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Cracks in our unbreakable walls
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    Cracks in our unbreakable walls


    Avant, semblait-il à Billie, les feux de camp avaient été des moments joyeux. Les souvenirs affluaient dans sa mémoire ; les rires et les chants résonnaient dans ses oreilles, le parfum des marshmallows grillés emplissait ses narines, les couleurs vives des flammes chatoyaient devant ses yeux. Mais ces réminiscences semblaient tout droit sorties d’un rêve. Elles s’entrechoquaient avec la dure réalité, une réalité dans laquelle le brasier était d’encre et les larmes avaient remplacé les sourires, une réalité dans laquelle Billie n’avait plus envie de rire, dans laquelle il n’y avait plus que le trou béant dans sa poitrine. Et la douleur. Si vive, si intense, que tout le reste semblait n’avoir été qu’un rêve. Les feux de camps avaient-ils déjà vraiment ressemblé à des assemblées festives ou avait-elle tout imaginé ? En contemplant les flammes aussi sombres que l’humeur des pensionnaires qu’elle reflétait et les visages ternes tournés vers les linceuls que le feu dévorait peu à peu, Billie avait beaucoup de mal à croire qu’il en avait un jour été autrement. Aux bribes de souvenirs se mêlait le présent, le tout dans une confusion accentuée par la peine immense qu’elle ressentait. Billie ne savait plus où elle en était. L’avait-elle déjà su ? Avait-elle déjà vécu sans la douleur sourde qui l’étreignait désormais ? Le pourrait-elle seulement un jour ?

    Il y en avait eu, pourtant, des Assemblées à l’ambiance funèbre, alors que des sangs-mêlés périssaient au fil des quêtes. Il y en avait eu des morts, des disparitions, des pleurs, des linceuls, des rites funéraires. Mais Billie s’était souvent tenue à l’écart, peut-être parce que c’était trop difficile d’accepter les risques réellement encourus par les pensionnaires, parce que c’était plus simple de se voiler la face et de prétendre que ce n’était qu’une Colonie de vacances et que les entraînements étaient avant tout un défouloir pour adolescents hyperactifs. Peut-être aussi que c’était inconcevable d’imaginer qu’un sang-mêlé puisse véritablement échouer face à un monstre, que les pouvoirs et les armes ne puissent pas suffire, que l’entraînement prodigué ne soit pas assez pour survivre. Il valait mieux fermer les yeux sur ces scénarios improbables et continuer à penser que Chiron et Apollon faisaient le nécessaire pour protéger les pensionnaires et que le nécessaire était suffisant pour être en sécurité. Il valait mieux mettre les pertes de côté pour ne garder de la Colonie que l’image d’un camp de vacances, certes particulier, mais amusant, comme tout camp de vacances ordinaire.

    Et puis les enlèvements s’étaient succédé et la Colonie avait cessé d’être un lieu amusant.

    Ou sécurisant.

    Sara était morte et la réalité du danger qui les entourait lui était apparue dans sa splendide horreur. La mort était bel et bien présente et sa chape de plomb avait recouvert l’Amphithéâtre tandis que des amis étaient brûlés, tandis que des amours étaient pleurés. Mais Billie ne pleurait pas. Quelque part, elle songeait qu’elle aurait dû verser des larmes, ou éclater en sanglots. Ça aurait été normal non ? Rester de marbre, ça, c’était anormal. Pourtant, intérieurement, elle bouillonnait, Billie. Empêtrée dans un maelström d’émotions qu’elle ne parvenait pas toutes à identifier. Tristesse, culpabilité, rage, remords, confusion, désespoir… Et le manque. Vertigineux, dévorant, omniprésent. Qui menaçait de la submerger. Et c’était trop. Subitement, Billie ne pouvait plus supporter de voir les linceuls se désagréger lentement dans les flammes, en même temps que les morts s’évaporaient symboliquement de leur vie, dans la fumée. Subitement, Billie ne pouvait plus regarder le témoin matériel de ce qu’elle avait perdu. C’était trop. Parce que Sara était morte et chaque rappel était douloureux. Ça aurait peut-être dû aider, de savoir qu’elle n’était pas la seule, que d’autres avaient perdu des êtes chers, que d’autres pleuraient aussi un amour, que certains, même, regrettaient Sara presque autant qu’elle. Mais c’était pire. Voir les autres souffrir, c’était accepter la cruelle réalité. Et Billie n’avait jamais été douée pour accepter la réalité quand celle-ci n’allait pas dans son sens.

    Elle s’éclipsa de l’Amphithéâtre avant la fin de la veillée, marchant sans but dans la nuit. Elle voulait juste prendre l’air, respirer, mais un étau comprimait sa poitrine et ses inspirations ne semblaient jamais suffisantes. Elle voulait hurler, mais le son semblait coincé lui aussi sous l’étau qui l’étreignait et ses lèvres ne s’ouvraient qu’en un cri silencieux. Elle voulait courir, elle voulait frapper, elle voulait griffer, elle voulait déchirer, elle voulait se rouler par terre, elle voulait sauter, elle voulait faire quelque chose de son corps hyperactif mais elle s’y sentait prisonnière et tous ses mouvements étaient désamorcés avant qu’elle ne les esquisse. Elle ne savait plus ce qu’elle voulait, ce qu’il fallait pour étouffer la souffrance qui menaçait de l’engloutir. Alors elle se contenta de marcher, ses bras entourant sa poitrine et ses mains serrant ses bras à s’en faire mal, comme pour essayer de contenir les émotions qui s’agitaient en elle, comme pour essayer d’écraser la brûlure du chagrin sous une douleur physique, comme pour se donner l’illusion qu’elle pouvait gérer seule son deuil.
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