Il y avait des jours où Thea se sentait comme une déesse – pas littéralement, elle ne souhaitait pas non plus finir sur l’Olympe – tant elle était incroyable. Il y avait des jours où elle marchait la tête au haut, réussissait tout ce qu’elle entreprenait, brillait par son charisme et sa maîtrise de la situation. Puis il y avait des jours comme celui-ci, des matinées comme celle-là, des moments qui lui rappelaient qu’elle n’était qu’une mortelle dans un monde qui ne cessait de lui apprendre une leçon : l’humilité. Thea, malgré tous ses beaux sourires ne pouv ait rivaliser avec la gravité. Et on venait de lui rappeler beaucoup de classe alors qu’elle tentait une séance d’escalade seule, beaucoup trop tôt le matin, avec personne autour et sa cheville qui la lançait à chaque pas qu’elle faisait.

Appuyée contre la roche, Thea hésitait entre se cogner très fort la tête dessus et mourir maintenant ou bien tenter de retrouver la civilisation quitte à ramper dans la boue – parce qu’évidemment, il y avait de la boue ; de la boue sur le sol, sur ses fesses, dans ses cheveux. Thea n’était pourtant pas montée très haut mais, tout comme son intelligence, elle avait chuté rapidement. Le résultat était aussi pathétique qu’il en avait l’air – et Thea soupçonnait que son cerveau atténuait la réalité pour ne pas la brusque et tout était bien pire, en vrai.

Après une longue réflexion, Thea décida que mourir ici n’était pas digne et que tenter de retrouver la civilisation ne l’était pas plus mais qu’au moins, elle serait vivante. Doucement, elle se décolla de la paroi de la falaise et, tout doucement, s’avança vers la forêt en grognant. Voilà pourquoi elle préférait être toujours accompagnée de quelqu’un et qu’elle ne faisait jamais rien seule ! Comment Ava ou Alexis s’en serait sortie dans cette situation ? Ah oui, elles ne seraient pas tombées comme des vieilles merdes sur le parcours enfant et donc elles n’auraient pas eu de choix à faire !

« Pathétique, tu es pathétique Thea. »

Chaque pas que Thea faisait lui faisait monter les larmes aux yeux. Elle n’était particulièrement douillette mais sa cheville, plus sa fatigue, plus les nerfs, Thea était au bout du rouleau. N’aurait-elle pas pu faire comme le reste de l’humanité et dormir jusqu’à dix heures avant de se traîner sur la plage pour siroter des mocktails en regardant les corps dégoulinant de celles qui jouaient au beachvolley ? Qu’avait-elle à prouver en venant aussi tôt faire des activités auxquelles elle n’était pas habituée ?

« Thea? Silence. Est-ce que ça va ? »

Thea fixa une caméra invisible comme si elle était dans une série à la The Office. Really ? hurlait son regard. Vraiment, il fallait que quelqu’un arrive maintenant ? Une silhouette se détacha des arbres et Thea hésite entre la joie et l’envie de s’enterrer. De toutes les personnes du monde, il fallait que ce soit Wren qui vienne la sauver ?

Le silence s’étira avant que Thea ne marmonna un bref « nickel » alors que son corps semblait tenir debout par simple miracle – ou égo, à ce niveau-là. Wren la détailla de la tête aux pieds, les sourcils froncés, ce qui donnait envie à Thea de partir en courant. La honte colora ses joues de rouge mais, fort heureusement !, la boue devait dissimuler ça de façon impeccable.

« Tu as… un peu de boue partout- quelqu’un t’as agressé ? »

Oh. Thea ne savait pas ce qui était pire : que Wren la juge dès le début comme une incapable, son air concerné face à une possible agression ou bien le fait que Thea allait devoir étaler ses échecs devant le·a Centurion de la première cohorte.

« Non, non, tout va bien. J’ai juste… je me suis mal réceptionnée lors de ma chute. »

Le visage de Wren était insondable. Thea restait immobile, s’imaginant sans problème les monologues intérieurs de Wren : Faut pas s’étonner qu’elle n’ait pas été appelée par Lupa si elle fini comme ça face au moindre obstacle, cette grosse loseuse. Même avec une lettre de recommandation je ne l’aurai pas prise dans ma cohorte, cette grosse nouille. Bouhhhh, la nullos.

Thea pointa vaguement du doigt le mur d’escalade duquel elle était tombée sans préciser la hauteur. Elle englobait le mur dans sa généralité, dans l’espoir de grapiller quelques points de charisme auprès de Wren.

« Rien, euh, de très grave. »

Ce besoin de faire comme si tout allait bien ? Pourquoi ? Si ça avait été Clément ou Clayton, ou même Ava ou Alexis, Thea se serait jetée dans leurs bras en pleurant à chaudes larmes et en exagérant l’accident. Là, elle essayait juste de faire la fière. Wren l’impressionnait définitivement beaucoup trop.