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Gods only know what is real and what is fake [Solan]
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Anonymous
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    Re: Gods only know what is real and what is fake [Solan]


    L'impassibilité de Solan m'est insupportable. Pourquoi reste-t-il silencieux ? Pourquoi ne réagit-il pas alors que je me montre sincère ? Est-ce qu'il ne comprend donc pas à quel point je lui laisse percevoir ma vulnérabilité en lui disant "pas encore" ? Cette porte que je laisse ouverte, il pourrait la recevoir comme un cadeau. Après tout, j'envisage la possibilité d'avoir des sentiments un jour dans le futur, ça ne lui suffit donc pas en guise de preuve de mon affection ? Je suis partagé entre la détresse et la rage, et je déteste ça.

    Soudain, il retire sa main, trop vite. La détresse l'emporte. Je ne peux pas le perdre, je ne veux pas le perdre, il est à moi, il me convient parfaitement, et si je n'arrive pas à en retrouver un autre après ? J'ai trouvé la place idéale pour Solan dans mon monde, il n'a pas le droit d'en changer. Et puis, le fils de Metus doit bien savoir à quel point j'ai la solitude en horreur, je ne me fais pas d'illusion là-dessus. Il n'oserait quand même pas m'abandonner en sachant ça. Je suis son maître après tout.

    L'angoisse tient tous mes sens en éveil, j'attends avec anticipation sa réaction. Il dit finalement sur un ton froid et sans affect :

    - Alors dis-moi, Basil. Pourquoi ce besoin de... comment tu dis déjà ? Officialiser notre relation ? Alors que tu n'es pas amoureux ?

    Il retourne mon piège contre moi, le scélérat. La tristesse laisse place à la colère. Alors comme ça il veut jouer. Très bien, je vais participer à son petit jeu. Il se montre dédaigneux avec son "comment tu dis déjà ?", il va voir quel goût à le véritable mépris. Il croit pouvoir utiliser une faiblesse contre moi mais il ne sait pas ce qui l'attend. Je l'imite et bois mon vin avant de lui répondre :

    - Pourquoi ? C'est très simple. Qui a besoin de sentiments pour vivre une relation épanouissante ? Ne me dis quand même pas que c'est ton cas ?

    J'emploie le ton de celui qui badine sur des choses sans conséquences, comme si le destin de notre relation ne me faisait ni chaud ni froid. Je viens d'avancer mon pion sur l'échiquier et je menace une de ses pièces maîtresses. C'est désormais lui qui est en position de faiblesse : va-t-il avouer qu'il a effectivement besoin de sentiments pour être dans une relation, qu'il n'est pas différent des autres et qu'il est aussi vulnérable qu'eux ? Mais je suis inatteignable, Basil sans cœur ne peut pas être touché par les affres du cœur dont souffre Solan l'amoureux déçu. Je rajoute avec dédain, comme pour l'enfoncer, une dernière pique :

    - Mais c'est vrai, j'oublie à quel point tu peux être émotif.

    Je charge ce dernier mot de tout le mépris dont je suis capable. Et pour lui montrer à quel point ça n'a aucune importance à mes yeux, je commence à manger le contenu de mon assiette, même si je n'ai pas faim.

    Je me demande si je suis en train de briser notre lien en faisant autant de sous-entendus gratuitement méchants. J'essaie d'imaginer l'issue de cette soirée si nous devions décider de nous séparer ainsi. Ça serait sûrement pour le mieux, je ne peux pas m'embarrasser de quelqu'un qui exige des sentiments dans une relation. Mais je ne peux m'empêcher de me demander : est-ce qu'un simple désaccord sur le fait d'être amoureux vaut la peine de jeter tout ce que nous avons ? Qui a besoin d'être amoureux quand on a déjà les jambes qui se cherchent et se touchent sous une table de restaurant, les visites impromptues derrière les dortoirs, les longs baisers tendres pour se dire au-revoir, les mains dans les cheveux de l'autre quand ils prennent des reflets chauds sous le soleil de la fin d'après-midi, les mains sur les joues pour tenir précieusement un visage contre soi, les mains sur le sexe pour se donner du plaisir, les mains sur les yeux pour faire une surprise, les mains dans les mains pour ne pas rester seul ? Mon cœur se sert, moi qui croyais ne pas en avoir. Bien sûr que non, je ne veux pas gâcher ce que nous avons pour une simple dispute. Mais lui, que veut-il ? Mon ton se radoucit quand je lui dis :

    - Allons, nous n'allons pas nous fâcher pour ça. Qu'importe si nous ne cherchons pas exactement la même chose, non ?

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      Re: Gods only know what is real and what is fake [Solan]

      Basil s'enfonça dans sa chaise, son verre de vin à la main qu'il boit avec une élégance qui lui est propre. Tout dans sa posture indiquait qu'il allait se montrer aussi dédaigneux et méprisant qu'il ne l'était avec les autres. Sa théorie se confirma lorsqu'il lui répondit :

      "Pourquoi ? C'est très simple. Qui a besoin de sentiments pour vivre une relation épanouissante ? Ne me dis quand même pas que c'est ton cas ?"

      Le ton de sa voix ne trahissait aucune émotion, ses mots étaient froids comme de la glace et brûlaient le cœur de Solan un peu plus à chaque instant. Il n'en montrait rien, mais son estomac s'était noué à l'instant ou Basil avait ouvert la bouche. Solan aurait du s'y attendre. Basil était réputé pour ça, son absence de sentiments, son refus de s'accrocher, qui contrastait tellement avec sa peur immense de l'abandon, de la solitude. Il savait exactement à quel point ça l'effrayait, pour autant, Basil refusait en bloc d'assumer cette faiblesse. C'en était presque pathétique.

