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I see it in your eyes | Alexis
 :: Camp Jupiter et Nouvelle-Rome :: Les alentours du Camp :: Le petit Tibre
Erwin Stamber
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C'était là qu'il viendrait, plus tard dans la journée, avec Alexis, si elle voulait bien l'accompagner. Si elle disait non, il ne viendrait pas. Ou peut-être que si, pour se morfondre tout seul, loin du monde. Est-ce qu'ils viendraient avant midi ? Juste après ? Au soir ? Etait-ce important ? Erwin décida que non. Si Alexis acceptait, elle choisirait le moment. Lui, ça lui importait bien peu. Ce qu'il voulait, c'était la retrouver.

Après l'expérience désastreuse de la Saint-Valentin, trois ou quarte jours s'étaient écoulés dans la même ambiance morose. Erwin et Alexis s'étaient vus plusieurs fois, avaient repris leur vie comme si tout était normal. Sauf que tout n'était pas normal. Erwin ignorait totalement ce qui se passait dans la tête d'Alexis, mais il avait bien assez à gérer avec ce qui se tramait dans la sienne. La culpabilité ne s'en allait pas. Elle était restée là, sous une forme légèrement différente, oui, mais toujours présente. Il se sentait idiot dès qu'Alexis adressait la parole à quelqu'un, il avait du mal à s'endormir pour peu que l'image de Solan ait traversé son esprit durant la journée. La désagréable idée de se faire remplacer était toujours tapie quelque part.

Il sentait bien qu'Alexis gardait, elle aussi, un souvenir particulier de cette journée. Il ne savait rien dans le détail, il le ressentait seulement. C'était des regards évités, des gestes maladroits, des mots coupés, des silences. Les silences, les pires. Ils n'offraient aucune porte de secours, ces silences, ils avalaient tout. Parfois, Erwin pouvait se convaincre qu'il imaginait, qu'Alexis était comme elle avait toujours été. Lorsqu'elle se taisait et que lui non plus ne savait rien dire, il ne pouvait pas douter : quelque chose n'allait pas.

Après ces quelques jours de malaise, Alexis s'en alla. Elle était partie à la Colonie pour "pas longtemps". Pas longtemps, ça pouvait être n'importe quoi. Erwin avait d'abord senti son coeur se tordre puis se serrer un peu plus heure après heure. Puis il avait essayé de se changer les idées. Il avait commencé à explorer les parties du camp qu'il ne connaissait pas encore. Le lac devenait le lieu de plus en plus de rencontres entre Romains, avec le retour des jours plus doux. Ce n'était pas ce qu'il fallait à Erwin. A défaut de lac, il avait donc élu domicile près du petit Tibre. L'eau ruisselante produisait une mélodie différente des vaguelettes du lac. Les roseaux qui s'agitaient le long des rives dansait autrement des arbres. Les oiseaux qui chantaient tout autour du cours d'eau n'étaient pas les mêmes que là-bas.

Il y avait sans doute tout autant de fréquentation près du petit Tibre, mais les sentiers étaient nombreux, le cours d'eau très long ; les gens ne se retrouvaient jamais au même endroit. Erwin avait apprécié immédiatement ce cadre qu'il n'avait encore jamais dessiné. Il avait arpenté les chemins de randonnée créés aux alentours, surtout ceux qui semblaient délaissés depuis un moment. Pourquoi étaient-ils abandonnés ? Avait-il fallu les remplacer ? Les remplacer...

Le premier jour, ce fut une découverte. Le second, ce fut un nouveau havre pour Erwin, une nouvelle issue pour ses pensées troublées. Le troisième jour, il décida d'appeler Alexis en message-iris. Elle ne parut pas particulièrement dérangée par cet appel, et elle avait l'air moins fatiguée. Le fils de Poseidon lui demanda simplement si elle savait quand elle rentrerait. Demain. Demain quand ? C'était une question qu'Erwin n'avait pas posée. Il ne voulait pas être trop insistant. Demain. Ça lui laissait du temps.

Erwin rentrait vers le baraquement. Il ne lui restait pas grand chose à installer. Il pourrait amener tout le reste dans un sac à dos, il ferait croire à Alexis que c'était une sorte de petite randonnée... Ou bien il trouverait une autre excuse. Peu importe. Il voulait juste la retrouver. La retrouver. S'excuser. C'était le seul moyen. S'excuser et s'expliquer. Oui, la Saint-Valentin y était pour quelque chose. Sans doute. Mais il était effectivement jaloux. Il n'y pouvait rien. Non, il n'aurait pas dû parler comme il l'avait fait, mais Solan... Non, il ne parlerait pas de Solan. Il ne dirait pas son nom tant que c'était possible. Il devait éviter. C'était lui, le coupable, c'était de lui qu'il devrait parler.

Il était au baraquement. Il n'y avait personne. Il était pourtant tôt encore. Tout le monde était occupé, à cette heure-ci ? Tant mieux, il ferait calme. Erwin n'avait plus grand chose à faire. Il fallait attendre Alexis. Elle n'était pas encore rentrée. L'attente fut longue. Le demi-dieu resta dans le fauteuil de la salle commune. Longtemps. Sans bouger. Sans penser - il ne valait mieux pas.

Un bruit, la porte. Celle du baraquement. L'autre, celle du dortoir des filles. Plus rien. Des froissements, des pas, très ténus. Erwin se leva du fauteuil et se dirigea vers le dortoir. Il ouvrit doucement la porte, tapa trois fois sur le cadre en bois. Elle était seule. Alexis se retourna. Il lui offrit un sourire timide. Etait-il de trop ? Etait-il invasif ? Etait-il insistant ? Ce n'était pas le moment pour les questions.

"Madame me ferait-elle l'honneur d'une promenade ?"

Leurs regards se croisèrent enfin. Son coeur se remit à battre.


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Re: I see it in your eyes | Alexis

Alexis passa le portail avec une moue boudeuse sur les lèvres. Elle avait envie de secouer Ian et lui demander pourquoi il était en retard, mais elle se contenta de le saluer d’un hochement de tête et de le remercier brièvement avant de s’engouffrer dans le Tunnel. Elle ne pouvait décemment pas blâmer Ian d’être en retard alors qu’il était la seule raison pour laquelle elle pouvait faire des allers-retours entre le Camp Jupiter et la Colonie des sang-mêlés en quelques secondes (et trois jours) seulement.

Alexis n’était pas agacée par ce retard parce que son séjour à la Colonie s’était mal passé. Non, il s’était déroulé de façon correcte. Elle avait rencontré Abi. Elle avait entraîné des jeunes. Elle avait revu certaines connaissances. Elle avait parlé un peu avec Chiron. Seul son bungalow était un point noir dans l’histoire mais elle n’y passait pas trop de temps. Elle se sentait toujours chez elle quand elle allait à la Colonie et les feux de camp du soir étaient toujours agréables à leur façon.

Alexis n’était pas non plus agacée par ce retard parce qu’elle devait voir Elliot et qu’il l’attendait pour récupérer ses ingrédients. Elliot n’avait rien de prévu en particulier, si ce n’était réviser, et il savait qu’elle ne l’avait pas oublié. De plus, voir son meilleur ami lui faisait toujours un bien fou. Pourtant, aujourd’hui, son esprit était ailleurs. Ils échangèrent quelques mots et elle fut soulagée quand il la congédia rapidement en parlant de ses examens.

