the art of taking a really, really deep breath // théa
:: La Colonie des sang-mêlés :: La Grande Maison
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Niamh TalmhachLégionnaire de la 1re cohorte
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Jeu 11 Avr 2024 - 23:15
« Bouge tes pieds de là. »
Pierre avait attendu que j'ouvre les yeux et que je me mette enfin à remuer sur le siège passager pour chasser mes jambes du tableau de bord. J'avais esquivé sa main et grommelé à mon tour. Il n'y avait pas un chat à quinze lieues sur cette route. Même moi, je pouvais y conduire les yeux bandés. Et après le traquenard dans lequel il m'avait traînée, il pouvait bien m'accorder une sieste pour profiter du soleil et de l'air chaud de la côte Est. Surtout si c'était pour se réveiller et se sentir encore et toujours comme l'une de mes chaussettes : pleine de trou, très probablement odorante et marron, mais à paillettes.
Mes converses glissées par-dessus ces merveilles, j'avais jeté un coup d’œil à la carte coincée derrière son siège. Le feutre rouge avait traversé le papier sur Long Island. Il nous restait encore une bonne heure avant d'atteindre la Colonie.
Pierre sifflotait une chanson, mais n'était pas fils d'Apollon qui voulait. Et je sentais déjà l'ennui m'aspirer de nouveau dans une faille spatio-temporelle. Ou les jours étaient devenus des années, ou les semaines des secondes. Et, tout le long de la route, les champs de tournesols laissaient place à d'autres champs de tournesols et encore et encore et encore. Oh tiens, du maïs. Puis re-des tournesols, pour changer...
Une heure devant moi. Une heure pour ressembler à la parfaite héroïne de teen movie : les lunettes de soleil sur le bout du nez, les cheveux blonds dans la figure, la main fendant le vent par la fenêtre. Et pour passer en revue l'intégralité de mes choix de vie.
Au moins, cette quête avait eu le mérite de me laisser faire tout un tas de plans que je n'avais que partiellement hâte de dérusher une fois à la maison. J'étais à peu près certaine que la moitié serait inutilisable pour cause de "je ne sais pas marcher droit sans trébucher sur l'air" et l'autre pour une simple question de talent. Mais il fallait croire à la magie du montage. Et... croiser les doigts ?
De toute façon, je n'en étais clairement pas encore à ce stade. Après ma dernière vidéo pour annoncer la reprise de la chaîne, je n'avais pas d'ambition autre que de simplement réussir à m'y remettre vraiment.
J'avais perdu le fil de mes pensées dans le prolongement de mes doigts. Imaginant Sir Barton et Uranie galopant à toute allure pour suivre notre voiture. Bondissant prodigieusement par-dessus les poteaux électriques tels d'immenses oxers, plongeant sans ralentir dans les flots iridescents en contre-bas puis remontant d'un coup la butte jusqu'à enfoncer leurs sabots, comme dans du beurre, dans la tôle des voitures à chaque intersection. Ils me manquaient. J'espérais qu'ils ne s'étaient pas mis en tête que je les avais abandonnés.
Mes yeux avaient dérivé sur le rétroviseur central pour tomber sur les deux gamins assis sur la banquette arrière. Austin, 4 ans, le front contre la portière, la bouche grande ouverte, un filet de bave le long de la ceinture de sécurité, sa salopette couleur pêche incrustée de poussière et de sang séché, les genoux couverts d'hématomes. Holly, 9 ans, les sandales effleurant à peine le sol, le plaid de secours sur les cuisses, le débardeur aux motifs de huskys plus tellement blancs, les ongles encore noirs agrippés sur mon appareil photo, les lèvres fendues tout sourire, les yeux dévorant mes prises désastreuses. La panique de la vieille semblait bien loin d'eux.
J’avais sorti de la boîte à gants, un prisme de verre ainsi qu’une drachme pour contacter la Colonie et les prévenir de notre arrivée. Malgré tout mon amour pour ma légion, il était difficile de ne pas reconnaître l’efficacité et la poésie de cette méthode comparée à nos aigles géants.
Il restait une heure de route. Une heure pendant laquelle je pouvais peut-être faire quelque chose d’autre que de ruminer mes pensées. N’en déplaise à Pierre, je m’étais contorsionnée, mes semelles délibérément pressées contre un maximum de surface en faux-cuir. Et j’avais entrepris de passer le reste du voyage à montrer à la petite demi-déesse comment se servir elle-même de l’appareil./ / / / / /
Une certaine Charlie nous avait guidés entre les arbres pour atteindre la barrière de la Colonie à travers l’étroit couloir arc-en-ciel projeté sur le pare-brise. Même si ce n’était pas la première fois, le chemin ne semblait pas vouloir s’imprimer dans mon esprit et il me fallait attendre de voir les champs de fraises en haut de la colline pour retrouver mes repères.
Austin avait refusé de se réveiller alors je l’avais porté jusqu’à la Grande Maison. Quelque chose dans son petit nez froncé me faisait penser qu’il avait peut-être encore moins envie de tant de nouveautés que de véritablement dormir. Holly de son côté semblait projeter de la lumière par les étoiles dans ses yeux. Chiron nous attendait.
Pierre l’avait suivi à l’intérieur. Je résistais, comme chaque fois, à l’envie de capturer ce lieu féerique dans l’œil de ma caméra et me contentait des miens. L’effervescence était le plus impressionnant. Cette impression d’un raz-de-marée en puissance, d’un constant tremblement de terre sans respiration. Ils n’avaient rien de la discipline romaine, mais n’avaient rien à leur envier sur le plan de l’énergie qu’ils déployaient.
