June avait passé la journée à observer silencieusement les pensionnaires. Certaines Chasseresses, peut-être à juste titre, tentaient de sympathiser avec les demi-dieux afin de rendre le séjour un peu plus supportable. June ne faisait évidemment par parti de celles-là, préférant compter les jours jusqu’au moment où elle pourrait enfin quitter cette maudite colonie. Chaque cri d’enfant, chaque blague dont elle était témoin, chaque conversation sans intérêt qu’elle entendait, lui confirmait que la Colonie n’était pas un lieu qui lui convenait. Plus que tout le reste, June s’ennuyait de pieds fermes. Tout était plat, dénué d’intérêt, complètement fade. Le seul truc intéressant fut la découverte du camp Jupiter qui avait l’air, selon elle, mille fois plus passionnant – bien que toujours piètre.

Alors que June se délectait d’un peu de tranquillité dans le bungalow qui était gracieusement offert aux Chasseresses lors de leur séjour, quelqu’un toqua à la porte. Lasse, June se redressa et croisa le regard d’Ewolen qui haussa les épaules l’air de dire « Désolée, je suis en pleine conversation avec Emily, je peux vraiment pas lui couper la parole ». Dans un soupir, la Sorcière se leva pour de bon et se glissa derrière la porte, priant mentalement pour que ce ne soit que Chiron qui vienne leur apporter une nouvelle quelconque, comme par exemple « Apollon est libre, vous pouvez retourner voir Artémis ! » Ce n’était, évidemment, pas le cas.

June eu la désagréable surprise de trouver non pas un centaure plutôt sympathique bien qu’étrange devant sa porte, mais plutôt un gamin aux cheveux blonds. June le toisa de la tête aux pieds sans aucune once de discrétion. Plutôt grand, un look sombre, les sourcils froncés, le regard perdu. June était face au modèle emo du sang-mêlé, ceux qui s’habillent tout de noir parce qu’ils valent mieux que le orange de la Colonie et qui préfèrent broyer du noir en solitaire plutôt que de se lier aux autres. Pathétique mais plus que d’autres.

Finalement, June planta de nouveau ses yeux dans celui du sang-mêlé et s’appuya sur le chambranle de la porte, blasée d’avance par la suite de la conversation. Elle dû se faire violence pour ne pas soupirer d’impatience et pris sa voix la moins froide possible – bien que toujours peu avenante.

« C’est pour quoi ? Tu t’es perdu ? »

« Chiron souhaite que vous participiez au Capture l’Etendard qui aura lieu jeudi. Il souhaite aussi que, si possible, toi et les autres chasseresses vous vous mêliez aux pensionnaires d'une des équipes. »

Le mortel n’avait visiblement pas apprécié le ton froid de June, puisqu’il s’était décidé à employer le même. June dû se faire violence pour ne pas soupirer de lassitude face à cette attitude qui ne fit que confirmer l’image déjà désastreuse qu’elle s’était faite des pensionnaires. Elle décida néanmoins de ne pas relever et détourna son attention du sang-mêlé pour regarder à l’intérieur du bungalow des Artemis.

« Chiron veut que vous participiez à la Capture de jeudi, en vous mélangeant avec les pensionnaires. »

Plusieurs Chasseresses haussèrent les épaules, visiblement indifférentes face à cette tâche pendant que certaines, grand sourire, s’empressèrent d’accepter cette proposition, dissimulant à peine la joie que cela leur procurait. Loin d’éprouver autant d’animosité que June face aux sang-mêlés, la plupart des Chasseresses étaient juste contentes de pouvoir se dégourdir les jambes dans ce jeu emblématique de la Colonie.

June reporta alors son attention vers le sang-mêlé dont l’expression du visage, à l’image de son style vestimentaire, était incompréhensible. La seule émotion qui transcendait son être était son impatience : il en avait visiblement marre d’être ici, préférant sûrement passer son temps à d’autres occupations comme broyer du noir ou déplorer l’état lamentable de sa vie pathétique, plutôt que de jouer les messagers.

« Tu peux pourras dire à Chiron que mes sœurs seront ravies de se mélanger à la plèbe pour une partie de Capture. »

Un demi-sourire se dessina alors sur les lèvres de June qui s’appuya nonchalamment sur l’embrasure de la porte du bungalow.

« J’espère pour toi que tu seras dans la même équipe qu’elles, histoire d’avoir une chance de gagner. Enfin, sauf si les Messagers n’ont pas le droit de participer ? »

Les Chasseresses, étant donné leur expérience, détenaient le record de victoires dans les parties de Capture. À vrai dire, dès qu’elles étaient là, elles gagnaient, ce n’était un secret pour personne. C’était donc avec suffisance exécrable que June regardait le sang-mêlé dans les yeux.

Même avec toute la bonne volonté du monde, le sang-mêlé ne parvenait pas à dissimuler l’agacement qu’il ressentait. Il serra la mâchoire, contracta ses muscles et son regard se fit acier. Toute cette attitude ne fit qu’accentuer le sourire de June qui exaltait. Finalement, juste pour ça, peut-être que ça valait le coup de parler aux autres.

« Je n'ai pas besoin de faire équipe avec elles pour avoir une chance de gagner. »

Un court silence s’installa entre les deux sang-mêlés. June pouvait entendre ses sœurs qui parlaient et riaient dans le bungalow. Elle pouvait aussi entendre, au loin, des échanges entre d’autres sang-mêlés, dans d’autres bungalows. Elle réussissait même à capter le son étouffé d’un concerto d’instruments de musique chez les Apollon. Puis, elle explosa de rire. Ce fut aussi bref que le silence qui les avait entourés quelques instants plus tôt.

June n’accorda même plus un regard au sang-mêlé. Elle referma la porte, toujours avec un sourire amusé aux lèvres, comme si ce qu’il venait de dire était la chose la plus drôle de l’univers. Même son regard, pourtant neutre voire méprisant quelques instants plus tôt, brillait d’une étincelle d’amusement qu’il était rare de voir dedans.

Une fois la porte refermée, June secoua la tête. Le mortel avait beaucoup de défaut, mais il ne manquait pas d’humour, c’était pour dire. Pour peu, elle aurait aimé rouvrir la porte juste pour l’entendre de nouveau lui dire des inepties sans nom. À la place, elle s’installa de nouveau sur l’un des canapés du bungalow et écouta distraitement les conversations des autres Chasseresses. Qu’ils sont marrants ces sang-mêlés…