Non, Alexis était agacée par une toute autre raison, une raison qu’elle ne contrôlait pas du tout. Erwin lui manquait. Terriblement. Irrévocablement. Elle s’était habituée à le voir tous les jours. À dormir avec, parfois. Elle l’avait quittée quelques jours plus tôt sur une note plus mitigée. Leur relation, depuis la Saint-Valentin, en avait pris un coup. Alexis ne pouvait s’empêcher d’éviter son regard quand ils étaient ensemble, trop effrayée à l’idée d’y revoir les mêmes émotions que lors du repas avec Solan. Pourtant, alors qu’elle s’était éloignée physiquement de lui, son cœur n’avait pu que hurler douloureusement.

Malgré tout, malgré les déboires de la Saint-Valentin, malgré son mal-être vis-à-vis de la jalousie d’Erwin, malgré tout, Alexis ne supportait pas d’être loin de lui. Elle se faisait donc une joie de rentrer au Camp Jupiter pour le voir. Mais Ian avait été en retard. Et elle devait passer voir Elliot. De ce fait, il était presque midi lorsque la fille d’Arès arriva dans le baraquement des grecs. Elle se glissa dans son dortoir pour y ranger ses quelques affaires, se demandant où pouvait bien être le fils de Poséidon.

Alors que ses pensées peinaient à tourner autour d’autre chose qu’Erwin, quelqu’un frappa discrètement à la porte. Le cœur battant, Alexis se retourna pour y découvrir Erwin. Erwin ! Alexis n’avait qu’une seule envie : lui sauter dessus. Le revoir déclencha un véritable raz-de-marée d’émotions. Elle était toujours gênée par ce qu’il s’était passé à la Saint-Valentin mais elle était si contente de le revoir ! Puisqu’elle n’osait cependant pas suivre ses instincts premiers, elle se contenta de rester immobile. Est-ce qu’elle lui avait manqué ? Est-ce qu’il avait réalisé qu’il était mieux sans elle après trois jours d’absence ?

« Madame me ferait-elle l'honneur d'une promenade ? »

Alexis releva enfin la tête, un sourire sincère sur les lèvres. Leurs regards se croisèrent et Alexis sentit son cœur s’emballer encore plus. Cette fois, son corps décida d’agir avant sa tête. Lentement, elle s’approcha d’Erwin et l’enlaça. Elle enfoui dans sa tête dans son cou et se délecta de sa chaleur, de son odeur. L’étreinte ne dura que quelques secondes avant qu’Alexis ne recule, un peu plus gênée que raison. Elle n’était pas très expressive sur ses émotions, d’habitude, et peut-être qu’Erwin n’aimerait pas ? Alexis retrouva une distance raisonnable entre eux et mis ses mains dans son dos.

« Avec plaisir. »

Son regard n’était pas fuyant mais ses joues rouges et son sourire timide trahissaient tous les mots qu’elle aurait aimé lui dire sans parvenir à les formuler : Tu m’as manqué ! On va où tu veux ! Je n’ai pas oublié la Saint-Valentin mais j’essaye, promis ! Me déteste pas !


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Re: I see it in your eyes | Alexis

La voir s'approcher, sentir ses bras l'entourer, enfouir son nez dans ses cheveux. Erwin eut l'impression que ces gestes dataient d'un autre temps, comme s'il n'avait plus eu droit à toutes ces sensations durant des années. L'espace d'un instant, l'idée de pouvoir être remplacé s'effaça totalement. Alexis l'aimait. Une telle douceur et une telle proximité venant d'elle ne permettaient aucun doute. L'étreinte ne dura pas. Pas assez pour Erwin, mais lorsqu'Alexis s'écarta, il se contenta de laisser ses doigts glisser le long de son dos, à contrecoeur.

"Avec plaisir."

Erwin pouvait lire la gêne d'Alexis sur tout son corps. Ses mains qu'elle cachait, qui étaient peut-être même en train de gratter son bras, ses joues, ses pieds qui s'agitaient dans ses chaussures... Mais elle avait dit oui. Le demi-dieu aurait aimé la serrer dans ses bras encore une fois, l'embrasser et la remercier d’être à nouveau là près de lui. Il afficha simplement un sourire, le seul de ses gestes qu'il n'avait pas su contrôler.

"Super ! Je t'attends dans le couloir, prends ton temps."

D'un geste du menton, Erwin désigna le sac à moitié vide qui reposait sagement sur le lit d'Alexis. Elle n'avait visiblement pas fini de ranger ses affaires et ils n'étaient plus à quelques minutes près. Le fils de Poseidon resta un instant immobile, savourant encore une fois l'image d'Alexis, puis il sortit du dortoir.

Lorsqu'Alexis sortit à son tour, le demi-dieu sentit son coeur battre. Est-ce qu'elle apprécierait ce qu'il avait préparé ? Oui, elle avait aimé la soirée à la plage. Sauf qu'ici, il n'y avait pas la plage. Finalement, le mystère restait entier et ça ne faisait que rendre Erwin un peu plus tendu. Il repassa en revue ce qu'il avait eu le temps de mettre dans son sac à dos. Hm, oui, il devait avoir tout pris. Alexis arriva à sa hauteur et il lut l'interrogation dans son regard. Elle n'avait pas besoin d'ouvrir la bouche pour demander où ils allaient. Erwin lui sourit, attrapa délicatement sa main et l'emmena avec lui.

Ils marchèrent un moment, longèrent le petit Tibre, traversèrent un pont, les restes d'un autre... Erwin savait exactement par où il devait aller. Alexis, quant à elle, regardait partout autour d'elle. Elle n'avait visiblement pas l'habitude de venir par ici. Le fils de Poseidon la guida sur des chemins de promenade, tantôt récents, tantôt si peu fréquentés que les roseaux de la rive s'étendaient par-dessus. Alexis lui lançait des regards interrogateurs et il s'amusait de ne rien lui dire. Après avoir marché un moment, le sang-mêlé indiqua un arbre à la fille d'Arès.

"C'est là-bas. On doit passer par ce petit chemin."

Joignant le geste à la parole, Erwin enjamba un bouquet de fougères et ses pas crissèrent sur un chemin en graviers dissimulé par de l'herbe et des fleurs sauvages, timides mais déjà présentes. Alexis le suivit et ils arrivèrent enfin devant le lieu qu'avait trouvé Erwin. C'était un petit abri pour randonneurs. A le voir, il ne devait pas avoir été fréquenté depuis quelques années. Néanmoins, il était toujours en suffisamment bon état pour s'y réfugier. C'était d'ailleurs ce qu'avait fait Erwin lorsqu'il l'avait déniché, il s'était protégé de la pluie qui lui était tombée dessus lors d'une de ses sorties. L'abri était entouré de l'arbre qui avait servi de repère et d'un espace sablonneux au milieu duquel un banc rond avait été installé. Erwin ouvrit la porte et mima une révérence.

"Madame, après vous."

Alexis franchit le seuil, une mine indéfinissable sur le visage. Erwin la suivit et alla vider une partie du contenu de son sac sur la table qu'il avait préparée tandis que la fille d'Arès faisait le tour du lieu. Il restait quelques poussière çà et là, le fils de Poseidon n'avait pas eu le temps de tout récurer de fond en comble. Il avait toutefois fait en sorte que l'endroit soit un minimum propre et confortable. Il n'y avait que deux pièces : un dortoir de trois lits et un espace salon-cuisine dans lequel se trouvait un tout petit frigo pas branché, deux plaques de cuisson, un évier, un divan qui avait vieilli et une table. Il y avait également un vieux poste de radio qui avait gentiment encouragé Erwin lors de ses expéditions de nettoyage.