Charlie-GPS était réapparue, en chair et en os cette fois, pour emmener les deux enfants à l’infirmerie avant de leur faire découvrir leurs dortoirs et leurs nouveaux camarades. Et je m’étais demandé s’il était déjà arrivé que des demi-dieux romains se retrouvent ici, secourus trop jeune pour recevoir l’appel de Lupa et venir au Camp. Et je m’étais pris, un instant, d’un vif élan d’empathie pour ces deux petits si nous nous étions trompés en les emmenant ici. Mais aussitôt balayé lorsqu’Austin s’était réveillé au cri de surprise d’Holly, ses yeux plein de voie lactée rivés sur la coupe légèrement bleutée flottant au-dessus de la tête du bambin.
Charlie avait l’air aux anges comme si cette coupe était un miracle ou la promesse de la paix dans le monde. Je n’avais pas cherché à les suivre derrière les portes de l’infirmerie. Et m’était contentée de rester plantée sous l'auvent de la Grande Maison face au terrain de volley-ball et au lac en arrière-plan. Jusqu’à ce qu’une tête bien trop familière entre dans mon champ de vision.
« Mais qu’est-ce que tu fais ici ? » Un mélange de pure joie, d’excitation, de surprise et de questions. « Et surtout, qu’est-ce que c’est que ce t-shirt ? » Le sourire remonté jusqu’aux pommettes. « Le orange, ça ne te va pas - du - tout au teint, ma chérrrie. » Singeant la voix doucereuse et passablement condescendante de Morrighan.
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Thea Osborn-CampbellHabitant·e de la Nouvelle-Rome
Re: the art of taking a really, really deep breath // théa
Dim 21 Avr 2024 - 14:30
Thea avait l’impression que ces trois jours passés à la Colonie, ces trois tous petits jours de rien, avaient éclatés son monde en un million de petits morceaux. Est-ce qu’elle avait vraiment vécu deux jours ou bien s’était-il écoulé une décennie ? Comment sa vie avait-elle pu prendre un tel tournant ? Elle qui pensait qu’il n’y aurait pu avoir pire qu’une sang-mêlé sans être appeler par Lupa, elle avait découvert qu’il y avait pire : avoir été recueilli dans le mauvais camp.
« POUHAHA LOSER. »
Instinctivement, Thea se baissa au moment où un pensionnaire jetait son caleçon (odorant) sur quelqu’un. Était-elle déjà en train de s’habituer au chaos ambiant ? Non. Thea secoua la tête avant de cracher son dentifrice. Elle avait passé la majeure partie de sa vie en foyer. La Colonie ressemblait juste à une version plus grande ce qu’elle avait connu toute sa vie. C’était juste une habitude, un instinct de survie, quelque chose de désagréable qu’elle avait dans la peau de toute façon.
« TU FAIS CHIER ANTHONY. »
Thea soupira et rinça sa brosse à dent. Revoir Kleman, découvrir la Colonie sous les yeux de Charlie, écouter les longs monologues de Clément, supporter le bungalow des Hermès, tout ceci l’avait éreinté bien plus qu’elle ne l’aurait cru. Trois petits jours. Un tsunami émotionnel.
La journée s’étira avec une lenteur agonisante. Thea fixait chacune des horloges qui croisait son chemin dans l’espoir de voir les aiguilles bouger plus vite. Clément avait promis qu’ils rentreraient ce soir et jamais Thea n’aurait voulu accélérer le temps plus que maintenant. Elle voulait rentrer chez elle. Elle voulait retrouver son quotidien. Elle voulait se plonger dans le silence de sa chambre.
Thea traîna des pieds jusqu’à la Grande Maison, guidée par son envie de tranquillité : plus elle était proche des bungalows ou de l’arène, plus elle était assaillie de bruits – ce qui la rendait particulièrement de mauvaise humeur. Pour autant, Thea se figea une fois arrivée. Rêvait-elle ou bien Niamh se trouvait sous le porche de la Grande Maison ? Le visage de la romaine s’illumina, baignant ainsi son visage d’une aura angélique.
« Mais qu’est-ce que tu fais ici ? » Niamh s’approcha, son charisme glissé comme une seconde peau sur son visage. « Et surtout, qu’est-ce que c’est que ce t-shirt ? » Un sourire étincellant. « Le orange, ça ne te va pas - du - tout au teint, ma chérrie. »
Thea resta muette quelques secondes, secouée par cette apparition divine. Le trait d’humour de Niamh ne réussit à calmer les palpitations qui serraient la poitrine de Thea. La respiration courte, elle essaya de rire mais le son qui s’échappa de sa gorge ressemblait plus à un couinement douloureux qu’à une exclamation de joie.
« Une longue histoire, ahaha. »
Était-elle en train de pleurer ? Non, ce serait trop la honte. Pourtant, Niamh la fixait comme si elle se trouvait face à chiot blessé. Thea passa une main sur ses joues. Oh, non, elle pleurait. C’était ridicule. Thea tenta de nouveau de rire. Pour tenter de garder le contrôle.
« Tadam, je suis grecque ! »
Les mots étaient sortis de sa bouche d’eux-mêmes, teintés de rancœur, de terreur, de colère, de toute une myriade d’émotions qu’elle n’arrivait même pas à reconnaître tant elle était, et elle le comprenait maintenant, en pleine surcharge émotionnelle.
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Niamh TalmhachLégionnaire de la 1re cohorte
Re: the art of taking a really, really deep breath // théa
Lun 6 Mai 2024 - 11:42
Je connaissais Théa depuis longtemps.