      "Mais c'est vrai, j'oublie à quel point tu peux être émotif."

      Ses sous-entendus à peine camouflés par son ton poli et courtois se heurtèrent à une carapace que Solan venait tout juste d'installer. Et ses mots lui glissaient dessus sans l'atteindre. Basil mangeait comme si rien de tout ça n'avait d'importance. Oui, Solan était émotif. Solan aimait l'amour. Solan appréciait ce sentiment qui lui donnait des papillons dans le ventre, la complicité qui en découlait avec la personne aimée, les parties de jambes en l'air tout en douceur, les promesses silencieuses tout en couleur, les baisers tendres échangés sans se soucier du reste du monde, les baisers fougueux cachés aux yeux de tous, les regards furtifs pour noter chaque détail qui constituaient l'autre. Solan aimait ça. Ce qu'il avait avec Basil lui semblait si vrai, si authentique, et pourtant le voilà qui disait qu'il ne l'aimait pas. Au lieu de lui déchirer le cœur, il avait fait naître la colère.

      "Allons, nous n'allons pas nous fâcher pour ça. Qu'importe si nous ne cherchons pas exactement la même chose, non ?"

      Un sourire mesquin illumina le visage de Solan. Qu'importe si on ne cherche pas exactement la même chose ? Très bien, Basil voulait jouer. Solan commença à manger le contenu de son assiette à son tour, réfléchissant rapidement aux options qui étaient à sa disponibilité. Finalement, cela ne lui prit que quelques secondes, et il lança nonchalamment :

      "Oui, Basil, j'ai des émotions. Mais soyons réalistes. Tu m'auras pas à ce jeu-là. On ne cherche pas la même chose, et peut-être que ça ne m'aurait pas dérangé si tu ne t'étais pas montré aussi méprisant."

      Solan engouffra une nouvelle bouchée de son plat, et termina son assiette dans le silence le plus complet. Finalement, il leva les yeux vers Basil. Il ignora son cœur qui commençait à se fissurer, mais la colère prenait le dessus. Basil le méprisait. Basil ne le voyait que comme un pion sur son échiquier. Basil lui avait donné son corps, mais pas son cœur. Basil en était incapable, d'aimer. Et pourtant il avait ce besoin déchirait d'avoir quelqu'un dans sa vie, pour ne pas être seul. Le ton que Solan adopta était neutre, mais ses mots tranchaient comme des lames de rasoirs :

      "Tu sais, c'est marrant quand même venant de quelqu'un qui est si effrayé par la solitude, de mépriser l'amour. T'as besoin de moi. T'as besoin de m'avoir à portée de main pour être rassuré, je le sais, je le sens. Mais dès que je serai parti, tu trouveras quelqu'un d'autre qui se fera piéger, et au final, les suivants verront comme moi, à quel point tu es creux. Tu finiras seul. Je te laisse payer, tu m'en voudras pas pour ça, hein ?"

      Solan se leva de sa chaise. Et il regarda Basil figé sur la sienne, sous l'emprise de son pouvoir qu'il avait insinué doucement, au fil de ses paroles. Son pouvoir qui le possédait maintenant complètement. Les yeux terrorisés du fils de Mercure firent sourire le romain qui enfilait sa veste. Il se dirigea vers la porte de sortie du restaurant, et jeta un dernier coup d'œil à Basil. Et il relâcha son emprise sur lui, juste pour qu'il le voit partir.

      Enfin dans la rue, Solan s'autorisa à respirer. Il autorisa la carapace qui recouvrait son cœur à partir en poussière. Et il s'autorisa à avoir mal.
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        Re: Gods only know what is real and what is fake [Solan]


        Je ne sais pas pourquoi je me suis laissé aller à espérer que notre dispute ne briserait pas notre lien. L'espoir est pour les faibles, et c'est un sentiment bien trop dangereux pour moi. Pourtant, quand je lui dis doucement que nous ne devrions pas nous laisser déborder par nos différences, j'espère. J'espère qu'il entendra raison, qu'il ne sera pas submergé par ses émotions et qu'il verra que nous pouvons tous les deux tirer parti de notre relation. Mais son sourire presque méchant annonce déjà qu'il va briser tous mes espoirs. Il commence à manger et je sais très bien que c'est sa façon de me narguer puisque je fais exactement la même chose.

        - Oui Basil, j'ai des émotions. Mais soyons réalistes. Tu m'auras pas à ce jeu-là. On ne cherche pas la même chose, et peut-être que ça ne m'aurait pas dérangé si tu ne t'étais pas montré aussi méprisant.

        Il est en train de faire quelque chose de formidable et dont je suis tout à fait incapable. Il admet sa faiblesse, ses émotions, et il en fait une force, un bouclier qui le protège et derrière lequel rien ne peut l'atteindre. Et il a l'audace de retourner contre moi mes atouts : mon arrogance qui me protège des autres d'habitude, il en fait une arme qu'il utilise pour m'attaquer.

        J'ai envie de me justifier, de lui expliquer que je n'étais méprisant que par habitude, que c'est mon réflexe pour tenir les autres à distance, qu'il ne devrait pas m'en tenir rigueur. J'envisage même de lui demander pardon. Seigneur, jusqu'où suis-je prêt à m'abaisser pour ne pas le perdre ? Peut-être est-ce parce que je ne suis pas capable de me montrer encore plus vulnérable que je ne le suis déjà que je ne dis rien. Je me contente de triturer le contenu de mon assiette du bout du couteau et d'encaisser sa colère, si froide qu'elle me brûle. Pourquoi suis-je autant affecté ? Seigneur, je déteste ça. Pourtant, j'ai fait attention à ne pas m'impliquer émotionnellement dans cette relation, mais il semblerait que ma peur de retrouver l'état de solitude soit plus forte que ma volonté de ne pas me laisser atteindre par les sentiments.

