tw: sang, blessure.

L’infirmerie était endormie, plongée dans le même silence feutré que les couloirs désert de la Grande Maison. Les lits aux draps mystérieusement blancs étaient faits aux carrés, petits soldats attendant leurs premiers occupants. L’odeur chimique des produits s’insinuait partout. Les premiers rayons du soleil traversés les carreaux, colorant le blanc clinique des murs d’une douce lueur jaunâtre. Sans soigneurs ou blesses, loin du brouhaha de la journée, le lieu était si paisible-

Clayton essaya d’ouvrir l’armoire à pharmacie d’une main. Le Romain avait envahi les lieux avec la confiance de quelqu’un en ayant le droit légitime, sifflotant tranquillement. Droite, gauche, pousser, tirer. Malgré ses tentatives, le verrou refusa de céder. Clayton finit par abandonner, croisant son propre reflet dépité dans le miroir du petit placard récalcitrant. Pourquoi le matériel médical n’était pas laissé en libre service, d’abord ? Dans le miroir, derrière ses traces de doigts, des mèches rouges s’engluaient contre son front et le contraste accrocha son regard. N’était-il pas plus pâle que d’habitude ? Hmm. Surement l’éclairage. L’idée de faire fondre le petit verrou s’insinua dans son esprit atrophié de sommeil comme la meilleure des solutions et il agrippa de nouveau le verrou.

L’étrange phénomène s’était déclenché pour la première fois avec Ava, et depuis, Clayton n’avait pas beaucoup expérimenté. Contrôler la température des flammes ou de la lave venaient avec tant de facilité, aussi simplement que de respirer ; ce qui n’était pas du tout le cas avec ce second pouvoir. Cela dit, l’épisode du placard était formel : des émotions fortes pouvaient le déclencher. Des émotions comme la tragédie qu’il venait de vivre. Clayton repensa à cette nuit - et celle d’avant et d'avant - obsédé par la fabrication d’un katana. Une œuvre d’art presque finit… Jusqu’à ce que son bras rentre en contact avec une scie. Le bruit du fragile katana encore chaud tombant sur le sol et se brisant sur le sol de la forge dévora son bas ventre de frustration. En plus, la lame avait été tâchés par son sang. Intolérable.

Ses doigts picotèrent et, enveloppé d’une lueur orangée, le cadenas n’était plus qu’une patte fondu informe. Clayton balaya le détritus sous le meuble du bout de sa ranger avant de farfouiller dans les affaires méticuleusement ordonnées.

Clayton dénoua son pansement d’appoint, chiffon comme un bracelet, persuadé d’avoir arrêté le saignement avec ce garrot. Peut-être qu’un jour, le chiffon taché de graisse fut blanc. Ou gris. Entre ses mains, il était d’une belle couleur pourpre. En tirant, la croute de sang séchée s’accrocha au tissu, et lorsque ses doigts remuèrent sous ses yeux, un filet de sang s’écoula  immédiatement le long de son bras, de son coude, jusqu’à goûter sur le vieux parquet. Plic plic. Ce n’était pas la première fois qu’il se blessait avec une arme, en témoigne ses avant-bras, mais celle-ci était… Plutôt impressionnante. Assez douloureuse. La coupure était profonde et nette. Hypnotique. Armé d’un bandage, Clayton entreprit de soigner ce bazar, pressé. Le katana venait peut-être de remporter la bataille, mais lui gagnerait la guerre.

Spoiler:

« Est-ce que tu peux arrêter de pisser le sang si tôt le matin, s’il te plaît ? »

Clayton niera avoir glapi de terreur. Qu’est-ce qu’il foutait là tapis dans l’ombre ? Y'a pas idée d’être aussi silencieux. Son cœur entamant la moitié d’un marathon, Clayton détailla le nouveau venu, entre ses cheveux en bataille et ses cernes violacées suppliant de repartir se pieuter. Ok, peut-être n’avait-il pas été le plus discret. En même temps, il avait d’autres préoccupations infiniment plus urgentes que de permettre à… l’infirmier ? C’est un infirmier ? Pourquoi les infirmiers dorment à l’infirmerie chez les Grecs ?

« Bon... Lâche ça » Il y eut un ballet de main, bandage et de sang. Le bandage taché rebondit sur le sol. Une grimace tordit son visage en enserrant son poignet. Ne touche à rien d’autres. Clayton se laissa guider, en ne vacillant pas, par ce mystérieux inconnu, non sans toucher du bout du doigt, lentement, infiniment lentement, le mobilier à sa portée, armé d’un petit rictus dessinant une fossette mesquine et l’esprit de contradiction d’un gamin de cinq ans. Obéir ? Jamais.

Assis sur un petit tabouret, Clayton baissa les yeux pour regarder les doigts du gars inspecter l’étendue des dégâts. Tout était superficiel aux yeux du petit-fils de Vulcain, rien d’autre qu’une autre blessure à ajouter à sa collection... PAR CONTRE, qu’elle soit aussi profonde *et* récente commençaient à rosir ses joues de honte. D’un accord commun avec lui-même, il décida de ne jamais avouer cette erreur de débutant. C’était une attaque. Ou un débutant hyper maladroit. Ouais. Certainement pas lui tout seul comme un grand, non non.

Clayton pouffa en posant son bras sur la table, exultant de confiance. Oui, ça, faisait un peu mal et, d’accord, il était peut-être un peu pâlot, et le sol tanguait légèrement, mais rien qu’il n’avait pas déjà véc-

L’alcool à 90 degrés touche sa peau.
AAAAAAH.

Qu’était-il arrivé à “bonjour” ? Comment allez-vous ? Souhaitez-vous un carré d’ambroisie pour atténuer votre douleur ? Clayton se tortilla en couinant, tentant de s’extraire des doigts maléfique du Grec. En vain. Son bras reste fermement maintenu sur la table par ce dernier.

« Et sinon, qui es-tu ? Je crois pas t’avoir déjà vu. »

Il- c’est- TORTURE.  
Plus Clayton gigotait, plus des vagues de nausée montaient et l’idée vomir sur son agresseur devenait tentante.

Clayton- Aïe, aoutch, attends pouce- C’est pas un plaisir de te rencontrer.

Piégé et vaincu, Clayton abdiqua. L’aiguille glissant sur les bords de sa plaie n’était pas particulièrement douloureuse, surtout après un carré d’ambroisie et une prière de Raphaël à son paternel. Ils discutèrent de tout et de rien, aperçu de deux garçons aux vies différentes. Clayton regarda l’aisance avec laquelle Raphaël réalisa son bandage. Il apprit, attentif et de plus en plus silencieux, le mini-cours dispensé sur le ba-b.a des premiers soins. Des choses essentielles à sa survie, d’après Raphaël, comme ne jamais utiliser un tissu sale sur une plaie, toujours bien désinfecter et changer régulièrement de pansement.

Clayton voulait repartir forgé et ne plus jamais revenir. Raphaël voulait être sûr que le Romain ne crève pas d’ici demain. Raphaël gagna. Par la force. Projeté contre un lit dans un glapissement de surprise, il n’eut pas le temps de s’en extraire qu’une couette s’ensevelit. Injuste. Absolument injuste.

Le lendemain, un Clayton tout content achevait la création de ce katana au rouge vif plus vrai que nature serpentant sur la lame.