Elle était apparue un jour dans le quartier de mes parents. Au départ, je ne lui avais pas prêté la moindre attention, à vrai dire, je serais incapable de raconter avec certitude comment elle avait d’un coup pris la place de meilleure amie dans ma vie. Elle s’y était retrouvée et ça avait été la chose la plus naturelle et évidente de toute mon existence. Elle faisait partie de ces rares personnes qui baignent dans une aura de mystère sans pour autant titiller le moindre doute. L’embarras, le ridicule, la sale petite voix de l’anxiété restaient suspendus à ses sourires, attendant poliment qu’elle s’en aille pour respirer à nouveau.
Imiter Morrighan était loin d'être une première. On frisait parfois même la pure méchanceté. Ma grande sœur était une telle caricature ambulante qu’elle en devenait une carte joker dans notre humour vaseux.
Je connaissais Théa depuis longtemps, mais ne prétendais pas la connaître par cœur. C’aurait été bien trop... prétentieux. Pourtant, j’étais persuadée de lui décocher mieux qu’un sourire en demi-teinte ou qu’un rire désaturé. Et une pointe d’agacement avait chatouillé mon menton. Envers elle ? Envers moi ?
Les larmes tombant en même temps que ses paroles avaient changé la scène. Il ne s’agissait plus d’un passage en coup de vent dans cette vallée idyllique sous le soleil et l’air marin après une quête rondement menée et deux enfants héroïquement sauvés. Il ne s’agissait plus de résister à l’envie brûlante de rester quelques jours de plus pour capturer les éclats de rire, la fougue des pensionnaires ou les reflets des arbres de la forêt sur le front des naïades dans la pellicule de mon appareil. Plus non plus de courir l’une vers l’autre et de passer les prochaines heures à partager chaque seconde que nous avions manqué l’une de l’autre.
Son soudain chagrin avait modifié la colorimétrie de la séquence, d’un Asteroid City de Wes Anderson à un Atonment de Joe Wright.
J’avais franchi le mètre qui nous séparait et l’avais renfermée dans mes bras. Elle avait à peine fini sa phrase et je ne l’avais pas vraiment écoutée. Je l’avais laissée chavirer son poids contre moi et plonger son visage dans la flanelle de ma chemise. Lentement, j’avais caressé son dos et ses cheveux pour calmer le rythme de sa respiration. Plus elle pleurait et plus je la pressais contre moi pour la bercer. Entre les ressacs de ses émotions, j’avais chuchoté des petits encouragements et saigné de regards assassins le moindre chiard trop indiscret pour venir s’inquiéter.
« Shh...shhh… tout va bien, je suis là… respire, ça va aller, il faut que ça sorte, c’est rien… »
J’avais réagi instinctivement et j’ignorais ce que je pouvais bien faire de plus. Théa était la personne la plus solaire qu’il m’avait été donné de rencontrer, après JJ, jusqu’à présent.
Visiblement, je n’avais rien retenu de la précédente leçon, et je m’étonnais encore bêtement que quelqu’un comme elle puisse faire preuve d’autant de chagrin. Cette preuve de confiance éveillait ma petite voix intérieure. Habituellement tranquille en présence de ma meilleure amie, elle s’était d’emblée mise en tête de m’avertir : je n’avais pas intérêt à ruiner cette confiance, je devais en être digne. Les encouragements murmurés pouvaient bien m’être aussi utiles tout compte fait.
Mon air de chien de garde avait fini par dissuader les pensionnaires de s’approcher et peu à peu le calme s’était fait tout autour de nous. Même à l’intérieur de la Grande Maison, les fenêtres avaient été fermées. Seuls les oiseaux et la bande son continu dans mon esprit nous accompagnaient. Sans m’en rendre compte, je m’étais mise à fredonner. Elle s’était arrêté de pleurer, de temps en temps un reniflement secouait ses épaules. J’aurais pu la libérer de mon étreinte bien plus tôt, mais elle n’avait pas protesté, moi non plus. J’étais perdue dans mes pensées. Je réalisais peu à peu le poids des mots qu’elle avait prononcés et l’insignifiance de ce que je pouvais lui apporter.
Qu’est-ce que je pouvais bien lui dire ? Que ce n’était rien de grave, qu’elle n’allait pas soudainement perdre le droit de retourner à la Nouvelle-Rome, ou que la bande et moi trouverions toutes les excuses pour venir la voir ici le plus souvent possible ?
Bien sûr que c’était grave ! Elle avait attendu littéralement chaque seconde de sa vie de recevoir l’appel de Lupa, elle nous avait vu rajouter année après année les barres noires sur nos avant-bras, elle avait rongé sa rancœur jusqu’à l’os. Une simple petite phrase et tout cela s’effondrait.
Quelque part, lui montrer le positif ; une nouvelle famille, la joie de trouver enfin sa place dans le monde, le plaisir de découvrir et d'intégrer cette nouvelle culture ; me semblait encore plus abject.
La boule au ventre, j’avais embrassé le haut de son crâne et fini par la détacher de moi, ignorant l’état désastreux de son visage et de mon haut. Sans lâcher ses mains, je l’avais invitée à s’asseoir sur les marches du perron de la Grande Maison. Sa respiration était plus calme, ses yeux rouges et gonflés, sa bouche figée par ses larmes séchées. Je m’étais retenue de ramener ses cheveux derrière ses oreilles, peut-être que j’en faisais trop ? À la place, je l’avais laissée quelques secondes toute seule, le temps d’aller chercher une boîte de mouchoirs à l’intérieur.