        - Tu sais, c'est marrant quand même venant de quelqu'un qui est si effrayé par la solitude, de mépriser l'amour. T'as besoin de moi. T'as besoin de m'avoir à portée de main pour être rassuré, je le sais, je le sens. Mais dès que je serai parti, tu trouveras quelqu'un d'autre qui se fera piéger, et au final, les suivants verront comme moi, à quel point tu es creux. Tu finiras seul. Je te laisse payer, tu m'en voudras pas pour ça, hein ?

        Soudain, j'étouffe, c'en est trop. Comment ose-t-il formuler aussi cruellement mes peurs les plus secrètes ? Je suis nu et, éclairé par une lumière blafarde, je ne peux que regarder Solan en train de me disséquer vicieusement, impuissant. Je voudrais réagir et l'empêcher d'aller plus loin mais quelque chose m'en empêche et je reste paralysé sur ma chaise, comme si Solan me tenait en son pouvoir grâce à son seul regard. Et il continue, tirant sadiquement sur mes viscères pour les extirper hors de mon corps tremblant et les brandir à la vue de tous. La vérité de ses mots me déchire, tout ce que je ne voulais pas admettre il l'expose froidement et sans aucune pitié. Oui, j'ai besoin de Solan, j'ai besoin de quelqu'un pour me tenir la nuit quand les démons de la solitude viennent me hanter. Oui, je suis creux, vide de toutes les émotions que je refuse de ressentir, et je courtise les beaux jeunes hommes pour que leur affection me fasse enfin me sentir entier. Je ne veux pas finir seul mais je sais au fond de moi que oui, ça arrivera, combien même je mets tout en oeuvre pour l'éviter. Et ça me terrifie. Ça me terrifie au point que je tremble, épinglé sur place par les aiguilles que sont les mots de Solan et qui me transpercent de toute part.

        Il se lève et je ne peux que rester immobile sur ma chaise, complètement sous l'emprise de la peur. Mon corps entier est tendu et je ne peux masquer la grimace qui défigure mon visage. Soudain, je peux à nouveau respirer, comme si le poids de la terreur quittait brusquement mes épaules. Je me retourne à temps pour le voir partir et, même s'il ne peut plus m'entendre, je murmure :

        - Pourquoi tu me quittes si tu m'aimes ?

        Je sais bien pourquoi. Parce que même s'il m'aime, il se rend bien compte qu'il ne mérite pas quelqu'un qui le traite comme un pion, un serviteur, et rien de plus. Quelqu'un comme moi. Pour la première fois, je me mets à sa place. Je le considère pour ce qu'il est plutôt que pour ce qu'il m'apporte. Mais il est déjà trop tard.
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          Re: Gods only know what is real and what is fake [Solan]


          Quelques semaines plus tard

          Solan s'y était fait. À la douleur. Au chagrin. Aux battements de cœur douloureux. À la colère froide qui l'envahissait face à l'impression d'avoir été manipulé comme un vulgaire pantin. La réputation de Basil avait été bien fondée, et pourtant il avait naïvement cru qu'il pourrait être l'exception qui confirme la règle. Basil n'avait pas de sentiments, Basil tenait à distance tout ce qui était de l'ordre des émotions, Basil était lâche, Basil était fourbe, Basil était… trop de choses à la fois.

          Solan n'aimait pas ce genre d'états d'âme. Il était tombé amoureux bêtement, pour la première fois de sa vie, et la chute avait été terriblement douloureuse. Sa petite vengeance ne pourrait jamais être suffisante pour le soulager de ce fardeau. Mais Solan se refusait à recommencer. Comment pouvait-il le blâmer ? C'était lui qui avait été aveuglé par l'amour qu'il lui portait. Il aurait savoir, sentir, qu'il était creux et que jamais qui que ce soit ne pourrait combler ce vide qu'il avait en lui.

          Encore une fois, dans son lit, à environ cinq heures du matin, Solan se tournait et se retournait, ne réussissant pas à se défaire de l'emprise que le collectionneur avec sur lui. Quand, par tous les dieux, quand serait-il enfin en paix avec ça ? Lui, le grand Solan, le maître de la terreur, malheureux à cause d'un chagrin d'amour ? Évidemment, il n'en n'avait parlé à personne, encore moins à Kieran et Rae. Cette faiblesse, il la gardait pour lui, se contentant juste de répondre de manière vague aux questions des plus curieux.

          Ne pouvant réussir à dormir, le fils de Metus ouvrit discrètement son tiroir sous son lit et en sortit l'écharpe que Basil avait – probablement volontairement, puisqu'il calculait tout – oublié dans la caserne, deux mois auparavant. Solan l'avait gardé longtemps, trop longtemps. Il était temps de s'en débarrasser. Peut-être la brûler, pour faire bonne mesure. Non, trop dramaturge. Il se résolut à la seule option qui lui semblait correcte : aller voir Basil, lui remettre son si précieux objet, récupérer son bouquin au passage, et partir sans un mot. Où peut-être parler, juste un peu. Que leur histoire ne se termine pas de manière aussi… pitoyable.