Alexis était postée près de la fenêtre donnant sur le banc à l'extérieur. Erwin s'approcha et resta en retrait, regardant dehors par-dessus la tête de la demi-déesse.

"On peut faire un feu. On voit encore la trace au pied du banc."

En effet, la marque noire au sol ne pouvait être qu'un tas de cendres laissé sur le sol poudreux. Alexis se tourna vers le fils de Poseidon. Il lui expliquerait plus tard comment il s'était retrouvé dans cet endroit. Ce serait sans doute une histoire qu'elle trouverait amusante. Pour le moment, son ventre s'évertuait à lui rappeler que c'était l'heure de manger. Erwin leva un bol qu'il avait entre les mains et le présenta à Alexis. Ses yeux s'illuminèrent devant le bol rempli de tomates-cerises. Au moins une mission réussie.

"On peut s'installer là pour l'apéritif, si tu veux."

Il indiqua le coin qu'occupait le divan. Ce vieux fauteuil n'était clairement pas tentant. Un ressort avait percé le tissus et les accoudoirs étaient bien trop pelés pour avoir l'air confortables. Mais il y avait un amas de coussins au pied de ce divan, des coussins formant comme un nid moelleux n'attendant que quelqu'un pour s'y allonger.

"J'aurais voulu en prendre plus, mais j'ai laissé ceux des lits occupés. Heureusement qu'on est pas nombreux dans le dortoir. Je les rendrai ce soir. Et propres, promis."

Sans attendre de réponse d'Alexis, Erwin alla chercher les trois bols qu'il avait laissés sur la table et les déposa devant les coussins. Tomates-cerises, saucisson, chips et biscuits salés. Il avait évité de prendre du fromage. Eh oui, il fallait faire attention aux détails.


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Re: I see it in your eyes | Alexis

« Super ! Je t'attends dans le couloir, prends ton temps. »

Alexis regarda son sac avec une moue boudeuse alors qu’Erwin se glissait de nouveau dans le couloir. La fille d’Arès se rapprocha du tiroir où elle rangeait ses affaires et déversa tout simplement son sac dedans. Ses vêtements, propres comme sales, ses affaires de toilettes et même une dague, s’y glissèrent sans aucune distinction. Alexis regarda le tout avec un mine satisfaite puis tenta de refermer le tiroir. Elle dû s’y prendre à deux fois, afin de tout bien tasser, avant de sortir vraiment du dortoir.

Alexis tentait de prendre un air plutôt détaché mais elle ne pouvait que difficilement dissimuler l’interrogation qui brûlait dans ses yeux. Contrairement à elle, Erwin avait un talent inné pour l’organisation et les surprises – en tout cas, beaucoup plus qu’Alexis. Comme à son habitude, le fils de Poséidon répondit à ses interrogations par un silence complet. Il attrapa délicatement sa main et l’emmena à sa suite.

Alexis savoura la peau d’Erwin contre la sienne. Elle pouvait sentir son cœur s’emballer à ce simple contact alors qu’elle voulait bien plus. Elle voulait se blottir dans ses bras, elle voulait le serrer contre elle, elle voulait l’embrasser. Malgré tout, elle se contrôla et se contenta de suivre le fils de Poséidon alors qu’ils échangeaient quelques banalités sur les derniers jours à la Colonie et au Camp Jupiter. Même si tout restait superficiel, Alexis se délectait de retrouver Erwin. Elle aimait l’écouter. Elle aimait sa chaleur. Elle aimait son contact.

La fille d’Arès ne fit pas réellement attention à son environnement. Erwin la guidait le long du petit Tibre avant de finalement prendre des chemins qu’Alexis ne connaissait pas. Bien trop occupée par le planning de la Nouvelle-Rome et ses entraînements en temps libre, la fille d’Arès n’avait jamais pris le temps de partir à l’aventure – contrairement à Erwin, visiblement. Alexis comprit facilement qu’ils suivaient des sentiers – certains plus vieux que d’autres – empruntés par quelques férus de randonnée. Alexis elle-même éprouvait un plaisir non-dissimulé à se retrouver dans la nature. Elle aimait se sentir entourée d’arbres et de collines. Elle avait presque l’impression d’être à la maison.

« C'est là-bas. On doit passer par ce petit chemin. »  

Quel petit chemin ? avait envie de demander Alexis. Néanmoins, elle se laissa une nouvelle fois guider par Erwin, ayant une confiance aveugle en lui. Elle le suivit alors qu’il enjambait un bosquet et fut surprise de découvrir un petit chemin effacé par le temps. Çà et là, des fleurs sauvages se frayaient un chemin sur le sentier.

Erwin devant elle, l’attention de la fille d’Arès changea rapidement. Du sentier mystérieux, elle passa au dos d’Erwin qui la guidait. Alexis n’en avait soudainement plus rien à faire de cette randonnée improvisée : elle voulait simplement serrer Erwin dans ses bras. Encore. Jusqu’à que mort s’en suive. Plus ils avançaient, plus elle était affamée de ce contact dont elle se privait sans vraiment comprendre pourquoi.

« Madame, après vous. »

Alexis reporta enfin son attention sur son environnement, chassant le reste de ses pensées. Erwin la fixait avec un sourire enthousiaste alors qu’il tenait une porte et mimait une révérence. Alexis n’eut qu’à peine le temps de regarder autour d’elle avant de rentrer dans l’espèce de cabanon qui trônait devant elle.

Erwin se glissa à sa suite mais, à priori connaisseur des lieux, se dirigea directement vers une table alors qu’Alexis tournait limite sur elle-même. Ils étaient visiblement dans une sorte d’abri pour randonneurs, avec une petite chambre et un petit salon-cuisine. Le tout était à l’abandon depuis un moment à en juger par la rouille du lavabo ou les traces sur les fenêtres. Néanmoins, à part ces signes d’usure, le reste était plutôt propre. Pas une trace de poussière à l’horizon – en tout cas aux yeux d’Alexis.

Est-ce qu’Erwin avait tout organisé et rangé pour elle ? Évidemment. Alexis ne put s’empêcher de rougir à cette idée. Qu’est-ce qu’elle faisait pour lui, à part bouder parce qu’il était jaloux, pendant qu’il s’évertuait à organiser des surprises comme celles-là ? Alexis se sentait tellement stupide, maintenant. Dépitée par elle-même, la fille d’Arès se laissa choir sur une chaise bancale et perdit son regard sur l’extérieur qu’elle pouvait enfin observer. Cette cabane, la nature, l’environnement, tout lui rappelait chez elle. Après les événements des derniers mois, Alexis aurait presque pu en pleurer. Évidemment, si elle le faisait maintenant, Erwin risquerait de penser que sa surprise ne lui plaisait pas alors Alexis ravala ces quelques larmes malvenues.

« On peut faire un feu. On voit encore la trace au pied du banc. »

Résolue à ne pas montrer ses yeux qui pouvaient trahir ses émotions, Alexis chercha du regard le fameux pied du banc alors qu’elle n’avait qu’une seule envie : se retourner et enlacer Erwin. Le sentir si près et en même temps si loin lui rappelait avec douleur avant. Cependant, encore une fois, elle en était la cause principale alors que pouvait-elle faire à part prendre sur elle ?

Une fois sûre qu’elle avait retrouvé un visage qui ne laissait pas transparaître quoique ce soit de négatif, Alexis tourna de nouveau la tête vers Erwin qui lui servit son plus beau sourire – n’étaient-ils pas tous les plus beaux ? – avant qu’il ne lève un bol pour le présenter à Alexis. L’intrigue dans ses yeux fut vite remplacée par un enthousiasme non-dissimulé : des tomates cerises !!! Alexis avait envie de lui arracher les mains pour tout dévorer mais se fit violence pour ne pas le faire. Sois civilisée Alexis, à défaut d’être intéressante.