« Désolée, je n’ai trouvé que du sopalin… »
Je lui avais fourré le rouleau entre les mains avant de m’asseoir à ses côtés.
« Est-ce que… Est-ce que tu veux en parler ? Tu n’es pas obligée, hein. »
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Thea Osborn-CampbellHabitant·e de la Nouvelle-Rome
Re: the art of taking a really, really deep breath // théa
Sam 11 Mai 2024 - 13:17
Thea n’eut qu’à peine le temps de comprendre ses propres émotions que déjà les bras de Niamh l’encerclaient dans une tendre étreinte – ce qui redoubla furieusement les larmes de Thea en plus d’y ajouter généreusement le supplément morve. Il n’y avait probablement pas un meilleur endroit au monde pour s’épancher de ses émotions que dans les bras de sa meilleure amie. Il n’y avait qu’avec elle qu’elle se sentait assez libre pour pouvoir s’émouvoir en paix. Son corps le savait d’autant plus qu’il relâchait toute la pression accumulée jusque-là. Elle se devait d’être forte à la maison, elle se devait d’être digne devant ses amis, elle devait montrer qu’elle n’avait pas peur devant Kleman, elle devait faire semblant que tout allait bien devant le monde entier… Mais là, perdue dans les bras de Niamh, Thea écoutait le son de son cœur pour la première fois depuis bien trop longtemps.***
Thea reniflait pour la… centième fois, au moins. C’était un son désagréable, mouillé et gluant. À l’instar de ses joues et de ses yeux, son nez avait pris une couleur qui s’approchait plus du rouge pochtron que du délicat rose princesse. Peu importe, au fond, puisqu’elle n’avait pour seule témoin que Niamh. Étrangement, cet état d’âme semblait être passé inaperçu. La Colonie continuait sa vie paisiblement, comme s’il était habituel de voir des gens s’effondrer devant la Grande Maison. Thea n’entendait plus qu’un lointain brouhaha et les oiseaux qui piaillaient dans les arbres. La tranquillité était accueillie avec plaisir mais Thea redoutait toujours le calme avant et après la tempête.
Niamh fini par se lever et Thea, amorphe, ne réagit pas vraiment. Elle savait d’instinct que son amie allait revenir. C’était un fait inébranlable et elle profita de cet instant de solitude pour passer une main distraite dans ses cheveux avant d’essuyer grossièrement ses joues mouillées. Enfin, elle essuya discrètement son nez dans la manche de la veste qui pendait à sa taille, ni vu ni connu, avant le retour de Niamh. Cette dernière lui tendit plusieurs mouchoirs lorsqu’elle revint et Thea en profita pour faire sa plus belle imitation de trompette – peu glamour, mais il n’y avait rien de sexy dans cette situation donc Thea ne s’en formalisa pas.
Thea, peu intéressée par la différence entre la douceur du mouchoir triple épaisseur et la texture irritante du sopalin, frotta énergiquement son visage avec comme si cela pouvait effacer la tristesse qui menaçait de revenir par vagues. Niamh lui laissa l’espace pour se remettre de ses émotions avant de l’interroger :
« Est-ce que… Est-ce que tu veux en parler ? Tu n’es pas obligée, hein. »
Thea prit une lourde inspiration avant d’expirer lentement. Ce n’était pas par agacement envers Niamh – Thea éprouvait une multitude de sentiments à l’égard de sa meilleure amie mais l’agacement n’en faisait jamais partie – mais pour se donner le temps de remettre les mots dans l’ordre avant que sa langue ne les emmêle. Oui, elle voulait en parler, mais tout aurait été plus simple si Niamh pouvait se glisser dans sa tête, extraire ses souvenirs toute seule et lire les émotions associées. Hélas, Thea était obligée de réfléchir à tout ça, analyser son propre mal être et former des phrases grammaticalement correctes – un travail bien plus éreintant que morver sur le joli t-shirt de Niamh.
« Hermès m’a revendiqué à la seconde où je suis arrivée. Enfin, presque. Ressenti seconde, peut-être que c’étaient des heures, finalement… Je sais ne sais pas trop. La maudite journée n’était qu’une superposition de négatifs flous. Je- Je ne pense pas vouloir être grecque. Je veux dire, j’ai passé les dernières années à vouloir être romaine si fort que je pense que ce serait… trop… trop d’être grecque. Je- Ça ne fait pas forcément sens mais je crois que je préfèrerais être juste… rien. »
Une petite voix lui soufflait qu’elle aurait pu être là dès le début si les Campbell ne l’avait pas récupérée mais ce « Et si » douloureux ne suffisait pas à animer quelconque colère. Thea était lassée de chercher sans cesse sa place et d’être face à des trains manqués. Elle était arrivée trop tôt pour sa mère, elle n’était pas comme sa grand-mère l’aurait voulu, elle avait terminé chez les romains plutôt que les grecs, elle avait loupé l’occasion de grandir un peu plus aux côtés de Kleman…
Ô Kleman ! Le souvenir fit remuer une nouvelle boule dans son estomac vide. Ce « Et si » était bien plus douloureux car si elle avait su, elle l’aurait fait adopter en même temps qu’elle. Ils auraient grandi tous les deux dans une même famille, comme les deux adelphes qu’ils étaient là. Au lieu de ça, ils avaient creusé un fossé si large entre eux qu’elle n’était pas certaine de pouvoir retrouver pleinement la relation qu’ils avaient eu.