          ***

          Il était midi, il avait fini son entraînement de la matinée, et son après-midi était libre. Il savait que celle de Basil l'était également, puisqu'ils se retrouvaient à chaque fois à ce moment-là à l'hôtel pour se réunir. Néanmoins, il savait que le fils de Mercure, qui dormait dans un autre dortoir, se trouvait quelque part dans le coin. Il supposa que, raffiné comme il était, il serait dans son café préféré, un lieu insolite, fort bien décoré, à la fois ancien et nouveau, et extrêmement, indécemment cher. Alors Solan se mit en route.

          Sur le chemin, il ne put s'empêcher d'imaginer les mille scénarios envisageables concernant leur échange, qui serait probablement de courte durée, mais bel et bien douloureux. Pour lui. Uniquement pour lui, puisque Basil ne ressentait rien pour Solan. Il fallait juste qu'il se débarrasse de son dernier souvenir matériel de lui, et tout irait mieux La cicatrisation serait plus facile, moins longue, moins fatigante, moins douloureuse. Mais il ne se faisait aucune illusion. Basil serait peut-être surpris par sa venue, en revanche, il savait frapper là où ça faisait mal. Il suffisait juste… Juste de s'envelopper d'une carapace.

          En entrant dans le café, Solan remarqua immédiatement Basil, les cheveux parfaitement coiffés en bataille, vêtu avec soin et originalité, en train de lire un livre – son livre – et il comprit une fois de plus ce qui l'avait séduit chez lui. Son cœur se serra, sa gorge se noua, et son estomac fit un bond. Alors Solan inspira profondément, plus pour se calmer que pour se donner du courage – il n'en n'avait pas besoin. La respiration enfin stable, il s'avança et s'assit à la table occupée par le collectionneur.

          "Salut. T'as oublié ça y a… un moment."

          Ses yeux ne cillèrent pas d'un poil lorsqu'il sortit de sa poche l'écharpe en tissu et la déposa sur la table. Il soutint son regard avec rage et détermination ; il ne se laisserait plus avoir.

          Anonymous
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            Re: Gods only know what is real and what is fake [Solan]


            C'est l'histoire d'une lande aride battue par les vents, d'amours contrariés et de rancœur profonde, de vivants et des morts qui les hantent. J'ai sorti le livre de mon étagère dans le but de le rendre à Solan mais j'ai commencé à le feuilleter, puis à lire les premières pages et maintenant je n'arrive plus à m'arrêter. Je suis happé par la rudesse des sentiments, aussi abruptes que les paysages de collines venteuses. Ça me fascine autant que ça me répulse. Mais peut-être que c'est plus facile de m'y confronter parce que c'est de la fiction, rien n'est vrai et il suffit de refermer la couverture pour que tout disparaisse. Peut-être aussi que je suis attiré malgré moi par la dureté des émotions décrites parce que le livre est particulièrement bien écrit. Solan a bon goût. Enfin, je suppose.

            Je pose le livre sur la table à laquelle je suis installé et je soupire. La vérité, c'est que je ne sais pas si Solan a bon goût. J'étais intrigué par le titre du livre qui traînait sur son lit, à la caserne de la cinquième cohorte. Les Hauts de Hurlevent. J'ai demandé si je pouvais le lui emprunter, et c'est tout. Je n'ai pas cherché à s'avoir s'il l'avait aimé, s'i c'était un cadeau ou un achat, s'il venait de le découvrir ou s'il le relisait pour la troisième fois. Il a accepté et je me suis contenté de cela. C'est bien ça le problème. C'est pour ça qu'il est parti.

            Parfois je me demande si je referais la même chose si j'avais le pouvoir de tout recommencer. Et je ne sais pas. Car je ne sais pas si j'en serais capable. Est-ce que pour Solan j'arriverais à prendre le risque de ressentir des choses ? Est-ce que je réussirais à m'impliquer réellement dans une relation ?Je crois qu'au fond ça me fait envie. Au moins un peu. Solan était habité par la douceur et la tendresse quand il était avec moi et je me demande ce que ça fait de sentir en soit cette affection pour un autre. Mais ensuite je pense à tout ce que les émotions ont de répugnant et je secoue la tête. Jamais je n'accepterais de perdre le contrôle.

            Je me ressers en thé et souffle sur ma tasse. C'est le seul café en ville qui sert une théière entière par client et, comme il me faut bien ça, je suis prêt à payer un peu plus cher. De plus, le lieu est à mon goût : les coussins de la banquette et les chaises ont été chiné avec une attention toute particulière portée aux détails et le mélange qui en résulte est coloré tout en restant élégant. Parfois, je m'imagine une vie fantaisiste dans laquelle je tiendrais une boutique de meubles ou un café qui serait dans ce goût-là. Mais ce ne sont que des rêveries, je n'ai pas encore d'idée concrète de ce que je compte faire après la Légion. Je bois une gorgée de mon Earl Grey et je reprends ma lecture, me replongeant dans les aventures torturées de Catherine et Heathcliff.

            - Salut. T'as oublié ça y a... un moment.

            Surpris d'entendre la voix de Solan, je lève les yeux de mon livre et ouvre la bouche malgré moi. Il est toujours aussi beau, même avec les yeux noirs de colère et de détermination.

            - Solan...

            Et en m'entendant prononcer son nom, je repense à toutes les fois où je l'ai appelé. En sortant de l'entraînement avec joie, en me moquant gentiment de lui avec malice, en l'interrompant avec colère lorsqu'il flirte avec un autre, en le surprenant à la sortie de ma caserne avec amusement, en haletant dans le lit avec désir, en gémissant entre ses bras avec délice, en murmurant contre ses lèvres avec révérence, en souriant, simplement. Je prononce son nom et je sais que je ne pourrais plus jamais le faire ainsi. Je ne peux plus que le dire avec amertume.