« On peut s'installer là pour l'apéritif, si tu veux. »

Alexis fronça les sourcils à la vue du canapé complètement défoncé mais se ravisa vite quand elle remarqua le sol qui était recouvert par quelques coussins. Alexis hésitait entre son envie d’embrasser Erwin et son envie de le secouer partout. Pooooourquoi tu penses à touuuut, laisse-moi être nuuuulle en paaaix.

« J'aurais voulu en prendre plus, mais j'ai laissé ceux des lits occupés. Heureusement qu'on est pas nombreux dans le dortoir. Je les rendrai ce soir. Et propres, promis. »

Alexis pouffa de rire malgré elle alors qu’Erwin se dirigeait vers la table où d’autres choses étaient entreposées.

« Tant que ce ne sont pas mes oreillers, tu sais, tu fais ce que tu veux. Je vais pas te dénoncer. »

Alexis haussa les épaules puis se glissa sur les coussins où l’attendait un festin. Saucisson, chips, biscuits, tomates cerises. L’estomac d’Alexis gargouilla de plaisir alors que la fille d’Arès prenait seulement connaissance de l’heure qu’il devait être. Elle décida cependant de ne pas céder tout de suite à l’appel de son ventre et tourna le regard vers Erwin.

« Une occasion en particulier pour ce repas ? »

Alexis glissa ses yeux vers les tomates cerises et se saisit d’une qu’elle fit rouler distraitement dans la paume de sa main. Une partie d’elle aurait aimé avoir l’air détendu, mais elle ne pouvait s’empêcher de sentir une pointe d’angoisse monter dans sa gorge. Est-ce qu’Erwin avait fait ça pour mieux lui dire que finalement, ils étaient mieux séparés qu’ensemble ? Cette simple idée noua l’estomac d’Alexis qui avait soudainement plus faim du tout.


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Re: I see it in your eyes | Alexis

Durant un instant, avec Alexis à côté de lui, Erwin eut l'impression que tout n'avait jamais cessé d’être parfait. Il se sentait bien près d'elle et il voulait par-dessus tout qu'elle se sente bien près de lui. Il espérait que ce moment ne s'écoulerait jamais, qu'il dure à l'infini.

"Tant que ce ne sont pas mes oreillers, tu sais, tu fais ce que tu veux. Je vais pas te dénoncer"

Ce fut à Erwin de rire. La fille d'Arès était désormais officiellement sa complice dans cet emprunt d'oreillers. Est-ce que cela annonçait le début d'une longue vie de criminel à deux ? Le regard d'Alexis se posa sur la nourriture et le fils de Poseidon vit dans ses yeux qu'elle mourait d'envie d'engloutir au moins la moitié des bols. Elle lui avait déjà prouvé qu'elle en était capable, elle n'avait pas à se gêner. Pourtant, elle ne bougeait presque pas. Erwin se servit comme si de rien n'était, se disant que ça l'encouragerait peut-être à se remplir le ventre avant qu'il émette les grognements dont il avait le secret. Finalement, la fille d'Arès se tourna vers lui tandis qu'il entamait un morceau de saucisson.

"Une occasion en particulier pour ce repas ?"

Erwin avala sa bouchée de charcuterie. Il observa quelques secondes Alexis qui jouait avec une petite tomate dans sa main. Elle n'avait pas l'air dans son assiette - Alexis, pas la tomate. Ce n'était pas dans ses habitudes de contempler ainsi un aliment qu'elle aurait pu manger sans attendre, encore moins une tomate-cerise.

"Envie de te retrouver."

Pas après ces quelques jours passés à la Colonie, non, c'était bien plus long que ça. Erwin voulait retrouver Alexis, la vraie, celle qui se jetait sur un bol apéritif sans rougir devant lui, celle qui parlait en marchant, celle qui ne se tenait pas à un mètre de lui dans un dortoir en se balançant d'un pied sur l'autre. Même s'il affichait un air serein, le demi-dieu avait la gorge un peu nouée. Il avait préparé quelque chose de spécial en espérant qu'Alexis se sentirait mieux dans ce contexte plutôt que dans une discussion sérieuse dans le couloir du baraquement. Mais est-ce qu'il ne risquait pas de briser l'atmosphère en abordant le sujet ? Et si Alexis s'en allait ? A cette idée, Erwin eut envie de agripper à elle, de serrer ses doigts dans les siens. Non, si elle partait, il ne ferait rien. Si elle partait, il n'allait pas, une nouvelle fois, agir à sa place.

Le silence n'était pas si pesant, pas encore. Mais il pouvait le devenir en un rien de temps, Erwin le savait. Il s'occupa d'une tomate comme pour se trouver une excuse. Il voulait mettre sa vie sur pause, attendre le bon moment sans que rien ne change d'ici là. Sauf que c'était impossible et Alexis était là, près de lui. Elle ne le regardait pas directement, mais il ne voulait pas prendre le risque de se plonger dans ses yeux et d'y lire des choses qu'il préférait ignorer. Il garda le regard rivé sur un petit noeud dans le bois du plancher, devant lui, à quelques centimètres de son pied. Il tournait et retournait le sujet dans sa tête mais il ne trouvait pas de scénario dans lequel la conversation l'évitait. Tant pis, il fallait bien se jeter à l'eau, lui qui adorait ça d'habitude.

"Disons que c'est un dédommagement. Tu sais, un repas de Saint-Valentin un peu en retard vu que l'autre était... pas terrible."

"Pas terrible", c'était tout ? Erwin sentit Alexis se tendre légèrement. Ses doigts s'étaient approchés de son bras et il décida de les envelopper de sa main avant qu'elle commence à se gratter. Il détestait ce geste. C'était le synonyme du malaise ou de la tristesse. Deux choses qu'il voulait à tout prix effacer de la vie d'Alexis. Elle n'enleva pas sa main. Elle ne protesta pas. Elle ne dit rien. Erwin ne savait pas s'il avait envie qu'elle parle, d'ailleurs. Le silence alourdissait cette boule qu'il avait dans le ventre, mais les mots qu'elle pouvait prononcer n'auraient aucun mal à être plus douloureux. Il fit glisser son pouce sur les doigts de la sang-mêlé.

"C'était la Saint-Valentin, c'était bizarre, mais ça fait pas tout. Je suis jaloux, Alexis. Je le sais mais je peux rien y faire. Je le serai toujours je crois, pas comme avec Solan, mais toujours quand même. Je suis vraiment désolé si je t'ai blessée ou si tu l'as mal pris. J'en avais pas l'intention, tu le sais. Tu le sais ?"

Une culpabilité bien plus grande rongeait Erwin. Il n'y avait plus pensé depuis qu'il avait ouvert son coeur à Alexis, mais l'image d'un glaive lui revint. Il avait déjà blessé la demi-déesse, peut-être qu'elle en avait encore le souvenir, elle aussi. Il voulait bien prier tous les dieux pour que ce ne soit pas le cas. La fille d'Arès hocha la tête presque timidement. Un léger poids s'envola des épaules d'Erwin.

"Je veux pas te posséder comme quelque chose. Tu es une personne, j'en suis parfaitement conscient, une personne formidable, belle et intelligente, qui sait se défendre, qui est pas très douée en dessin mais qui a assez de volonté pour essayer. Et surtout, qui a son propre avis. Je sais bien que si tu veux faire quelque chose, tu le feras, et je sais aussi que j'ai rien à dire sur tout ça."