« Tu sais ce qui est le plus drôle ? C’est que Kleman est grec. Tu sais, mon Kleman. C’est aussi un sang-mêlé sauf qu’il a fini ici. Il est… Il est à la fois différent et pareil qu’avant. Sauf que le pareil qu’avant est différent parce qu’il n’est plus mon Kleman donc je n’ai plus le droit à sa version… complète. »
Thea remonta les genoux contre sa poitrine et y enfoui son visage. Elle n’avait plus de larmes pour pleurer, ou plus la force de les déverser pour des choses qu’elle ne contrôlait pas, mais la souffrance lui donnait envie de se recroqueviller au fond de son lit.
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Niamh TalmhachLégionnaire de la 1re cohorte
Re: the art of taking a really, really deep breath // théa
Ven 7 Juin 2024 - 17:27
J’avais posé ma main sur son épaule pendant qu’elle se mouchait. Une main que j’espérais réconfortante, pour lui dire qu’elle n’avait rien à contraindre et que je n’allais pas la laisser, que rien ne pressait, qu’elle avait le temps et que le monde n’étais pas en train de s’effondrer tout autour d’elle.
Dans le silence, mes doigts avaient machinalement caressé sa peau sous son t-shirt criard. Et petit à petit, j’avais senti nos respirations se synchroniser. Elle avait soupiré et sa poitrine s’était soulevée, alors j’avais lu l’écriture ciselée entourant le pégase. Je me sentais tellement stupide de ne pas l’avoir fait plus tôt au lieu de cette blague idiote. C’était pourtant assez immanquable maintenant que je m’en apercevais. Je pouvais deviner les prochains mots qui sortiraient de sa bouche. Je me refusais à les penser dans l’espoir que cela convainque Decima de laisser Nona défiler son ouvrage. Mais la troisième sœur, depuis la bouche de mon amie, coupa ce fil sans attendre.
« Hermès m’a revendiqué à la seconde où je suis arrivée. Et merde. Enfin, presque. Ressenti seconde, peut-être que c’étaient des heures, finalement… Je sais ne sais pas trop. Ma main s’était pétrifiée. Je- Je ne pense pas vouloir être grecque. Je veux dire, j’ai passé les dernières années à vouloir être romaine si fort que je pense que ce serait… trop… trop d’être grecque. Je- Ça ne fait pas forcément sens mais je crois que je préfèrerais être juste… rien. »
La voix étouffée de Pierre perçait à travers les murs de la Grande Maison, visiblement les choses ne s’y déroulaient pas comme il l’avait espéré, et mon esprit retourna sur le seuil de la vieille bâtisse quelques minutes plus tôt, Austin dans les bras et moi me demandant si nous ne faisions pas une grossière erreur en l’emmenant ici.
Plus loin encore que les marches de bois délavées, je me revoyais minuscule, bouillonnante de rage, le bruit cinglant de la porte de ma chambre encore dans les oreilles, les yeux humides d’injustice et d’une énième dispute familiale pour avoir osé envisager cette hypothèse. Je me souvenais du profond sentiment d’humiliation et des ridicules excuses que j’avais dû prononcer face contre terre devant l’autel de la maison.
Et bien des années plus tard, les pages précieusement découpées dans cette édition spéciale du Satyre Déchaîné, soigneusement pliées en quatre pour qu’elles rentrent dans la poche arrière de mon pantalon, jamais lues sauf le titre. L’interview d’une demi-déesse pas banale que j’avais prise pour une Chasseresse. Son nom m’avait fait penser à quelque chose. Artémis ? Non, non, Artemisia Carter, oui, quelque chose dans ce goût-là. Puis ces mêmes pages, agglutinées au fond de cette même poche, une pâte constellation de mille peluches dans ce pantalon trempé et sur le reste du linge étendu dans l’atrium.
Les Parques devaient bien sourire de me voir peiner à reconnecter les rares cordons comme une héroïne de mauvaise série policière, superposer pitoyablement les filigranes pour décalquer ce pégase sur fond orange tape-à-l’œil et les mots « Colonie des Sang-mêlés » pile sous mon nez.
Des souvenirs sans importance enfouis dans les recoins de ma mémoire, encore plus isolés que n’avait jamais dû se sentir Théa, qui venaient enfin faire tomber le mur de certitude que j’avais battit en attendant que Lupa l’appelle à nos côtés.
Mais oui, elle était grecque. C’en était presque ridicule à quel point cela semblait évident une fois ces mots prononcés à haute voix.
Je ne savais pas quoi lui répondre.
« Tu sais ce qui est le plus drôle ? C’est que Kleman est grec. Tu sais, mon Kleman. J’avais écarquillé les yeux. Bien évidemment que je savais de qui elle parlait. Il n’existait pas des centaines de Kleman et surtout pas dans l’univers de Théa. Je m’étais redressé d’excitation. Depuis le temps qu’elle m’en parlait, je n’imaginais pas la joie qu’elle devait ressentir d’enfin le retrouver. Quelles étaient les chances pour que cela arrive ? La porte de la Grande Maison grinça avant de battre contre le mur et ma première pensée fut que ce ne pouvait être autre chose que le rire satisfait des Trois Sœurs. C’est aussi un sang-mêlé sauf qu’il a fini ici. Il est… Il est à la fois différent et pareil qu’avant. Sauf que le pareil qu’avant est différent parce qu’il n’est plus mon Kleman donc je n’ai plus le droit à sa version… complète. »
Le sourire qui avait surgi sur mon visage fana instantanément. Je me dégonflais comme un ballon. Oh non, non, non…
Mon silence était largement éloquent. La situation était merdique. Au plus haut point. Mais il fallait répondre quelque chose, elle s’était recroquevillée sur elle-même et je me sentais impuissante.
