Fanny arrive toujours en avance.

Par politesse. Par habitude. Parce que son père lui a appris à toujours être la première. Comme si arriver à l’heure était aussi une compétition qu’il fallait gagner.

Il est encore tôt, et le terrain d’entraînement couvert de brume invite surtout à retourner se blottir sous la couette. La jeune femme dépose son sac sur un banc et commence son échauffement en se retenant de frissonner. Tours de terrain. Pompes. Squats. Le casque déverse un flot continu de musique rock dans ses oreilles, l’empêchant de réfléchir ou de ressentir la douleur de l’effort physique.

Une bonne heure plus tard, les autres légionnaires commencent à arriver. Toujours pas de Priam en vue par contre. Elle le soupçonne de rester au lit jusqu’à la dernière minute, berçant tendrement une bouteille de vin bon marché. En attendant son professeur, elle bavarde avec les nouvelles recrues, qui l’entourent comme une couvée de poussins surexcités. Même après toutes ces années, être prise pour un modèle éveille toujours un sentiment désagréable d’imposture au creux de sa poitrine.

Le soulagement l’envahit lorsqu’elle aperçoit enfin la silhouette baraquée du maître d’armes, mais elle se garde bien de le montrer.

« Tu es en retard, Priam. »

Ma lèvre saignait abondamment et l'goût cuivré si caractéristique vint chatouiller mes narines, provoquant une légère grimace d'dégoût. Au prix d'un grand effort, j'me r'mets tant bien qu'mal sur mes guiboles encore fébriles. Des coups d'protestations m'parviennent de l'étage inférieur, signe que j'avais fais trop d'bruit. Cependant, et pour une fois, ce n'était pas causé par un cerveau embrumé d'alcool. Non, j'aurais préférais.

En posant les yeux sur l'miroir face à moi, j'découvre le résultat d'ma chute. Une lèvre fendue, un bel hématome sur l'front et l'visage aussi pâle qu'les miches d'Chioné en plein hiver. Cela faisait plusieurs années qu'j'avais remis les pieds sur la terre ferme et pourtant, il m'arrivait encore d'avoir ce foutu mal d'terre qui m'empêchait d'foutre un pied d'vant l'autre. Saloperie. Après avoir désinfecté ma plaie et stopper l'hémorragie, j'm'envoie un verre de whisky pour m'remettre d'aplomb.

C'est donc avec quelque minutes d'retard que je r'joins l'terrain d'entraînement où attendent déjà les légionnaires d'la 1ere cohorte. Nina m'salue d'un sourire à mon arrivé, Wren m'dévisage sans un mot. J'leur fais un topo rapide sur l'programme d'la séance avant d'fendre la foule des légionnaires. Au passage, Fanny m'interpelle et j'me contente d'lui adresser un grognement avant de donner mes consignes avec mon autorité habituelle.

"Aujourd'hui, attaque-défense. Mettez-vous par deux, les plus anciens mettez-vous avec les plus jeunes. Uniquement Pilum, gladius et scutum. Pas de couteaux, poignards, arcs ou haches.  On ne vise pas la tête, des rounds en 5 coups gagnants. Exécution !"