Clayton fixait son reflet. Reflet désormais blond. Pas un blond rassurant. Un blond à faire peur. Clayton passa expérimentalement ses doigts dans sa tignasse jaunâtre, grimaçant en les sentant croustiller tel un champ de blés en plein cagnard. Dans un soupir, il tendit à bout de bras le mode d’emploi, relisant à haute voix les instructions. Encore. Avec l’espoir insensé que les mots déclenchent un éclair de génie face à cette situation inattendue.

Recouvert de coloration de la tête au pied, des cheveux jaunes dégoulinants sur ses épaules nues, Clayton croisa à nouveau son regard perdu. L’idée de ressembler à un rat mort lui arracha un rire. Ce n’était pas du tout le résultat escompté. La boite de coloration rouge inutilisée lui faisait de l’œil depuis le lavabo, mais cette apparence suffirait à énerver son père. Cette pensée lui redonna du baume au cœur. “Allez, j’arrête le massacre”. L’ancien brun rangeait les tubes dans leurs boites respectives quand la solution le percuta. Mais bien sûr. Évidement. Il y avait bien une personne qui pouvait régler son problème.

“AVA”

Clayton avait hurlé avant de frapper à la porte de l’habitation Crimson. Le soleil n'était pas levé depuis bien longtemps, lui garantissant qu'elle soit à l'intérieur. Le blond patientait dans son vieux pyjama, les boites en équilibre précaire entre ses bras.

« AVA ! »

Ava enfonça sa tête sous son oreiller en grognant. Pourquoi fallait-il que l’univers trouve toujours le moyen de la réveiller de la pire façon ? Quand il ne s’agissait ni d’un réveil strident ou de hurlements de légionnaires, c’étaient des voisins bruyants, des coqs hurlants, ou sa tante. Sa tante qui ne savait définitivement réveiller les gens doucement. Non, évidement. Il fallait qu’elle hurle.

Ava entendit sa tante parler à un volume normal. Peut-être à quelqu’un. Peut-être toute seule. En tout cas, il n’y avait plus de hurlement alors Ava se détendit. Elle se laissa doucement retomber dans la sensation cotonneuse du sommeil, ignorant délibérément la deuxième voix et les bruits de pas qui s’approchaient de sa chambre. Cependant, lorsqu’elle entendit sa tante frapper à sa porte, Ava ouvrit les yeux. C’en était trop. D’un mouvement rageur, l’adolescente quitta son lit et ouvrit sa porte avec colère.

« QUOI ? Je DORS. »

Et là, face à elle, alors qu’elle n’était vêtue que de son pyjama (c’est-à-dire, un débardeur crop-top et un short délavé et usé), Ava se retrouva nez-à-nez avec Clayton. Blond. Enfin, blanc. Enfin, avec des cheveux couleur… couleur… couleur décoloration.

« Oui ma chérie, désolée de te réveiller, ton ami est venu pour une urgence. Je vous laisse gérer entre vous, je vais aller courir ! »

Ava regarda sa tante la saluer et disparaître au bout du couloir. Ava fixa le vide, une expression incrédule sur le visage, jusqu’à entendre la porte d’entrée claquer. Alors, elle reporta son attention sur Clayton :

« Je- Tu- Qu’est-ce… »

Ava grogna et se frappa le front à plusieurs reprises avec son poing afin de mettre ses idées au clair. Il n’y avait absolument rien qui allait dans cette scène. Absolument RIEN.

« Pourquoi ? Pourquoi, Clayton ? »

Pourquoi t’es là, pourquoi tes cheveux sont comme ça, pourquoi tu sais où j’habite, pourquoi, pourquoi, pourquoi.

La porte s’ouvrit sur la gentille tante d’Ava, celle qui l’avait défendu bec et ongles sur la plage quelques jours auparavant. Elle vibrait d’une énergie positive comique, en parfaite opposition avec la neutre indifférence de sa nièce. Clayton s’arma d’un grand sourire. Celui qui, d’après Solan, pouvait charmer des grand-mères et lui permettre d’entre n’importe où sans crocheter une seule serrure.