« Je suis désolée… »
Mon incompétence me rendait amère. J’en voulais au soleil d’être si beau, aux pensionnaires d’être si joyeux et insouciants, à ce système opaque de laisser des familles se déchirer qu’elles soient de chair ou de sang. Et je prenais toujours plus de temps à répondre. Ma main, maternelle, dans ses cheveux ne serait pas suffisante.
« Je t’aime vraiment fort, tu sais. Avais-je murmuré. De toute façon, personne d’autre n’avait besoin d’entendre ces mots. Que tu sois grecque ou romaine ou rien du tout, je m’en fous, tu seras toujours ma Théa. Tu auras toujours une place chez moi. Je savais qu’elle en avait parfaitement conscience. Je savais aussi qu’elle avait trop souvent envie de ne pas y croire. C’est la merde, même sûrement plus que je ne peux le comprendre, mais tu n’es pas toute seule. Tu n’es pas obligée de choisir. Je pesais soigneusement mes mots. Tu as le droit de rentrer à la Nouvelle-Rome et de ne pas gérer cette histoire de revendication maintenant. Ou même jamais. Tu as attendu déjà suffisamment longtemps que ton père se manifeste, tu as bien le droit de le faire patienter à son tour. Je marquais une pause. Honnêtement, je n’en avais pas la moindre idée. Les dieux restaient des êtres divins. Si quelques années pouvaient ne rien peser dans leur immortalité, qui pouvait bien savoir quelle quête ou quelle prophétie dont Théa faisait partie devait nécessiter qu’elle se trouve du côté violet ou orange de la force ? Tu as aussi le droit de rester ici, et dans ce cas, je m’arrangerais avec Pierre pour rester avec toi. Il n’a pas besoin de moi pour rentrer au Camp et moi, je n’ai pas la moindre intention de te lâcher. Là-dessus, Pierre pouvait rameuter tout le Sénat si ça lui chantait, ils pouvaient aller se brosser tous autant qu’ils étaient.
Et pour Kleman… Il est en vie, c’est déjà énorme. Le pourcentage de chance pour que vous vous retrouviez dans ce monde de fou était microscopique, mais vous êtes là tous les deux à moins de 5 kilomètres l’un de l’autre. Il a changé, mais toi aussi, et c’est normal, il s’est passé du temps. Mais tu m’as raconté ce que c’était de grandir tous les deux, à chaque fois, tu avais des étoiles dans les yeux et le sourire jusqu’aux oreilles, je t’ai jamais vu comme ça quand tu parlais de quelqu’un d’autre ; c’est puissant. Il ne peut pas avoir changé à ce point. Il vous faudra très certainement du temps, mais vous partagez quelque chose de trop fort pour que ça ai disparu. Tu vas le retrouver. Je te le promets. »
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Thea Osborn-CampbellHabitant·e de la Nouvelle-Rome
Re: the art of taking a really, really deep breath // théa
Sam 22 Juin 2024 - 20:53
Les mots de Niamh berçaient Thea dans un concon de douceur et de bien-être. Oui, elle n’avait pas besoin de choisir. Oui, elle pouvait rentrer chez elle et ne plus jamais y penser. Non, elle n’était pas obligée d’ajouter Hermès dans son arbre généalogique éclaté – il se fondait finalement parfaitement avec le reste. Non, Niamh n’allait pas disparaître du jour au lendemain juste parce que Thea était devenue grecque – ou bien l’était-elle depuis le début ? – ou parce qu’elle ne serait jamais vraiment romaine – l’avait-elle été partiellement, seulement ?
Thea écoutait Niamh religieusement, comme s’il s’agissait d’une Prêtresse divine qu’il lui fallait écouter. C’était une chance que Kleman soit de nouveau dans sa vie même si leurs rapports étaient plus fragiles. Les êtres changent et c’est le mieux qu’on puisse leur souhaiter. Après tout, si Kleman était resté absolument le même, aurait-il été vraiment lui-même ou bien aurait-il été le spectre d’une vie passée, une photographie figée dans le temps ?
Je te le promets. Il n’y avait aucune vérité plus fondatrice que celle-ci. Si Niamh le disait, alors c’était la vérité véridique et vraie, intouchable et immuable. Tout allait s’arranger. Ce n’était pas la fin du monde. Thea se blottit contre Niamh et ferma les yeux, oubliant le reste et elle-même. Il n’y avait plus qu’une obscurité confortable et l’odeur de la légionnaire. Le monde n’existait plus car Niamh était le monde, tout simplement.***
La tempête s’était apaisée et Thea fixait un match de volleyball aux côtés de Niamh, une glace à l’italienne coulant sur ses doigts. Ses yeux fixaient le ballon pendant que sa bouche, distraitement, gobait beaucoup trop de crème glacée. Son cerveau se gela et Thea trembla de la tête aux pieds, attirant par la même occasion l’attention de Niamh. Thea la rassura de son sourire habituel :
« Brain freeze. »
Les deux sang-mêlé échangèrent un petit rire avant de se concentrer à nouveau sur le match. Les pensées de Thea quittèrent le terrain pour s’envoler sur les événements précédents ce match et cette glace, alors que la terre s’était arrêtée et que le sol s’était dérobé sous ses pieds. Son cœur s’était apaisé et même si la peur demeurait, Thea se sentait plus solide sur ses appuis. L’arbitre sonna un temps mort et Thea en profita pour capter l’attention de Niamh en toussotant.
