Ava semblait faire la fière mais elle n’en menait pas large. Thea s’en amusait bien plus que raison. Elle connaissait les rumeurs autour de la jeune fille et de ses pouvoirs et Thea était plutôt surprise de découvrir une facette plus pudique et renfermée à ce sujet. Une idée traversa l’esprit de Thea, une idée que seule une fille bourrée en plein milieu d’une fête foraine pouvait avoir.

« Le jour où tu en verras l’intérêt, il sera trop tard pour t’entraîner. Tu as une réputation à tenir, Ava. Entraîne-toi sur moi. »

Ava cligna des yeux. Thea la fixait avec son grand sourire, ses yeux étincelants, ses joues rougies par l’alcool, ses petites dents parfaites. Sobre, Ava aurait repoussé cette idée autant que possible et accusé son pouvoir d’interférer dans ses maigres relations sociales… mais bourrée ? Ava trouvait que l’argument de Thea faisait sens. À force de se cacher derrière son pouvoir, le jour où il faudrait passer à l’action, elle serait forcément nulle. Elle serait ridicule ! Ici, avec Thea, elle avait le droit à l’erreur.

« Excellente idée. »

Il y avait quelque chose d’exaltant à être le premier baiser de la Centurion avec la plus mauvaise réputation. Il y avait quelque chose de grisant à sentir ses lèvres contre les siennes, ses dents s’entrechoquer aux siennes, sa langue se glisser dans sa bouche. Les ratés étaient hilarants mais les réussis… Ah, les réussis, c’était autre chose. Ava s’appliquait beaucoup à écouter tous les conseils de Thea comme si c’était Thea la descendante de Venus, comme si Thea était un maître gourou des baisers. Comme si-

« Hey, c’est pas le lieu pour ce genre de choses, rentrez chez vous ! »

Ava repris pied lorsqu’un voix homme perça sa bulle d’ivresse et de chaleur. Elle quitta les lèvres de Thea et porta son attention sur l’homme qui les fixait. Il avait le brassard des Amazones et ne semblait pas ravi de les voir. Était-ce parce qu’il savait qu’elles avaient bu en étant mineures ou bien était-ce pour une autre raison ? Ava fronça les sourcils et s’approcha de lui.

« Sinon quoi, trou du cul, tu veux te battre ? »

La situation dérapa bien trop vite pour Thea. L’Amazone commença à hurler sur Ava qui continuait de l’insulter et de le provoquer. Finalement, Thea réussit l’exploit de calmer Ava et de s’enfuir avant que l’homme ne réalise qu’elles étaient parties. Les deux adolescentes sprintèrent jusqu’à la forêt et ne s’arrêtèrent qu’une fois bien loin du parc d’attraction. À bout de souffle, elles s’effondrèrent par terre et éclatèrent de rire. Alcool, adrénaline, peur, toutes ces émotions se mélangèrent pour rendre ce fou rire interminable.

Calmée, Ava fixait le ciel au-dessus de sa tête. Le ciel, pourtant si noir quelques heures auparavent, se teintait maintenant légèrement de rose et de orange. Ava tourna la tête vers Thea qui fixait l’herbe sous son nez, concentrée sur quelque chose qu’Ava ne captait pas.

« Pourquoi tes cheveux sont verts ? »

Thea fixait les fourmis qui se baladaient avec des morceaux de chips, fascinée par leur capacité d’organisation et leur force, lorsqu’Ava l’interrogea sur ses cheveux. Thea quitta à contre cœur son observation de fourmis pour regarder la Centurion. Instinctivement, elle porta une main à ses cheveux et haussa les épaules.

« Je sais pas, je me suis réveillée ce matin avec les cheveux verts. J’ai dû manger un truc pas frais hier. Ou avant-hier. Il est quelle heure ? »

Thea plissa le nez avant de regarder autour d’elle. Elle remarqua alors qu’elles étaient proches du parcours de santé. Elle se leva et fit signe à Ava de la suivre.

Ava se leva en même temps que Thea, mue par le mimétisme et la rattrapa après quelques petites foulées (qu’elle regretta immédiatement après, ses jambes implorant l’arrêt immédiat de fonctionner). Je me suis réveillée ce matin avec les cheveux verts. Il y avait quelque chose de familier dans ce constat.

« Tu connaîtrais pas une femme horrible qui s’appelle Aurore ? »

Thea se retourna pour l’interroger du regard et Ava secoua la tête.

« Non, non, rien. Tu vas où comme ça ? »

Thea sourit de plus belle et indiqua le parc pour enfants qui se trouvait non loin du parcours santé. Elle l’avait aperçu le matin même lorsqu’elle tentait de s’occuper pour cette deuxième et avant-dernière journée au Club Mydh.

« J’ai toujours rêvé de faire de la balançoire en plein milieu de la nuit ! »

Thea se glissa sur l’une des balançoires et commença à se balancer doucement en fixant le ciel face à elle.

Ava haussa les épaules et se glissa sur la balançoire à côté.

« On est plutôt très tôt le matin là… »

Thea ne dit rien. Elle fixait le ciel silencieusement et Ava en fit de même jusqu’à finir par s’endormir sur la balançoire. Elle comme Thea furent réveillées un peu plus tard lorsque des enfants vinrent au parc en hurlant. La migraine de leur soirée les accueillit et les deux jeunes filles prirent des chemins différents. L’heure du grand départ avait sonné en même temps que l’envie de vomir.