Du sas d’entrée à la chambre d’Ava, Clayton eu droit à sept questions, deux vaguelettes de sourcils ainsi qu'à une invitation à rester manger. Appelle-moi-Elayne-voyons lui indiqua une porte, l’incitant à toquer avec une joie enfantine. Elayne était amusante. Presque aussi amusante qu’une Ava arrachée du lit, les cheveux en pagaille, le regardant d’un air ahurie. Ou désespérée. L'avait-il cassée sans faire exprès ?

Sa question le figea dans un sourire. Pourquoi ? Parce qu’il s’était réveillé dans une chambre vide pas entouré de monde comme au Camp. Parce que voir les autres heureux avec leurs proches faisait mal. Parce que je me sens seul. Clayton déglutit, optant pour la deuxième vérité. Pétillant face à sa tronche dépitée - est-ce que c'était des plis d’oreiller sur sa joue - le blond pencha la tête sur le côté, secouant vaguement ses doigts en direction de ses cheveux.

“Ça ? Parce que j’avais envie de changement. Je voulais… des cheveux rouges. Ce qui est un échec. Comme tu peux le voir. Et tu as les cheveux bleus, alors je me suis dit… Tu vois. Tu peux m’aider…s’il te plaît ?”

« Ça ? Parce que j’avais envie de changement. Je voulais… des cheveux rouges. Ce qui est un échec. Comme tu peux le voir. Et tu as les cheveux bleus, alors je me suis dit… Tu vois. Tu peux m’aider…s’il te plaît ? »

Ava regarda Clayton pendant de longues secondes. Il y avait quelque chose de différent chez lui, un je-ne-sais-quoi sur lequel elle n’arrivait pas à poser le doigt. Elle fini par soupirer.

« D’accord. Clayton ouvrit la bouche mais Ava le fit taire d’un mouvement autoritaire du doigt. Je m’habille, on déjeune et après on s’occupe de… ça. »

Ava pointa les cheveux de Clayton avant de refermer sa porte de chambre. Là, à l’abris des regards, Ava se reniflant les aisselles avant de juger que son odeur était ok. Elle se changea pour enfiler un short jean et un tshirt trop grand qu’elle rentra à moitié dans son short. Elle attacha ses cheveux en queue de cheval et sortit de sa chambre après avoir remis un coup de déo.

« Tu as dejeuné ? »

Clayton répondit par la négative. Ava se dirigea alors vers la cuisine et sorti un paquet de pitch qu’elle posa sur la table, avant de servir verres de jus d’orange. Clayton semblait complètement surexcité à côté d’elle mais il respecta le réveil d’Ava et n’insista pas pour parler. Une fois son verre avalé, Ava se leva et s’étira. Attiré comme un aimant, Clayton se plaça en face d’elle et lui tendit plusieurs produits qu’Ava observa longuement. Finalement, elle se hissa sur la pointe des pieds pour regarder le crâne de Clayton et conclut à une deuxième décoloration. Elle installa une chaise avec un coussin et invita le légionnaire à s’y assoir avant de poser une serviette sur ses épaules. Là, elle mélangea la décoloration et commença délicatement à deposer sur les cheveux de Clayton de façon uniforme à l’aide d’une pince (pour séparer les cheveux) et d’un pinceau.

Le pinceau enduit de la froide coloration venait chatouiller le sommet de son crâne. Clayton ressentait Ava s’affairer derrière le dossier de la chaise, silencieuse et professionnel. C’était… Surprenant. Le blond fronçait les sourcils, perplexe. Tendu. S’attendant à une douleur qui ne venait jamais. Clayton trouvait l’expérience étrange. Pourtant, ses épaules perdirent leur tension à mesure que la coloration avancée, son dos s’appuyant contre le dossier.