« J’ai jamais été assez romaine pour le Camp Jupiter mais je pense que je ne serai jamais assez grecque pour la Colonie. Ce n’est pas ici que je me sens protégée ou aimée. Ce n’est pas ici que j’ai appris à grandir. »
Thea fit une pause lorsque les images des dernières années la baignèrent dans un élan de nostalgie mélancolique. Sa famille d’adoption avait plus fait pour elle en quatre fois moins de temps que le reste de l’humanité durant toute sa vie.
« Pour autant, la Colonie peut m’offrir ce que le Camp Jupiter m’a toujours refusé : de l’entraînement. Une occupation pendant les longs étés où tout le monde est là où je ne suis pas. »
Thea se revoyait, amère, en train d’attendre désespérément les jours de repos des romains. À tour de rôle, alors, elle pouvait avoir des gens avec qui passer le temps. Entre deux jeux de guerre, entre deux permissions de sortir, entre deux entredeux.
« Je pense que je vais juste prendre le meilleur des deux. Par exemple, un entraînement ici. Une vraie chambre là-bas. Kleman ici. Internet là-bas. Ce genre de choses. Tout simplement. »
Et il y avait des choses qu’elle refuserait de prendre des deux : le sentiment d’être une moins que rien là-bas, Hermès ici. Par exemple.
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Niamh TalmhachLégionnaire de la 1re cohorte
Re: the art of taking a really, really deep breath // théa
Jeu 18 Juil 2024 - 22:15
Le refrain de Home d’Edward Sharpe & The Magnetic Zeros tournait en boucle dans ma tête. Il y manquait la moitié des paroles et les trois mêmes sifflements revenaient au moindre trou de mémoire. Je grimaçais intérieurement dès que les joueurs de volley avaient le malheur de ne pas se renvoyer la balle en rythme. Mais, une glace à la main, le soleil sur le front, ma meilleure amie à mes côtés, cette chanson ne pouvait pas mieux tomber.
J’avais choisi Cassis-Rose et ma foi, c’était un combo d’une excellence rare. Théa s’était enfin calmée et je savourais les doux frôlements de nos épaules. Mais je savais que cette paix apparente n’était qu’une sorte de façade. Théa, comme toujours, ruminait. Il lui fallait toujours un peu de temps. Craquer un bon coup, ne plus prononcer un mot pendant des heures voire des jours, retourner la situation mille fois dans sa tête pour la comprendre, y trouver une solution, imaginer tout ce qui aurait pu ou dû se passer, et enfin être prête à s’ouvrir de nouveau. Elle avait besoin de le faire seule, de traverser la tempête comme une grande et d’en sortir la tête haute. Cela pouvait parfois être frustrant, mais elle s’était tellement braquée les toutes premières fois que je n’avais pas respecté ce “rituel” que je n’avais plus jamais insisté. Parfois, je me demandais si c’était ce que la vie lui avait appris. Qu’elle ne devait compter que sur elle-même ou que les autres lui voulaient du mal lorsqu’elle se sentait vulnérable. Je ne pouvais pas changer ce que la vie avait gravé dans son être, mais elle était ma meilleure amie. Alors je restais, je traversais la tempête avec elle, à distance respectable pour ne pas la brusquer, suffisamment près pour la rattraper à la moindre bourrasque (ce qui n’arrivait jamais) ou pour lui faire des signaux lumineux pour qu’elle retrouve son chemin. Le reste, c’était entre elle et elle-même. Si elle n’était pas prête alors j’attendais. Même si cela prenait des années. Elle était tellement forte, je n’avais pas le moindre doute.
Je me laissais bercer par mes pensées, par le vent chaud qui soufflait sur le sable du terrain, par les halètements des pensionnaires et leurs cris indignés face à l’arbitre, par cette ambiance de vacances surréaliste. Cette Colonie semblait sortir tout droit d’un rêve et quelque part j’étais contente que Théa puisse y avoir accès. Un peu de fantastique dans sa vie ne pouvait pas lui faire de mal. Et si cela signifiait pouvoir venir la voir le plus souvent possible et à chaque fois manger des glaces devant le terrain de volley en regardant paresseusement le soleil lentement se coucher juste toutes les deux, alors…
« Home.. Let me come home.. Home is woénéveram with you.. »
Je ne m’étais pas rendu compte que je marmonnais les quelques paroles qui avaient survécu à la sélectivité de mon DJ mental, le pif directement dans la glace, avant que Théa n’attire mon attention. Son regard ne me laissait pas de doute. Je souris doucement en la couvant du regard. Elle était prête.
Je nettoyais mon nez du bout du doigt et me tournais vers elle, complètement désintéressé du match endiablé qui faisait une pause stratégique.
« J’ai jamais été assez romaine pour le Camp Jupiter mais je pense que je ne serai jamais assez grecque pour la Colonie. Ce n’est pas ici que je me sens protégée ou aimée. Ce n’est pas ici que j’ai appris à grandir. »
Je résistais à l’envie de lui prendre la main. Ce n’était pas le moment.
« Pour autant, la Colonie peut m’offrir ce que le Camp Jupiter m’a toujours refusé : de l’entraînement. Une occupation pendant les longs étés où tout le monde est là où je ne suis pas. »
Je l’encourageais d’un sourire. Quelque part, au fond, sans trop savoir pourquoi, j’étais étrangement fière d’elle.