Erwin se demandait comment ses pensées et son coeur pouvaient être aussi contradictoires. Solan avait raison, ce qui était fort désagréable à admettre, mais la jalousie était effectivement un défaut. Comment le fils de Poseidon pouvait-il à ce point respecter Alexis et ses choix tout en sentant une telle rage au fond de lui lorsque quelqu'un lui manifestait un peu trop d'attention ? Il lui faisait confiance, pourtant, entièrement confiance. C'était si difficile à exprimer. Elle ne comprendrait pas. S'il lui disait qu'elle avait sa confiance alors qu'il gardait cette peur de la voir partir, elle se dirait sûrement que ça n'avait aucun sens.

Erwin se tourna enfin vers Alexis. Il resserra doucement, tout doucement ses doigts autour des siens. Son autre main se rencontra une mèche perdue sur l'épaule de la fille d'Arès. Il l'entortilla machinalement autour de son index, la laissa retomber en tourbillon, glissa dans les cheveux, les quitta pour caresser la joue d'Alexis. Il approcha ses lèvres et effleura son front.

"Pourtant j'aime pas ça."

Ça. Les regards de Solan, les entraînements avec lui, les paroles, les gestes, les pensées qu'il pouvait avoir. Ou que d'autres pouvaient avoir aussi.

"Tu fais ce que tu veux, mais y a une seule chose que je voudrais t'interdire si je le pouvais."

Me remplace pas.

"Je t'aime."


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Re: I see it in your eyes | Alexis

« Envie de te retrouver. »

Il y avait dans ces mots des phrases qu’Erwin ne prononçait pas. Alexis sentait son estomac se tordre dans un angle douloureux. Alors qu’elle aurait dû se réjouir d’entendre Erwin lui dire ça, Alexis s’enfonça un peu plus dans ses propres angoisses. Elle sentait qu’il y avait un « mais » quelque part et elle n’était pas sûre de vouloir l’entendre. Alexis avait envie de lui dire « de se retrouver pour quoi ? » mais aucun son ne sortait de sa bouche. Elle se contenta de porter la tomate à sa bouche comme pour simuler que tout allait bien. Elle la mâcha lentement, recouvrant ainsi légèrement le goût amer qui lui inondait la bouche.

« Disons que c'est un dédommagement. Tu sais, un repas de Saint-Valentin un peu en retard vu que l'autre était... pas terrible. »

Alexis se mordit l’intérieur de la joue. Un maelstrom d’émotions la submergea complètement. La tomate qu’elle venait d’avaler menaçait de remonter alors que des souvenirs plus précis de la Saint-Valentin lui revenaient. Erwin qui bouillonnait. Erwin qui parlait à sa place. Erwin qui déversait son venin sur Solan. Erwin. Erwin. Erwin. Soudain, Alexis n’était plus dans la cabane. Elle était trop, trop loin. Elle ne voulait pas parler de ça.

Qu’est-ce qu’elle aurait pu lui dire ? Solan a raison, tu sais. C’était une Saint-Valentin de merde à cause de toi, tu sais. Rien que le fait de penser ces mots, Alexis en avait la nausée. Jamais elle ne pourrait dire ça. Pourtant, elle pensait ces mots. Alexis détestait penser ça. Elle détestait sentir la brûlure de ses propres pensées sur son cœur. Comment réagirait-elle si Erwin recommençait ? Encore ? Aurait-elle la force de prendre sa défense ? De baisser la tête pour acquiescer ? Alexis ne voulait pas en parler. Elle ne voulait pas en parler. Elle ne voulait pas parler. Elle ne voulait pas mettre des mots sur ce qu’elle avait vécu ou ce qu’elle avait ressenti. Elle détestait cette idée.

Erwin glissa ses doigts sur la main d’Alexis, ce qui la ramena à la réalité. Les mots, qui pourtant se formaient dans sa gorge, refusaient de sortir. Alexis refusait de parler. Est-ce qu’Erwin attendait quelque chose d’elle ? Il n’aurait probablement rien. Le silence ou bien des mots désagréables. Alexis se détestait. Elle n’était pas faite pour ce genre de relation. Elle était nulle. Incapable de communiquer. Incapable de parler. Si une simple crise de Saint-Valentin prenait de telles proportions, comment Alexis allait-elle gérer de véritables problèmes ? Elle en était incapable. Erwin devait le sentir. Et ce serait sûrement pour ça qu’il finirait par partir. Évidemment. L’idée serra le cœur d’Alexis douloureusement.

« C'était la Saint-Valentin, c'était bizarre, mais ça fait pas tout. Je suis jaloux, Alexis. Je le sais mais je peux rien y faire. Je le serai toujours je crois, pas comme avec Solan, mais toujours quand même. Je suis vraiment désolé si je t'ai blessée ou si tu l'as mal pris. J'en avais pas l'intention, tu le sais. Tu le sais ? »

Alexis hocha la tête plus par automatisme que par réelle conviction. Elle retourna les mots d’Erwin en boucle dans sa tête, incapable d’en saisir le sens. Est-ce qu’il se blâmait pour ce qui était arrivé ? Alexis se sentait soudainement drôlement soulagée. Il n’attendait pas qu’elle communique ! Il voulait simplement s’excuser ! Un poids énorme se souleva du cœur d’Alexis quand elle réalisa ça. Elle tâcha évidemment de ne pas le montrer. Erwin, contrairement à elle, semblait plutôt enclin à parler et n’en avait pas fini avec ses explications. Alexis garda donc le silence.

« Je veux pas te posséder comme quelque chose. Tu es une personne, j'en suis parfaitement conscient, une personne formidable, belle et intelligente, qui sait se défendre, qui est pas très douée en dessin mais qui a assez de volonté pour essayer. Et surtout, qui a son propre avis. Je sais bien que si tu veux faire quelque chose, tu le feras, et je sais aussi que j'ai rien à dire sur tout ça. »

Alors que la première partie soulageait Alexis – elle savait qu’Erwin ne la considérait pas comme sa chose et qu’il la considérait comme un être humain à part entière capable de réflexion et de prises de décisions autonomes, mais l’entendre de sa bouche avait quelque chose de rassurant – la deuxième partie la fit rougir jusqu’à la racine de ses cheveux. De ce fait, elle n’entendit que vaguement la fin de sa phrase qui se fit manger par les battements de son cœur qui résonnaient dans tout son crâne.

Erwin tourna la tête vers elle et Alexis tenta vaguement de croiser son regard. Délicatement, il resserra son étreinte autour de ses doigts et une douce chaleur enveloppa Alexis. Puis, Erwin glissa sa main sur joue d’Alexis qui se délectait de ce contact malgré toutes les émotions qui continuaient de faire fureur dans son corps. Les lèvres d’Erwin effleurèrent son front alors qu’Alexis aurait préféré qu’elles soient sur sa bouche.

« Pourtant, je n’aime pas ça. »

Cette phrase sortait comme un aveu à peine murmuré avec une insistance prononcé sur le ça. Alexis supposait qu’il parlait des actions de Solan et pas de Solan en lui-même – pitié qu’il ne parle pas de Solan en tant que personne – et n’ajouta rien. Cela semblait être assez douloureux pour lui de se l’avouer et de lui avouer, elle n’allait pas non plus enfoncer le couteau dans la plaie.