Ava l’avait averti qu’ils devraient attendre que le produit prenne sur ses cheveux foncés. Au moins vingt minutes. En attendant, ils avaient fini par migrer sur le canapé. Clayton grignoté un pitch, installé en boule, un menton posé sur son genou relevé. Une musique douce remplissait la pièce d’une atmosphère paisible que la lumière matinale soulignée. C’était amusant ; les habitations étaient toutes identiques, pourtant Clayton trouvait la maison des Crimson plus chaleureuse que la sienne.

Ava bailla, ramenant son attention à elle. Il ne l'avait jamais vu aussi détendue près de lui. À la réflexion, elle venait d'être brutalement arrachée au sommeil. Ceci devait expliquer cela. Clayton ne trouvait pas la volonté de s'en sentir coupable, toujours aussi satisfait de découvrir de nouvelles facettes. Le calme de la jeune femme devait déteindre sur lui. Clayton ne ressentait pas le besoin de remplir le silence, se contentant de finir de manger en écoutant une nouvelle musique débuter. When the sun love the moon. Encore une musique douce d'amour. Clayton se demandait de quelle playlist elle provenait dans un sourire curieux. Hmm surement pas de celle d'Ava.

“Tu te teindras les cheveux de quelle couleur la prochaine fois ?”

Ava s’appliqua sur les cheveux de Clayton comme s’il s’agissait des siens. Puisqu’il avait déjà effectué une première décoloration, elle prit le temps de faire proprement la seconde et d’insister sur les mèches encore trop foncées, tout en se perdant dans ses pensées. Les gestes qu’elle faisait étaient devenus des automatismes avec le temps, un moyen de se détendre et d’oublier les aléas du quotidien. Le faire sur quelqu’un d’autre était à la fois étrange et grisant. Ava se délectait du calme de Clayton, du calme de la pièce, de cette espèce de bulle hors du temps dans laquelle ils s’enfermaient tous les deux.

Lorsqu’elle eut terminé d’appliquer la décoloration, elle se glissa dans la cuisine afin de lancer un minuteur. Vingt minutes et ça devrait être bon, songea-t-elle tout en saisissant le paquet de pitch qui traînait sur la table. Elle s’installa sur le canapé et lança machinalement son ipod en mode aléatoire sur les enceintes de sa tante. Elle se perdit alors dans un état de semi-conscience dans lequel tourbillonnaient songes, souvenirs et fantasmes.Finalement, Clayton l’arracha à cet état en ouvrant la bouche.

« Tu te teindras les cheveux de quelle couleur la prochaine fois ? »

Ava réalisa qu’il y avait presque quelque chose d’intime à être assis là, dans le salon d’un bungalow du Club Mydh baigné dans la lumière matinale. Il y avait peu de gens qui pouvaient prétendre avoir eu ce degré de proximité avec la Centurion, elle qui avait tendance à ériger des barrières plutôt que des ponts autour d’elle. Mais encore une fois, Clayton n’était pas du genre à s'arrêter à ça.

« Je ne sais pas encore. Pour l’instant le bleu convient à mon état d’esprit. Je referai peut-être mes racines à la rentrée. »

C’était étrange d’avoir une conversation normale avec le fils de Vulcain et Ava avait du mal à ne pas être complètement sur pas ses gardes. Allait-il soudainement courir dans toute la maison à la recherche de preuves irréfutables sur Ava ? Allait-il mettre le reste de pitch dans sa bouche pour imiter un hamster ? Allait-il s’étaler des miettes de chocolat dans les cheveux pour “faire un effet tacheté” dans sa décoloration ? Qui sait. Pas Ava, en tout cas.

Le minuteur sonna à ce moment, faisant sursauter Ava qui s’était encore égarée dans ses pensées. Elle se pencha vers Clayton et lui inclina la tête pour regarder ses cheveux. Elle touche une mèche ou deux avant de reculer.

