête, la première qu’on lui laissait enfin mener sans chaperon. Qu’il n’avait pas besoin à ce moment précis, que Drew prenne les rênes et lui dise quoi faire. Qu’il ne regardait ses yeux humides que parce qu’il y attendait la clef, le miracle, qui pouvait le faire retrouver le chemin de sa procédure. Le chemin que les petits soleils pouvaient éclairer au cœur de la Peur.



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Re: Hawthorn & Lemon balm [Drew/Cass]

Il regarde un peu partout. Est-ce qu’il cherche quelque chose ? Par Zeus ! Il me soupçonne, c’est ça ? Non, il a dit témoin. Peut-être que c’est trop… bizarres, comme déco. J’aurais dû faire le ménage ! Si j’avais su que quelqu’un viendrait, aussi.

Je vais un effort, je reste droite, je garde le sourire. La porte brûle mes mains. Elle s’enfonce sous ma chair, comme pour me dévorer vivante. Je souris toujours. Une seconde, je ferme les yeux. Landry tombe de la falaise, encore et encore. Il roule, il appel à l’aide. Il se fait dévorer par des coyotes, écrasé par des rochers, il meurt de froid, de faim. Je rouvre les yeux, ravale les larmes qui s’y logent.

Le stress est mauvais pour le deuil. Il faut que je me calme. Et si je suis pas une bonne hôte, hein ? A part me renier, Linda va pas faire grand-chose…

Pourquoi il fixe mes pieds, comme ça ?

« Euh.. euh… D’accord. »

D’accord ? Qu’est-ce que ça veut dire, ça ?

Je fronce les sourcils, ouvre le frigo. Les bouteilles s’alignent. Il y a quelque canettes de soda, aussi. Je prends quoi ?

Peut-être qu’il ne sait pas. Si je redemande, je risque de le vexer. Je grimace et attrape les cinq bouteilles de verre pour les mettre sur la table : plat, gazeux, fines bulles, citron et fraise. Je m’efforce de sourire, inspire et installe deux dessous de verre en forme de planète. Ceux-là viennent de Liv. Au moins, un morceau d’elle est toujours là…

« Ça te dérange, les goblets en terre cuite ? Je connais une fille, Zoé, qui déteste la texture de la terre cuite quand elle boit. » Je dégaine deux verres artisanaux, en attendant.

Ils sont noirs, comme beaucoup trop de choses ici. Je sors un bol à motif de soleil, aussi, un cadeau de Papa. J’y verse assez de guimauve et de nougat pour nourrir toute une excursion scolaire.

« Tu aimes les nougats ? Je peux chercher autre chose, sinon. Au fait, je peux te tutoyer, hein ? » Je ris. Il est toujours debout. Il n’aime pas nos chaises ? Je dois aussi rester debout ?

Sa fumée étrange continue de grossir. Elle se glisse sous son manteau. Est-ce que ça lui donne froid ? Est-ce qu’il le sent ? Est-ce que ça veut dire quelque chose.

On penserait qu’après huit ans de carrière, je m’y connaîtrais mieux. C’est bête, hein. Il doit y avoir un cours, quelque part, où j’ai pas écouté. J’enfonce une guimauve dans ma bouche pour ne pas dire de bêtise et m’installe sur une chaise rembourrée.

Peut-être qu’il se tait pour me déstabiliser. C’est un truc d’interrogatoire, comme dans les séries policières. Ou peut-être que le protocole ne dit rien sur la guimauve et le type d’eau qu’il est correcte de boire au travail. Est-ce que c’est interdit de prendre certaines eaux ?


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    Re: Hawthorn & Lemon balm [Drew/Cass]

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