« Elle me gonfle. »

Il y avait quelque chose de touchant dans sa façon de le dire. Il y avait une sincérité dans ces mots, une honnêteté qu’elle ne lui connaissait pas. Ses yeux étaient rivés sur Ava qui cherchait encore à se dissimuler derrière des habits qui n’étaient pas les siens. Elle les fuyait vraiment et c’était une constatation plutôt douloureuse. Pour autant, Thea ne pouvait rien changer à l’influence d’Aurore Crimson. Elle peignait sans mal les serres qui enfermaient Ava dans sa cage, murmurant constamment près de son oreille. Il y avait bien des choses que Thea ne pouvait pas comprendre chez Ava-May Crimson, mais l’influence même inconscience qu’un parent pouvait avoir sur notre vie, même lorsqu’elle était néfaste, était une réalité tangible. Qui sait ce qu’il se passerait si sa propre génitrice devait réapparaître dans sa vie ? Qui sait quelles erreurs serait-elle capable de faire juste pour une seule fois avoir l’impression de faire les choses bien ?

Thea soupira. Elle glissa sa main dans celle de Clayton, peinant à imaginer toutes les nuances d’émotion qu’il devait ressentir à ce moment-là. Ils pouvaient bien le nier autant qu’ils le voulaient ou prétendre autre chose, le lien qui les unissait était bien plus fort que celui d’une petite amitié. Thea était persuadée que même alors qu’elle repoussait Clayton physiquement, il hantait son esprit. Peut-être était-ce pour cela qu’elle préférait trainer avec Priam. Lui aussi voulait faire taire les voix de son esprit, les souffrances de son passé. Il devait être une bonne compagnie : pas d’émotion, juste de la boisson. Le contraire ce que Clayton lui offrait : une tornade d’émotion à vif, des vociférations de sentiments balancés au visage. Il y avait quelque chose de beau mais aussi de douloureux à les voir ainsi. Deux étoiles se rapprochant à toute vitesse : allaient-elles créer un trou noir ou fusionner pour être lumineuses ?

« Moi aussi, Clay. Moi aussi. »

Et ces mots, aussi vrais qu’ils pouvaient l’être de la bouche de Thea ne semblait pas égaler d’un iota la puissance de ceux de Clayton.