« Allez, on va rincer ça, suis-moi. »

Ava invita Clayton à se mettre à genou devant la baignoire et elle s’installa dans son dos. Elle s’attela à lui rincer les cheveux et à lui laver afin d’être certaine qu’il n’y ait plus de décoloration. Elle scruta de longues secondes les cheveux de Clayton, là, penchée au-dessus de lui. Pendant un instant, elle détailla le jeune homme et réalisa qu’elle aurait pu l’assassiner, là comme ça, et qu’il ne l’aurait même pas vu venir. Ava secoua la tête et chassa cette pensée intrusive. Elle avait réellement un problème avec le concept même de vulnérabilité. Elle se releva et lui tendit une serviette.

« Tiens, sèche toi les cheveux, je vais préparer ta couleur en attendant. »

Ava abandonna Clayton à ses cheveux et retourna à la cuisine afin de préparer la coloration. Elle mélangea les produits et enfila les petits gants en plastique qui étaient fournis dans la boite.

Le froid des carreaux de la salle de bain remonta le long de son genou. Le rebord de la baignoire s’enfonça dans son torse. La tête suspendue fit face à l’émail du fond de la baignoire, le voile de ses cheveux encadrant son visage. C’était une position étrange. Peu confortable. Clayton pouvait sentir la chaleur d’Ava dans son dos, toute proche de lui, de son corps, de son cou. Penchée au-dessus de lui. Il se fit la réflexion que c’était étrange d’avoir sa Centurion aussi près de lui. Clayton ouvrit la bouche. Peut-être pour faire des allusions sur cette situation cossasses. Peut-être pour mettre en lumière cette étrange vulnérabilité dans un petit rire nerveux. Avant que le moindre son ne puisse s’échapper de ses lèvres, Ava actionna le robinet. Le bruit de l’eau résonna dans la petite salle de bain. Une eau tiède qui finit par serpenter entre ses mèches, s’écoulant sur son crâne et le long de sa mâchoire. La relaxation ressentit lors de la coloration n’était rien à côté de celle du rinçage. Clayton découvrit que les doigts d’Ava frottant son cuir chevelu étaient mille fois mieux. Le jeune homme ferma les yeux, détendu, faisant des efforts pour ne pas soupirer d’aise. L’expérience se termina bien trop vite à son goût.

Clayton accepta la serviette qu’Ava lui tendit, acquiesça et la regarda quitter la pièce. Le jeune homme baissa les yeux sur ses mains. C’était une serviette blanche remplie de tâches noires, assez grande pour un enfant, décorée de plusieurs petits dalmatiens. Il se demanda un instant si cette serviette datait de l’enfance d’Ava. Est-ce qu'Ava enfant aimait les Disney au point de demander des cadeaux liés à ses films préférés ? Dans un sourire, le fils de Vulcain entreprit de frotter énergiquement ses cheveux humides. Un mouvement dans la périphérie de sa vision attira son attention. Tournant la tête, Clayton se retrouva face à son reflet. Le nez proche de la glace, sa tête pivota d’un côté. Puis de l’autre. Ava avait fait un merveilleux travail : ses cheveux anciennement jaunes étaient d’un blanc pur. C’était particulier de se voir ainsi. Clayton avait l’impression d’avoir changé de visage tellement la couleur contraster avec son brun foncé habituel.

Clayton quitta la salle de bain, serviette sur les épaules, pour se diriger tranquillement vers la cuisine. Il s’arrêta à côté d’Ava, regardant intriguée par-dessus son épaule. La jeune femme avait, encore une fois, l’air d’une professionnelle. Elle mélangeait un liquide rouge dans un ramequin, utilisant une brosse et des gants… C’était donc ça. Des gants. Pour éviter de ressembler à un Simpson.

“Rouge vif ! Ça va être trop cool.”

Clayton finit par s’adosser contre le meuble de cuisine, regardant toujours les doigts d’Ava s’activer au-dessus de la préparation.

“Tu ne trouves pas que je ressemble à un ange comme ça ?”