            Je n'ai pas un regard pour l'écharpe qu'il pose sur la table, je n'ai d'yeux que pour lui, comme si je pouvais l'absorber et je garder en moi en le dévorant du regard.

            Il m'a manqué. Comment ai-je fait pour ne pas m'en rendre compte ? Ai-je ignoré pendant tout ce temps la cruauté de son absence ? Ce n'est pas seulement son corps qui m'a manqué, c'est lui tout entier, c'est tout ce que je ne saurais jamais sur lui par ma faute. C'est ce qu'aurait pu être notre relation si je m'étais impliqué, si je m'étais mis à sa place, si j'avais eu des sentiments, qui me manque. Serait-il possible que ces sentiments aient été en germe en moi depuis le début ? Que je les ai étouffés sans leur laisser une chance, ces sentiments morts nés ?

            C'est sûrement pour le mieux. J'aurais certainement été incapable de m'en sortir avec. Il suffit de voir à quel point le manque et le regret m'affectent pour s'en convaincre. C'est plus que je ne peux le supporter. Je baisse mon regard et me souviens que j'ai un livre dans les mains. Son livre. Je me rends compte soudainement que c'est la dernière chose qui me reste de lui et que je vais devoir le lui rendre. Je déteste ce sentiment qui aggrave ma perte. Je me lève un peu maladroitement et dis dans le vague :

            - Je suppose que tu es aussi venu chercher ton livre. Un très bon roman.

            Je ne demande pas si c'est un cadeau, s'il l'a lu, s'il l'a aimé, s'il est du côté de Heathcliff, s'il voudrait voir l'adaptation en film avec moi. Il est trop tard pour ça. Peut-être est-ce pour cela que je le regarde et demande candidement :

            - Tu voulais me dire quelque chose ?

            C'est peut-être la première fois que je lui pose une question sans calcul. À quoi bon de toute façon ? Je l'ai déjà perdu.
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              Re: Gods only know what is real and what is fake [Solan]

              Basil semblait surpris. Il releva les yeux vers lui d'un air incrédule, comme si Solan lui avait manqué, comme s'il avait espéré un retour depuis longtemps, presque comme s'il l'avait aimé.

              "Solan…"

              Toutes ces fois ou il avait prononcé son prénom, ces échanges de tendresse, une tendresse creuse, vide de bonnes intentions et d'émotions, une tendresse fausse qui recouvrait le besoin de Basil d'avoir quelqu'un dans sa vie pour l'aider à colmater la faille en lui, combler le vide qu'il y avait dans son âme, toutes ces fois ou il avait prononcé son prénom comme une supplique ou une révérence, toutes ces fois-là, Solan ne les regrettait pas. Mais Solan avait du mal à supporter de l'entendre prononcer son prénom avec un arrière-goût amer.

              Basil ne regarda même pas l'écharpe qu'il lui avait rapportée. Son regard demeurait figé dans celui de Solan, et une bataille silencieuse dans les yeux du fils de Mercure lui indiqua qu'il essayait de trouver quelque chose à répondre, que ses pensées se bousculaient. Enfin un peu d'authenticité, mais il était trop tard. Et il regrettait. Il aurait aimé pouvoir le rassurer, lui dire que d'accord, je suis là, je reste là, je ne vais nulle part, je t'aime. Mais le fils de Mercure lui avait clairement indiqué que ses sentiments n'étaient pas réciproques. Et Solan se rappela de son mépris pour l'amour, qui l'avait décidé à partir.

              Soudain, Basil se leva sans son élégance habituelle, comme quand il perdait le sens de l'équilibre une fois alcoolisé. Pourquoi ne restait-il pas assis ? Sa voix se fit perdue lorsqu'il dit :

              "Je suppose que tu es aussi venu chercher ton livre. Un très bon roman."

              Son regard transperça à nouveau Solan, dont le cœur battait encore douloureusement rien qu'à le voir. Puis il demanda :

              "Tu voulais me dire quelque chose ?"

              Il y avait désormais un goût amer dans sa phrase, comme si Basil était pour la première fois de sa vie sincère, comme si Basil regrettait, comme si… Comme si. Mais ce n'est pas le cas. Du moins, c'est ce que Solan se plaît à croire, parce que s'il regrettait vraiment, il n'était pas certain de pouvoir tenir ses distances avec lui. Solan soupira et dit :

              "Rassieds-toi, s'il-te-plaît."

              Basil se rassit, se laissant tomber sur sa chaise avec moins d'élégance que d'habitude. Et Solan ne savait pas quoi dire, mais il ressentait ce besoin viscéral de lui parler, de lui dire à quel point il avait mal, à quel point il se sentait seul sans lui, à quel point il l'avait aimé avant qu'il ne ruine leur relation avec son mépris, et à quel point il lui manquait maintenant, tous les matins, tous les jours, tous les soirs. Oui, Solan avait trop de choses à lui dire, mais il ne savait pas comment le formuler. Alors il se contenta de dire :

              "T'es pas obligé de me rendre le livre tout de suite, prends le temps de le finir. Il est captivant. C'est Kieran qui me l'a offert. J'ai beaucoup aimé, enfin, tu sais à quel point j'aime lire – je crois. Le film est bof. Mais le livre, je l'ai déjà lu deux fois, donc pas d'urgence."

              À vrai dire, si, il y avait urgence. Un besoin pressant de sentir Basil nu contre lui, un besoin avide de l'embrasser, de lui faire l'amour, comme s'il n'y avait qu'eux deux qui comptaient. Mais c'était trop tard. Ils fonçaient dans le mur dès le début, sans trop le savoir. Maintenant, ils savaient. Et cette erreur, Solan ne la commettrait pas deux fois. Son cœur se serra dans sa poitrine, et il baissa les yeux pour que Basil ne voit pas la tristesse qui humidifiait ses yeux.