« Tu fais ce que tu veux, mais y a une seule chose que je voudrais t'interdire si je le pouvais. »

Quelques secondes de silence s’étirèrent entre les deux sang-mêlé sans qu’Erwin n’ajoute quoique ce soit d’autre. Alexis était partagé entre son envie de répondre que tout était contradictoire et son envie de savoir de quoi il parlait. Finalement, elle croisa son regard et comprit qu’il n’en dirait pas plus. Elle n’était pas bien sûre de comprendre où il voulait en venir puisqu’elle avait l’impression d’y voir un écho de ce qu’elle ressentait elle-même. Ne pars pas. Pourquoi Erwin aurait-elle peur qu’elle s’en aille ? Ça ne faisait aucun sens.

« Je t’aime. »

Les mots, telle une onde de choc, se propagèrent dans le corps d’Alexis qui ferma les yeux pour mieux les apprécier. Un frisson de plaisir lui remonta le long du dos alors que les lèvres d’Erwin étaient toujours posées contre son front. Délicatement, doucement, Alexis glissa ses mains autour du visage d’Erwin pour redescendre son visage au niveau du sien. Elle plongea son regard dans le sien, lui soufflant un je t’aime aussi muet avant de refermer les yeux au moment où ses lèvres rencontrèrent les siennes.

Alexis était habituée à des baisers plutôt courts, souvent à la dérobée, avec Erwin. Pourtant, celui-ci se fit rapidement un peu plus intense, un peu plus fort. Peut-être était-ce à cause de ces derniers jours passés à ruminer ou à s’éviter, mais Alexis sentait son corps s’embraser au contact d’Erwin. Elle laissa ses doigts courir le long de son visage, de sa nuque, avant de se perdre dans ses cheveux. Bientôt, le corps d’Erwin se retrouva un plus pressé contre le sien alors qu’elle tombait presque en arrière. Puis la réalité lui revint alors que le sol froid de la cabane rencontra sa main qu’elle venait de poser pour éviter de complètement tomber en arrière. Ils étaient seuls. Dans une cabane isolée. Le baiser se stoppa alors qu’Alexis, légèrement essoufflée, piquait de nouveau un phare.

Erwin recula tout aussitôt et Alexis se redressa, les yeux rivés sur la table. Elle enfourna facilement deux ou trois tomates cerises dans sa bouche avant de daigner reposer les yeux sur Erwin. Elle se racla alors la gorge, décidée à faire comme s’il ne s’était pas passé grand-chose.

« Avec des tomates cerises, on peut plus facilement oublier le reste alors bon… Je suppose que c’est ok. »


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Re: I see it in your eyes | Alexis

Dans le silence et l'immobilité, Erwin n'entendait que les battements de son coeur. Les mains d'Alexis s'invitèrent alors sur sa peau et il se laissa faire lorsqu'elle attira son visage vers le sien. Le regard d'Alexis, ses yeux disaient tout et bien plus encore. Il vécut le contact de leurs lèvres comme au ralenti. Il s'attendait à sentir la bouche d'Alexis s'éloigner de la sienne aussi vite qu'elle s'y était déposée. Il n'en fut rien. La pression se fit plus forte. Alexis serrait Erwin contre elle de plus en plus fort. Le demi-dieu ne la sentit pas basculer en arrière, l'espace n'existait plus, il n'y avait que cette sensation de douceur et d'ardeur mélangées. Tandis que les mains d'Alexis couraient dans ses cheveux, les siennes se mirent à glisser sur sa nuque, dans son dos, sur sa taille.

Puis il y eut comme un léger choc. Erwin sentit à contrecoeur les lèvres d'Alexis quitter les siennes et le ramener au temps présent. C'est à ce moment qu'il se rendit compte de la situation. La fille d'Arès se redressa et s'écarta, les joues écarlates. Le fils de Poseidon devait être tout aussi rouge qu'elle. Le souffle court, les idées encore embrouillées et le coeur battant à tout rompre, il garda les yeux rivés sur Alexis. Son parfum tournait toujours autour de lui. Une folle envie de l'embrasser à nouveau lui enflammait l'estomac. Mais s'il n'y avait qu'une seule image pouvant définir une Alexis mal à l'aise, c'était bien celle-là. Au moins, elle semblait avoir retrouvé l'appétit, enfournant tomate-cerise sur tomate-cerise.

"Avec des tomates-cerises, on peut plus facilement oublier le reste alors bon… Je suppose que c'est ok."

"Le reste". Est-ce qu'Alexis parlait de la Saint-Valentin ? De ce qu'Erwin venait de lui dire à ce propos ? De ce qu'il venait de se passer ? Le demi-dieu se sentit mal à l'aise durant un instant, lui aussi. Il ne dit rien, grappilla une tomate comme Alexis. Et il finit par se dire que peu importait ce que la sang-mêlé appelait "le reste", elle était de bonne humeur et ne paraissait plus si gênée qu'avant. Erwin se pencha vers la fille d'Arès et l'embrassa, tout doucement cette fois, durant un infime instant. Il ne s'était pas attendu à ce qu'elle dise quelque chose. Il savait qu'elle ne parlait pas toujours, c'était sa marque de fabrique. C'était parfois frustrant, mais il s'y était habitué et tentait de comprendre ses silences. De tout façon, à force de manger chacun à leur tour, les bols se vidèrent relativement vite sans qu'aucun ne parle.

Toujours sans rien dire, Erwin se leva et ramassa les bols pour aller les mettre directement dans l'évier à défaut d'autre place. Il jeta un oeil en direction du saladier qu'il avait laissé sous cellophane dans le coin le plus frais de l'espace cuisine avant de retourner au baraquement chercher Alexis. Il aurait pu penser à rebrancher le frigo, mais la prise électrique au bas du mur ne lui inspirait vraiment pas confiance, il avait préféré prendre le risque que son plat soit un poil trop tiède que celui de mourir électrocuté dans un abri abandonné. Il se tourna vers Alexis. Elle regardait ailleurs, les yeux occupés par quelque chose d'invisible à l'autre bout de la pièce. Erwin en profita pour soulever le film du saladier. Ça allait, ça n'avait pas l'air si catastrophique. Peut-être que ce serait même bon. Heureusement qu'il n'avait pas mis de saumon comme il avait hésité à le faire plus tôt. De tous les ingrédients, c'était celui qui aurait le plus souffert de la température, bien que l'hiver ne soit pas encore parti.

En deux temps, trois mouvements, Erwin attrapa des assiettes dans une armoire et les déposa sur la table, puis fit de même avec le reste des couverts. Alexis le regarda faire avec une étincelle de curiosité dans les yeux. Il dressa la table comme s'il l'avait fait chaque jour de sa vie. Il amena ensuite le plat qui prenait une proportion démesurée au milieu de cette table pas si grande que ça. Les yeux d'Alexis se tintèrent alors d'une nouvelle lueur, ce qui fit sourire Erwin.

"C'est pas si imposant que tu le crois. C'est juste une salade de pâtes. Tomates, poivrons, mozzarella, huile et basilic, entre autres. Et des pignons de pin aussi. Parce que c'est bon."

Dans une nouvelle révérence exagérée, le fils de Poseidon tira la chaise d'Alexis et l'invita à s'asseoir, ce qui parut amuser la demi-déesse autant qu'elle avait l'air affamée. Erwin ne s'assit pas tout de suite, il alla d'abord remplir une carafe d'eau - puisqu'il n'y avait pas grand chose d'autre dans cet endroit - puis il attrapa deux serviettes qui attendaient sagement leur tour sur un rebord de meuble. Il finit par sortir d'un placard une boite d'allumettes et trois bougies qu'il montra à Alexis.

"Je les allume ou ça fait trop formel, milady ?"