« Je pense que je vais juste prendre le meilleur des deux. Par exemple, un entraînement ici. Une vraie chambre là-bas. Kleman ici. Internet là-bas. Ce genre de choses. Tout simplement. »
Il était peut-être encore trop tôt, mais c’était mon tour de craquer. Je passais mes bras autour d’elle pour la serrer contre moi jusqu’à lui briser les os et claquais une grosse bise cassis-rose sur sa joue.
« Je t’aime fort tu sais ? » lui dis-je sans desserrer mon emprise. J’en profitais encore quelques secondes avant de céder et de me retourner vers le match en la poussant gentiment de l’épaule. « Franchement, c’est pas juste quand on voit tous ces beaux gosses en sueur ici alors qu’on n'a que des thons chez nous. Veinarde va ! » C’était bien la chose la plus débile que je pouvais dire tellement c’était à des années-lumières de nous, mais si cela pouvait lui décrocher un rire ou ne serait-ce qu’un sourire, je pouvais être tous les clichés des Vénus sans honte. Je m’étais donc lancée dans une tirade aussi sarcastique que nunuche sur tout ce qu’une jeune fille de notre âge pouvait rêver ou convoiter ici dans ce paradis divin.
Quand j’eus fini de faire l’andouille cependant, je ne résistais pas à mettre un peu les pieds dans le plat. C’était un sacré gros morceau, et même si je respectais énormément sa manière de gérer, je doutais qu’elle puisse porter tout ça sur ses épaules en silence. C’était une question innocente, je ne voulais pas non plus lui forcer la main, juste lui tendre une perche qu’elle pouvait refuser.
« Dis,... il était comment ? Je veux dire, tu m’en as déjà parlé, mais ces retrouvailles, c’était …» Mes yeux sortaient presque de mes orbites comme si j’étais gonflée à l'hélium, dire que ce n’était pas rien aurait été un euphémisme. « Tu ne t’y attendais pas, j’imagine. Qu’est-ce qui a changé chez lui ? »
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Thea Osborn-CampbellHabitant·e de la Nouvelle-Rome
Re: the art of taking a really, really deep breath // théa
Lun 30 Sep 2024 - 9:36
« Je t’aime fort tu sais ? »
Les mots frappèrent Thea, firent chanceler sa résolution de ne plus pleurer pour aujourd’hui. Son coeur se gonfla d’amour à l’égard de Niamh. Comment pouvait-elle être amie avec quelqu’un d’aussi fantastique ? D’aussi empathique ? D’aussi à l’écoute ? Thea avait envie d’enfouir son visage contre sa clavicule juste pour lui exprimer toutes ces vagues d’amour qu’elle lui faisait ressentir.
« Franchement, c’est pas juste quand on voit tous ces beaux gosses en sueur ici alors qu’on n'a que des thons chez nous. Veinarde va ! »
Thea pouffa de rire, la morve toujours au nez. Cette phrase était si ridicule, si décalée ; ça lui coupa toute envie de pleurer. Elle posa son regard sur les corps dégoulinants de sueur des garçons sur le terrain face à elles et rigola de plus belle. Elle qui trouvait rarement le genre masculin séduisant, les voir dans un tel état lui donnait encore plus envie de rire. Comment pouvait-on être aussi laid ? Thea brisa sa résolution de ne plus pleurer mais ça ne comptait pas car cette fois, c’était de rire.
Après plusieurs minutes à toiser les mâles en face d’elles et à rire en faisant des remarques toutes plus décalées les unes que les autres, les deux amies s’apaisèrent. Thea ferma les yeux un instant et se laissa bercer par la Colonie et par la présence de Niamh. Comme elle regrettait de n’avoir aucune chance de faire ses entraînements aux côtés de son amie et de vivre tous les jours avec elle !
« Dis,... il était comment ? Je veux dire, tu m’en as déjà parlé, mais ces retrouvailles, c’était… Tu ne t’y attendais pas, j’imagine. Qu’est-ce qui a changé chez lui ? »
Thea rouvrit les yeux, le regard dans le vide. Les contours flous de ses retrouvailles avec Kleman lui glissaient déjà entre les doigts. Elle se souvenait des sensations mais plus tellement des échanges avant. Elle lui avait crié dessus, ça, elle s’en souvenait. Thea soupira.
« Je ne sais pas, une sensation. Il semblait si… si froid et renfermé sur lui-même. J’avais l’impression d’avoir seulement le reflet de lui. Il y avait une tension étrange… Je me suis toujours dit que quand on se retrouverait, tout serait pareil. Je pensais le protéger en partant. Je lui ai écrit des lettres mais il ne les a jamais lus. Je pensais si fort que notre amitié pouvait tout dépasser mais je me dis maintenant qu’elle n’était fondée que sur nos traumatismes communs, nos rapports avec nos parents. Maintenant, il a d’autres trauma et je n’étais ni là pour les vivre ni là pour les comprendre. »
Thea laissa les mots en suspens dans l’air. Peut-être qu’elle était trop dur avec Kleman. Peut-être que c’était elle qui avait le plus changé. Peut-être que ses remords et regrets parlaient pour elle. Peut-être que la culpabilité parlait. Peut-être que Kleman avait raison d’être en colère. Thea soupira.
« Allons visiter ma nouvelle maison secondaire, plutôt. »
Thea se releva et s’étira. Il était temps d’admirer cette Colonie sous un jour nouveau. Il ne pouvait pas y avoir que des ados en sueur. Peut-être qu’il y avait des coins secrets à découvrir ! Des lieux à couper le souffle ! Des expériences inoubliables ! Il fallait au moins ça pour lui faire oublier la terrible épreuve de la douche.
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