              Lorsqu'il les releva vers lui, son visage était désormais neutre, mais dans ses yeux brillait toujours lune étincelle morose. Qu'y avait-il de plus à rajouter ? Solan croisa les mains sous la table, et soupira. En croisant le regard de Basil, il se demanda s'il n'avait vraiment rien éprouvé pour lui, s'il s'était vraiment uniquement servi de lui pour combler le creux de son âme et s'épargner la solitude qui le terrifiait tant. Alors Solan formula sa pensée, parce qu'il détestait les non-dits, parce qu'il voulait être certain qu'il avait eu raison de partir, parce qu'il l'aimait encore, et que malgré tout, une petite braise dans le feu de son cœur presque éteint brillait toujours d'une lueur incandescente d'espoir :

              "Je ne te le demanderai qu'une fois, parce que j'ai besoin d'une réponse, j'ai besoin d'être sûr."

              La gorge nouée, Solan réprimait l'envie de laisser s'écouler ses larmes, et il chassa le sanglot coincé dans sa gorge. Il avait les yeux humides, mais sa vision restait nette. Il ne pleurerait pas devant lui. Il ne le laisserait pas voir à quel point il l'avait blessé, il ne le laisserait pas voir à quel point son cœur était meurtri.

              "Basil… Est-ce que tu pensais vraiment…? Je veux dire, est-ce que tu m'as aimé ?"

              Est-ce qu'on peut tout recommencer ? Les yeux de Solan soutenaient le regard de Basil, sans ciller. Le cœur du fils de Metus murmurait reviens, et ses yeux réclamait en hurlant dis-moi la vérité. Mais en réalité Basil avait perdu sa confiance, et rien ne pourrait plus être comme avant, il le savait bien. Il fallait qu'il tue l'espoir qui demeurait accroché à l'intérieur de lui.
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                Re: Gods only know what is real and what is fake [Solan]


                En face de moi, Solan s'efforce d'être neutre. Pourtant, je vois ses yeux un peu humides. D'habitude, je resterais de marbre face à un tel accès d'émotion. Qu'importe si je suis lié d'une quelconque façon à cette démonstration impudique, je hausserais les épaules et passerais à autre chose. Mais c'est Solan. Solan qui a peut-être ouvert une brèche dans ma muraille. Je suis tenté de passer la tête à travers la faille, pour voir à quoi ça ressemble. Je sais que c'est une très mauvaise idée. Mais depuis que j'ai pris conscience de combien il m'avait manqué, j'ai déjà un pied de l'autre côté. Alors, puisque je suis déjà impliqué dans cette affaire, pourquoi ne pas essayer de m'y intéresser un peu ?

                Je bois les yeux humides de Solan et je me demande, timidement, ce qu'il se passe pour qu'il soit ému à ce point. Que sais-je ? Si peu de choses, et c'est ma faute. Je sais que ses cheveux sont plus noirs que la nuit, je sais qu'il aime outrepasser les interdits, je sais qu'il est tendre et prévenant, je sais que ses yeux sont aussi perçants qu'ils peuvent être enveloppants. Je sais qu'il m'aime. Et c'est peut-être là la clé. Il m'aime et je ne l'aime pas. Et si je l'aimais ? Vertige, trop d'oxygène, hilarant, déséquilibre, frisson. Et s'il ne m'aimait pas ? Chute, affres, suffoquer, glacé, figé.

                Seigneur, que je suis en train de faire ?

                - Je ne te le demanderai qu'une fois, parce que j'ai besoin d'une réponse, j'ai besoin d'être sûr.

                Je suis sur une pente glissante, je dégringole et, dans ma descente disgracieuse, je pense sans pouvoir me raccrocher à quoique ce soit : tout ce que tu veux, demande-moi, je te dois bien ça, ça ne me rachètera pas mais si tu en as besoin bien sûr que je te répondrais.

                - Basil... Est-ce que tu pensais vraiment... ? Je veux dire, est-ce que tu m'as aimé ?

                Peut-être que si j'en étais capable, j'aurais les yeux humides moi aussi. À la place, je me contente de battre des cils, bien trop rapidement pour que ça ait l'air naturel. Je n'aurais pas dû m'intéresser à ce qu'il y a de l'autre côté de la brèche, il n'y a qu'une béance qui m'avale et me dévore. Je ne réfléchis pas, tout sort malgré moi et j'ai à peine le temps d'enregistrer et de comprendre ce que je dis.

                - J'aurais tellement aimé te dire oui, mais malheureusement je t'ai dit la vérité. Si j'en avais été capable, je t'aurais aimé, plus que quiconque. Je ne t'ai pas aimé, j'aurais sûrement dû. Je ne t'ai pas aimé, mais avec personne d'autre que toi je ne me suis approché d'aussi près de ce sentiment.

                C'est terrible, j'ai le cœur serré et la gorge nouée, je suis submergé par le regret, je suis entouré de toutes parts, j'ai jeté les armes et pourtant l'ennemi est sans pitié. Il m'aime et je ne l'aime pas et je voudrais que ça ne soit pas le cas, je voudrais l'aimer pour le prendre dans mes bras et le consoler, pour l'embrasser sur le front, dans les cheveux, et lui assurer que tout ira bien, pour lui promettre que je vais changer et qu'on pourra tout recommencer, pour lui donner tout ce qu'il mérite et même plus. Il m'aime et je ne l'aime pas et j'ai pitié de lui parce que je l'ai entraîné dans une relation qui n'est pas celle dont il a besoin, qui lui a donné de faux espoirs, qui le fait souffrir.

