Qui aurait cru que Calypso aurait pu retrouver sa sérénité à la Colonie ? Certainement pas elle, après tout ce qu’elle y avait vécu. Bon, ça ne l’empêchait pas de continuer à faire des rêves étranges mais ils étaient passés de terrifiants à simplement sans aucun sens. La nuit dernière, elle avait donc eu droit à un embrouillamini sans queue ni tête. Les flonflons d’un bal résonnaient dans une immense salle, pleine de couples tournoyants. Sur une longue table se trouvait un assortiment de fruits de mers comprenant des pétoncles et des moules, le tout décoré de pédoncule de pissenlit. Et tout se passait à peu près bien, jusqu’à ce qu’un ukulélé n’en vienne à nonupler de volume, semant la zizanie parmi les danseurs. Et c’était à ce moment précis que la jeune femme s’était réveillée. Elle avait froncé les sourcils, se demandant pourquoi ses songes étaient aussi étranges. Peut-être devrait-elle demander son avis à un enfant de Morphée qui s’y connaitrait mieux qu’elle. Caly avait plutôt opté pour se dépêcher de sortir de son lit pour vaquer à ses occupations habituelles. Du moins, celles qui l’étaient devenue. Elle il fallait qu’elle se bouge un peu avant de retrouver Léo, il lui était même devenu presque inconcevable de ne pas courir ou de ne pas méditer une fois par jour.

La fille d’Amphitrite avait été ravie de réussir à respecter tous ses rituels avant de retrouver son petit-ami. Certes, elle avait eu quelques difficultés à le convaincre. Ce dernier était plus habitué aux terrains d’entrainement en tout genre qu’aux activités manuelles. Mais elle aimait assez l’idée de l’emmener dans la salle d’art de la Colonie, là où ils avaient pu avoir leur premier vrai contact quand le jeune homme était sorti de son coma. Elle était arrivée en simple jeans noir et t-shirt orange de la colonie, une collection d’élastique au poignet droit. Elle avait pris l’habitude de toujours en avoir sur elle, utilisant de plus en plus son pic à chignon sous sa forme d’arme plutôt que sous sa forme de simple accessoire capillaire. Défi du jour : peindre un moment que chacun avait vécu lorsqu’elle avait quitté la Colonie. Il avait semblé évident à la petite brune de peindre les étendues irlandaises qu’elle avait eu plaisir à retrouver. Elle ne se sentait pas encore prête à parler de la nuit de Walpurgis qu’elle y avait vécu, celle qui avait été si libératrice pour elle. Mais elle pouvait sans mal raconter l’Irlande et la fête de Beltane. Elle avait donc commencé par croquer les grandes lignes de sa toile avant d’attacher ses cheveux en un chignon fait rapidement. Puis, crayon coincé entre les dents, elle avait commencé à peindre en sentant le regard du fils d’Hadès dans son dos. La demi-néréide avait cependant dû menacer d’utiliser son don de séduction pour que le demi-dieu se décide à se mettre au travail.

Tandis que les couleurs s’apposaient sur sa propre toile, elle ne manquait pas de couler quelques regards en direction de Léo. Elle étouffa un gloussement de le voir si concentré sur son oeuvre, langue légèrement tirée pendant qu’il chantonnait. Elle aimait le voir comme ça, loin de l’image du taciturne qui lui collait à la peau. Mieux encore, elle aimait savoir que cette image n’apparaissait plus seulement en sa propre présence. On aurait pu croire qu’elle serait un peu jalouse de le voir s’ouvrir aux autres. Au contraire, elle aimait sincèrement le voir comme ça. Ayant terminé sa propre toile en première (rien d’étonnant puisqu’il avait passé un petit moment à l’observer) elle lui laisse pourtant le temps de finir. Elle ne peut s’empêcher de rouler légèrement des yeux quand il suppose que sa production est médiocre. “Tant que tu ne t’emmêles pas les pinceaux, ça devrait le faire.” Lorsqu’il tourne le pupitre vers elle, Calypso se lève, les mains dans les poches arrière de son jeans. Curieuse, elle penche légèrement la tête sur le côté, quelques mèches s’échappant de son chignon pour lui barrer légèrement la vue. Sachant qu’il est resté à la Colonie pendant son absence, il est assez facile de comprendre ce qu’il a peint. Entre les couleurs et certains détails, elle arrivait plus ou moins à se repérer. Elle ne put pourtant se retenir de lui adresser un petit sourire taquin. “Je me doute que tu as passé du temps au réfectoire, je me serais inquiétée si tu n’avais pas mangé de tout pendant mon absence !” Pour l’empêcher de devenir trop grognon, elle dépose rapidement un baiser léger sur sa joue. “Je suis surprise par contre que tu ais passé du temps sur la plage.” Elle connaissait sa crainte de l’eau, elle avait même eu à la sauver de la noyade suite à une petite plaisanterie (de mauvais goût) de la part des nymphes du lac. “C’est pas si nul que ça si ça peut te rassurer. Mais je tiens quand même à te rappeler que la peinture, c’était sur la toile qu’elle devait finir et pas sur toi !” Il en avait presque partout. Enfin pour le coup, c’était surtout son t-shirt de la Colonie qui avait pris cher. Mais la fille d’Amphitrite ne résista pas à l’idée d’attraper un pinceau et de mettre une pointe de bleu sur le nez du jeune homme. “Par contre, je ne peux pas te voir en peinture toi !” Oui, Calypso n’était clairement pas la reine de l’humour.