Installé dans mon coin habituel, capuche sur la tête, je me balance sur les deux pieds arrière de ma chaise en farfouillant dans un paquet de chips en observant les autres conseillers arriver. Je manque de tomber de ma chaise en voyant Calypso prendre place autour de la table de ping-pong qui servait de table du conseil. Qu'est-ce qu'elle faisait ici ? Elle était devenu conseillère ? La jeune femme ne m'adresse pas un regard en prenant sa place peu avant que le conseil ne commence. Durant les premières minutes de la réunion, je me concentre sur la conversation et ne réponds qu'à une ou deux questions que pose Chiron mais au bout de dix minutes, mon regard dévie vers la fille d'Amphitrite. Je l'observe depuis mon coin excentré des autres. Elle avait l'air d'aller mieux. Tout le long du conseil, mon cerveau bouillonne de milles questions et inquiétudes concernant la jeune femme. Cependant, le sentiment qui prédomine le plus est sans nul doute la frustration. Elle ne m'avait pas prévenu de son départ en quête alors que j'avais fais l'effort de me montrer plus sociable et surtout de m'ouvrir à elle, chose que je ne fais jamais. Je ne demandais pas à l'accompagner, juste à ce qu'elle me tienne au courant. De plus, depuis qu'elle était sortie de l'infirmerie j'avais eu l'impression qu'elle faisait tout pour m'éviter.

Lorsque les autres conseillers sortent un à un de la pièce, je me contente de rester assis sur ma chaise. Ce n'est que lorsqu'il n'y a plus que Calypso et moi que je me décide à bouger. Je viens alors me planter devant la jeune femme sans rien dire. Mon sang bouillonnait et je voulais tout lui balancer à la figure, elle m'avait paru être différente des autres et au final elle était comme eux.

"Et toi ? Ils t'ont laissés sortir de l'infirmerie à ce que je vois."

Ma voix était sans doute froide mais je m'en fichais royalement, en fin de compte elle s'en tamponnerait comme tous les autres. J'ai envie de lui balancer tellement de choses en plein visage mais mes lèvres ne laissent sortir qu'une seule remarque.

"Tu aurais pu me le dire que tu partais en quête."

Elle pouvait penser ce qu'elle voulait, je m'en fichais. J'étais peut-être désagréable mais je m'en fichais, je l'avais cru... différente.

Et voilà, exactement ce que je pensais ! Elle tourne les talons et se dirige vers la porte pour quitter la pièce. En fin de compte, elle était vraiment comme tous les autres. C'est quoi le truc ? Le mec chelou fait pitié alors on essaye d'être gentil avec lui pendant quelques jours histoires qu'il fasse moins pitié et, ensuite, on remarque qu'il est une cause perdue alors on le dégage ? C'est un nouveau jeu ? Oui, ça doit être ça, le nouveau jeu à la mode. Et après on se demande pourquoi j'ai pas d'amis, pourquoi je parle à personne et pourquoi je passe mon temps tout seul. Mais elle est là, la réponse ! Ils sont tous à pleurer que les dieux sont de vrais égocentriques enfoirés mais les demi-dieux et les mortels sont exactement pareils ! Les dieux nous on fait à leur image ! On leur ressemble, ils sont égocentriques, nous c'est pareil, ce sont de vrais cons, nous aussi !

Dire que j'y ai vraiment cru, mon pauvre Léo elle était gentille avec toi uniquement parce qu'elle t'a foutu dans le coma. Elle avait du remords, maintenant que tu es rétabli t'es qu'un poids mort pour elle. A quoi tu t'attendais ? En même temps, une jolie fille, gentille, qui t'adresse la parole c'est pas tous les jours alors t'as certainement du rêver éveillé mon pote. Ou alors t'as forcé sur le nectar et l'ambroisie.

La fille d'Amphitrite fait à nouveau demi-tour et reviens se planter devant moi, bras croisés et le visage animé par la colère qui montait en elle. Elle déverse le fond de sa pensée sans me laisser le temps de dire quoi que ce soit . J'ouvre toute de même la bouche pour dire quelque chose mais me ravise quand je la vois continuer. Oui, j'aurais fais des pieds et des mains pour partir en quête ! J'en ai raz-le-bol de toujours m'entrainer sans avoir l'opportunité de foutre les pieds dehors ! Houa, bravo Léo, t'as fais une seule quête et elle était très dure ! Mon oeil ! Ramener un vieux satyre sénile au Conseil des Sabots Fendus ! Alors oui, j'aurais tout fait pour sortir mais pas dans le but de te suivre à la trace.

"Je suis pas ta chose." Jamais, au grand jamais je ne l'ai considéré comme ma propriété et encore moins ma chose. Je n'arrive même pas à mettre un fichu mot sur ce que je ressens pour elle alors comment j'aurais pu la définir comme étant ma chose ? Lorsqu'elle évoque mon coma, j'encaisse le coup et serre légèrement les poings pour m'empêcher de donner un coup de pied dans n'importe quel objet se trouvant dans la pièce.

"Dis-le que je te fais pitié, si c'est ça que tu penses !"

Je lui tourne le dos pour et balaye d'un coup de pied les quelques coussins laissés sur le sol après la réunion du conseil. Je jette un regard à Calypso avant de lui parler froidement.

"Par contre, être la chose d'Eidan ça ne semble pas te déranger."

Qui l'avait emmener à l'infirmerie ? Moi ! Et au final, qui avait passé du temps avec elle ? Eidan ! De toute façon, j'avais bien senti qu'un truc se passait entre eux ces derniers temps. Les regards qu'ils échangeaient lors des repas ou des feux de camps.

Tout se bousculait dans ma tête, je ne savais plus quoi penser ni comment le faire. Une part de moi voulait encore se raccrocher à l'espoir que la fille d'Amphitrite avait réellement voulu passer du temps avec moi mais mon cerveau, lui, était sûr et certain qu'elle ne l'avait fait que par pitié envers moi. Après tout, il devait sûrement avoir raison, son comportement et sa façon de m'éviter voulait bien dire quelque chose, non ? Et Eidan, ce crétin, on ne se parle jamais clairement mais ça au moins il aurait pu me le dire ! Non, bien sûr que non, pourquoi faire ?

Je ne sais pas ce qui me fait le plus mal. Le coup de poing ou le fait qu'elle ait prononcer mon nom complet. Peu de gens connaissent mon prénom en entier et ils sont encore plus rare à connaître mon deuxième prénom. Il n'y avait pas que ma joue qui irradiait, mon nez, ma bouche, l'ensemble de mon visage me brûlait. C'était comme m'être prit un parpaing en pleine tête à plusieurs reprise, comme si j'avais voulu servir de bélier. Mes bras retombent mollement le long de mon corps et mes yeux retiennent quelques larmes de rage, j'étais donc un crétin. Voilà, ce qu'elle pensait de moi. Je m'étais bel et bien trompé sur son compte, au final elle me voit de la même façon que les autres demi-dieux.

Je donne un coup de pied dans une chaise pour dégager le passage et me dirige vers la sortie en serrant les poings.

"Ouais, je suis un gros crétin, je sais ! Un énorme crétin qui passe son temps à s'inquiéter pour des conneries !"

De rage, je claque violemment la porte derrière moi et traverse la Grande Maison en poussant plusieurs jurons en grec ancien. Je prend directement le chemin du bungalow d'Hadès en jetant des regards noirs à tout ceux essayant de m'adresser la parole. Une fois à l'intérieur, je pousse un cri de rage en envoyant voler à travers le bungalow, tout ce qui se trouvait sous ma main.