Il regretta assez vite sa question. Il n'était même pas sûr que les allumettes n'avaient pas pris l'humidité et, si c'était le cas, ce n'était pas lui qui pourrait y remédier.


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Re: I see it in your eyes | Alexis

Alexis pouvait sentir que ses joues, même si elles étaient moins rouges, continuaient de chauffer. Le fait qu’elle se repasse la scène en boucle n’aidait pas. Qu’est-ce qui avait bien pu lui prendre ? Alexis avait envie de se taper la tête contre un mur. Et si Erwin avait voulu bien plus ? Et si elle avait dû les forcer à s’arrêter plus tard ? Alexis avait l’impression que son cerveau allait exploser. Elle devrait peut-être lui en parler. Lui parler de ce qu’elle ne voulait pas avant qu’il ne l’apprenne de lui-même. Et s’il ne le supportait pas ? Et s’il préférait aller avec quelqu’un d’autre ? Alexis pouvait le concevoir, mais douloureusement. Était-ce pour cette raison qu’il était maintenant silencieux ? Lui qui d’habitude comblait les blancs d’Alexis en faisant la conversation pour deux ? Alexis en avait presque la tête qui tourne. Est-ce qu’il avait compris, par ce simple rejet, qu’il n’obtiendrait sûrement jamais satisfaction de la part d’Alexis ? La fille d’Arès avait envie de creuser un trou et de s’y enfoncer. Avec un peu de chance, personne ne la retrouverait et elle pourrait tranquillement mourir de honte.

Afin de faire taire les voix qui dansaient dans sa tête, Alexis s’empiffra de chips. De cette façon, les bruits dans sa bouche comblaient ceux dans sa tête. Bientôt, les bols se vidèrent. Le silence devenait assourdissant pour Alexis. Pourquoi Erwin ne parlait plus ? Pourquoi préférait-il soudainement le silence au reste ? Elle n’aurait jamais dû l’embrasser. Pas comme ça. Pas ici. Alexis se détestait. Encore plus que d’habitude, évidemment.

Finalement, Erwin se leva. Toujours silencieusement. Il lui tourna le dos alors qu’il déposait les bols dans l’évier. Il lui tournait toujours le dos lorsqu’il trifouillait sur le plan de travail. Alexis, quant à elle, devait se faire violence pour ne pas se recroqueviller en boule aux pieds du canapé pour continuer de se flageller mentalement. Vilaine Alexis, tu mérites tout ce que tu as, tu l’as cherché, vile manante. Le tout accompagné de quelques injures en suédois, évidemment.

Alexis regarda Erwin s’agiter et en oublia, quelques instants, le reste. Qu’est-ce qu’il faisait ? Il se déplaçait dans cette cabane comme s’il s’agissait de sa propre demeure. Il aurait pu avoir les yeux bandés qu’Alexis n’en aurait même pas été surprise. Peut-être qu’il était tout simplement habitué aux lieux. Peut-être qu’il invitait souvent des gens ici. D’autres personnes qui ne le repoussaient pas quand ils s’embrassaient fougueusement sur un lit d’oreiller. La simple idée donna la nausée à Alexis, mais lorsque son cerveau lui ajouta des images… Les chips eurent bien du mal à ne pas retourner dans le bol.

Erwin capta à nouveau l’attention d’Alexis alors qu’il portait un énorme plat sur la table. Intriguée, Alexis se redressa – quittant ainsi les coussins du péché – pour voir de plus près ce qui se tramait sur cette table. Le regard d’Alexis passa du plat à Erwin, et inversement, ce qui sembla amuser ce dernier. Lorsque le visage du fils de Poséidon fut teinté d’un sourire amusé, Alexis se sentit soulagée. Il ne la détestait pas ! Ou en tout cas, pas dans l’immédiat. Alexis lui rendit donc son sourire avec un peu trop d’entrain – tant pis, elle mettrait ça sur le compte de la nourriture.

« C'est pas si imposant que tu le crois. C'est juste une salade de pâtes. Tomates, poivrons, mozzarella, huile et basilic, entre autres. Et des pignons de pin aussi. Parce que c'est bon. »

Oh il pouvait bien y avoir n’importe quoi dans cette salade, le simple fait qu’Erwin l’ait pour elle la fit rougir de plaisir. Puis son estomac gargouilla en cœur alors qu’Erwin tirait une chaise pour qu’Alexis s’assoit – pratique un peu bizarre du point de vue d’Alexis mais elle n’allait pas faire de commentaire, se contentant simplement de rentrer dans son jeu avec un sourire amusé sur les lèvres.

Alexis, au lieu de se perdre de nouveau dans ses horribles pensées, se concentra sur Erwin alors qu’il recommença sa petite danse dans le logis de fortune. Le menton reposé sur ses mains, Alexis ne le lâchait pas des yeux alors qu’il remplissait une carafe d’eau, attrapait des serviettes et fouillait dans un placard. Enfin, se tourna dans sa direction en lui montrant trois bougies et des allumettes.

« Je les allume ou ça fait trop formel, milady ? »

Alexis recula un peu plus sur sa chaise, un sourire toujours amusé sur les lèvres. Elle n’était pas vraiment habituée à ce genre de mise en scène, ou de rendez-vous ou de quoique ce soit. Est-ce que les bougies feraient de trop ? Évidemment que oui. Mai,s si Erwin y tenait particulièrement ? Et si ce n’était pas de trop pour lui ? Alexis était tiraillée. Elle ne voulait pas non plus ruiner tous les efforts d’Erwin. Après un court silence, deux ou trois secondes tout au plus, Alexis finit par lui répondre :

« Ça dépend, est-ce que tu veux prendre le risque que l’intégralité de ta cabane prenne feu ? »

Erwin sembla analyser un moment la phrase d’Alexis avant de finalement reposer les allumettes et les bougies. Est-ce qu’il était déçu ? Est-ce qu’il lui en voulait ? Alexis se mordit la lèvre alors qu’Erwin lui tournait le dos. Elle bougea les lèvres pour s’insulter silencieusement puis, lorsqu’Erwin reporta son attention sur elle, elle tenta de retrouver un visage normal :

« Enfin, après, tu fais ce que tu veux. Je peux faire attention. À pas brûler la cabane. Je suppose que ça devrait pas être dur. Si je garde genre, les bras le long de mon corps. Enfin, sauf pour manger. Tu peux les mettre à côté de toi sinon. Ou pas. Enfin bref. Elles sont rangées. Donc peu importe. Tu t’assoies pour manger ? Ou euh, tu préfères… attendre ? »

Pourquoi Alexis éprouvait soudainement le besoin de parler autant ? Pour combler les silences d’Erwin ? Pourquoi était-elle si nulle dans ce genre de situation ? Elle était pathétique.


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Re: I see it in your eyes | Alexis

Alexis parut amusée, bien que toujours pas le plus à l'aise possible. Erwin était content d'avoir au moins l'impression de réussir à lui changer les idées. Elle parut pourtant ne pas savoir quoi répondre durant quelques secondes.

"Ça dépend, est-ce que tu veux prendre le risque que l’intégralité de ta cabane prenne feu ?"

Le fils de Poseidon se rappela non sans un sourire à quel point Alexis pouvait être maladroite. Il n'était pas mal non plus, dans le genre, mais elle battait définitivement son record. La revoir avec de la peinture bleue dans les cheveux était amusant. Et étrangement irrésistible aussi. En revanche, il y avait une différence entre renverser un peu de peinture et incendier une cabane. Erwin n'était pas prêt à prendre ce risque. Surtout qu'il lui donnait une excuse pour ne pas se retrouver dans la situation tant redoutée des allumettes mouillées. Il déposa les bougies et la boite là où il les avait prises, une pointe de soulagement détendant son corps.