                - Je suis désolé.

                Je l'ai dit à voix haute ? Tout est trop réel, les bruits de fond du café, ses mains sous la table, l'odeur du thé noir et de la bergamote, le bleu de la couverture du livre, les mailles de mon écharpe, tout me parvient avec beaucoup trop d'intensité, comme si je percevais mieux le monde qui m'entoure en même temps que je percevais finalement mes sentiments.

                Il m'aime et je ne l'aime pas et j'ai pitié de moi car je pourrais rendre Solan heureux et me tenir à ses côtés, expérimenter les sentiments avec lui, en ressortir plus grand et assuré, complet. Je tends la main vers lui. Je pourrais le faire, pas seulement pour lui. Pour moi aussi. Qu'est-ce que ça me coûterait ?

                Un bruit de collision dans la rue me fait détourner le regard, par réflexe. C'est alors que je rencontre mon reflet dans la vitrine. Je suis bien habillé, avec mon costume tartan et ma chemise orange, je porte mes derbies préférées et mes cheveux sont savamment décoiffés. Pourtant, je ne me reconnais pas. Qui est ce jeune homme au regard dévasté, penché en avant, la main tendue vers Solan, comme si tout son être n'aspirait qu'à se fondre dans l'autre ? Est-ce que c'est vraiment ça que je veux ? Perdre le contrôle, me laisser gouverner par mes sentiments et remettre mon destin entre les mains d'un autre ? Certainement pas ! Je refuse !

                Je me renfonce dans la banquette et pose ma main contre ma tasse de thé. Qu'est-ce que j'ai fait ? Je m'apprêtais à commettre l'irréparable. Me laisser envahir par toutes ces choses dangereuses. Ce n'est pas qui je suis. Je bois une gorgée de mon thé et me laisse me rassénérer par la boisson chaude et parfumée. Que faire maintenant ? Il ne faut pas que Solan se fasse des idées avec toutes ces choses saugrenues que j'ai dites. Je reprends mes calculs, cherchant une formulation précise pour lui faire comprendre que ce j'ai eu un simple moment d'égarement et qu'il ne doit pas en tenir compte.

                - Enfin, c'est du passé. Nous sommes bien d'accord pour dire que cette affaire est terminée ?

                Voilà ce que c'était. Pas de faille, pas de brèche. Une simple affaire comme une autre. Ou du moins, j'essaie de m'en convaincre. Il le faudra bien.
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                  Re: Gods only know what is real and what is fake [Solan]

                  Les paupières de Basil battaient furieusement. Solan ne savait pas comment interpréter ça, alors il ne le fit pas, attendant le cœur battant une réponse honnête de sa part.

                  "J'aurais tellement aimé te dire oui, mais malheureusement je t'ai dit la vérité. Si j'en avais été capable, je t'aurais aimé, plus que quiconque. Je ne t'ai pas aimé, j'aurais sûrement dû. Je ne t'ai pas aimé, mais avec personne d'autre que toi je ne me suis approché d'aussi près de ce sentiment."

                  Le cœur de Solan se broyait un peu plus à chacun des mots que le fils de Mercure prononçait. Il ne l'avait pas aimé, mais presque. Peut-être que si Solan avait été un peu plus patient, ça aurait fini par venir. Peut-être que s'il avait attendu un peu plus longtemps, Basil ne lui aurait pas dis pas encore. Peut-être que Solan en avait trop demandé d'un coup. Peut-être que tout ça, c'était sa faute à lui. L'espoir incandescent qui lui brûlait encore l'âme quelques instants auparavant venait de s'éteindre, noyé par un océan de larmes qui ne couleraient jamais devant lui.

                  "Je suis désolé."

                  Basil, s'excuser ? Basil, sincère ? Basil, désolé ? La culpabilité de Solan s'évapora d'un coup. Sa tristesse se fit remplacer par une colère sourde, une rage qu'il gardait pour lui. Pour l'instant. Basil n'avait pas de cœur. Basil n'avait pas de sentiments. Basil était vide. Une simple, toute simple coquille vide qu'il s'efforçait de remplir avec son matérialisme à la con, ses relations multiples, qu'elles soient amicales, professionnelles ou sexuelles. Basil n'avait rien. Basil n'était rien. Et Solan était tombé dans le panneau. La superficialité du fils de Mercure était tellement bien travaillée qu'il n'y avait vu que du feu. Mais c'était tout ce qu'il possédait. Son apparence.

                  Sa main se tendit vers lui, et malgré toute sa rancœur, Solan se surprit à espérer que cette main tendue soit pour lui, pour réchauffer la sienne. Juste un peu. Mais elle resta figée en l'air quand un bruit sourd dans la rue se manifesta, éloignant le regard de Basil du sien. Solan ne faisait attention à rien d'autre que lui. Puis la main tendue se déposa sur la tasse de thé brûlant qui se trouvait non loin de lui. Solan soupira. Il était pitoyable. Pitoyable d'aimer un personnage aussi évidé que lui, pitoyable d'espérer un retournement de situation alors qu'il savait que la prochaine ligne de son texte allait lui être fatale, pitoyable de rester assis là alors qu'il aurait pu partir et s'épargner une nouvelle plaie béante.

                  "Enfin, c'est du passé. Nous sommes bien d'accord pour dire que cette affaire est terminée ?"