Le jeune homme inclina la tête, ses cheveux humides et blême suivant le mouvement. Ses yeux verts tombèrent sur deux billes bleues confuses. Clayton lui prouva son point de vue en prenant l’air le plus innocent possible, ses yeux de chien battu orienté vers une lumière divine imaginaire, une main sur le cœur. L’avènement de l’ange Clayton. Il redevient plus sérieux dans un gloussement, fier de sa connerie. Plus fier encore en apercevant le fin sourire en coin d’Ava. Tellement léger que le titre de sourire ne convenait pas. Et peut-être à cause de leur proximité ou à force de gravité autour d’elle, mais Clayton pouvait nettement voir ce petit sourire. Il sentit de la satisfaction, une douce émotion se répandre dans sa poitrine.

Le silence les enveloppa de nouveau, accompagné par la douce musique de fond et les mouvements d’Ava. Ava qui finit par lui indiquer de s’asseoir. Clayton se rendit jusqu’à la chaise d’un pas joyeux, enfantin, débordant d’excitation. Confortablement installé sur le coussin de la chaise, il entendait Ava s’installer derrière lui. Ses doigts venant chatouiller le haut de ses mèches. Clayton essaya de ne pas repenser à la confortable sensation de ses doigts parcourant ses cheveux. Ou de comment il aurait pu en ronronner de plaisir comme un chaton. Les doigts d’Ava continuèrent leurs manèges, puis l’agréable pinceau fut de retour et l’ancien brun se demanda pourquoi il essayait. Après tout, c’était parfaitement plaisant. Clayton se laissa fondre contre le dossier, tout content.

“C’est quoi ton Disney préféré ?”

Ses doigts vinrent jouer avec un bout de la serviette, celui où était brodée l’inscription “101 Dalmatians”. Clayton ne savait pas grand-chose sur Ava et encore moins sur ses goûts. À part quelle aimer le bleu. Et dormir. Et ne pas être dérangée tôt le matin pendant qu’elle dormait. Alors Clayton chercha en apprendre un peu plus, avec son intérêt intrigué concentré entièrement sur Ava.

« Tu ne trouves pas que je ressemble à un ange comme ça ? »

Ava regarda longuement Clayton qui prenait la pause, main sur le cœur, regard tourné vers les dieux. Ava cligna lentement des yeux. C’est vrai qu’il ressemblait presque à un ange – ou tout du moins à ces peintures qui exagéraient la beauté cristalline de leurs personnages. Clayton retrouva rapidement son air taquin habituel et gloussa comme un dindon – ce qui arracha un léger sourire à Ava qu’elle se hâta de dissimuler en reportant son attention sur son bol de coloration.

Clayton s’assit docilement sur la chaise lorsqu’Ava lui demanda et elle s’attela à sa mission avec tout autant de soin qu’avant. Cette tache était automatique et permettait à la Centurion d’agir sans réfléchir. Elle ne se perdit pas pour autant dans ses pensées mais partit dans une sorte de vide intérieur qui lui apportait un certain confort. Elle était là sans être là. Même la présence de Clayton était devenue fantomatique d’une certaine façon.

« C’est quoi ton Disney préféré ? »

Ava sursauta lorsque Clayton la ramena à la réalité. Elle mit une seconde ou deux avant de comprendre où elle se trouvait et encore un peu plus pour que la question intègre son cerveau. Elle arrêta un instant les mouvements dans les cheveux de Clayton pour réfléchir. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas vu de Disney alors même qu’ils avaient constitué toute son enfance. Bizarrement, elle se souvenait sans difficulté de ceux vus en compagnie de sa tante mais avait beaucoup plus de mal à se souvenir de ceux vus avec sa mère. Et puis, il y avait eu l’arrivée au Camp Jupiter, la fugue… Ava repris la coloration de Clayton.