"Enfin, après, tu fais ce que tu veux. Je peux faire attention. À pas brûler la cabane. Je suppose que ça devrait pas être dur. Si je garde genre, les bras le long de mon corps. Enfin, sauf pour manger. Tu peux les mettre à côté de toi sinon. Ou pas. Enfin bref. Elles sont rangées. Donc peu importe. Tu t'assoies pour manger ? Ou euh, tu préfères… attendre ?"

Erwin ouvrit des yeux étonnés devant une Alexis aussi bavarde. C'était de loin son plus long discours des derniers jours. Est-ce que c'était bon signe ? Le demi-dieu ne savait trop quoi penser. La fille d'Arès avait toujours l'air aussi peu détendue, sa tirade ne devait pas être un signe de confort. Erwin se mordit l'intérieur de la joue. Peut-être qu'elle était quand même gênée de se retrouver avec lui dans un tel contexte alors qu'ils ne s'étaient pas vu durant plusieurs jours.

Le fils de Poseidon tira sa propre chaise pour prendre place à table. Mais il ne s'assit pas. Il se pencha vers Alexis. Ses doigts glissèrent rapidement sur sa joue, relevèrent son menton et il l'embrassa. Doucement. Brièvement. Leurs lèvres se séparèrent, mais leurs visages restèrent tout aussi proches. Erwin souriait tendrement.

"Ce que je veux, c'est que tu profites sans te poser de questions."

Il s'assit.

"Ou que tu me dises clairement que c'est mauvais. Auquel cas j'ai un plan B."

Il crut percevoir un relâchement dans les épaules d'Alexis. Mais peut-être qu'il avait simplement vu ce qu'il voulait voir. Si la fille d'Arès se prenait trop la tête, lui essaierait de ne pas en faire autant. Il pouvait l'éviter pour le moment, et être deux à se ronger les nerfs ne ferait qu'empirer les choses.

Pendant le repas, ils ne parlèrent pas beaucoup, mais ils parlèrent. Alexis raconta quelques anecdotes de ces derniers jours, donna des nouvelles de la Colonie. Erwin expliqua comment il était tombé sur ce cabanon en mauvais état. Il ne parla pas de tout ce qu'il avait fait pour que le lieu paraisse propre ni de tout ce qu'il restait à faire, comme trouver un moyen de rendre la prise du frigo moins dangereuse. Le récit de sa petite randonnée interrompue par la pluie semblait suffire à Alexis. Pourtant, même si les deux  demi-dieux discutaient, l'atmosphère n'était pas totalement détendue. Erwin fixa Alexis droit dans les yeux.

"Alexis, tout va bien ?"


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Re: I see it in your eyes | Alexis

Alexis se délectait des lèvres d’Erwin, même lors d’un contact aussi fugace. L’espace d’un instant, il n’y avait plus de doute, plus d’angoisse, il n’y avait qu’Erwin et rien d’autre. Le baiser fut interrompu mais leurs visages étaient toujours si près qu’Alexis pouvait se noyer dans son regard. Lorsqu’Erwin lui sourit, Alexis eut l’impression que son cœur allait s’arracher de sa poitrine. Pourtant, contrairement à d’habitude, rien n’était douloureux. Tout était doux.

« Ce que je veux, c'est que tu profites sans te poser de questions. Erwin s’assit. Ou que tu me dises clairement que c'est mauvais. Auquel cas j'ai un plan B. »

Alexis sourit à son tour. Elle se sentait mieux – tout du moins pour le moment. Erwin avait raison, Alexis n’était pas là pour se prendre la tête. Le fils de Poséidon avait fait de son mieux pour préparer ce repas, il lui avait ouvert son cœur et s’était excusé alors qu’Alexis continuait de ressasser des angoisses qui ne faisaient aucun sens. Même si elle ne pouvait définitivement pas faire taire la voix qui continuait de murmurer dans un coin de sa tête, Alexis pouvait au moins décider de l’ignorer pour le moment.

Pendant le repas, Erwin se remit à parler. Il lui raconta comment il avait trouvé la cabane, comment il avait été surpris par la pluie lors d’une randonnée improvisée pour finir par trouver refuge ici. Il parla de choses et d’autres alors qu’Alexis lui racontait sa rencontre avec Abigail et lui donna des nouvelles d’Elliot. Le silence revenait de temps en temps, mais il n’était plus aussi lourd qu’avant ce qui offrit à Alexis un peu de répit.

La fille d’Arès observa le cabanon avec plus d’attention. Dans ses propos, Erwin avait parlé d’un endroit abandonné et pourtant, à cet instant, il n’avait pas l’air de l’être plus que ça. Combien de temps Erwin avait-il passé à nettoyer et ranger alors qu’Alexis continuait de le fuir et de broyer du noir ? Soudain, la voix qui avait presque été réduite au silence revint au galop et Alexis sentit son estomac se tordre. Pourquoi ne pouvait-elle pas apprécier les choses tout simplement ?

« Alexis, tout va bien ? »

Le regard d’Alexis passa du frigo à Erwin. Est-ce qu’elle était à ce point pathétique pour qu’Erwin lui fasse remarquer ? La fille d’Arès se mordit l’intérieur de la joue, se faisant violence pour ne pas laisser ses doigts s’agiter contre sa peau. Une partie d’elle aurait voulu sourire et mentir. Oui tout va bien, pourquoi ça irait pas ? Mais elle avait toujours été une piètre menteuse, surtout devant les gens qui savaient l’observer – ce qui faisait précisément Erwin à cet instant. Elle tenta alors vaguement de changer de sujet :

« En général ou à cet instant précis ? Parce qu’en général ça va. Je veux dire, pourquoi ça irait pas ? J’ai des entraînements souvent et c’est génial. Mes partenaires de combat sont fabuleux. Et j’apprend à gérer mes pouvoirs. Qui sont fabuleux aussi ! Après tout, rien ne me définit mieux que la destruction alors bon. Arès a su me donner les clés en main pour réussir dans la vie, ça c’est sûr. Mais bon, c’est pas grave, c’est pas comme si je savais pas détruire les choses par moi-même, ahaha. Comme ta cabane, si y’avait eu des bougies ! Ou notre relation parce que je serai jamais à ton niveau et que je suis complètement nulle pour ça et que je serai jamais tenir le rythme et que je vais tout ruiner, mais j’peux pas accuser Arès à chaque fois donc je suppose que mes pouvoirs sont juste le reflet de ma propre personne alors bon. »

À mesure qu’Alexis avait parlé, elle avait tellement accéléré le flot qu’elle-même n’était pas sûre d’avoir prononcé tous les mots dans le bon ordre ou d’avoir parlé en anglais tout le long. Réalisant soudainement tout ce qu’elle venait de dire, Alexis écarquilla les yeux. Peut-être qu’elle avait trop parlé ? Trop dit ? Pourquoi s’était-elle soudainement ouvert à ce point ? Alexis laissa tomber sa tête contre la table.

« Pardon. Oui ça va, merci et toi ? »

Alexis était partagée entre « woa, ça fait du bien de parler en fait ! J’aurai dû essayer depuis longtemps, j’en avais des choses à dire en fait ! » et « pourquoi il faut que j’ouvre la bouche putaaaain, je vis très bien sans parler. » Quant à savoir quelle émotion allait prendre le dessus sur l’autre, ça dépendrait uniquement de la réaction d’Erwin…


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