Il y avait une dimension surréaliste à fouler les terres du Club Mydh, seule. En l’espace de quelques mois, elle avait perdu ce qu’elle avait de plus cher et la douleur, bien qu’atténuée, n’en restait pas moins constante. Pour autant, lorsqu’elle arriva sur l’Île, elle réalisa que c’était sûrement le lieu le moins marquant de ses souvenirs avec ses mères. Il y avait moins d’elles ici que dans son appartement de la Nouvelle-Athène ou que dans les rues de New York. Ici, elle avait été avec Erwin, elle avait rencontré Thea, elle avait fait du bateau avec Caly. Il y avait un peu plus d’elle et un peu moins d’elles. Cela ne rendait pas l’expérience moins douloureuse, seulement plus simple.

Les premiers jours avaient demandé une certaine… adaptation mais lorsque sonna l’heure de la routine, Alexis s’y plu bien. L’annonce d’un tournoi de beachvolley lui semblait l’excuse parfaite pour se vider la tête et entretenir son corps. De plus, le fait que ce soit en 2v2 lui permettait de ne pas avoir à trop sociabiliser, ce qui était parfait pour son anxiété. Alexis fut d’ailleurs ravie de l’enthousiasme de sona camarade de jeu, ce qui ajoutait un peu de dynamisme au flegme d’Alexis.

Plusieurs balles furent échangées, le temps de trouver leurs marques. Wren, puisque c’était son nom, avait une forme olympique ! Après tout, n’était-ce pas un·e Centurion ? Toute sa façon de se tenir, de frapper dans la balle, d’analyser le terrain… Si c’en était pas un·e, c’était qu’iel était Préteur en devenir, pas d’autres choix.

« Super lancer ! »

Emballée par la passe que venait de lui faire Wren, qui lui avait permis de smasher un énième point, Alexis leva la main pour faire un highfive à Wren, le sourire aux lèvres.

Alexis sourit sincèrement aux remarques de Wren. Il y avait entre elleux quelque chose de particulier, qui mettait Alexis particulièrement à l’aise. Peut-être était-ce cette espèce de gaucherie qu’iels partageaient. Wren ne semblait pas spécialement à l’aise dans les interactions sociales et Alexis se sentait vraiment vue. Il n’y avait rien de pire que ceux qui en faisaient trop, ceux qui voulaient compenser le malaise d’Alexis par une excessive extraversion. Comme si l’introversion d’Alexis devait absolument être compensée sinon le monde allait exploser. Wren ne faisait pas partie de ces gens-là et Alexis n’en était que reconnaissance.

La partie continua pour le grand bonheur d’Alexis qui commençait à trouver une véritable symbiose avec Wren. Les deux sang-mêlé se complétaient parfaitement et écrasaient littéralement leurs adversaires. La première mi-temps arriva bien rapidement mais la seconde n’en fut que plus dévastatrice pour leurs adversaires. Finalement, le premier match se termina et une pause leur fut accordée le temps de choisir le prochain duo à vaincre.

Alexis s’approcha des bancs où traînaient les bouteilles d’eau et en but une d’une traite avant de se vider la deuxième sur le visage et les cheveux. La chaleur cuisante de ce mois de juillet lui donnait l’impression d’être une écrevisse. Pendant un bref instant, Alexis se perdit dans ses souvenirs. Elle était faite pour vivre dans des pays froids comme la Suède mais que lui restait-il là-bas si ce n’était une famille qui ne lui apportait aucune joie et des souvenirs qui lui serraient la gorge ?

La voix de Wren attira son attention et Alexis reporta son attention sur ellui. Tout sauf repenser au deuil qu’elle vivait. Son regard était braqué sur lae romain·e.

« Excuse-moi, j’étais ailleurs. Tu disais ? »

Wren était quelqu’un de très attentionné. Alexis se sentait plutôt mal de s’être perdue dans ses propres émois mais elle était bien incapable de se contrôler sur ça. Au moins pouvait-elle glisser la tristesse bien loin, dans un creux de son esprit, pour essayer de se montrer sous son meilleur jour auprès de Wren. Personne ne méritait d’avoir un sac de larmes troué de partout, encore moins lorsque ce dernier était étranger à leur quotidien. Alexis tenta un sourire timide, qu’elle espérait poli et sympathique, et non pas malaisant comme elle le faisait si bien d’habitude, et se saisit de la bouteille tendue.

« Merci. Ne t’inquiète pas, j’étais juste perdue dans mes pensées mais je suis tout à fait d’attaque pour exploser les autres équipes ! »

Peut-être… un trop d’enthousiasme. Alexis sentait son contrôle de la situation lui échapper – pour peu qu’elle l’ait eu quelques secondes jusque-là. Elle but la moitié de la bouteille d’eau avant de la reposer, s’épongea le visage et s’exclama :

« On y retourne ?! »

Sa voix montait inutilement dans les aigus. Alexis avait envie de se frapper la tête contre un mur. C’était Erwin le sociable des deux ! Elle avait beau l’observer, elle n’avait nullement son naturel. Elle avait l’impression d’être une imitation d’une imitation d’une mauvaise imitation. C’était ridicule. Elle tourna le dos à Wren pour retourner sur le terrain puis, pour compenser sa gêne, frappa la balle si fort lors de son service qu’elle terrorisa ses adversaires. Alexis regarda ses mains, suspicieusement. Avait-elle, sans faire exprès, activé un tout petit peu son pouvoir ? Non… Non. Non ? Non. Peut-être ?

Alexis se calma sur les services suivants et fini par perdre le point, ce qui offrit aux adversaires de quoi prendre de l’avance. C’était évidement sans compter sur la défense de Wren qui était bonnement impossible à passer. Alexis était une lance là où Wren était un bouclier. Iels étaient tout simplement imparable.

Alexis dû faire tous les efforts du monde pour rester digne mais la chute de Wren la perturba tellement – elle dû se retenir de pouffer de rire mais les gens qui tombent, c’est terriblement drôle aussi… – et, en échange, le karma la rattrapa avec une balle, lancée avec force (de la vengeance, peut-être ?) rebondit violemment sur son visage. Alexis, surprise par le choc, tomba à son tour par terre – mais sur les fesses, lui interdisant ainsi le luxe de goûter le sable – ce qui ajouta une nouvelle couche de ridicule à la scène.

Alexis cligna lentement des yeux avant de croiser le regard de Wren. La confusion, la surprise, tout ça… Alexis pouffa de rire. Puis se mit à saigner du nez, ce qui devait lui donner une tête affreuse. Quelqu’un s’approcha d’elle pour lui offrir un mouchoir et un temp mort fut annoncé. Alexis et sona partenaire furent assis·es de force sur un banc pendant que les adversaires leur envoyaient des regards à la fois apeurés et gênés.

« Une symbiose juste que dans la chute, il y a de quoi faire des jaloux. »

Alexis réalisa qu’elle avait passé des années à essayer de se synchroniser avec des guerriers sans jamais y parvenir. Puis, Wren était arrivé·e. La dernière personne avec laquelle Alexis avait été aussi proche de l’osmose était également Centurion de la première cohorte… La grecque avait définitivement choisi la mauvaise team en arrivant à la Long Island.