« Ça fait longtemps que je n’en ai plus vu mais de mémoire je dirai que les Aristochats était mon préféré. Suivi de près par Rox et Rouky. »

Ava fit une courte pause, perdue dans ses propres souvenirs. Elle était certaine de pouvoir encore chanter chacune des chansons d’Aristochat et de pleurer tout autant en renvoyant Rox et Rouky. En fixant les cheveux de Clayton devenir rouge sous ses doigts, Ava se remémora un autre titre qu’elle avait beaucoup aimé également :

« La petite sirène est cool aussi. »

L’histoire d’une jeune fille qui quitte son monde et sa famille pour vivre sa propre aventure selon ses propres conditions ? Un rêve d’enfant, finalement. Un léger sourire éclaira les lèvres d’Ava en pensant à cette lecture là du film.

« Et toi ? »

Clayton sentit le pinceau arrêter son mouvement. Intrigué, il leva brièvement le regard. Sa question n’était pas à l’origine d’une explosion interne, Ava était simplement en train de réfléchir.

Ses doigts continuaient de jouer distraitement avec la serviette quand vint sa réponse. Clayton huma en l’écoutant, hochant la tête. Bien sûr. Oui. Les Aristochats. Rox et Rouky. Excellent. Bon choix... Clayton était aussi perdu que si Ava venait de s’exprimer dans une autre langue.

« La petite sirène est cool aussi. »

Le titre lui était familier. Clayton se rappelait visionner cette cassette avec sa cousine, caché sous un château de drap. La grosse dame pieuvre l’avait marqué. Positivement. Clayton sourit en imaginant Ava fascinée par cette petite sirène rousse qui faisait ce qu’elle voulait, loin de sa famille et des normes.

« Et toi ? »

La question le prit au dépourvu. Clayton haussa une épaule, n’ayant pas à s'interroger longtemps. Après tout, seuls deux films étaient présents sur la vieille cassette de son enfance.

“Euh. J’ai- je n’ai pas vraiment regardé de Disney. À part La petite sirène. Et les 101 Dalmatiens.” Clayton secoua le coin de la serviette où l’enseigne était brodée. Une famille nombreuse prenant soin affectueusement de tous ses membres. Oui, Clayton avait beaucoup aimé ce film.

“Cruella d’Enfer est cool.”

« “Euh. J’ai- je n’ai pas vraiment regardé de Disney. À part La petite sirène. Et les 101 Dalmatiens. »

Ava fronça légèrement les sourcils. Comment ça, il n’avait jamais vraiment regardé de Disney ? Décidément, cet enfant était bien trop étrange. Ava était maintenant tiraillée entre son envie de revoir tous les Disney en sa compagnie – peut-être que cela effacerait certains mauvais souvenirs autour de quelques titres – et l’envie de ne pas interférer dans ce manque de culture de sa part.

« Cruella d’Enfer est cool. »

Ah. Alors, non, non, non. Cette fois, Ava fronça vraiment les sourcils. Elle pouvait tolérer bien des comportements de la part des méchants de dessin animé mais elle mettait sa limite aux abus sur les animaux. Cruella portait bien son nom.

« Tu n’as aucun goût. »

L’heure suivante fut dédiée aux débats houleux sur les méchants Disney. Il y avait des moments où Ava se demandait si Clayton pensait vraiment ce qu’il disait ou s’il s’amusait de connaître les limites de sa Centurion. Elle ne creusa pas davantage sur ce point et contenta de tomber dans tous les pièges tendus par le forgeron jusqu’au moment où le minuteur annonça la fin de la pose de la couleur. Ava traîna Clayton dans la salle de bain pour lui rincer les cheveux. Il y avait quelque chose de reposant dans le fait de laisser courir ses doigts sur son cuir chevelu. Dans ces moments-là, Clayton était calme. Les yeux fermés, il semblait faire une confiance aveugle à Ava et elle se délectait de cette relation qui s’établissait entre eux. Portée par ce sentiment de bien-être, Ava utilisa même l’un de ses soins capillaires pour masser le crâne de Clayton, comme sa tante faisait avec elle. Une fois terminée, elle rendit la serviette à Clayton et lui indiqua où se trouvait le sèche-cheveux s’il souhaitait l’utiliser. Puis elle retourna dans le salon où elle prit un livre au hasard pour le lire tranquillement en attendant.