                  Basil avait retrouvé son calme et son cynisme habituel. Cette affaire appartenait bel et bien au passé. L'ébauche de ses sentiments qu'il avait tracé quelques minutes plus tôt avait disparue. Son je suis désolé ne rimait plus à rien, et ressemblait plus à une arme léthale qu'à une excuse sincère. Un énième coup de couteau dans le cœur. Solan se retrouva là, à chercher ses mots, des mots qu'il n'avait pas, des mots qu'il ne trouverait jamais, parce que rien ne suffirait à exprimer ce qu'il ressentait à cet instant. Il était lui-même incapable de le comprendre, de le définir, de l'analyser.

                  Alors le fils de Metus se releva, les yeux plantés dans ceux de Basil. Il n'y avait plus rien à dire. L'idylle que Solan s'était plu à imaginer, leur histoire, leurs ébats, les gestes tout en tendresse, tout ça avait été réduit en poussière. Et il savait que Basil venait de se fermer à lui pour de bon après l'avoir laissé entrevoir quelque chose de plus profond. Il savait que plus jamais il ne s'attacherait autant à quelqu'un. Il savait, il savait, il savait, et pourtant il aurait voulu pouvoir tout recommencer depuis le début.

                  Solan attrapa le col de chemise de Basil, l'attira vers lui et déposa ses lèvres contre les siennes. C'était la dernière fois. Lorsqu'il le relâcha, et le repoussa dans sa banquette, Solan le regarda droit dans les yeux :

                  "Oui. Cette affaire est terminée."
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                    Re: Gods only know what is real and what is fake [Solan]


                    Les yeux de Solan sont des couteaux et s'il pouvait il me tuerait d'un regard. Aussi je suis sur mes gardes quand je le vois se lever, il a déjà usé de son pouvoir sur moi. C'est pour ça que je ne m'attends pas à ce qui suit. Il m'attrape par le col, sans violence mais avec fermeté. Je tends discrètement la main vers la fourchette à gâteau posée sur la table, prêt à me défendre s'il a l'audace de m'attaquer dans un lieu public. Et il m'attire à lui, comme il l'a fait tant de fois auparavant, et m'embrasse.

                    Je ferme les yeux. Je l'embrasse. Je fronce les sourcils, les yeux plissés comme si c'était douloureux. C'est douloureux. C'est douloureux parce que je viens de décider que cette relation était belle et bien finie, j'ai fait une croix sur les sentiments qui auraient pu naître, j'ai mis de la distance entre Solan et moi avec tout le dédain dont je suis capable. Et lui vient me rappeler avec un geste terriblement et désespérément tendre combien j'ai besoin de lui. Je suis à sa merci. Il me tient en son pouvoir. Et d'un baiser il me rappelle qui est réellement le maître.

                    Je l'embrasse comme si c'était la dernière fois, parce que c'est la dernière fois. Ma dernière chance de goûter sur ses lèvres la douceur d'être à deux. C'est un cadeau d'adieu qu'il me fait, un cadeau empoisonné. Il m'offre un aperçu de tout ce que je rate par ma faute, de tout ce que nous aurions pu être tous les deux et que nous ne serons jamais à cause de moi. Je lis sur ses lèvres les dernières pages de notre roman, qui contiennent l'éventualité d'une suite qui n'existera pourtant jamais. Ce livre que nous n'écrirons pas, il en fait un autodafé et, dans les flammes rageuses, je me réchauffe une dernière fois.

                    Je l'embrasse et je me penche avidement contre son visage, respirant son odeur pour m'enivrer de sa présence avant qu'elle ne s'évapore. Je viens poser une main sur son épaule et l'autre frôle sa joue, ses cheveux, si doux, tellement doux, pas tout à fait sûre d'avoir encore le droit de s'approcher si près. Je l'embrasse sur les lèvres pour tous les baisers que je ne pourrais plus déposer sur sa joue, dans son cou, sur son aine, au bout de ses doigts, au sommet de son nez, sur son sexe dressé, sur ses paupières baissées. Je l'embrasse avec toutes les tripes qu'il y a dans un homme, même si je sais désormais que ce n'est pas suffisant pour Solan parce que je suis vide et que, en lieu et place d'entrailles, je ne contiens que du néant. Je l'embrasse pourtant comme si j'étais complet et entier.

                    Je l'embrasse parce que c'est ce dont j'ai besoin, viscéralement, pour survivre à la solitude qui m'attend. Je l'embrasse avec colère, indigné qu'il ose me faire subir cette torture exquise. Je l'embrasse avec désespoir, profondément affligé de perdre ce à quoi je tenais tant. Je l'embrasse à l'infini parce que le temps nous est compté. C'est déjà fini pour nous. Nous vivons sur du temps emprunté, il ne nous appartient pas. C'est déjà fini. Solan s'éloigne, il lâche sa prise et me repousse sans ménagement.

                    - Oui, cette affaire est terminée.

                    Il ne me lâche pas du regard, il examine sa proie agonisante. Au jeu d'échec on appelle ça le baiser de la reine. Et je suis un roi bien misérable, perdu sur le damier du plateau, qu'une dernière étreinte langoureuse achève avant de quitter la partie. Je soutiens son regard noir et je le laisse voir qu'il a gagné. Il a eu ce qu'il voulait. Et j'espère que sa victoire a un goût amer. Le fils de Metus peut se régaler, voilà ma peur accomplie sous ses yeux : je suis seul. Je baisse les yeux.

                    Je rassemble mes affaires en silence. Je plie mon trench-coat sous mon bras, je sors de ma poche quelques pièces que je dépose à côté de ma tasse et je quitte ma place. Je sors du café. Je suis seul. Vaincu.

                    Seigneur, ais pitié de moi.
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